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Le laser Delta Cube : un laser diode multi-longueur d’ondes - Étude ex vivo – Partie I

Laser Delta Cube. (Photo : Erma Electronique)
Pr Dr Jean-Paul Rocca, Dr Sylvaine Lesnik-Cannavo, Pr Dr Carlo Fornaini

Pr Dr Jean-Paul Rocca, Dr Sylvaine Lesnik-Cannavo, Pr Dr Carlo Fornaini

mer. 12 mars 2014

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Les lasers diodes rencontrent un certain succès en odontologie pour diverses raisons parmi lesquelles leur faible encombrement, leur utilisation facile et leurs diverses applications dans la discipline. Il convient toutefois de préciser d’emblée que les indications sont limitées aux tissus mous (exérèse) et aux seuls traitements de surface des tissus durs (décontamination) sans exérèse. Ces lasers, faits de semi-conducteurs, ont des longueurs d’ondes variables qui vont du visible à l’infrarouge et il est possible aujourd’hui sur une même machine d’avoir plusieurs longueurs d’ondes isolées, voire couplées et même triplées. L’apparition du laser Delta cube est intéressante de ce point de vue puisque quatre longueurs d’ondes sont disponibles (laser de visée bleu 405 nm, diode 650 nm et diode 915 et 1 064 nm).

Description succincte de la machine
La puissance varie de 0,1 W à 15 W ce qui permet au laser Delta Cube de rentrer dans les indications des lasers basse énergie (en dessous de 0,5 W, fréquence de Naugier) mais aussi de se trouver en situation de coupe et de décontamination avec les puissances supérieures. La fréquence elle aussi est variable (20 Hz–50 Hz–100 Hz et 20 KHz). Elle comporte (Fig. 1) un tableau d’affichage des paramètres choisis et ces paramètres varient à l’aide de boutons pression. Une aide opératoire est accessible dans un tableau situé au bas de la machine, tableau qui affiche des préprogrammes correspondant à différents actes opératoires.

En haut à gauche (vue de face) se situe un embout de couleur violet qui sert principalement à l’hémostase et couple deux longueurs d’ondes (1 064 et 915 nm) plus le laser de visée (405 nm). En dessous un embout vert est destiné à la coupe droite et en dessous un embout rouge sert à la coupe avec un angle de 90° (couplage des trois longueurs d’ondes). C’est la première fois qu’un laser diode « dentaire » permet de travailler en mode non contact, ce qui justifie d’ailleurs la nécessité d’un laser de visée (bleu). En haut à droite un embout métallisé délivre de basses énergies et sert dans la gestion, entre autres, des douleurs postopératoires ou articulaires (laser rouge 650 nm et 915 nm), le diamètre du spot étant de 6 mm. Au dessous, un embout jaune permet de positionner des fibres de diamètre variable (en général 400 μm) servant en endodontie et parodontie dans les processus de décontamination.

Tous les embouts sont facilement préhensible par attraction magnétique, à l’aide de la pièce à main qui distribue la fibre. La gestuelle, grâce à cette attraction magnétique est facilitée. Sur le dessus de l’appareil se situe un bouton d’arrêt d’urgence qui bloque l’alimentation électrique.

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Essais ex vivo
Pour toute nouvelle machine se pose le problème du choix des paramètres et de leur incidence. Dans un premier temps les essais ex vivo sont nécessaires pour reproduire ou tenter de reproduire ce qui sera observé en clinique.

Relation effet de coupe élévation thermique

Trois puissances affichées ont été testées (3 W, 5 W et 8 W) avec l’embout vert (coupe droite) et rouge (coupe 90°) sur mâchoires animales, puissances qui ont été corrélées à l’élévation thermique des tissus sous-jacents (Lesnik-Cannavo et Bertrand MF). Un groupe contrôle a été effectué à l’aide d’une lame froide (n° 15) et les zones irradiées l’ont été par passages successifs. Le contrôle de coupe, quelle que soit la méthode utilisée, est effectué à l’aide d’une sonde métallique, pour évaluer la profondeur de coupe (jusqu’au périoste) (Fig. 2).

Les meilleurs résultats ont été obtenus avec une puissance affichée de 7 W (durée de chaque pulse 300 msec, fréquence 100 Hz). Peu de traces de carbonisation étaient observées. Le départ de coupe peut être encore plus rapide si l’on effectue un point noir à l’aide d’un feutre sur le tissu biologique, la combinaison 1 064 nm et 915 nm étant très absorbée par cette couleur (notion de chromophore).

Dans ces observations ex vivo l’épaisseur de tissu (1,2 mm jusqu’à 1,5 mm) est beaucoup plus grande que celle observée in vivo chez l’homme. Il en va de même pour la texture qui est beaucoup plus compacte dans le modèle expérimental. Ces deux remarques font que la coupe demande plus de temps clinique en mode ex vivo. Ainsi sur ce modèle le nombre total de pulses à 7 W était de 2 7926 pour une trace d’incision de 10,5 mm de longueur ce qui ramène à 2 660 tirs (pulses) par centimètre de coupe. Traduit en tenant compte de la fréquence (100 Hz) cela représente 26,6 secondes par centimètre de coupe avec cette fréquence.

Les mesures d’élévation thermique ont été réalisées sur ce même tissu en utilisant les paramètres suivants : incision 1 et 2 = 3 W (densité de puissance = 9 554,14 W/cm2 ; incision 3 et 4 = 5 W (densité de puissance = 15 923,56 W/cm2) ; incision 5 = 8 W (densité de puissance = 25 477,70 W/cm2). Un thermocouple était placé sous le tissu muqueux et déplacé en fonction de la localisation des tracés d’incision, pour se trouver sous la ligne d’irradiation.

L’élévation thermique à 3 W était de 2,27°C en 10 secondes pour une densité de puissance de 9 554 W/cm2. Elle était de 2,51°C en 10,06 secondes à 5 W (densité de puissance 15 923 W/cm2) et de 3,68°C à 8 W (densité de puissance = 2 5477 W/cm2).

On peut déduire de ces tests ex vivo que quelle que soit la puissance utilisée, l’élévation de température mesurée dans ces conditions expérimentales, n’est jamais excessive et respecte la limite de 7°C, au-delà de laquelle une coagulation des protéines est observée.

Elévation thermique et parodontie

La décontamination des poches est un objectif avoué et si plusieurs méthodes sont proposées, la technologie laser prend place dans l’arsenal thérapeutique. Il convient donc de s’assurer que lorsqu’une fibre est en fond de poche et donc au contact du cément, il n’existe pas de risque thermique au niveau pulpaire. Des dents monoradiculées, fraîchement extraites ont été conservées pour de courtes périodes dans une solution saline à 4°C et les canaux furent préparés à l’aide du système Protaper® sous irrigation d’hypochlorite de sodium 2,5 %. Les échantillons ont été immobilisés dans une base silicone et deux tubes métalliques étaient fixés au tiers cervical et au tiers apical de chacune des racines. Deux thermocouples étaient introduits dans les tubes creux, remplis de gel conducteur, au contact de la dentine radiculaire située en face des zones d’irradiation. Les thermocouples étaient reliés au système d’enregistrement (Picolog®).

Deux poches parodontales étaient simulées en réalisant des puits au contact du cément. Ces poches étaient irriguées avec de l’eau oxygénée plus une trace de Bétadine®, servant de chromophore pour les longueurs d’ondes de 1 064 et 915 nm. L’irradiation se faisait en partant du fond de poche simulée, vers la partie coronaire. Après chaque passage, la solution d’irrigation était renouvelée. Chaque passage durait 5 sec. et les temps de repos duraient 5 sec. Un total de 5 passages par canal était observé. La fibre (embout jaune) était utilisée avec des densités de puissance de 2 W, 4 W et 7 W, et deux fréquences (100 Hz et 20 kHz). Les enregistrements obtenus n’ont jamais montré d’élévation thermique de plus de 4,13°C quelles que soient la fréquence, la densité d’énergie et la localisation.

Elévation thermique et endodontie

Après préparation canalaire sous irrigation d’hypochlorite, deux thermocouples étaient placés au contact du cément et la fibre du laser (embout jaune) placée à 1 mm de la longueur opératoire. Le canal étant irrigué à l’aide d’hypochlorite plus une trace de Bétadine, l’irradiation se faisait de la zone apicale vers la portion coronaire. Chaque temps de travail était de 5 sec. avec des temps de repos de 5 sec. Le nombre de passages était de cinq soit environ une minute de temps clinique. Les puissances utilisées variaient de 2 W,4 W et 7 W comme lors des tests précédents et le maximum d’élévation de température était de 4,16°C, soit quasi identique à celui observé lorsque la fibre était placée au contact du cément.

En endodontie ce type de laser ne permet pas l’élimination de la couche d’enduit qui doit être réalisée avec les méthodes traditionnelles (EDTA 17 % ou Acide citrique 11 %). Une fois la couche d’enduit éliminée, le canal peut être irrigué avec de l’hypochlorite (2,5 % à 5,25 %). L’hypochlorite très peu coloré (jaune) n’arrête pas ces longueurs d’ondes et la fibre étant déposée à la longueur opératoire moins 6 mm environ, doit être activée en remontant vers la couronne par un mouvement hélicoïdal. À la solution d’irrigation peut être ajouté un colorant alimentaire biologiquement neutre, dont l’objectif est l’absorption maximale de ces longueurs d’ondes. Les essais in vitro sur une bactérie résistante (Enterococcus faecalis) montrent une diminution significative de la charge bactérienne. De plus la lumière peut atteindre jusqu’à 1 100 μm et pénétrer ainsi les canaux accessoires et tubules dentinaires.

Discussion

Les lasers diodes sont des lasers thermiques absorbés en profondeur des tissus cibles comme le sont d’autres lasers non semi-conducteurs tels que Nd:YAG, Nd:YAP, à un moindre degré le laser KTP, le laser CO2 ayant de ce point de vue un comportement à part (absorption superficielle, non fibré). Eviter tout dommage thermique reste un objectif qui peut être atteint, sous réserve de respecter quelques principes simples :

  • Observer des temps de repos. Ceci peut être obtenu avec des fréquences basses au risque d’allonger le temps de travail, ou plus simplement en faisant que les temps de repos soient équivalents au temps de travail (endodontie, parodontie) ;
  • Se déplacer rapidement (incision, excision) et ne pas hésiter à repasser sur le tracé, ce qui évite les chocs thermiques en profondeur ;
  • Initialiser la coupe par un point noir réalisé avec un stylo feutre, et commencer à irradier ce point. Les longueurs d’ondes 1 064 et 915 nm étant absorbées dans le noir, ceci permet un démarrage rapide de la coupe ;
  • Dans les techniques de décontamination, le déplacement de la fibre (embout jaune) doit être relativement rapide et remonter du fond de poche ou de la longueur opératoire (endodontie) vers la portion coronaire, par un mouvement hélicoïdal. L’utilisation d’un colorant facilite l’absorption.


Traitement de l’Hypersensibilité dentinaire

La théorie hydrodynamique relie mouvement des fluides intratubulaires et apparition de l’hypersensibilité dentinaire caractérisée par une douleur aigüe mais brève. Différentes méthodes ont été proposées pour la gestion de ce syndrome avec plus ou moins de succès. L’objectif reste toutefois le même : fermer l’entrée des tubules dentinaires, afin d’éviter ces mouvements de fluides. Expérimentalement des disques de dentine ayant été préparés et les boues dentinaires comme la couche d’enduit ayant été éliminées, l’ouverture des tubules dentinaires est contrôlée en microscopie à balayage sous vide partiel. Les surfaces sont alors séparées en quatre zones disctinctes (Fig. 6) et colorées à l’aide d’un crayon graphite noir. L’irradiation des surfaces se fait avec quatre puissances affichées différentes : 0,5 W, 0,75 W, 1 W et 1,5 W pour une durée de 2 mn par zone.

La fermeture partielle ou totale des tubules dentinaires est obtenue dans ces conditions d’irradiation et en particulier avec une puissance affichée de 1 W. En effet, celle-ci suffit à obtenir ce résultat sans élévation thermique au niveau pulpaire (toujours en dessous de 5 à 7°C). Il convient toutefois de toujours vérifier la présence de graphite sur la surface irradiée, de se déplacer le plus possible tangentiellement à cette surface, et de ne jamais irradier en étant immobile.

Discussion

Il n’existe pas encore de publication sur ce nouveau concept de laser diode combinant plusieurs longueurs d’ondes, mais à la lumière de ces premières observations ex vivo les observations suivantes peuvent être retenues.

Concernant la maniabilité, outre son faible encombrement, ce qui est généralement le cas pour tous les lasers diodes, l’originalité repose sur la préhension des embouts par magnétisme. Prendre et déposer pour changer l’embout de la pièce à main est très rapide. Un enrouleur sur le côté facilite le rangement de la fibre. C’est aussi le premier laser diode à offrir de travailler en mode non contact, y compris avec un système optique permettant la coupe avec une pièce à main à 90°. Dans les zones difficiles où la fibre pourrait ne pas être utilisée, cette pièce à main permet l’accès dans des zones difficiles (face distale des molaires maxillaires par exemple). Le couplage 1 064 nm – 915 nm permet, lors d’actes chirurgicaux sur tissus mous, d’obtenir une coupe franche dans un environnement exsangue. L’utilisation de fréquences élevées (20 kHz) permet d’obtenir des pics de puissances improprement appelés « pulses ». Cliniquement cela doit permettre des incisions fines, sans dommages thermiques comme montré ex vivo.

Enfin, l’utilisation quasi systématique lors d’actes chirurgicaux du laser basse énergie (embout métallique, 650 nm) facilite la cicatrisation et mérite d’être utilisé systématiquement.

Les études futures devront concerner les observations cliniques dans différentes indications, telles que la chirurgie courante (tissus mous) chez l’adulte et l’enfant, la prise en charge de pathologie telles que gestion des lésions herpétiques, aphteuses, la décontamination en endodontie et parodontie, les traitements des péri-implantites, l’éclaircissement des dents et la gestion des algies articulaires et des processus cicatriciels.

Note de la rédaction : cet article est paru dans DT Study Club, numéro 01/2014.

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