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Aspects immunologiques du rejet d’implants dentaire

Milad Baseri

Milad Baseri

jeu. 3 juin 2021

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Aujourd’hui, les implants dentaires représentent une approche thérapeutique largement adoptée par les chirurgiens-dentistes, pour remplacer les dents manquantes. Mais l’échec des traitements implantaires a aussi pris une dimension importante. Les facteurs responsables de cet échec sont bien connus et se répartissent en plusieurs groupes. Le but de cet article est d’en examiner l’un d’eux : les aspects immunologiques. Les cytokines et les cellules immunitaires ont des fonctions nombreuses et variées dans la péri-implantite. L’équilibre entre cytokines pro-inflammatoires, cytokines anti-inflammatoires et autres cellules intervenant dans ce mécanisme, joue un rôle majeur dans le pronostic des implants. Succinctement, les cellules immunitaires, particulièrement les macrophages et les cellules dendritiques, sont généralement en plus grand nombre chez les patients présentant un échec du traitement implantaire. Les cytokines pro-inflammatoires augmentent également dans les cas de perte d’implant dentaire et apparaissent donc comme de bons marqueurs diagnostiques.

1. Introduction

Les implants dentaires sont devenus d’usage courant pour remplacer des dents. Néanmoins, même si des progrès énormes ont été accomplis dans les matériaux utilisés, les techniques et la conception, l’échec des implants dentaires demeure une préoccupation majeure des praticiens et des patients.1, 2 Par définition, un implant est « une greffe fermement ou profondément ancrée dans l’os alvéolaire », et il sert à remplacer des dents unitaires, dans des arcades partiellement ou entièrement édentées.3 Un échec se traduit en termes de pronostic sombre si l’implant présente une mobilité, une fracture, une dégradation continue du support osseux, ou une perte osseuse qui s’étend aux structures anatomiques vitales, et même une mauvaise adéquation au type de restauration.4 De nombreux facteurs interviennent dans l’échec du traitement implantaire, notamment le développement d’une péri-implantite, un défaut d’ostéo-intégration et la survenue d’une fracture. Un traumatisme chirurgical, des micromouvements, une charge excessive, les antécédents médicaux, le tabagisme, un modèle inadapté de l’implant, une sélection inappropriée du patient, la responsabilité de l’équipe dentaire, une accumulation de la plaque bactérienne liée à une mauvaise hygiène bucco-dentaire, une prothèse inadéquate, une accumulation de débris, et une préparation de l’os sans refroidissement, peuvent également représenter des causes d’échec 4–7 (Fig. 1).

La longévité des implants dentaires dépend du degré d’intégration de l’implant dans les tissus durs et mous.4 La réussite des implants comme remplacement des dents est sous-tendue par le degré d’ostéointégration, le « processus par lequel une fixation rigide d’un matériau alloplastique est obtenue et maintenue dans l’os alvéolaire pendant la mise en charge fonctionnelle ».8 L’ostéo-intégration dépend elle-même du mécanisme dynamique d’ostéogenèse, qui se produit à l’interface de l’implant à la suite de réactions inflammatoires complexes, telles que l’apposition et la résorption osseuse, la neurogenèse et l’angiogenèse.9 Les réponses immunitaires et inflammatoires requièrent la mobilisation de phénomènes biochimiques actifs, permettant le rétablissement de l’homéostasie, et de là, l’ostéo-intégration de l’implant.10 La réponse immunitaire implique certains médiateurs essentiels tels que les cytokines, des protéines solubles produites par différents types de cellules immunocompétentes, dont la fonction est d’établir des échanges intercellulaires à distance.11 Jusqu’à présent, plusieurs études immunologiques ont été réalisées sur le rejet des implants et des modifications de l’environnement péri-implantaire.

La présente étude visait à évaluer les médiateurs immunologiques de l’échec des implants dentaires par une approche nouvelle et très complète. Les réponses immunologiques y ont été analysées sous trois aspects : cellulaire, humoral et allergique. Cette distinction s’appuie sur les différences fondamentales existant entre les mécanismes de chaque aspect. L’immunité cellulaire et l’immunité humorale sont les composantes principales du système immunitaire, et l’allergie représente une réponse nécessitant l’activation des deux composantes. C’est pourquoi elles sont classées séparément. Vu notre connaissance du domaine, nous n’avons pas cherché à approfondir ce sujet. Notre principal souci était de présenter un protocole directeur aux chirurgiens-dentistes du monde entier, pour leur permettre d’accroître les taux de réussite des traitements implantaires.

2. Immunité cellulaire

Deux facteurs largement responsables de la péri-implantite sont la mauvaise ostéointégration et l’inflammation chronique.12 Le recrutement sur le site des cellules immunitaires constitue un aspect important de la réponse immunitaire qui affecte énormément la biocompatibilité et la fonction des implants dentaires, et peut mener à l’échec.13, 14 Déclenchée par la lésion initiale du tissu péri-implantaire, la réaction inflammatoire met en jeu les cellules de l’immunité innée, notamment les macrophages, les cellules dendritiques (CD), les mastocytes et les neutrophiles. Les macrophages sont les principales cellules de la réponse immunitaire innée contre les implants. Dès l’exposition de l’organisme au matériau implantaire, les phagocytes primaires qui sont activés au début de l’inflammation sont les macrophages.15 Ils ont une fonction essentielle dans l’ostéo-intégration des implants chez l’hôte, et déterminent leur évolution dans le temps.16, 17 Les macrophages libèrent des cytokines, notamment l’interleukine-1 (IL-1) et le facteur de nécrose tumorale alpha (TNF Ơ,) qui activent les processus ostéolytiques et inflammatoires de la péri-implantite.18 Lorsque des corps étrangers tels que des implants dentaires sont introduits dans les tissus, les macrophages jouent un double rôle en modulant la réponse inflammatoire (macrophages M1), ou la réponse anti-inflammatoire (macrophages M2).19 Selon Fretwurst et al., les macrophages M1 sont dominants chez les patients atteints de péri-implantite.20 Wang et al. ont en outre démontré une corrélation entre la perte osseuse péri-implantaire et la présence de macrophages M1 dans un modèle murin.21 Dans une autre étude sur le rejet d’implants, les chercheurs ont conclu à un lien entre les macrophages et la formation de tissu de granulation, après avoir trouvé des particules de titane dans le cytoplasme des macrophages présents dans ce type de tissu.22 Parallèlement, de nombreuses études ont indiqué que la présence de macrophages M2 dans le tissu périimplantaire est liée à une réduction de l’inflammation, une amélioration de la cicatrisation, et au bout du compte à la réussite de l’ostéo-intégration des implants.23–25 Selon Chehroudi et al., l’amélioration du processus d’ostéo-intégration des implants est liée à la formation d’un nouvel os résultant de l’accumulation des macrophages.26 En conclusion, les macrophages pourraient avoir un double rôle menant soit à l’échec, soit à la réussite des implants. Alors que les macrophages M2 pourraient favoriser l’ostéo-intégration et la cicatrisation, les macrophages M1 sont susceptibles d’exacerber le processus inflammatoire et d’accélérer l’ostéolyse, débouchant sur l’échec des implants dentaires.
Les cellules dendritiques (CD) sont les principales cellules présentatrices d’antigène qui interviennent dans l’activation des lymphocytes T naïfs et la coordination de la réponse immunitaire. Elles abondent à l’interface entre le système immunitaire et la physiologie osseuse.27 Gooty et al. ont rapporté que le nombre de CD (exprimant le facteur XIII) trouvé dans l’épithélium et le chorion (ou lamina propria) d’une muqueuse saine avant la pose d’un implant, était sensiblement inférieur à celui d’une muqueuse péri-implantaire, également saine, au moment de la mise en place du pilier de cicatrisation destiné à former le tissu gingival. Les chercheurs ont découvert que les particules de titane observées autour des tissus péri-implantaires sont dues à une corrosion des implants. Ils ont également observé une dégradation du collagène lorsque le nombre de cellules dendritiques exprimant le facteur XIIIa s’accroît.28 Ces résultats ont servi à comparer les tissus péri-implantaires sains avant et après l’insertion d’un implant. Des études complémentaires sont nécessaires pour tirer une conclusion définitive de l’effet exact de ces cellules sur le rejet des implants dentaires.

Les cellules de Langerhans (CL), qui sont un type de cellules dendritiques, ont été observées dans des épithéliums stratifiés tels que l’épiderme et l’épithélium de la muqueuse buccale.29 Elles peuvent réguler la réponse immunologique de l’environnement de la muqueuse buccale et aussi préserver les tissus oraux lors d’une infection.30 Diverses études ont démontré une réduction ou une absence de modification notable des CL dans les tissus péri-implantairea.31–33 Selon Hovav, Wilensky et al., alors que la proportion de précurseurs des CL (CD11c + CMHII+) est accrue dans l’épithélium périimplantaire, le nombre de CL (CD11c + MHCII + EpCAM + langérine+) était sensiblement réduit. Ils ont suggéré que les implants pouvaient perturber la maturation des CL et déréguler la réponse immunitaire dans le tissu péri-implantaire.31–33 Gooty et al. ont également rapporté que le nombre de CL (exprimant le facteur CD1a) observé dans l’épithélium et la lamina propria d’une muqueuse saine avant la pose d’un implant, était nettement supérieur à celui d’une muqueuse péri-implantaire saine, au moment de la mise en place du pilier de cicatrisation servant à former le tissu gingival. Les chercheurs en ont déduit qu’une diminution de la réponse immunitaire est une conséquence du nombre réduit de LC exprimant CD1a dans le tissu péri-implantaire.28 De manière générale, les études montrent une réduction du nombre de CL matures causée par l’insertion d’implants dentaires. Toutefois, les implants ont un effet opposé sur les précurseurs des CL et pourraient accroître leur nombre dans le tissu péri-implantaire.

Les neutrophiles sont prédominants et sont les premières cellules recrutées dans les tissus péri-implantaires. Ils participent au processus inflammatoire en sécrétant divers médiateurs, dont des cytokines et des chimiokines, et forment des filets de fibres extracellulaires composés d’ADN appelés NET (pour Neutrophil extracellular traps).35 L’étude de Broggini et al. a montré que l’accumulation des neutrophiles est maximale au niveau coronaire de l’interface entre l’os et l’implant.36 La participation des neutrophiles à l’inflammation est incontestable, et pourtant le nombre d’études menées sur leur rôle dans le rejet des implants dentaires est limité. Il n’existe qu’une seule étude évaluant le lien entre ces cellules et la surface implantaire. Lors d’une exposition à une surface hydrophile rugueuse d’implant, les neutrophiles libèrent moins de cytokines pro-inflammatoires, et aucune NETose (ou nétose) ne survient. La réduction des macrophages, dont l’accumulation pro-inflammatoire se produit en présence de NETs, favorise la réussite de l’ostéo-intégration.35

Les mastocytes (MC) sont des cellules dont le cytoplasme contient de nombreuses granulations. Les MC dérivent des cellules hématopoïétiques présentes dans la moelle osseuse, sont véhiculés par le sang et se retrouvent dans les tissus. Ils interviennent ainsi dans les processus d’inflammation, de réparation tissulaire, et de défense de l’hôte. Si leur activité est transitoire, les MC ont un rôle protecteur en activant les mécanismes de défense et en favorisant l’ostéointégration ainsi que la réparation tissulaire. Par contre, une activité inappropriée et permanente aboutira à un défaut d’ostéointégration ou à une péri-implantite et à des lésions tissulaires importantes.37 Les mastocytes produisent les interleukines-4 et -13 qui régulent l’ampleur et l’intensité de la réaction aux corps étrangers.38, 39 L’effet des mastocytes sur l’échec des implants n’est pas élucidé en raison du nombre insuffisant d’études dans ce domaine.

En conclusion, il est clair que le système immunitaire inné tient une place importante dans la réponse aux implants dentaires, mais nous avons été confrontés au manque d’études sur la fonction des cellules immunitaires adaptatives dans le rejet des implants dentaires. Pour prolonger la longévité des implants dentaires, une surveillance du nombre de cellules immunitaires innées peut être utile pour prévenir une réjection. Des recherches plus approfondies devraient également être menées pour déterminer le rôle exact des cellules immunitaires adaptatives dans le rejet des implants dentaires.

3. Immunité humorale

Les interrelations entre les cellules du système immunitaire sont majoritairement modulées par plusieurs médiateurs tels que les cytokines, les facteurs de croissance et les hormones. Il est indéniable que les cytokines participent à la communication entre les cellules immunitaires au cours des processus inflammatoires, est elles sont responsables de manifestations cliniques.40 Elles sont les messagères du dialogue entre les cellules et contribuent fortement à la pathogenèse de diverses maladies susceptibles de jouer un rôle dans la périimplantite.41 De manière générale, les cytokines peuvent être qualifiées de proinflammatoires et d’anti-inflammatoires.

3.1 Cytokines pro-inflammatoires

L’interleukine-1 est une cytokine proinflammatoire qui est produite par les macrophages, les granulocytes neutrophiles et d’autres cellules.42 IL-1Į et IL-1ȕ, des isoformes de l’interleukine-1, ont été étroitement liées à la régulation à la baisse du collagène de type 1 dans le tissu osseux et à l’activation des ostéoclastes. Dans la mesure où elle intervient dans la résorption osseuse normale et la péri-implantite,40 l’IL-1Į est exprimée continuellement dans de nombreux types cellulaires des tissus sains, mais son expression peut être accrue en réponse aux facteurs de croissance, et à des stimuli pro-inflammatoires ou associés au stress oxydatif.43 IL-1ȕ est un type de cytokine pro-inflammatoire impliquée dans de nombreux processus biologiques, tels la régulation immunitaire, le métabolisme du tissu conjonctif, l’inflammation, la production et la maturation des ostéoclastes, et l’activation des ostéoclastes matures qui vont résorber l’os et par conséquent inhiber sa formation.44, 45 Le niveau d’IL-1ȕ autour d’une lésion de péri-implantite a un effet positif sur la sévérité de l’inflammation gingivale et elle est donc un marqueur diagnostique fiable de la mucosite péri-implantaire à un stade précoce, avant la progression vers la péri-implantite.46, 47 Dans ce microenvironnement unique, IL-1ȕ déclenche le processus inflammatoire et, par son action directe sur la réponse immunitaire aux infections, elle peut ainsi avoir une fonction de signalisation et de protection contre l’apparition des biofilms bactériens.48 IL-1ȕ régule également la production de la prostaglandine E2 et pourrait donc jouer un rôle essentiel dans la stimulation de la résorption osseuse.49

D’autres données apportent la preuve d’une corrélation positive entre les niveaux d’IL-1 et l’échec des implants dentaires, et montrent un profil complet de la réponse de l’hôte chez les patients présentant une perte des tissus péri-implantaires.50 De plus, IL-1 et IL-3 sont des facteurs déterminants connus, pour distinguer les implants sains des implants accompagnés de périimplantite.42, 51 De nombreuses études ont montré que les niveaux d’IL-1 et d’IL-3 dans le fluide créviculaire péri-implantaire (FCPI) sont accrus chez les patients souffrant de péri-implantite.18, 41, 49, 52–56 Malgré cela, Podzimek et al. ont observé des niveaux d’IL-1 et d’IL-3 considérablement plus élevés chez des patients porteurs d’implants sains, par rapport à des patients présentant des implants défaillants après une stimulation par le titane et le mercure. À l’encontre des autres études, leur hypothèse d’une augmentation d’IL-1ȕ est due au besoin de régulation à la hausse du processus de cicatrisation. Ils ont donc supposé que les niveaux réduits de ces cytokines pouvaient mener à un échec des implants chez les patients porteurs d’implants en titane défaillants.11

Comme IL-1 et IL-3, le TNF a fait également partie des médiateurs primordiaux qui déclenchent la cascade inflammatoire.57 Le TNF a stimule la synthèse des prostaglandines, la résorption osseuse, et la synthèse des protéases par le biais de diverses cellules, telles que les ostéoblastes et les fibroblastes. La libération précoce et production rapide du TNF a dirige d’autres cellules vers le site d’infection et d’invasion microbienne.58 Des niveaux élevés de TNF a ont été observés dans des régions touchées par la péri-implantite et la parodontite. Ces résultats confirment que la production extrême de TNF a est un facteur clinique important des maladies inflammatoires aiguës ou chroniques.10 Le TNF a induit deux mécanismes : (1) directement, en augmentant les niveaux des précurseurs ostéoclastiques dans la moelle osseuse et (2) indirectement, en stimulant l’expression du système RANK/RANKL/ostéoprotégérine (OPG).59 Des niveaux considérablement accrus de TNF a ont été observés chez des patients porteurs d’implants défaillants, par rapport à des patients porteurs d’implants sains. Cet accroissement des niveaux de TNF a entraîne l’échec des implants dentaires.10, 11, 18, 41, 42, 51, 53, 55, 59–62 Par conséquent, les concentrations élevées du TNF a, d’IL-1 et d’IL-3 dans le fluide créviculaire péri-implantaire (FCPI) des sites affectés, ont mené à considérer ces cytokines comme des marqueurs biochimiques pertinents.40, 42 IL-17, produite par les lymphocytes Th-17 cellules, est un autre type de cytokine pro-inflammatoire qui induit une exacerbation des réactions inflammatoires,63 notamment le recrutement des macrophages et des neutrophiles, et de certaines autres réponses stimulant les mécanismes proinflammatoires.42 Les niveaux d’IL-17 sont élevés chez les patients atteints de péri-implantite, ce qui prouve le rôle de cette cytokine dans l’augmentation de l’inflammation locale.42, 59, 60, 64 Il est clair qu’IL-6 et IL-17 ont une double fonction de protection et de destruction dans les tissus.65 IL-6 est une cytokine qui stimule les réponses immunitaires. IL-6 intervient principalement dans les réactions en phase aiguë et l’hématopoïèse, notamment la croissance des lymphocytes B, l’activation des lymphocytes T, et la production des plaquettes. Une dérégulation de la production d’IL-6 a été associée à la pathogenèse de plusieurs types de maladies chroniques inflammatoires et prolifératives.10, 66 IL-6 participe au contrôle de la différenciation, de la prolifération, et de la migration des cellules. Elle est essentielle à la fixation des prothèses.67 De plus, la production de niveaux élevés d’IL-6 ainsi que la réponse inflammatoire sont corrélées avec les traumatismes graves des tissus.10 Les niveaux d’IL-6 sont élevés dans les implants défaillants, par rapport aux implants sains.11, 51, 53, 55, 60, 68–71 Severino et al. ont cependant rapporté l’absence de différence significative dans les niveaux d’IL-6 entre des patients atteints de péri-implantite et des patients sains.64 L’interleukine 8 (IL-8) est une autre cytokine pro-inflammatoire produite par les cellules endothéliales de l’interface entre l’os et l’implant.72 IL-8 est une chimiokine bien connue, qui a diverses fonctions dans le système immunitaire, dont le recrutement sélectif et l’activation des neutrophiles dans le sillon gingivo-dentaire.41 On a observé que les patients sains présentent des niveaux largement inférieurs d’IL-8 dans le FCPI, par rapport à des groupes atteints de mucosite.41, 50 Severino et al. ont cependant rapporté l’absence de différence significative dans les niveaux d’IL-8 entre des patients atteints de péri-implantite et des patients sains.64 IL-2 est une cytokine jouant un rôle fondamental dans la prolifération cellulaire. L’augmentation de ses niveaux montre non seulement une meilleure fixation et une meilleure rugosité dues au traitement acide, mais aussi son utilité dans la reconnaissance biologique de l’implant.60 Une étude a cependant démontré que la régulation à la hausse d’IL-2 peut être une cause d’échec des implants.60 Le niveau de lectine liant le mannose est un autre facteur susceptible de participer à l’inflammation73 mais aucune étude n’a évalué son rôle, et des recherches plus approfondies sont nécessaires. Dans l’ensemble, les résultats des diverses études dans le domaine des cytokines et des implants dentaires montrent que les particules de titane stimulent l’expression et la production des cytokines pro-inflammatoires, notamment IL-1, TNF Į, IL-17, IL-6, IL-8 et IL-2. Ces régulations à la hausse pourraient être liées à la perte d’ostéo-intégration et à l’échec des implants. Toutefois, quelques études ont rapporté des résultats controversés sur l’élévation des niveaux de ces cytokines. D’autres recherches sont nécessaires pour déterminer le rôle réel de ces substances dans le rejet des implants dentaires.

3.2 Cytokines anti-inflammatoires

IL-10, une cytokine multifonctionnelle, a plusieurs effets sur les cellules hématopoïétiques. La fonction principale de cette cytokine est la suppression et la réduction des réactions inflammatoires. IL-10 est donc un immunomodulateur critique.74 Elle a un effet positif sur la régulation in vivo et freine les réactions inflammatoires aiguës, en agissant à travers une boucle de rétroaction négative, qui réduit la libération des médiateurs inflammatoires.60 Elle inhibe les réponses des macrophages et des lymphocytes Th17 en bloquant la production des cytokines pro-inflammatoires, telles qu’IL-6 et le TNF Į. 75 IL-10 est l’un des principaux suppresseurs endogènes de l’infection et de la résorption osseuse par inhibition de la différenciation ostéoclastique.10 Les concentrations d’IL-10, qui est une cytokine antiinflammatoire, diminuent dans les cas de péri-implantite,42, 49, 76 bien que certaines études aient rapporté une augmentation des niveaux.53, 62, 77 Severino et al. ont cependant rapporté l’absence de différence significative dans les niveaux d’IL-10 entre des patients atteints de péri-implantite et des patients sains.64

Le TGF b1 est une cytokine antiinflammatoire qui régule la réponse inflammatoire et l’immunosuppression.78, 79 Il participe également aux réactions inflammatoires locales et à la cicatrisation.15 On observe une régulation à la baisse du TGF b dans la péri-implantite, liée à Th-17 et IL-23.42 Cependant, selon Cornelini et al., l’expression du TGF b est régulée à la hausse dans les couches épithéliales et les vaisseaux sanguins des patients porteurs d’implants défaillants par rapport aux patients dont les implants sont sains, et la différence entre les groupes est statistiquement significative.80 Comme nous l’avons vu, il est difficile de définir le rôle exact des cytokines antiinflammatoires évaluées dans le rejet des implants dentaires, en particulier le TGF b 1 et IL-10. Les chercheurs devraient donc accorder plus d’attention à ce domaine intéressant.

3.3 Autres facteurs

Les métalloprotéases sont des collagénases dont la fonction physiologique est de « créer de l’espace » pour les cellules dirigées vers le site atteint. Mais lorsque l’inflammation ne disparaît pas, ces molécules détruisent les tissus péri-implantaires.40 Les métallo-protéases sont notamment MMP-1, MMP-7 et MMP-8. Ces MMP, et en particulier MMP-8, sont les principales métalloprotéases dans la parodontite. Elles participent également au processus inflammatoire en détruisant les composants fondamentaux des membranes et la matrice extracellulaire. On sait que la présence de MMP-8 (collagénase-2) est un signe précoce de perte des tissus péri-implantaires.81 Elle est liée au développement de modifications dans un modèle individuel expérimental de la réponse de l’hôte au fluide créviculaire péri-implantaire.42 Plusieurs MMP, notamment MMP-2, MMP-7 et MMP-9, sont fortement régulées à la hausse dans des spécimens de péri-implantite. Les MMP interviennent dans la dégradation et le remodelage des composants de la matrice extracellulaire (MEC), en induisant une perte des contacts entre cellules et matrice et des jonctions entre cellules.82

L’ostéoprotégérine (OPG) est produite par les cellules mésenchymateuses dentaires et participe à la communication paracrine sous la forme d’un récepteur leurre qui se lie au récepteur soluble activateur du facteur nucléaire (NF)-kB-ligand (RANKL) sur les cellules ostéoblastiques/stromales. Elle peut également favoriser l’ostéo-intégration en inhibant IL-l a. 37 Le ligand RANKL est un élément clé dans la formation et l’activation des ostéoclastes.83, 84 La sclérostine (SCL), OPG et RANKL sont des marqueurs prognostiques de la péri-implantite.42 On a en outre démontré la présence de concentrations très élevées du ligand soluble RANKL et plus faibles d’OPG, dans les sites touchés par la péri-implantite par rapport aux sites sains servant de contrôle.62, 85

L’ostéopontine (OPN) est un type a marqueur ostéo-immuno-inflammatoire qui intervient dans la minéralisation, la formation osseuse et également dans les processus inflammatoires infectieux, par son action immunomodulatrice sur la régulation de la production des cytokines.86, 87 Selon les analyses du fluide créviculaire péri-implantaire (FCPI) et de cultures cellulaires, l’OPN peut avoir un rôle déterminant dans la production de l’IL-1 et de l’IL-3 ainsi que dans l’apoptose en cas de péri-implantite, où l’on observe une réduction de l’inflammation par une régulation à la baisse des cytokines pro-inflammatoires.88 L’analyse des niveaux de cytokines dans le FCPI peut être un bon indicateur pour estimer le pronostic du traitement implantaire. Plusieurs études ont confirmé l’effet négatif des cytokines pro-inflammatoires sur la longévité des implants dentaires ; une vérification des niveaux de cytokines, en particulier IL-1, IL-3, TNF a et IL-6, semble plus fiable pour prédire l’évolution dans le temps des implants.

4. Allergie au titane

L’allergie est une réponse immunitaire aiguë qui se produit lors d’une exposition à un allergène connu. Les réactions allergiques aux implants sont couramment associées à une hypersensibilité de type I (immédiate) ou plus souvent de type IV (retardée) ; sous leur forme ionique, les métaux peuvent se lier à une protéine native, pour former un couple haptène-protéine qui constitue l’allergène complet. Ces réactions peuvent également entraîner une dégranulation des mastocytes et des polynucléaires basophiles, susceptible de mener à un échec des implants.89–91 Le titane est également largement utilisé en médecine et en dentisterie, avec un taux élevé de réussite grâce à sa grande résistance à la corrosion, son faible potentiel allergène, sa toxicité minimale et la biocompatibilité attendue due à la stabilité du film passif, qui se forme par oxydation à sa surface. Le titane est en outre le matériau de choix dans le domaine médical pour son utilisation intra-osseuse.27

La présence de fragments métalliques dans les tissus péri-implantaires découle de l’usure des matériaux sous l’action simultanée de la corrosion et du frottement, un processus appelé tribocorrosion.93 La corrosion est la dégradation progressive d’un matériau métallique sous l’effet du milieu ambiant et elle mène à la libération d’ions dans les tissus environnants.94 Les conséquences en sont une perte de substance du matériau, une perte de l’intégrité structurale, une modification des caractéristiques structurales, et pour les tissus mous péri-implantaires, une coloration, ou une hypersensibilité de type IV, avec présence de microparticules de titane dans les macrophages.22, 95

L’accumulation locale de lymphocytes T et de macrophages dénotant une hypersensibilité de type IV, permet de caractériser la sensibilité au titane.96 Le titane induit l’activation des macrophages, directement ou après la phagocytose, et les macrophages activés produisent à la fois des cytokines pro-inflammatoires et anti-inflammatoires.92

Une étude in vitro réalisée par Bressan et al. a démontré que les particules de titane pouvaient agir sur les mitochondries, et induire la libération d’espèces réactives de l’oxygène (ROS). Parallèlement, ces chercheurs ont observé des particules de titane dans tous les tissus péri-implantaires.82 Les symptômes observés sont divers et vont des éruptions cutanées et de l’échec des implants à une immunosuppression atypique. Toutefois, on sait que l’allergie au titane est assez rare et peu de patients développent une sensibilité au métal après la pose d’un implant endo-osseux.97

Il existe de nombreux tests qui permettent de diagnostiquer une allergie au titane. Une allergie de type I peut être établie par des tests épicutanés (patch), des tests cutanés (piqûre épidermique), et les tests de transformation lymphocytaire (TTL). Il existe également une version modifiée du test TTL dénommée MELISA (Memory lymphocyte immuno stimulation assay).98, 99 Selon les données présentées dans cet article, des nanoparticules de matériau provenant des implants sont fréquemment observées dans les sites péri-implantaires. Les tests diagnostiques mèneront à un pronostic plus précis, permettant de prévenir les effets indésirables de l’accumulation de ces nanoparticules qui mènent à l’échec des implants. Les conclusions du présent article sont présentées dans le diagramme en arbre (Fig. 2)

5. Conclusion

L’échec d’implants dentaires est une préoccupation majeure des praticiens dentaires qui, selon les données d’études, peut pourtant être évité. L’un des principaux facteurs menant aux échecs des implants est le rejet par le système immunitaire. Le présent article démontre que les niveaux des cellules immunitaires, en particulier les macrophages et les cellules dendritiques, sont pratiquement toujours accrus chez les patients présentant des implants défaillants. Les cytokines pro-inflammatoires augmentent également dans les cas de perte d’implant dentaire et apparaissent donc comme de bons marqueurs diagnostiques. Et enfin, le risque d’une allergie au titane devrait toujours être évalué chez les patients, afin d’accroître le taux de réussite du traitement. Les limitations de cet article étaient le manque d’études sur les cellules immunitaires adaptatives et les cytokines anti-inflammatoires.

Conflit d’intérêts : Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts.

Remerciements : Nous remercions tous les auteurs qui ont autorisé la reproduction de leurs illustrations avec citation pour les besoins de cette étude, ainsi que le Centre de recherche appliquée sur les médicaments, université des sciences médicales de Tabriz, qui a apporté son appui à cette étude.

Note de la rédaction : Première publication le 9 décembre 2020 dans BioMed Research International, volume 2020, Article ID 7279509, 12 pages (https:// doi.org/10.1155/2020/7279509 puis dans le journal Dental Tribune Édition française janvier/février 2021 VOL. 13, NO. 1+2

Cet article en libre accès est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution, qui en autorise l’utilisation, la distribution et la reproduction sans restriction sur tout support, à condition que l’œuvre originale soit dûment citée. Une liste des références est disponible auprès de l’éditeur.

Les auteurs : 

Milad Baseri, Centre de recherche dentaire et parodontal, université des sciences médicales de Tabriz, Tabriz, Iran. Faraz Radmand, Centre de recherche biotechnologique, faculté de médecine dentaire, université des sciences
médicales de Tabriz, Tabriz, Iran.
Reyhaneh Hamedi, Faculté de médecine dentaire, université des sciences médicales de Tabriz, Tabriz, Iran.
Mehdi Yousefi, Centre de recherche sur la nanotechnologie pharmaceutique, université des sciences médicales de Tabriz, Tabriz, Centre de recherche sur les cellules souches, université des sciences médicales de Tabriz, Tabriz, Iran.
Hossein Samadi Kafi, Centre de recherche appliquée sur les médicaments, faculté de médecine, université des sciences médicales de Tabriz, Tabriz, Iran.

 

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