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Entre BOPT et BTA : Une étude de cas sur le remodelage du contour gingival de restaurations dento-portées au moyen de couronnes provisoires en résine.

Restaurations présentant une remarquable convexité transgingivale (Photo : Dr Dr Feng Liu, Chine)
Dr Feng Liu, Chine

Dr Feng Liu, Chine

mar. 15 août 2017

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Le remodelage du contour des tissus mous péri-implantaires au moyen de couronnes provisoires en résine après la pose d’un implant est désormais une technique fréquemment utilisée en implantologie.1 La plupart des restaurations implanto-portées présentent une attache épithélio-conjonctive transmuqueuse de 3 à 4 mm autour de l’implant et de la restauration.2 L’adaptation du contour des tissus mous par une modification du profil d’émergence de couronnes provisoires est par conséquent devenue une pratique courante en implantologie pour optimiser le résultat esthétique.3

Eu égard à la santé du tissu parodontal entourant les dents naturelles, le bord de la couronne est de préférence positionné en supragingival ou en juxtagingival de sorte que le contour de la restauration n’influe pas sur le contour gingival.4, 5 Toutefois, lorsqu’il est nécessaire de masquer la teinte originale d’une dent pilier, de préparer une férule et/ou d’améliorant la rétention et la résistance, le bord de la couronne peut être positionné en sous-gingival.6 La profondeur du sillon gingivo-dentaire d’une dent naturelle saine étant d’environ 1 mm, la limite cervicale de la couronne est généralement placée à 0,5 mm au-dessous du bord libre de la gencive.7, 8

Contrairement à une couronne implantoportée, une couronne dento-portée n’a donc pratiquement aucune influence sur le contour gingival. Cependant, si le sillon gingivo-dentaire est suffisamment profond, et le biotype gingival épais, il est possible de modeler le contour gingival de la dent pilier au moyen de couronnes provisoires en résine. Cet article a pour but de décrire le processus de traitement par le biais de l’analyse rétrospective d’un cas caractéristique qui a couvert une période de sept ans.

Étude de cas
Une patiente âgée de 48 ans, jouissant d’une bonne santé générale, avait été adressée au service de stomatologie de l’hôpital universitaire de Pékin (Beijing, Chine) en 2008. La patiente était surtout préoccupée par ses dents antérieures supérieures qui avaient été atteintes de graves caries dentaires et avaient fait l’objet d’un traitement endodontique. La patiente ne ressentait aucune douleur et souhaitait non seulement une restauration des dents antérieures lésées mais également un résultat esthétique. Ses moyens fi nanciers ne permettaient cependant pas de résoudre la totalité de ses problèmes dentaires.

L’examen dentaire avait révélé une agénésie de la dent 22 et une mésialisation de la dent 23. Les dents 21, 11 et 12 présentaient en outre des défauts très visibles. On observait une palato-version radiculaire et coronaire marquée des dents 21 et 12 et plus légère de la dent 11. La vérification de l’occlusion avait mis en évidence une supraclusion et un surplomb incisif prononcé des dents antérieures. De plus, le contour gingival de la patiente était inharmonieux et les commissures labiales étaient asymétriques lorsqu’elle souriait (Figs. 1–4).

Plan de traitement
Chez les patients présentant une malocclusion et un mauvais alignement des dents, les restaurations devraient être entreprises après la fin d’un traitement orthodontique. Cependant, vu la durée du traitement et les moyens financiers dont elle disposait, la patiente avait refusé le traitement orthodontique et souhaitait se limiter à la restauration. Le contour gingival inharmonieux risquant de nuire au résultat esthétique final, son amélioration par certaines techniques avait néanmoins été proposée à la patiente avant d’entreprendre la préparation des dents.

L’élongation coronaire est une technique largement utilisée pour améliorer le contour gingival. Cependant, dans le cas de cette patiente, même si le contour gingival pouvait être corrigé verticalement par une chirurgie parodontale, la palato-version des dents antérieures supérieures aurait accentué l’inclinaison de leur grand axe dans le plan sagittal et il aurait donc été difficile de parvenir au résultat esthétique idéal (Fig. 5).

Chez cette patiente, il était nécessaire d’avancer toute la face antérieure des restaurations en direction vestibulaire de façon à améliorer la hauteur du contour gingival (Fig. 6). Par conséquent, un choix de traitement mieux adapté devait être envisagé. Un examen plus approfondi de la patiente avait révélé un biotype gingival épais. La profondeur du sillon gingivo-dentaire au niveau de l’incisive latérale supérieure droite et de l’incisive centrale supérieure gauche était de 3 mm, et de 1 mm au niveau de l’incisive centrale supérieure droite (Figs. 7 et 8). En implantologie, il a été prouvé que, si le tissu mou péri-implantaire présente un biotype épais, il est possible d’améliorer efficacement le résultat esthétique en modifiant le contour gingival par un modelage du tissu mou transmuqueux au moyen d’une couronne provisoire en résine de forme préfinie. En ce qui concerne la restauration de dents naturelles lésées, les données cliniques sont par contre insuffisantes pour confirmer que l’utilisation de couronnes provisoires en résine peut contribuer au modelage du contour gingival. Nous avions estimé qu’un tel protocole de traitement valait la peine d’être tenté chez cette patiente.

 

Wax-up diagnostic
Nous avions élaboré un wax-up diagnostic afin de prévisualiser le résultat souhaité et de guider le traitement. Sur le modèle, les bords incisifs des deux incisives centrales étaient positionnés en palatin de la ligne rouge de la lèvre inférieure (jonction entre la zone sèche et la zone humide) ; la position des bords incisifs devait donc être avancée de 2 mm en direction vestibulaire. En outre, pour améliorer la supraclusion et le surplomb incisif prononcé de la patiente, nous avions décidé de repositionner les bords incisifs des incisives centrales supérieures 2 mm plus haut, à une hauteur où la ligne du sourire serait encore acceptable malgré le changement côté palatin. Afin de protéger l’attache épithéliale du sillon gingivo-dentaire et en fonction des variations de profondeur sulculaire, le contour gingival de l’incisive latérale supérieure droite, de l’incisive centrale supérieure droite et de l’incisive centrale supérieure gauche devait être déplacé en direction apicale de 2,5 mm, 0,7 mm et 2,5 mm respectivement. Toute la restauration devait être inclinée et déplacée de 1,5 à 2 mm en direction vestibulaire de sorte que la palato-version radiculaire n’affecte pas le résultat esthétique (Figs. 9–14).

 

Préparation des dents et restaurations provisoires
Deux clés en silicone avaient été fabriquées d’après le wax-up diagnostique. L’une de ces clés avait été découpée en sens vestibulo-lingual afin de guider la préparation des dents piliers. La limite marginale des prothèses avait été dessinée de manière à être positionnée à 0,5 mm en sous-gingival (Figs. 15-17). Les restaurations provisoires avaient été fabriquées d’après l’autre clé en silicone et le résultat représentait une nette amélioration sur le plan esthétique. La forme des restaurations provisoires n’avait cependant pas été conçue pour imiter le profil d’émergence des dents naturelles existantes mais pour obtenir un recouvrement partiel de la gencive vestibulaire par la partie cervicale des restaurations. Ce n’est qu’après une longue phase de remodelage que la forme des dents naturelles avait été définie (Figs. 22 et 23). Les empreintes destinées aux reconstitutions corono-radiculaires avaient été prises simultanément. Vu que l’inclinaison des restaurations était vestibulaire, le choix s’était porté sur des reconstitutions corono-radiculaires fabriquées dans un alliage d’or.

Modelage du contour gingival’
La patiente avait passé une visite de suivi deux semaines après la pose des restaurations provisoires. À cette date, l’examen intraoral avait révélé une récession gingivale et une exposition des épaulements vestibulaires des dents 21 et 12 (Fig. 24). Le bord de la dent 11 était également visible et la gencive était saine. Au cours de cette visite, les reconstitutions corono-radiculaires avaient été placées et les dents de nouveau préparées afin de repousser les limites marginales en direction apicale. De nouvelles restaurations provisoires avaient été fabriquées afin d’augmenter la convexité de la zone cervicale et renforcer l’effet du modelage du contour gingival. En accord avec les souhaits exprimés par la patiente, les couronnes avaient été légèrement allongées au niveau du bord incisif (environ 1 mm) (Figs. 25–27). Après deux semaines de plus, la patiente était revenue nous consulter et l’examen avait révélé un changement très net du contour gingival et la reconstruction presque complète du contour gingival transmuqueux. La gencive entourant les restaurations était saine (Fig. 28). Les parties transgingivales des restaurations avaient été modifiées et les bords incisifs raccourcis selon les souhaits de la patiente.

Deux semaines après la pose des nouvelles couronnes provisoires, la patiente était de nouveau revenue pour poursuivre le traitement. À ce stade, la patiente avait exprimé sa satisfaction quant au contour gingival et à la hauteur des bords incisifs (Fig. 29). Après le retrait des couronnes provisoires, le contour gingival des dents piliers était similaire à celui que l’on observe ordinairement pour des tissus mous péri-implantaires. Une dernière empreinte avait été prise afin de fabriquer le modèle principal qui devait reproduire le contour gingival avec précision (Figs. 30–32). Les restaurations définitives en matériau tout-céramique avaient été fabriquées selon le modèle principal.

 

Finition des restaurations définitives
Après leur fabrication, les couronnes définitives laissaient apparaître des contours transgingivaux précis qui correspondaient à la forme des tissus gingivaux entourant le collet des dents piliers du modèle principal (Figs. 33–35). Durant l’essayage, l’adaptation marginale, la forme et les points de contact, l’harmonie entre les contours transgingivaux des restaurations et les tissus gingivaux entourant les dents piliers avaient été soigneusement examinés. Les contours transgingivaux des restaurations devaient préserver la forme de la gencive mais sans accroître la pression afin de conserver la santé de la gencive et son contour sur le long terme (Figs. 36–39).

Visites de suivi
La visite de suivi une semaine après la mise en place des restaurations définitives avait révélé que la gencive entourant les couronnes était saine et stable. Par rapport aux photographies intraorales prises avant l’intervention, l’esthétique était sensiblement améliorée (Figs. 1, 3, 40–43). Malheureusement, la patiente ne s’était pas présentée aux visites de suivi suivantes et n’était revenue que sept années après la mise en place des restaurations définitives. Lors de cette visite, l’évaluation de l’état de santé buccodentaire avait été décevante, avec un indice de débris (+) et un indice de tartre dentaire (++). La gencive était légèrement rouge et enflée. Toutefois, la santé gingivale au niveau des dents 21, 11 et 12 était meilleure que celle des autres dents. Autour des dents 21 et 12, la gencive était saine et le contour gingival stable, sans récession gingivale marquée. Une légère récession gingivale pouvait être observée autour de la dent 11, ainsi qu’un léger rougissement et gonflement de la gencive. Le résultat esthétique du contour gingival modifié était cependant maintenu (Figs. 44–47).

Le modelage du contour transmuqueux péri-implantaire au moyen de couronnes provisoires est fréquemment utilisé en implantologie. L’utilisation d’une coiffe de transfert individualisée permet de reproduire précisément le contour du tissu mou de la zone cervicale péri-implantaire sur le modèle de travail. Le contour de la restauration implanto-portée définitive s’avère parfaitement ajusté au contour du tissu mou et garantit par conséquent la stabilité à long terme de la forme et de la position du tissu mou péri-implantaire. Cette patiente a bénéficié d’un protocole de traitement tiré de l’expérience acquise avec les techniques de restauration de couronnes implanto-portées. Le sillon gingivo-dentaire relativement profond et le biotype épais ont favorisé le remodelage des contours gingivaux des dents piliers au moyen de restaurations provisoires ; le contour gingival a été remodelé dans les 3 dimensions et un résultat esthétique idéal a été obtenu.

 

Durant l’intervalle relativement long entre le traitement et la dernière visite de suivi, le tissu gingival entourant l’incisive latérale supérieure droite et l’incisive centrale gauche, dont la profondeur et la convexité transgingivale étaient plus importantes, s’est avéré assez stable. La stabilité de la gencive au niveau de ces deux dents était supérieure à celle de l’incisive centrale supérieure droite qui présentait une profondeur transgingivale relativement faible et une convexité moindre. La santé de la gencive attestait en outre de l’efficacité du protocole de traitement utilisé.

Pour ce cas, le protocole de traitement se situait entre deux concepts que la profession dentaire reconnaît peu à peu et que l’on désigne par « Biologically-Oriented Preparation Technique (BOPT) et « Biological Tissue Adaptation » (BTA).

Selon le concept BOPT, le contour gingival peut être remodelé par des restaurations provisoires. Après l’obtention du contour idéal, celui-ci est adapté avec précision aux restaurations définitives. Le concept BOPT consiste à préparer les dents sans épaulement de façon à permettre une modification spontanée du rebord gingival. Dans le présent cas, l’incisive latérale supérieure droite et l’incisive centrale supérieure gauche ont été préparées de la sorte, ce qui répondait donc aux critères de préparation dentaire de la BOPT. 18 Selon la BOPT cependant, la convexité des restaurations définitives doit être similaire à celle des dents naturelles et jouerait un rôle dans le remodelage de la jonction amélo-cémentaire. Dans notre cas, la convexité des restaurations définitives était plus importante que celle des dents naturelles, ce en quoi notre protocole de traitement différait de la BOPT.

Le protocole BTA consiste à pratiquer une gingivectomie et à modifier la gencive afin de parvenir à un contour gingival idéal, puis à fabriquer des restaurations provisoires dont la convexité cervicale plus importante va permettre de remodeler la gencive. Après l’obtention d’un contour gingival stable et conforme aux exigences, celui est préservé par la pose de restaurations définitives pourvues du même contour transgingival.

Toujours selon l’approche BTA, une gingivectomie pourrait léser l’espace biologique constitué des structures épithéliales et conjonctives, et par conséquent stimuler une régénération de la gencive. Toutefois, la convexité vestibulo-cervicale plus importante des restaurations provisoires ou définitives contrecarre ce processus en direction verticale. La gencive ne pourra se régénérer que le long du contour des restaurations, ce qui entraînera le développement d’un sillon gingival doté d’une fonction de scellement. Le contour gingival correspondra ainsi à la forme des restaurations.

Dans l’approche BTA, les rapports gingivo-alvéolaires correspondent aux espaces biologiques dans les trois dimensions et la relation entre le contour gingival et les restaurations est estimée stable. Dans notre cas, le protocole de traitement différait de la technique BTA mais le résultat obtenu avec les restaurations définitives était comparable. La BOPT et la BTA sont des concepts de traitement gingival esthétique et créatif qui ont été établis ces dernières années. Le protocole utilisé dans la présente étude emprunte aux deux approches. Après sept années de suivi, le résultat esthétique final obtenu pour l’incisive latérale supérieure droite et l’incisive centrale supérieure gauche était meilleur que celui de l’incisive centrale supérieure droite qui avait été restaurée par un protocole proche de la technique de restauration classique. Un tel résultat porte donc à réfléchir.

Note de la rédaction : une liste complète des références est disponible auprès de l’éditeur.

Article déjà paru dans le Cosmetic Dentistry 1/2016 et dans le journal Dental Tribune France N°9/2017 disponible dans les e-paper.

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