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Cone beam pratique en odontostomatologie – Partie II - Principe, technique, qualité d’image, artéfacts, types d’appareil, indications

Fantôme type Ludlow et siège des différents dosimètres.
Dr Norbert Bellaïche

Dr Norbert Bellaïche

lun. 16 juin 2014

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Après avoir parlé du principe, de la réalisation d’un examen, de la qualité d’image et des artéfacts du cone beam (ou CBCT pour Cone Beam Computed Tomography), nous allons maintenant explorer la dosimétrie, les différents types d’appareil cone beam et enfin des indications de cette technique en odontostomatologie.

Dosimétrie et cone beam

Théoriquement, le cone beam présente, par rapport au scanner, l’intérêt d’une moindre irradiation. En pratique, ceci dépend d’une part de l’appareil cone beam considéré et d’autre part du protocole, ainsi que du type de scanner envisagé. Certains appareils cone beam s’avèrent en effet plus irradiants qu’un scanner réalisé dans des conditions optimales.

Dose absorbée ou délivrée en cone beam

La dose absorbée est la quantité d’énergie absorbée par unité de masse de matière irradiée. Elle s’exprime en Gray (Gy) correspondant à l’absorption d’un Joule d’énergie par kilogramme de matière. Elle est directement liée aux paramètres d’exposition radiologique (tension, intensité, temps de pose et volume irradié) et est mesurée à la sortie du tube.

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En scanner, la machine mesure le CTDI vol (Computed Tomography Dose Index) traduisant la dose délivrée par unité de volume (mGy/cm3) ce qui permet de fournir le Produit Dose Longueur (PDL ou DLP) correspondant à la dose délivrée pour l’irradiation sur une hauteur donnée, exprimée en mGy.cm.

En cone beam, la dose absorbée est fournie par la mesure du Produit Dose Surface (PDS) exprimé en mGy/cm2.

Dose efficace et cone beam

Par définition, la dose efficace permet d’évaluer le risque d’apparition d’effets stochastiques chez l’homme et ne se mesure pas mais se calcule.

En scanner, la dose efficace (exprimée en Sievert ou Sv) est calculée à partir de la dose absorbée par les différents tissus et organes exposés, en appliquant des facteurs de pondération qui tiennent compte du type de rayonnement ionisant (alpha, bêta, gamma, X, neutrons) et de la sensibilité spécifique des organes ou tissus (définie par un facteur tissulaire spécifique pour chaque organe). Le facteur rayonnement étant égal à 1 pour les rayons X, on obtient :

Dose efficace (Sv) = Dose absorbée x Facteur tissulaire

Comme un examen scanographique explore plusieurs organes d’une même région du corps, un facteur tissulaire régional a été proposé pour chaque région corporelle. Par exemple le facteur de pondération de la tête pour le scanner est égal à 0,0021 et celui du cou est de 0,0031 (influence de la thyroïde dans le calcul). En scanner, il suffit de multiplier le PDL en mGy.cm par le facteur tissulaire régional de la tête (0,0021) pour obtenir la dose efficace en μSv.

Exemple : pour un PDL de 39 mGy.cm, (scanner maxillaire) la dose efficace est de 39 x 0,0021 = 0,0819 mSv, soit 81,9 μSv.

En cone beam, la dose efficace est plus complexe à calculer car le faisceau conique est responsable d’un rayonnement diffusé plus important qu’au scanner. Ludlow a proposé une méthode de mesure de la dose efficace, à partir d’un fantôme anthropomorphique équipé de 24 dosimètres thermo-luminescents, placés au niveau des organes potentiellement irradiés (cerveau, cristallin, thyroïde, glandes salivaires, oesophage, peau, etc...) La somme des doses efficaces des différents dosimètres, placés au sein du fantôme détermine la dose efficace totale. Son étude de 2007 compare plusieurs appareils cone beam au scanner. Les doses efficaces mesurées sont converties en équivalence de panoramique classique (orthopantomographie) et en équivalence d’irradiation naturelle par an. La dose efficace est dépendante des constantes d’acquisition (tension en kV, intensité en mA et temps de pose, soit le mAs), mais enfin et surtout, du champ de vue (FOV : Field Of View). Ainsi, un champ dit « dento-alvéolaire » de 8 x 8 cm, expose, à taille de voxels constante, à une dose efficace inférieure qu’un grand champ dit « cranio-facial » de 15 à 30 cm de diamètre. Le champ est aussi déterminant pour la qualité de l’image, dont la résolution spatiale est directement liée à la taille des pixels. L’augmentation du champ implique en effet le plus souvent celle de la taille moyenne des voxels, induisant une moins bonne résolution spatiale. Par exemple un champ de 15 x 15 cm exploitera des pixels de 250 à 300 μm de côté, alors qu’un champ de 8 x 8 cm comprendra de pixels de 150 à 200 μm de côté et qu’un champ de 6 x 6 cm sera pourvu de pixels de 100 à 125 μm de côté. Enfin, certaines machines proposent pour un même champ, des niveaux de résolution variable, par exemple « faible résolution » avec des pixels de 200 μm, et « haute résolution » avec des pixels de 150 à 70 μm. Ce dernier mode, plus irradiant, est à réserver à des cas particuliers comme l’endodontie exigeant une ultra haute résolution. Rappelons qu’une dose efficace de 20 μSv (dose moyenne pour un panoramique dentaire) correspond à 3 jours d’irradiation naturelle ou 6 heures de vol en avion ou bien de séjour à 3 000 m d’altitude...

Optimisation de la dosimétrie en cone beam

Elle comporte, comme au scanner :

_Justification : Tout examen devrait être réalisé après avoir été justifié pour chaque patient, afin de tenter de s’assurer que les avantages de l’examen l’emportent sur les risques. Les examens cone beam ne devraient pas être répétés en routine, sans qu’une nouvelle évaluation « avantages contre risques » n’ait été réalisée.

 

_Optimisation : Dose limitée à la plus petite nécessaire et suffisante pour le diagnostic recherché (principe ALARA : As Low As Reasonably Achievable.) La dose délivrée devrait ainsi être limitée en implantologie (la dose de 250 mGy.cm2 est retenue par le SEDENTEXCT, comme valeur de référence pour une étude implantaire 3D en site de la première molaire maxillaire, chez un homme de corpulence moyenne.) En outre, comme pour le scanner, le type et même la marque voire le modèle de cone beam, peuvent influer grandement sur la dose émise.

L’European Academy of Dento-Maxillo-Facial Radiology (EADMFR) et l’association SEDENTEXCT ont produit des « Principes d’Utilisation du Cone Beam » (www.sedentexct.eu/content/basic- principles-use-dental-cone-beam-ct) dans le but de promouvoir les recommandations portant sur la justification, l’optimisation, les règles de prescription, de formation et de contrôle de l’usage des cone beam. Voici ces recommandations :

1. Les examens CBCT ne doivent pas être effectués sans qu’une anamnèse du patient et un examen clinique n’aient été réalisés.

2. Les examens CBCT doivent être justifiés pour chaque patient, afin de démontrer que les bénéfices l’emportent sur les risques.

3.Les examens CBCT doivent potentiellement apporter des informations utiles à la prise en charge du patient.

4. Il n’est pas souhaitable que les examens CBCT soient répétés en routine, sans qu’une nouvelle évaluation bénéfice/risque soit réalisée.

5. En adressant son patient à un autre praticien pour un examen CBCT, le dentiste référent doit fournir suffisamment d’informations cliniques (issues de l’anamnèse du patient et de l’examen clinique), afin de permettre au praticien réalisant l’examen CBCT d’appliquer la procédure de justification.

6. Les examens CBCT doivent seulement être réalisés quand la question pour laquelle l’imagerie est requise, ne peut obtenir de réponse adéquate par une radiographie dentaire conventionnelle (traditionnelle) moins irradiante.

7. Les examens CBCT doivent faire l’objet d’un compte rendu radiologique portant sur l’ensemble des données d’imagerie.

8. Quand il est probable que l’étude des tissus mous sera requise pour l’évaluation radiologique du patient, l’examen d’imagerie approprié sera le scanner médical conventionnel ou l’IRM plutôt que le CBCT.

9.L’équipement CBCT devrait offrir un choix varié de volumes d’exploration et l’examen doit utiliser le volume le plus petit compatible avec la situation clinique, si cela permet une dose d’irradiation moindre du patient.

10. Quand l’équipement CBCT offre un choix varié de résolutions, il convient d’utiliser une résolution compatible avec un diagnostic adéquat et une dose minimale.

11. Un programme d’assurance qualité doit être établi et mis en oeuvre pour chaque installation CBCT, incluant des procédures de contrôle de l’équipement, des techniques et de la qualité des examens.

12. Des aides au positionnement précis et à la stabilité du patient (lasers lumineux) doivent toujours être utilisés.

13. Toute nouvelle installation d’équipement CBCT doit subir un examen critique et des tests de contrôle détaillés avant usage, afin d’assurer une radioprotection optimale du personnel, du public et du patient.

14. Les équipements CBCT doivent subir des tests de routine réguliers, afin de s’assurer que la radioprotection du personnel et des patients ne s’est pas détériorée.

15. Pour la radioprotection du personnel utilisant le matériel CBCT, les recommandations détaillées dans la section 6 du document radio-protection 136 de la commission européenne, doivent être suivies.

16. Les utilisateurs d’un équipement CBCT doivent avoir reçu une formation théorique et pratique adéquate pour la pratique radiologique, et une compétence suffisante en radio-protection.

17. Une formation continue est nécessaire après qualification, particulièrement quand un nouveau matériel ou de nouvelles techniques sont adoptées.

18. Les chirurgiens-dentistes responsables d’un équipement CBCT qui n’ont pas reçu préalablement de formation adéquate, doivent subir une période additionnelle de formation théorique et pratique validée par une institution académique (université ou équivalent). Quand une qualification nationale de spécialité en radiologie dento-maxillo-faciale existe, la conception et la délivrance de programmes de formation en CBCT, doivent impliquer un radiologue spécialisé en radiologie dento-maxillo-faciale.

19. Pour les images CBCT des dents, de leurs tissus de soutien, de la mandibule et du maxillaire jusqu’au plancher nasal (soit champs de 8 x 8 cm ou inférieurs), l’évaluation clinique (commentaire radiologique) doit être réalisée par un radiologue spécialisé en radiologie dento-maxillo-faciale ou si ce n’est pas possible, par un chirurgien-dentiste correctement formé.

20. Pour des petits champs de vue non dentaires (par exemple os temporal) et pour toute image CBCT cranio-faciale (champs de vue s’étendant au-delà des dents, de leur tissu de soutien, de la mandibule, incluant l’ATM, et du maxillaire jusqu’au plancher nasal), le compte rendu radiologique doit être réalisé par un radiologue spécialisé en radiologie dento-maxillo-faciale ou par un radiologue clinicien (radiologue médical).

Ces recommandations peuvent être résumées en quelques mots-clés : justification, optimisation, précaution, scanner ou IRM pour les parties molles, formation initiale et contrôle continu en radioprotection et en radiologie dento-maxillo-faciale, compte rendu radiologique par dentiste pour un champ de vue jusqu’à 8 x 8 cm et par radiologue pour un champ supérieur.

_Les appareils cone beam

En fonction du champ de vue, définissant leurs indications en radiologie, on peut définir trois types d’appareil :

Les appareils à petit champ, inférieur ou égal à 8 cm de diamètre, correspondant au champ dento-alvéolaire, recommandé pour les chirurgiens-dentistes. Leurs avantages sont théoriquement les suivants :

_Coût relativement bas, du fait surtout de capteurs de petite taille.

_Irradiation a priori limitée.

_Définition élevée à pixels de 75 à 200 μm selon le modèle.

_Encombrement réduit (couplage à un panoramique dentaire voire à une téléradiographie du crâne).

Les appareils à champ moyen, de 9 à 14 cm de diamètre, permettant l’exploration complète en une acquisition d’une ou des deux mâchoires, voire des articulations temporo-mandibulaires (exemple : Vatech PaX-Duo3D) ; cependant, ces champs d’exploration sont le plus souvent inclus dans des appareils grand champ.

Les appareils grand champ, d’au moins 15 x 5 cm, pouvant explorer l’ensemble des sinus, utiles en orthodontie, en ORL et en chirurgie maxillo-faciale. Leur justification relève de plusieurs raisons:

_tout examen cone beam (petit ou grand champ) suppose l’irradiation d’au moins un maxillaire en entier ; donc toute région irradiée doit pouvoir être explorée en totalité ;

_l’exploration des sinus de la face pour les bilans ORL et maxillo-faciaux, voire orthodontiques, sont possibles ;

_leur définition est aujourd’hui élevée (125, voire 70μm);

_l’irradiation est contrôlable par optimisation, protocole « low dose » et surtout le caractère multichamps de la plupart des nouveaux modèles allant de 5 ou 6 cm à 15 et jusqu’à 30 cm.

_Enfin, les modèles verticaux sont parfois associés à un panoramique (SCANORA® 3Dx) voire à un télécrâne (Vatech).

La plupart de ces appareils proposent le choix de champs multiples, avec voxels de taille variable et deux types de résolution par champ :

_résolution standard ou basse (voxels de 200 à 300 μm), à relativement faible dose, pour les moyens et grands champs ;

_résolution haute (voxels de 125 à 160 μm) à plus forte dose, pour les petits et moyens champs, autorisant pour certains les reconstructions secondaires en Ultra-Haute Résolution à voxels de 70 à 80 μm (Newtom VGi et 5G et Morita Accuitomo).

Enfin, certains appareils comportent un panoramique « embarqué », idéalement sur capteur différent de celui du cone beam, voire un module de téléradiographie à distance réduite (en règle 1,5 m).

Indications du cone beam en odontostomatologie

Technique d’imagerie de référence en odonto-stomatologie, le cone beam est indiqué dans la plupart des cas où une imagerie tridimensionnelle s’impose :

_implantologie ;

_dents de sagesse posant un problème anatomique avant extraction ;

_pathologie orthodontique et malformative imposant une imagerie 3D (inclusions, agénésies, dent surnuméraire, fentes, dysmorphies...) ;

_traumatismes dento-alvéolaires ou maxillaires en dehors des traumatismes graves de la face, indiquant plutôt un scanner ;

_pathologie endodontique (anatomie canalaire, lésions d’origine endodontique : leurs causes, leurs rapports et conséquences, fêlures...) ;

_pathologie parodontale ;

_images claires et denses des maxillaires (diagnostic et bilan) incluant la pathologie tumorale et kystique intra-osseuse ;

_sinusites d’origine dentaire ou implantaire et pathologie des sinus en général ;

_pathologie osseuse des ATM.

D’autres indications sont déjà proposées, telle l’étude des rochers (oreilles moyennes) en ORL, des articulations des membres...

Conclusion

Le cone beam suffit donc au diagnostic dans la majorité des cas en implantologie et en pathologie dento-maxillo-faciale, du fait de sa spécificité pour l’étude des tissus durs que représente le complexe dento-alvéolaire. Le scanner reste cependant incontournable dans l’exploration des parties molles et dans tous les cas où une mesure de densité est nécessaire, ainsi qu’en pathologie tumorale et kystique envahissant les parties molles et dans les traumatismes complexes et lorsque des artéfacts cinétiques rendent impossible l’interprétation d’un cone beam.

Enfin, la multiplication des appareils cone beam dans les cabinets dentaires devrait être soumise à une maîtrise codifiée de son usage, afin d’éviter les abus de l’autoprescription qui pourraient se traduire par une augmentation significative de l’irradiation de la population en pratique médicale.

Note de la rédaction : cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol.2, numéro 2, juin 2014.

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