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Le laser Er:YAG et ses effets photoacoustiques : le contrôle de l’infection maximal

Dr Fabrice Baudot

Dr Fabrice Baudot

mar. 10 mai 2016

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Le laser Er:YAG a été le premier laser médical agrée par la FDA pour les tissus durs et les tissus mous en dentisterie, c’est de loin la longueur d’onde la plus étudiée et qui présente le dossier scientifique le plus intéressant dans notre domaine (Aoki 2015). C’est un outil très polyvalent. Ses effets photoablatifs en font un outil microchirurgical remarquable, mais il est également reconnu pour des propriétés antiseptiques que l’on doit en grande partie à ses effets photoacoustiques (Schwarz 2003) que nous voudrions vous présenter dans cette publication.  

Dans la majorité des cas qui motivent les consultations dans nos cabinets, le contrôle de l’infection est au cœur de la stratégie thérapeutique. C’est particulièrement le cas en endodontie, en parodontie et dans ce nouveau fléau auquel nous devons faire face : les péri-implantites. Par ses effets photoacoustiques qui étendent son champ d’application, le laser Er:YAG pourrait être un atout majeur dans ce contrôle de l’infection et devenir incontournable dans les programmes de prévention.

Fondamentaux

Bases fondamentales des applications cliniques du laser Er:YAG en odontologie

Le principe thérapeutique du laser est basé sur l’absorption de l’énergie émise par le faisceau irradiant les tissus. Le laser Er:YAG émet de l’énergie caractérisée par une longueur d’onde de 2 940 nm. Cette longueur à la propriété fondamentale d’être massivement absorbée par l’eau. Notre corps étant constitué en grande majorité d’eau, en application médicale, l’irradiation laser Er:YAG est donc très absorbée et rapidement atténuée (Ando 1996, Aoki 1994). Elle ne produit que des effets de surfaces, sans effets thermiques collatéraux majeurs, comparés aux autres longueurs d’onde laser utilisées dans le domaine médical. L’effet est maximal à bas niveau d’énergie sur le tissu ciblé (Dobson 1992, Aoki 2015, Ando 1996, Mehi 1999), la couche thermique est inférieure à 50 microns. Ainsi, le laser Er:YAG est particulièrement adapté à la dentisterie, discipline médicale unique par le fait que l’on y opère des tissus de charge hydrique très différentes dans des espaces très restreints. La poche parodontale est l’archétype de cette particularité. Dans un espace de quelques millimètres, on y rencontre les tissus les plus durs de l’organisme comme l’émail ou la dentine (charge hydrique faible), et les tissus les plus mous, comme l’épithélium ou les tissus inflammatoires (charge hydrique forte). Dans ce milieu, le laser permet d’avoir des effets sélectifs en fonction de la charge hydrique de chaque tissu ciblé, dans un périmètre très restreint et surtout sans effets thermiques. Il permet d’opérer de manière mini-invasive.

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La production des effets photoacoustiques

L’impact du faisceau laser absorbé sur les tissus hydratés provoque une véritable vaporisation cellulaire, par une série d’explosions des molécules d’eau (Aoki 2004, 2001). Ces explosions à l’origine de l’effet micro-ablatif, génèrent également des ondes de choc, c’est l’effet photoacoustique (Flotte 1992). À l’image d’une pierre, qui tombe dans l’eau, l’impact du faisceau laser dans un fluide, provoque l’agitation de celui-ci (Blanken 2009). Les ondes de choc s’étendent dans les 3 dimensions et diffusent dans les moindres détails de l’espace dans lequel elles sont générées. Dans les espaces clos nous pouvons imaginer que des effets de résonance et de compression viennent amplifier ce phénomène.

Les propriétés antiseptiques du laser Er:YAG

Les micro-organismes, et en particulier les bactéries, se logent et se développent dans des niches protectrices qu’ils sécrètent : les biofilms (Costerton 1999). Dès l’instant où les bactéries adhèrent aux surfaces qu’elles contaminent, elles débutent une coagrégation et la sécrétion d’une sorte de gel hydraté dans lequel elles vont échanger pour vivre, se développer et produire des déchets toxiques pour l’hôte qui les accueille : c’est l’homéostasie microbienne (Alexander 1971, Marsh 1989). Cette structure hydratée est protectrice et contribue à la pathogénicité des micro-organismes. Les biofilms perturbent l’homéostasie parodontale. De part leur forte charge hydrique les biofilms sont vulnérables à l’irradiation Er:YAG. Lorsqu’ils y sont soumis, il se produit une destruction des chaines hydratées et une désorganisation totale de l’homéostasie microbienne. Les microbes se trouvent alors dispersés, isolés et accessibles aux systèmes de défense de l’hôte (Kornman 1997, Darvaud 1997). Les effets photoablatifs ont des propriétés bactéricides directes par vaporisation intra-cellulaire des microbes (Keller 1989), mais également indirects par la déstructuration des biofilms (Cobb 1999). Les effets photoacoustiques prennent le relais en agitant les solutions d’irrigation contribuant à disperser un peu plus les biofilms, et à isoler les micro-organismes perturbant également l’homéostasie microbienne. Nous l’avons vu, les effets photoacoustiques se produisent dans les 3 dimensions de l’espace et permettent d’atteindre des zones totalement inaccessibles à l’instrumentation conventionnelle, ouvrant ainsi de nouvelles voies thérapeutiques au laser Er:YAG dans le domaine du contrôle de l’infection.

Réglages du laser pour l’exploitation des effets photoacoustiques

Paramètres d’utilisation

Six paramètres guident l’utilisation clinique du laser Er:YAG. Les 3 premiers sont réglables sur la machine, et les 3 derniers sont dans la main du chirurgien-dentiste qui va ainsi pouvoir exprimer son art :

· Énergie délivrée à chaque impact exprimée en millijoules (mJ) : elle donne l’intensité des impacts.
· Fréquence des impacts exprimée en hertz (Hz) : elle détermine la répétition des impacts.
· Débit d’eau destiné à atténuer les effets thermiques. Dans le cas de l’ Er:YAG qui est massivement absorbé par l’eau, un réglage fin du débit d’eau permet de moduler l’efficacité du faisceau.

La distance de travail. Le laser est comme un faisceau lumineux que l’on focalise ou défocalise ce qui permet d’augmenter ou de diminuer ses effets micro-ablatifs.

· L’angulation du faisceau. Le faisceau perpendiculaire à la cible a une efficacité maximale. L’angulation du faisceau a un effet de défocalisation et permet d’estomper, d’adoucir les effets du rayonnement.
· Le temps d’exposition est proportionnel à la quantité d’énergie délivrée à la cible et fonction des effets recherchés

Les effets thermiques sont fonction de la puissance du rayonnement laser c’est-à-dire : P = énergie x fréquence. Pour opérer de manière non-invasive, c’est-à-dire sans produire d’effets thermiques, le praticien va régler sur la machine ces deux paramètres :

· Une énergie forte va produire des impacts forts et des ondes de choc importantes. Pour limiter les effets thermiques, elle sera associée à une faible fréquence. Ce travail à basse fréquence, en produisant d’importantes ondes de choc permet de décoller les matières organiques, de pulvériser les biofilms et d’éliminer les tissus inflammatoires.
· À l’opposé, une faible énergie, supportera des hautes fréquences sans effets thermiques, produisant de nombreuses ondes de choc sans effets micro-ablatif. Ces réglages vont permettre une émulsion des biofilms et une agitation des solutions pour améliorer le rinçage des espaces à nettoyer.

Les effets photoacoustiques sont massivement produits quand l’émission laser Er:YAG est générée dans l’eau (Blanken 200). Il faut donc veiller à ce que l’embout soit en permanence immergé et bien irrigué. Il n’est pas nécessaire d’enfoncer l’embout dans l’espace à traité : il peut rester en surface.

Réglage du laser, les assainissements parodontaux non-chirurgicaux

Pour des raisons évidentes de respect des tissus environnants, les effets photoacoustiques doivent être produits sans effets ablatifs. Pour cela, l’énergie appliquée sera inférieure à 100 mJ. À ce niveau d’énergie, l’ergonomie pour l’équipe médicale et le confort opératoire pour le patient sont assurés, car la séance de traitement peut être réalisée sans anesthésie. Le praticien devra ajuster le niveau de spray à chaque situation, mais celui-ci sera généralement abondant pour produire des effets photoacoustiques efficaces. Les fréquences utilisées seront de deux types : basses (10–15 Hz) ou hautes (30 à 50 Hz). La puissance totale n’excèdera pas 2,5 watts avec le laser Er:YAG Syneron. Les niveaux d’énergie utilisés seront compris entre 20 et 100 mJ.

Applications cliniques

Les effets photoacoustiques du laser Er:YAG trouvent leurs indications en parodontologie, en endodontie et dans les traitements des péri-implantites. Le nettoyage au laser est un excellent moyen complémentaire, voire une alternative au nettoyage
conventionnel dans ces situations.

En endodontie

Le Dr David Guex a brillamment démontré dans des vidéos réalisées sur dents rendues transparentes l’efficacité du laser Er:YAG pour l’agitation des solutions d’irrigations en endodontie, et le nettoyage de l’ensemble du réseau canalaire dans les moindres détails et particulièrement dans les espaces inaccessibles à l’instrumentation conventionnelle. Ces phénomènes d’agitation intense, jamais égalés avec des techniques conventionnelles, potentialisent les effets antiseptiques de la solution d’irrigation, en déstabilisant les biofilms et en décollant les matières organiques des parois canalaires.

Le laser Er:YAG dans le traitement de parodontites et des péri-implantites

En transposant ces observations directes, on peut comprendre tout l’intérêt que peut avoir un nettoyage au laser sur des zones de furcations étroites ou dans des cas d’anatomie radiculaire complexes en parodontologie, dans le contrôle des biofilms. De même dans les cas de péri-implantites débutantes encore inaccessibles à l’instrumentation conventionnelle, l’onde choc produite par le rayonnement va permettre une émulsion des biofilms, dans l’intimité des surfaces implantaires et des structures osseuses en résorption. Les surplombs sous les spires des implants deviennent accessibles au nettoyage par voie non-chirurgicale grâce à l’onde de choc produite par le rayonnement laser, qui se propage dans les 3 dimensions de l’espace.

En parodontie

L’utilisation clinique des effets photoacoustiques du laser Er:YAG s’intègre dans les protocoles non-chirurgicaux. Ainsi les applications laser seront indiquées dans deux situations :

· En complément de l’instrumentation conventionnelle en phase initiale de détartrage surfaçage radiculaire, sous anesthésie locale.
· En maintenance parodontale. C’est dans cette dernière application que le laser Er:YAG exprime tout son potentiel car dans certains cas il peut se substituer à l’instrumentation conventionnelle dans les poches résiduelles profondes, les cas d’anatomie radiculaires complexes ou les zones de furcations inaccessibles à l’instrumentation classique. En déstabilisant les biofilms qui s’y développent et en les exposant au système de défense de l’organisme, le laser Er:YAG contribue à restaurer l’homéostasie parodontale. Le succès du traitement est basé sur une fréquence d’application adaptée à chaque patient, basée sur le concept de masse critique (Cobb 1999). Le programme de maintenance parodontale est personnalisé en fonction de la physio-pathologie de chaque patient, une fréquence de 3 mois est une base de départ.

La séance de maintenance comprend un nettoyage supra-gingival classique : détartrage, polissage, aéro-polissage et instrumentation à la curette conventionnelle. Cette première phase est suivie d’un nettoyage sous-gingival des zones à risque par irradiation laser Er:YAG. Nous recommandons deux passages de 20 à 30 secondes dans les poches. Un passage basse fréquence (et haut niveau d’énergie), afin de générer une onde de choc forte pour décoller les matières organiques et déstabiliser les biofilms. Un passage haute fréquence qui va émulsionner les biofilms, et avoir une action de rinçage de l’espace traité.

Dans les péri-implantites

L ‘approche thérapeutique ressemble à celle des parodontites car l’étiopathogénie des lésions péri-implantaires est similaire aux parodontites. Les implants de par leur forme et leur état de surface sont complexes à nettoyer avec une instrumentation conventionnelle, et sont souvent inaccessibles par des méthodes conventionnelles. Le laser Er:YAG est un outil propre et qui semble démontrer son efficacité dans la décontamination des états de surfaces implantaires (Renvert 2008, 2011, Ishikawa 2009). Une irradiation directe ne montre pas d’altération de surface des implants et on observe in vitro une biocompatibilité des zones exposées (Park 2012, Matsuyama 2003, Galli 2011).

L’indication des effets photoacoustiques se situe dans les protocoles non-chirurgicaux. C’est-à-dire dans le traitement des mucosites, ou des péri-implantites débutantes. La prévention des péri-implantites étant encore le meilleur traitement aujourd’hui, nous recommandons un nettoyage régulier laser assisté des zones péri-implantaires, comme dans les protocoles de maintenance parodontale (Renvert 2015). La maintenance péri-implantaire est fondamentale pour la stabilité à long terme des reconstructions. Le laser Er:YAG est un outil simple et propre (ne laissant pas de résidu de poudre) qui permet de répondre au cahier des charges de celle-ci. La fréquence des visites sera adaptée au profil de chaque patient. En phase aiguë de mucosite ou en cas de péri-implantite, l’efficacité du laser Er:YAG sera basée sur la répétition des applications. Nous recommandons dans ces cas une fréquence augmentée tous les 15–20 jours jusqu’à disparition des signes inflammatoires.

Le laser Er:YAG, par ses effets photoacoustiques, contribue mécaniquement à rétablir l’homéostasie parodontale et péri-implantaire. Il n’a pas l’inconvénient des antibiotiques locaux qui montrent leurs limites et génèrent des phénomènes de résistance (Mombelli 2001). Dans la stratégie thérapeutique non-chirurgicale, nous indiquons au patient l’utilisation de phytothérapie à base d’huile essentielle de curcumin
(Shusuke Izui 2016) et de tea tree (Soukoulis 2004) pour aider à réguler « à la maison » l’homéostasie paro-implantaire.

Conclusions

La littérature scientifique est encore pauvre aujourd’hui sur ces applications d’avant-garde. Les protocoles opératoires ne sont pas clairement définis et souvent mal adaptés au laser Er:YAG, donnant des résultats décevants dans les méta-analyses (Kotsakis 2104). Les études sont insuffisantes et difficiles à comparer pour émettre des conclusions probantes. Notre expérience clinique montre, en comparaison à l’instrumentation conventionnelle, d’excellents résultats sur l’utilisation des effets photoacoustiques du laser Er:YAG, dans les traitements mentionnés dans cette publication. Les études, majoritairement in vitro, publiées sur les propriétés du laser Er:YAG sont très encourageantes. Il faudrait maintenant, pour confirmer ces bonnes impressions, que des études multicentriques soient entreprises par des équipes universitaires, pour éviter les conflits d’intérêts. Le laser Er:YAG semble posséder tous les atouts pour permettre de réaliser des traitements mini-invasifs efficaces, qui s’inscrivent dans l’évolution de la médecine en général depuis plus de 20 ans. Le laser Er:YAG est un outil microchirurgical d’avenir, mais déjà du présent en passe de devenir incontournable. Sa polyvalence devrait permettre à la chirurgie dentaire de franchir une étape de plus dans la voie de la philosophie des traitements mini-invasifs._

Note de la rédaction : Cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol. 4, Numéro 1/2016.

Une liste complète des références est disponible auprès de l'éditeur.

 

 

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