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Contrôle de la plaque et essor de la dentisterie préventive — L’attitude des chirurgiens-dentistes

mer. 14 juillet 2021

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La parodontite est de nature pandémique et elle est présente partout dans le monde. L’impact de la prévalence et du fardeau de la maladie sur la santé bucco-dentaire en Inde n’est pas différent qu’ailleurs et la parodontite ne donne lieu à aucune discrimination entre race, sexe, classe sociale ou croyance. Beaucoup d’études font état d’un taux d’incidence supérieur à 30 pour cent parmi la population adulte mondiale. Le nombre est stupéfiant : plus de 300 millions de personnes souffrent de parodontite en Inde, et pour ce qui est de la gingivite, il est encore plus ahurissant. Actuellement, la parodontite est la principale raison de la perte dentaire. Bien que de nombreux facteurs de risque et de prédisposition soient attribués à l’étiologie de la parodontite, la plaque dentaire en est la raison majeure. Pourtant, elle est l’élément le plus facilement modifiable pour prévenir la survenue de la maladie.

Il existe plusieurs études indiquant que le taux élevé d’incidence de la parodontite en Inde pourrait partiellement s’expliquer par l’effectif des chirurgiens-dentistes en nombre insuffisant pour répondre aux besoins de la population et par le manque d’information chez les patients. Cependant, très peu d’études nous éclairent sur la sensibilisation des chirurgiens-dentistes au contrôle de la plaque, leur connaissance des moyens disponibles pour y parvenir, et les recommandations professionnelles qu’ils donnent à leurs patients dans ce monde mouvant du problème de plaque. Nous avons donc pensé qu’une enquête par questionnaire en ligne destinée à rechercher des informations utiles sur cette question pouvait avoir son importance. L’enquête a été conçue sous forme de questions à choix multiples et le lien pour y accéder a été communiqué aux chirurgiens-dentistes indiens par le biais de divers réseaux sociaux.

Tout commence dans la zone interdentaire

Le questionnaire a été rempli par plus de 300 participants qui formaient un groupe bien équilibré, composé de 52 % d’hommes et de 48 % de femmes. Les participants étaient âgés de 23 à 65 ans, dont une majorité se situant entre 29 et 50 ans. Au regard de l’expérience professionnelle, l’ensemble des participants comptait des chirurgiens-dentistes en début de carrière et des praticiens comptant plus de 25 à 30 années de pratique. Le groupe sondé se composait d’un échantillon qui allait d’omnipraticiens à des étudiants diplômés suivant un troisième cycle. La plupart des participants (54 %) étaient titulaires d’un diplôme de master en chirurgie dentaire.

Il est presque unanimement accepté que la parodontite commence principalement dans les zones interdentaires et celles-ci sont les plus vulnérables à l’accumulation de la plaque. Par conséquent, les questions posées dans le cadre de l’enquête ont été conçues pour donner suffisamment d’importance aux problèmes touchant les zones interdentaires et aux mesures visant à contrôler la plaque de façon à conserver ces zones dans un état sain.

La grande majorité des chirurgiens-dentistes (96 %) ont déclaré qu’ils prescrivaient régulièrement des instruments de nettoyage interdentaire à leurs patients, ce qui à notre avis était l’indication d’une attitude saine. Pour ce qui était des instruments de nettoyage interdentaire les plus recommandés, les participants se répartissaient dans deux grandes catégories : 55 % d’entre eux préféraient les brossettes interdentaires et 40 % le fil dentaire. Seulement 2,65 % recommandaient des hydropulseurs dentaires. L’Inde étant un marché très sensible aux prix, nous en avons conclu que le surcroît de dépense imposé par l’achat d’un hydropulseur dissuadait la plupart des chirurgiens-dentistes de recommander ce type d’appareil à leurs patients.

Il faut mettre en pratique ce que l’on prêche

L’enquête a examiné cette question plus en profondeur et a demandé aux chirurgiens-dentistes s’ils utilisaient eux-mêmes un instrument de nettoyage interdentaire de façon régulière ; près de la moitié d’entre eux ont admis ne jamais le faire et 35 % le faire occasionnellement. Ces résultats indiquent une contradiction manifeste : il semble que les chirurgiens-dentistes n’appliquent pas les recommandations qu’ils donnent. On est donc en droit de se demander si les conseils professionnels des chirurgiens-dentistes se limitent exclusivement aux patients et si ces chirurgiens-dentistes sont vraiment convaincus de l’utilité de prescrire des instruments de nettoyage interdentaire.

Les participants ont invoqué plusieurs raisons de ne pas utiliser eux-mêmes les instruments de nettoyage interdentaires. La raison majeure était leur capacité à nettoyer leurs propres zones interdentaires par un simple brossage régulier, suivie de l’inutilité des instruments interdentaires dans leur cas personnel en raison des contacts très étroits entre leurs dents. D’autres raisons invoquées étaient l’inutilisation des instruments par simple paresse et le temps trop long que prenait le nettoyage des zones interdentaires.

L’enquête a également examiné l’aspect de l’adhésion des patients au moyen d’une question sur les principales difficultés associées à l’utilisation des instruments de nettoyage interdentaire par ces derniers. La plupart des chirurgiens-dentistes (54 %) étaient d’avis que le manque de sensibilisation était le problème majeur, suivi du manque de motivation chez les patients et la difficulté de la technique d’utilisation des instruments. Certains chirurgiens-dentistes ont déclaré que les patients estimaient la technique trop longue à réaliser et, selon dix pour cent des participants, le prix était à l’origine du problème.

Les bains de bouche sont couramment utilisés pour le contrôle chimique de la plaque en complément du contrôle mécanique. Les bains de bouche sont une option populaire chez les chirurgiens-dentistes tout comme chez les patients, car ils sont facilement disponibles, économiques, et leur utilisation n’est ni compliquée ni chronophage. Le questionnaire a exploré l’opinion des chirurgiens-dentistes sur l’efficacité des bains de bouche anti-plaque pour déstabiliser la plaque dans les zones interdentaires. Quarante pour cent des participants pensaient que ces bains de bouche pouvaient perturber efficacement la plaque même dans les zones interdentaires, un pourcentage égal pensaient le contraire, et 20 % restaient prudents à cet égard.

Une autre information intéressante ressortie du questionnaire était aussi que 60 % des chirurgiens-dentistes n’avaient jamais utilisé une brosse à dents mono-touffe, mais 57 % admettaient que ce type de brosse pouvait bénéficier à tous les patients. Certains des chirurgiens-dentistes pensaient que leur efficacité était limitée aux patients orthodontiques, aux cas d’encombrement dentaire ou aux patients porteurs d’implants. Ceci souligne les lacunes de notre système de formation : la majorité des chirurgiens-dentistes, dont certains ont plus de 25 années de pratique, n’avaient jamais eu recours, même pas une seule fois, à un instrument aussi élémentaire qu’une brosse à dents mono-touffe.

Les implants représentent le traitement dentaire qui s’est le plus répandu dans les cabinets depuis un certain temps. Nous souhaitions connaître les mesures prises par les chirurgiens-dentistes pour assurer la maintenance des implants et les préserver de la plaque. Il est apparu que 20 % des chirurgiens-dentistes ne prescrivaient aucune forme particulière de soins. Sinon, les instruments les plus prescrits et recommandés par plus de 30 % des participants étaient les hydropulseurs. Les rubans et fils dentaires pour implant, les brossettes interdentaires et les brosses mono-touffe étaient prescrits par moins de 20 % des chirurgiens-dentistes. Seuls deux participants ont déclaré avoir recommandé la brosse à dents électrique sonique Curaprox Hydrosonic. L’information sur les hydropulseurs comme premier choix pour la maintenance des implants revêt de l’importance dans la mesure où, en général, peu de chirurgiens-dentistes les recommandent à leurs patients. Elle appuie notre déduction précédente quant au prix abordable des instruments ; les patients qui peuvent se permettre des traitements onéreux tels que la pose d’implants, peuvent également se permettre d’acheter des hydropulseurs.

Les brosses à dents sont les instruments les plus modestes, mais elles sont très performantes lorsqu’il s’agit de contrôler la plaque. À la question sur le choix de la dureté des soies des brosses à dents, 62 % des participants ont recommandé des soies douces et 12,5 % des soies ultra-douces. Près de 25 % des chirurgiens-dentistes préféraient des soies de dureté moyenne.

Nous avons voulu tester les connaissances des chirurgiens-dentistes sur le fonctionnement des brosses à dents soniques. En moyenne, 40 % des participants ont répondu qu’ils connaissaient le fonctionnement d’une brosse à dents sonique et 60 % l’ignoraient ou n’en avaient qu’une vague idée.

Meilleure prévention grâce à une formation pratique

Selon nous, une sensibilisation des patients à la santé bucco-dentaire donnerait un coup de pouce aux programmes de prévention. Nous avons donc interrogé les chirurgiens-dentistes sur ce sujet. La très grande majorité des participants (97 %) ont reconnu que bien plus d’attention devait être accordée aux mesures visant au contrôle de la plaque dans leur cabinet, et 91 % d’entre eux ont admis que l’adoption de programmes de soins dentaires préventifs pourrait être profitable à leur activité. Beaucoup de participants (76 %) prenaient régulièrement le temps d’informer leurs patients sur la prévention ; cependant, la plupart n’y consacraient que deux à cinq minutes, ce que nous estimons tout à fait inadapté.

En conclusion, nous tenons à faire quelques observations. Il y a lieu de s’attacher plus particulièrement aux aspects pratiques des mesures visant au contrôle de la plaque dans le cadre de la formation des étudiants en chirurgie dentaire en Inde. Ils doivent être informés des outils qui leur sont accessibles pour le contrôle de la plaque, ainsi que de leurs avantages et inconvénients. Il apparaît que, dans leurs efforts d’intégration de modalités de traitement de pointe dans leur cabinet, les chirurgiens-dentistes négligent des choses aussi élémentaires que le contrôle de la plaque, qui pourtant forme la pierre angulaire de la préservation des dents naturelles.

Note de la rédaction : Cet article a été initialement publié dans le magazine prévention – international magazine for oral health, Volume 4, numéro 2/2020 puis dans le journal Dental Tribune France mars 2021, VOL. 13, NO. 3

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