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Le trésor des Incas : le granit, l’or et le coca

Dr Yassine Harichane, Dr Olivier Le Khac & Dr Maxime Ghighi.

Dr Yassine Harichane, Dr Olivier Le Khac & Dr Maxime Ghighi.

jeu. 11 septembre 2014

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_Plus de huit siècles nous séparent des Incas qui ont dominé les hauts plateaux andins et dont le berceau se situe au Pérou. Cette civilisation s’est vastement étendue du nord du Pérou jusqu’au centre du Chili, en couvrant une partie des territoires des actuels pays que sont la Bolivie, la Colombie ou encore l’Argentine. La progression des Incas a pu se faire par une domination des autres populations tout en adoptant leurs coutumes. Les Incas ne rasaient pas tout sur leur passage pour imposer leur culture, ils intégraient les tribus soumises tout en respectant leurs croyances et pratiques. Cependant, cette expansion sociable s’est arrêtée violemment face à la brutalité des conquistadors. Les Espagnols, en foulant le sol sacré des Incas, ont découvert une terre riche en trésors matériels mais aussi intellectuels.

Les Incas nous ont laissé de nombreux vestiges de leurs arts. Leur génie architectural a permis de construire des cités nichées dans la montagne comme la cité sacrée du Machu Picchu. Cette ville dans les nuages semble défier les lois de la pesanteur tant les blocs de pierre qui la constituent semblent surgi de nulle part. Il est difficile de concevoir qu’il y a 600 ans il était possible de faire gravir des pentes vertigineuses à des blocs de plusieurs tonnes, là où les touristes halètent en faisant le moindre pas. De nos jours, les ingénieurs et les archéologues tentent encore de comprendre comment cette civilisation a pu faire du granit une pierre précieuse, non pas d’un point de vue financier mais d’un point de vue architectural. En effet, les Incas ont pu construire des chemins, des ponts, des temples, des maisons, des aqueducs, des villes entières comme Cusco. Les constructions Incas symbolisaient la grandeur et la magnificence de leur empire avec un souci de bâtir pour l’éternité. Ni la furie destructrice des conquistadors, ni les tremblements de terre qui ont secoué la région n’ont eu raison de leurs ouvrages qu’ils nous ont légués.

Plus petit que les blocs de granit et plus précieux, surtout en ces temps de crise actuelle, l’or a provoqué une véritable fièvre aux étrangers qui ont découvert le territoire Inca. Les Espagnols menés par Francisco Pizzaro ont entrepris de dominer l’Amérique du sud sous leur bannière idéologique. Cousin de Hernan Cortes, Pizzaro entreprend plusieurs expéditions qui le mèneront en 1523 aux portes de Cusco, la cité d’or. Un or omniprésent, de la statuette aux pendentifs en passant par les litières royales et les couteaux sacrificiels. Les Incas ont travaillé ce matériau avec raffinement, ils étaient maîtres en orfèvrerie mais aussi en métallurige avec la réalisation d’alliage précieux. Considéré comme la « sueur » du soleil, l’or était étroitement associé au rituel religieux. Les murs des temples étaient donc recouverts de planches d’or, des trousseaux funéraires d’or accompagnaient les momies pour permettre l’élévation divine du souverain défunt, un disque en or massif représentait l’ancêtre des Incas. Il n’est pas étonnant que les conquistadors espagnols, en arrivant dans « l’Eldorado », aient succombé à la soif de l’or. L’or sacré devint l’or maudit qui a causé la fin de l’empire Inca. Les conquistadors mettent à sac la ville, détruisent le temple du soleil, profanent les tombeaux des souverains Incas, pour repartir avec des tonnes de lingots vers l’Espagne.

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Bien plus que ces sites archéologiques et ces pierres précieuses, les Incas cachaient un trésor inestimable passé quasiment inaperçu aux yeux des conquistadors : leur savoir odontologique. À l’instar des autres civilisations précolombiennes, la médecine Inca reposait sur des bases religieuses, et la magie était intimement mêlée à la rationalité thérapeutique. Le traitement de la maladie passait alors par des incantations et des traitements à base de plantes médicinales comme le coca. En effet, la mastication des feuilles de coca permettait un soulagement des douleurs dentaires et servait également d’anesthésiant avant l’acte thérapeutique. Cependant le coca avait une signification sacrée et de ce fait était réservé à l’élite de la société Inca. La carie dentaire était soignée par obturation de la dent avec de la poudre d’écorce de quinquina que l’on connaît sous le nom de « Quinine ». Les dentistes Incas appliquaient aussi différentes concoctions de plantes et de minéraux contenant de l’arsenic pour aboutir à une nécrose thérapeutique de la pulpe dentaire. Les gingivites étaient traitées par l’application d’une résine naturelle : le Myroxylon pereirae, encore appelé « Baume du Pérou », ses propriétés naturelles, antisepsie et antalgie, favorisaient la décongestion de la gencive et la formation d’un tissu de cicatrisation.

De nos jours, à l’exception des feuilles de coca qui ont été adoptées par la pharmacologie occidentale, il n’existe aucun vestige inca ayant une influence sur les dents, à part peut être l’« Inca Kola », une boisson gazeuse extrêmement sucrée ayant des effets néfastes sur la santé buccodentaire de la population péruvienne actuelle. C’est pourquoi un groupe de jeunes dentistes français s’est rendu au Pérou pour apporter leur aide aux personnes les plus faibles.

Maxime Ghighi, Olivier Le Khac et Yassine Harichane se sont rendu dans les villes d’Arequipa et de Camana pour effectuer un projet humanitaire soutenu par la société Neodental. Le sponsor a permis à ces 3 dentistes de se rendre sur place pour effectuer gratuitement des soins dentaires à des personnes défavorisées. Grâce à la collaboration d’une dentiste péruvienne, Fiorella Fernandez Davila, le projet s’est d’abord déroulé dans la deuxième plus grande ville du Pérou, Arequipa. Comme dans toute grande ville, la population nombreuse compte beaucoup de personnes en difficulté financière ne pouvant se permettre de supporter le coût de soins dentaires basiques. Les 3 confrères ont collaboré avec une association caritative locale qui leur a fourni un local équipé d’un fauteuil dentaire professionnel ainsi que des compresseurs pour faire fonctionner l’unit et l’aspiration. Sur place, Olivier, Yassine et Maxime ont pu aider des adultes en situation précaire et des enfants atteints d’un handicap physique et/ou mental. En entendant parler d’un groupe de dentistes français venu réaliser un projet humanitaire dentaire, de nombreuses personnes ont afflué pour bénéficier au moins d’un traitement d’urgence pour soulager des douleurs dentaires mais aussi pour bénéficier d’un contrôle dentaire pour la première fois de leur vie pour certains. Les examens cliniques et les soins ont été réalisés avec du matériel amené sur place (instruments rotatifs, fraises, matériaux d’obturation...) financés par NeoDental. Ainsi, les 3 amis ont traité des urgences, réalisé des soins dentaires conservateurs et permis à des personnes handicapés exclues du circuit de soin de bénéficier d’un examen dentaire.

Le deuxième volet du projet humanitaire s’est déroulé à Camana, ville côtière péruvienne. Les jeunes dentistes ont concentré leurs efforts sur les écoles municipales où le projet consistait à réaliser un programme de prévention buccodentaire destiné aux plus jeunes. En effet, les enfants n’ont pas toujours conscience de l’importance du brossage des dents ou encore des effets délétères des boissons gazeuses sucrées sur les dents. À tel point que l’on trouve sur la table de certains écoliers des bouteilles d’Inca Kola pour se désaltérer pendant les cours. Yassine, Maxime et Olivier ont donc rendu visite aux enfants de plusieurs écoles primaires de Camana. Les confrères ont expliqué aux écoliers la constitution d’une dent, l’étiologie de la maladie carieuse et les moyens de prévention buccodentaire. Les enfants ont été récompensés de leur assiduité et de leur attention avec du matériel d’hygiène buccodentaire mais aussi des t-shirts sérigraphiés au nom du sponsor NeoDental. Le sourire des enfants et leur bonne humeur communicative a énormément récompensé les dentistes français, mais l’émotion était la plus forte lorsqu’ils ont pu rendre visite à des enfants d’une école isolée dans une zone reculée de la campagne péruvienne. Cette petite structure recevait une dizaine d’enfants de 4 à 12 ans provenant de familles d’agriculteurs. Quelle surprise pour ces jeunes péruviens que de rencontrer des dentistes français venu leur apporter des brosses à dents, du dentifrice, des crayons de couleur et des t-shirts. Le regard ébahi a laissé place à un large sourire illuminé par des dents temporaires.

C’est donc avec le cœur léger et la tête remplie de bons souvenirs que nos 3 confrères sont revenus du pays des Incas après avoir permis à des adultes et des enfants de retrouver le sourire au sens propre et figuré._

Note de la rédaction : cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol.2, numéro 3, septembre 2014.

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