DT News - France - Causes et traitement de l’halitose

Search Dental Tribune

Causes et traitement de l’halitose

Langue légèrement saburrale (Photo : Dr Paola Gomez-Pereira)
Dr Paola Gomez-Pereira, Royaume-Uni

Dr Paola Gomez-Pereira, Royaume-Uni

ven. 3 mars 2017

Enregistrer

L’halitose, qui se traduit par la présence de composés organiques volatils malodorants dans l’haleine, est une affection très répandue, touchant un pourcentage élevé d’adultes ; près d’un tiers de la population mondiale souffre d’halitose orale chronique et 74 % des personnes atteintes la considèrent comme un problème.1 L’halitose a de profondes incidences sociales pour celui qui en souffre et elle complique sensiblement les relations sociales dites normales.

L’halitose peut être d’origine physiologique ou pathologique et, selon la pathologie, la cause peut être intraorale ou extraorale (Fig. 1).

L’halitose physiologique est, par exemple, la mauvaise haleine du matin, qui est de nature transitoire et résulte de la diminution du flux salivaire durant la nuit. D’autres facteurs liés au mode de vie peuvent également jouer, notamment le tabagisme, la consommation d’alcool ou de boissons et d’aliments aromatiques (tels que l’ail, l’oignon et le chou). L’halitose physiologique représente un motif d’inquiétude assez courant dans la population adulte mais il est possible d’y remédier facilement par une modification des boissons et aliments consommés, un brossage des dents, l’utilisation de bains de bouche et un nettoyage de la langue.

L’halitose pathologique est, par contre, plus délicate à traiter. Une haleine fétide peut avoir des causes extraorales telles que des troubles respiratoires, gastro-intestinaux ou métaboliques, que l’hygiène buccodentaire ne peut résoudre car la cavité orale n’en est pas à l’origine.2–4 La majorité des halitoses ont cependant une cause intraorale. L’halitose orale est due à des composés sulfurés et organiques volatils (CSV et COV respectivement) provenant de la dégradation de substrats organiques par des bactéries anaérobies présentes sur la face dorsale de la langue, particulièrement dans la région postérieure de celle-ci.5, 6 En plus des bactéries linguales, elle peut également être provoquée par une gingivite ou une parodontite.

Chez les personnes ayant une hygiène buccodentaire et une santé gingivale satisfaisantes, l’halitose provient toutefois principalement des bactéries présentes sur la langue (Fig. 2a).4 Généralement, l’halitose est évaluée par un test organoleptique dont le score est déterminé par un examinateur formé à la perception des odeurs. Il en mesure l’intensité et l’exprime en fonction d’une échelle de valeurs prédéfinies allant de 0 (aucune odeur perçue) à 5 (odeur extrêmement forte).
 

embedImagecenter("Imagecenter_1_2722",2722, "large");

Une niche pour les biofilms bactériens

La structure superficielle de la langue est très complexe et rugueuse, recouverte de papilles souples (Fig. 2b).

En raison de la forme, de la taille et du schéma de répartition très variables de ces papilles, la surface de la langue présente de nombreuses cryptes et fissures7, 8 qui constituent une niche microbienne idéale pour les bactéries anaérobies. Celles-ci peuvent ainsi proliférer et former des biofilms épais pratiquement sans perturbation.

Grâce à leur mécanisme enzymatique sophistiqué, les bactéries sont capables de dégrader des mélanges complexes d’acides aminés et de protéines aux origines multiples (aliments, débris, cellules). En particulier, la dégradation d’acides aminés, tels que la cystéine et la méthionine, produit des CSV dont le pouvoir odorant est très élevé.9 La densité bactérienne par unité de surface de la langue a été liée à l’intensité de l’halitose.10–12 Par exemple, les personnes présentant une halitose marquée (score supérieur à 2,5 sur l’échelle organoleptique à 5 points) présentent une concentration élevée de bactéries, plus de 1 x 108 unités formant colonie par cm2 de tissu lingual, alors que les personnes ayant des scores moins élevés sur l’échelle organoleptique en comptent des nombres beaucoup plus faibles (approximativement 1 x 107).12 Pour diminuer l’halitose des patients, la densité bactérienne linguale doit donc être réduite et maintenue à des niveaux bas.

Traitement de l’halitose orale

On dispose d’un grand nombre de produits en vente libre pour traiter l’halitose orale, que l’on peut classer en deux catégories : traitement chimique et traitement mécanique. Les traitements chimiques sont principalement des bains de bouche spécifiquement conçus pour diminuer l’halitose orale. Ils contiennent une association d’ions métalliques et d’agents antibactériens dont les plus courants sont la chlorhexidine et le chlorure de cétylpyridinium (CPC) qui ont une puissante activité bactéricide. Les ions métalliques, tels que le zinc, se lient aux composés soufrés et forment des complexes insolubles (sulfure de zinc) non volatils et par conséquent inodores.10, 13–16 Une autre catégorie de bains de bouche pour lutter contre l’halitose contient du dioxyde de chlore, qui neutralise les gaz sulfureux et oxyde les CSV pendant que les anions chlorite ont un effet antibactérien.17

Bien que les bains de bouche puissent se révéler très efficaces en raison de leurs propriétés antibactériennes et leur capacité de masquer l’halitose orale, ils offrent rarement un résultat durable. Leur efficacité dure quelques heures mais leur effet sur la densité bactérienne linguale est faible.18, 10 Il est possible que cette action limitée sur la langue soit due au fait que les principes actifs des bains de bouche n’atteignent pas les bactéries responsables des mauvaises odeurs. Les biofilms qui produisent les gaz volatils sont généralement incrustés profondément entre les papilles linguales (Fig. 2c) où le mélange et la diffusion des principes actifs sont difficiles en raison de l’étroitesse des espaces interpapillaires, de la viscosité des molécules salivaires et de la faible perméabilité des biofilms.

C’est pourquoi les lignes directrices du traitement de l’halitose orale élaborées par les professionnels de la santé dentaire soulignent le besoin de nettoyer la langue au moyen de grattoirs ou de brosses.

Selon les études cliniques, l’utilisation de méthodes mécaniques réduit l’enduit lingual. 10–21 Toutefois, l’effet sur l’halitose est de très courte durée,19 probablement en raison de la réduction des nutriments bactériens présents dans l’enduit lingual et non de la réduction de la densité bactérienne elle-même. 22 La quantité restreinte de bactéries éliminées de la surface complexe de la langue découle de la difficulté à atteindre le biofilm entre les papilles linguales.

Le tissu lingual étant en outre très souple, l’utilisation de grattoirs linguaux risque de mener à l’écrasement des papilles, au piégeage en profondeur du biofilm bactérien et, par conséquent, au manque d’élimination de celui-ci.

Approche combinée pour une haleine fraîche tout au long de la journée

L’utilisation concomitante de bains de bouche et de moyens mécaniques pourrait être plus efficace pour faire pénétrer les principes actifs plus profondément dans le biofilm que l’utilisation séparée des produits isolément, tout en permettant une réduction de l’enduit lingual et de la densité bactérienne.

Comme l’ont montré des études récentes, l’approche chimique et mécanique combinée produirait un effet synergique sur l’halitose orale qui permettrait de garder une haleine fraîche tout au long de la journée.23, 20 Lors d’une dernière évaluation clinique, nous avons démontré que l’association d’un brosse-langue sonique et d’un spray antibactérien, de conception récente, a mené à une diminution nettement supérieure de l’halitose par rapport aux traitements individuels.

Depuis peu, Philips Oral Healthcare a développé et commercialisé le Philips Sonicare TongueCare+, un nouveau duo formé d’un brosse-langue sonique et d’un spray antibactérien. La brosse est conçue pour pénétrer entre les papilles linguales et assurer une élimination mécanique très efficace du biofilm. Les dimensions des brins de la brosse et leurs paramètres de dureté ont été optimisés sur la base d’une analyse de la langue humaine. La tête de brosse est dotée de 240 microbrins souples en élastomère et s’adapte sur un manche de brosse à dents électrique Sonicare. Ses 31 000 vibrations par minute permettent de désagréger l’enduit lingual et d’éliminer les débris et les bactéries (Fig. 3).

Le brosse-langue TongueCare+ est utilisé simultanément avec le spray lingual antibactérien BreathRx (Philips), qui contient des agents bactéricides tels que le chlorure de cétylpyridinium (CPC) et le zinc. Le premier essai clinique de preuve de concept mené sur cette technologie a démontré une réduction significative du score organoleptique et de la densité bactérienne linguale après une seule utilisation du brosse-langue TongueCare+ associé au spray BreathRx, mesurable jusqu’à 6 heures après le brossage (Figs. 4a & b).

Le traitement combiné diminue l’halitose beaucoup plus que ne le permettent TongueCare+ et BreathRx lorsqu’ils sont utilisés seuls. Ce résultat conforte l’idée de l’efficacité probablement plus élevée de cette approche combinée.Il s’est également avéré que TongueCare+ réduit considérablement la densité bactérienne linguale, dont le niveau est maintenu bas pendant au moins 6 heures. Ceci indique que cette approche combinée permet de s’attaquer à la cause première de l’halitose et offre donc un choix de traitement plus efficace et plus durable aux personnes souffrant d’une mauvaise haleine.

Les possibles incidences sur la santé buccodentaire

Globalement, il est essentiel d’intégrer un nettoyage de la langue dans les habitudes d’hygiène buccodentaire pour conserver une haleine fraîche toute la journée. Il a en outre été avancé que la langue peut faire office de réservoir de pathogènes parodontaux pour l’ensemble de la cavité orale.24, 25 Et ces pathogènes sont susceptibles de coloniser d’autres surfaces et d’avoir une incidence sur la santé buccodentaire générale.

Plusieurs études ont également montré que les CSV, tels que le sulfure d’hydrogène et le méthylmercaptan, aussi connu sous le nom de méthanethiol, sont toxiques pour le tissu parodontal, même à des concentrations très faibles. On a donc avancé l’hypothèse que ces substances peuvent contribuer à la progression de maladies parodontales.26

Pour cette raison, l’habitude d’un bon nettoyage de la langue pourrait être d’une importance primordiale.

Note de la rédaction : Article paru dans le Dental Tribune France 2017/2 disponible dans les pages e-paper. Une liste des références est disponible auprès de l’éditeur.
Conflit d’intérêts : Le Dr Paola Gomez-Pereira occupe un poste de scientifique senior chez Philips à Cambridge, Royaume-Uni.

To post a reply please login or register
advertisement
advertisement