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La microchirurgie parodontale d’assainissement: une nouvelle approche avec le laser Erbium-YAG

Fig. 3a_Courbes d’absorption des lasers.
Dr Fabrice Baudot

Dr Fabrice Baudot

mer. 3 décembre 2014

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Nous vivons aujourd’hui, dans le domaine médical, l’avènement des techniques mini-invasives. La dentisterie n’échappe pas à cette tendance forte. Dans toutes les spécialités de notre discipline, nous voyons apparaître des outils et des protocoles opératoires de microdentisterie. C’est la quête d’un meilleur confort opératoire, d’une meilleure efficacité et de meilleurs résultats, qui nous oriente dans cette voie. La parodontologie, elle aussi, est depuis quelques années entrée dans cette démarche, par le développement de la microchirurgie parodontale. Cette approche s’articule autour d’un plateau technique adapté, et de nouveaux protocoles opératoires. L’objectif de cet article est de vous présenter une nouvelle approche de la chirurgie d’assainissement, rendu possible grâce à la synergie du laser Erbium:YAG (Er:YAG) et des aides optiques.

_Aspects fondamentaux de la microchirurgie

Pourquoi la microchirurgie ? C’est une question qui peut légitimement être posée.

Préserver la vascularisation

Bukhardt et Lang en 2005, ont clairement montré qu’une technique microchirurgicale permettait une meilleure cicatrisation qu’une technique classique. La clé du succès de la microchirurgie est le respect de l’intégrité des tissus et en particulier de leur vascularisation. À tel point que l’on peut qualifier une technique chirurgicale de mini-invasive, par le fait qu’elle respecte la vascularisation tissulaire.

Opérer plan par plan

Pour pratiquer ce type de chirurgie, le praticien doit prendre conscience de la finesse des structures anatomiques et notamment des différents plans tissulaires qu’il opère. Tout comme les chirurgiens plasticiens qui traitent les tissus cutanés plan par plan, le parodontiste devrait aborder le parodonte de la même manière, en tenant compte de la spécificité anatomique et fonctionnelle de chaque plan. La finesse des structures à opérer impose un abord microchirurgical.

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Éviter les tensions tissulaires

Opérer plan par plan permet de respecter les différentes structures anatomiques, mais également de gérer les tensions tissulaires éventuelles, qui peuvent être néfastes dans la revascularisaton de la zone opérée, comme cela a été brillamment démontré dans un article de Mammoto, paru dans la célèbre revue Nature en 2009. Le développement des cellules endothéliales, siège de la vascularisation, est sous l’influence de récepteurs de pression/tension qui vont guider la morphologie tissulaire, en particulier pendant la cicatrisation tissulaire.

Suturer fin ou pas

C’est un paramètre chirurgical de plus, allant dans le sens du respect des tissus opérés. Les sutures fines vont avoir des vertus physiques et biologiques. Elles évitent des tensions tissulaires excessives garantissant ainsi une meilleure cicatrisation (Burkhardt et al., 2008, 2010) et limitent l’infiltration microbienne des zones opérées (Tabanella, 2004). L’utilisation microchirurgicale du laser Er:YAG nous permet d’opérer sans suture, c’est encore moins traumatisant.

Éviter de décoller le périoste

Le périoste est une source vasculaire fondamentale pour le parodonte. Les lambeaux d’épaisseur totale et même partielle, provoquent un retard de cicatrisation et des résorptions osseuses, comme le rappelle la récente étude de M. Hurtzeler et al., 2011. Opérer sans lambeau, ou avec des techniques d’épaisseur partielle, améliore considérablement le processus de cicatrisation : le phénomène est étudié depuis longtemps (Donnefeld 1964, Pleifer 1965, Bragger 1988, Stafilino 1974, etc.) et ce sont notamment les techniques microchirurgicales qui nous le permettent.

_Intérêt du laser Er:Yag en microchirurgie parodontale

Nous le voyons, le praticien doit affiner sa vision des tissus qu’il opère, mais il doit également avoir des outils capables de répondre aux exigences d’une gestuelle plus précise.

La synergie entre les aides optiques et le laser Er:YAG trouve tout son intérêt dans cette double exigence. Grâce aux aides optiques (minimum x 3,5) le chirurgien a une analyse plus fine des tissus qu’il opère, et la finesse des effets thérapeutiques du rayonnement laser Er:YAG lui permet d’exprimer toute la précision nécessaire, pour une approche chirurgicale mini-invasive.

L’énergie libérée par le rayonnement laser à la longueur d’onde de 2 940 nm a pour principale caractéristique d’être massivement absorbée par l’eau et l’hydroxyapatite. Cette propriété physique procure à ce laser toute sa polyvalence en chirurgie dentaire et en particulier, en parodontologie.

L’énergie absorbée dans les tissus ciblés va provoquer leur vaporisation : visuellement, on observe un phénomène de microablation tissulaire. Le laser devient un outil microchirurgical, permettant de sculpter les tissus avec une extrême précision. Les effets de microablation sont fonction de la charge hydrique des tissus ciblés. Plus la charge hydrique est forte, plus le phénomène de vaporisation est intense.La charge hydrique des différents plans tissulaires n’est pas constante. Nous pouvons, pour des raisons didactiques, distinguer deux types de situations :

Charge hydrique croissante

Tissus durs contre tissus mous. Dans cette situation, le laser Er:YAG est plus délicat à utiliser et le risque de léser les tissus mous est élevé. Dans ces situations cliniques, la piezzochirurgie (complémentaire du laser) semble plus adaptée :

_Ouverture de volets sinusiens.
_Hémisection radiculaire.
_Prélèvement osseux.

Charge hydrique décroissante

Tissus mous contre tissus durs. C’est le domaine d’application par excellence du laser Er:YAG. Le rayonnement va agir sur les tissus mous (plus chargés en eau) sans toucher les tissus durs (moins chargés en eau). Les situations cliniques correspondent par exemple à :

_Gingivectomie contre la racine.
_Dégranulation tissulaire contre l’os et les racines.
_Tissus inflammatoires incrustés dans la gencive saine.

Ces notions définissent le domaine d’application du laser Er:YAG en parodontologie et son mode de fonctionnement. Le laser va nous permettre d’opérer les tissus parodontaux différemment par rapport à l’instrumentation conventionnelle. On ne coupe plus, on ne fraise plus les tissus, mais on les sculpte avec une grande précision. On utilise le rayonnement comme une sorte de curette optique piezzochirurgie, qui va avoir une action sélective sur les tissus inflammatoires, laissant les tissus environnants intacts en préservant particulièrement la vascularisation.

_Les paramètres de réglages du laser Erbium:YAG

Nous ne rentrerons pas ici dans les explications sur la physique des lasers ; retenons que le laser Er:YAG fonctionne sur le mode pulsé. L’énergie est libérée par des tirs sous irrigation.

NB : l’irrigation peut être coupée, mais des effets thermiques apparaissent très rapidement. C’est un moyen de pouvoir coaguler avec le laser Er:YAG qui en principe, n’est pas fait pour cela. Le praticien dispose de 5 paramètres pour ajuster l’effet thérapeutique du laser.

Deux paramètres réglés sur la machine

Pour simplifier l’utilisation clinique, les fabricants ont limité le réglage de la machine à 2 paramètres, sur lesquels le praticien peut agir pour déterminer les caractéristiques du faisceau émis : la fréquence des tirs (exprimés en hertz) et l’intensité des tirs (exprimé en millijoules). Le produit de ces deux paramètres donne une puissance de tir exprimée en watt.

Trois paramètres variables que le praticien a dans ses mains

Pour ajuster l’énergie délivrée aux tissus ciblés, le praticien va jouer sur les paramètres suivants :

_Le temps d’exposition aux tirs.
_La distance entre la source d’énergie et les tissus.
_L’angulation du faisceau.

C’est en modulant ces paramètres que « la magie » de l’outil opère dans les mains du praticien. Sous contrôle visuel, ce dernier va pouvoir sculpter les tissus avec une précision à l’échelle de quelques dizaines de microns.

_Protocole de microchirurgie d’assainissement

L’utilisation de tels outils de microchirurgie, le perfectionnement des aides optiques et le développement de nos connaissances sur l’importance de la microvascularisation dans les processus de cicatrisation, nous permettent aujourd’hui de trouver une 3e voie, entre l’approche chirurgicale prônée par les américains et notamment Widman (1971), et les techniques totalement non-chirurgicales proposées par les Suédois à partir des années 90 (Egelberg, Badersten, 1985). Ces deux approches sont efficaces, mais elles ont montré leurs limites dans le traitement des parodontites:

_L’approche chirurgicale est invasive, les protocoles opératoires sont lourds et les temps de traitements longs, exposent au risque de réinfection. La chirurgie parodontale d’assainissement visant à réduire les poches parodontales, ne dédouane pas d’un programme de maintenance strict.

_L’approche non-chirurgicale répond à une logique microbiologique. En agissant sur l’étiologie de la pathologie et en respectant les tissus parodontaux, elle a montré de bons résultats. Cependant la technique opératoire laisse un nombre conséquent de poches parodontales résiduelles et, la prise en charge non-chirurgicale des parodontites impose un programme de maintenance ultra-strict, que peu de patients et d’équipes thérapeutiques sont capables de respecter sur le long terme (en particulier en France en l’absence d’hygiénistes). La voie ouverte par l’approche microchirurgicale va permettre d’allier les avantages de ces deux techniques, tout en lissant leurs inconvénients. Cette voie trouve ses origines dans la technique de Yukna (1978), qui a publié l’E.N.A.P : Excisional for New Attachment Procedure.

Finalement, le plus important dans la prise en charge des parodontites est la maintenance parodontale. Le patient doit pouvoir avoir accès à toutes les surfaces dentaires pour maintenir une hygiène adaptée à son profil physiologique. Le point clé est le nombre de poches parodontales. La phase initiale a pour but d’accéder au parodonte profond pour nettoyer ces poches (approche non-chirurgicale) et dans une certaine mesure les diminuer (approche chirurgicale). L’approche microchirurgicale que nous proposons va permettre de répondre à ces deux critères dans un protocole opératoire simple et rapide. Le praticien va travailler sous aides optiques et donc sous contrôle visuel, avec un outil chirurgical ultrafin qui va lui permettre d’opérer de manière non-invasive sans lambeau, pour préserver la vascularisation et l’intégrité des tissus.

Protocole opératoire en 3 temps

_Incision sulculaire à biseau interne (plus ou moins décalée) pour accéder au parodonte profond. Cette incision peut se faire à la fraise diamantée fine (type flamme), ou au laser dans les zones les plus délicates. Elle a pour but de ménager un accès au parodonte profond (une sorte de cavité d’accès). À travers cet espace d’environ 1 mm, nous sommes capables de voir jusqu’à 10-12 mm avec des aides optiques performantes. Nous pouvons donc opérer sous contrôle visuel sans avoir besoin de décoller un lambeau.

_Le nettoyage du parodonte profond se fait classiquement à l’aide d’ultrasons fins pour éliminer le tartre. Les tissus inflammatoires sont traités au laser, par vaporisation sélective. L’insert fin du laser nous autorise un accès à travers un sulcus élargi, qui va nous permettre de réaliser une dégranulation tissulaire précise : une sorte de curette optique très performante. Lorsque le parodonte profond est nettoyé, un polissage très léger des surfaces radiculaires peut être réalisé sous contrôle visuel.

_À ce stade l’intervention est terminée. Le protocole opératoire est court, mini-invasif et les suites opératoires sont très légères.

Nous proposons un traitement de la bouche complète en 2 séances espacées de 48 heures à maximum 1 semaine, pour limiter les risques de contamination croisée. Chaque intervention par hémi-bouche (haut et bas) prend entre 45 minutes et 1 h 30, selon l’importance des lésions. Des séances d’enseignement d’hygiène orale sont observées sur un parodonte assaini.

À 2 mois postopératoire, le patient est revu pour une réévaluation. À ce stade, le programme de maintenance parodontale adapté sera fixé et pourra débuter. Il sera réévalué annuellement en fonction de l’évolution des paramètres cliniques. La prise en charge de la parodontite dans un tel protocole est simple. La maintenance parodontale est rapidement initiée, sur un parodonte profondément et efficacement traité. Le protocole microchirurgical est à mi-chemin entre l’approche chirurgicale et non-chirurgicale.

_La vaporisation tissulaire sélective au laser Er:YAG et propriétés thérapeutiques

Nous l’avons vu, une des particularités de ce protocole opératoire est l’utilisation du laser Er:YAG, qui va nous autoriser une efficacité thérapeutique dans un espace restreint. La propriété de microablation tissulaire en fonction de la charge hydrique des tissus, va permettre une dégranulation tissulaire fine et sélective, plan par plan, respectant ainsi les principes de la microchirurgie. À l’intérieur de la poche parodontale, les tirs du laser vont vaporiser les tissus inflammatoires. Les premiers plans tissulaires vaporisés sont les plus hydratés : les plus infiltrés. Le champ opératoire sous l’effet de l’irrigation du laser se dégage et le praticien sous aides optiques, voit les surfaces qu’il traite. Il n’y a pas de coagulation et donc pas de lésion microvasculaire, mais l’élimination des tissus inflammatoires réduit le saignement et dégage le champ opératoire.

Une fois les tissus inflammatoires éliminés, le praticien a une vision précise de l’intérieur de la poche et peut traiter le second plan, les tissus sains. À ce stade, une plastie de la partie des tissus mous de la poche peut être envisagée, pour réduire la profondeur dans les secteurs où cela est possible. Ensuite, le praticien peut réaliser une microplastie osseuse directement de l’intérieur de la poche par microablation tissulaire : une sculpture de l’os sans lambeau. L’angulation du faisceau laser par le biais du cône de défocalisation, permet un traitement à faible énergie des parois latérales de la poche : le ligament et l’os. Ces parois vont être décontaminées et biostimulées, selon les principes de la LLT laser : Low Level Therapy. L’absorbation de l’Er:YAG par l’hydroxyapatite confère à ce rayonnement d’excellentes propriétés pour le nettoyage des surfaces osseuses, en éliminant la smear layer produite par l’alvéolyse.

Le débridement parodontal au laser se fait sous irrigation. Nous bénéficions de l’agitation des solutions d’irrigation, comme c’est le cas dans les applications endodontiques du laser. Le phénomène de microcavitation de l’irrigation activée par le rayonnement laser, a des effets de nettoyage sur les parois de l’espace ainsi traité.

_Le laser Er:YAG en pratique clinique

L’émission du rayonnement laser Er:YAG à l’intérieur de la poche parodontale, s’accompagne de phénomènes physiques et biologiques qui ont des effets thérapeutiques visibles sous fort grossissement. Le laser est un outil chirurgical bien plus performant que notre instrumentation classique, qui n’a qu’une action mécanique et relativement grossière par rapport à ce rayonnement. En pratique, les choses sont très simples. L’embout laser est inséré dans la poche comme une curette optique, et le praticien balaye les surfaces à traiter pendant que le rayonnement est émis, pour limiter les effets thermiques et pratiquer un traitement uniforme et homogène (comme avec une bombe de peinture). L’ergonomie de l’insert permet un contrôle visuel des effets thérapeutiques. La plastie tissulaire nécessite des poses dans le mouvement de balayage. Pour augmenter les surfaces à traiter, le praticien défocalise le rayonnement. Les 3 paramètres que sont les temps d’exposition, la distance focale et l’angulation du rayonnement, sont les variables dont le praticien dispose, pour exprimer tout son art de thérapeute.

_Conclusion

Depuis plus de 10 ans, la littérature scientifique a démontré les propriétés physiques et biologiques du laser Er:YAG : c’est un outil chirurgical performant et sécurisant. L’atout majeur de ce rayonnement est sa forte absorption par l’eau : c’est ce qui le rend sécurisant en limitant les effets thermiques collatéraux. Sa performance clinique peut être attribuée aux propriétés de microablation tissulaire. C’est un outil polyvalent, permettant de sculpter l’émail à des niveaux d’énergie élevés et de décontaminer la surface grâce à ses propriétés bactéricides sur les biofilms microbiens à des niveaux d’énergie plus faibles.

Nous avons décrit ici l’application du laser Er:YAG en parodontie d’assainissement, son champ d’application ne se limite pas là à la parodontologie. Le laser Er:YAG trouve également des applications en chirurgie plastique. Il nous permet d’opérer non plus en coupant ou en fraisant mais en sculptant les tissus. Nous pouvons ainsi pratiquer des microplasties des tissus mous en chirurgie muco-gingivale, des allongements coronaires sans lambeau et autres interventions de régénérations osseuses guidées mini-invasives.

Le laser Er:YAG n’est pas une thérapie, c’est un outil microchirurgical qui, allié aux aides optiques, donne un atout de plus aux dentistes désireux de prendre la voie de la pratique mini-invasive._

Note de la rédaction : la bibliographie est disponible auprès de l’éditeur.
Cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol.2, numéro 4, décembre 2014.

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