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Parodontites et traitements laser

Photo d’application du photosensibilisant TBO sur une bouche complète, en traitement de parodontopathies lors de la PDT.
Dr Gérard Navarro

Dr Gérard Navarro

ven. 20 juin 2014

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La parodontite chronique atteint 20 % à 30 % de la population adulte1. Les études épidémiologiques associent la maladie parodontale à de nombreuses pathologies (maladies cardiaques, diabète, AVC, infections des voies respiratoires, etc..).2, 3, 4, 5 La prise en charge de la maladie parodontale est donc fondamentale en terme de santé publique. Il n’existe pas, de facteur causal précis défini mis en évidence. Le rôle du biofilm, complexe de micro-organismes, résistant à de nombreux facteurs défensifs de l’hôte (macrophages, système immunitaire, etc..)7 est primordial. Les bactéries pénètrent l'épithélium et le conjonctif sous-jacent.8, 9 L’hôte libère alors de nombreuses substances dont les cytokines, les prostaglandines, et des enzymes protéolytiques (collagénase, gélatinase, élastase) entrainant une destruction et un remaniement tissulaire.3, 10 En l’absence de traitement, l’action du biofilm pathogène se pérennise. Il y a un passage à la chronicité pouvant avoir des répercussions systémiques.10

Les thérapeutiques laser sont peu enseignées, peu développées au sein de l’arsenal thérapeutique conventionnel, et souvent mal perçues, discutées parfois jusqu’à la polémique. Largement utilisée en ophtalmologie ou en dermatologie, la technologie laser, non iatrogène est elle efficace ? Trouve t-elle sa place en parodontologie ? À ce titre, le laser est il un acteur, destiné à jouer un rôle ?

L’évolution de la discipline, en particulier l’apparition du concept de parodontie médicale (Charon J., 2010), a ouvert la voie à la « Technologie Parodontale laser assistée ». Un aspect de cette technologie, la Photo Dynamic Thérapie (PDT) mérite d’être commentée.

_Pourquoi utiliser les lasers en parodontologie

Les lasers permettent de réaliser de façon plus efficace et plus aisée le traitement parodontal dit « non-chirurgical », par :
- élimination du biofilm radiculaire,
- élimination des bactéries intracellulaires de la poche,
- obtention d’une surface cémentaire compatible avec une réattache ou une régénération tissulaire,
- biomodulation, dont l’action accélère la cicatrisation parodontale.

En effet, les lasers grâce à leur action contrôlée et réitérative, propriété antibactérienne et anti-inflammatoire, offrent une alternative thérapeutique au traitement des parodontopathies.

Le choix de l’utilisation du rayonnement laser en parodontologie, s’effectue selon l’indication clinique et par une validation de l’outil associé, le choix de la longueur d’onde, et le type de laser.

La décontamination bactérienne réalisée aux antibiotiques est de type chimique, celle effectuée par l’irradiation laser est de type physique. La PDT associe les deux à l’aide d’un laser diode de 635 nm. Ce laser diode, par son pouvoir de pénétration et son absorption en profondeur par les tissus, trouve sa place. Il offre un compromis entre destruction bactérienne et respect des cellules impliquées dans la réparation tissulaire (Fig. 3).

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_Les lasers et la parodontie non-chirurgicale

Il s’agit de réaliser un traitement adapté et personnalisé suivant un protocole rigoureux prédéfini, dont la conception a été établie à partir du recueil des données cliniques, radiologiques et l’établissement du diagnostic.

Une remarque d’importance : certains auteurs préconisent une décontamination initiale qui correspond à une application laser par balayage, faite avant toute instrumentation exploratrice. L’objectif de cette irradiation est de réduire la masse bactérienne de la poche, minimisant ainsi le risque de bactériémie et de translocation microbienne causée par l'instrumentation, et d'abaisser le contenu microbien dans les aérosols créés au cours de l'instrumentation ultrasonore.35

Le procédé : un laser fibré (KTP, diode ou Nd:YAG) est utilisé. La fibre est placée à l'intérieur du sillon puis balayée lentement, à faible énergie, pendant 7 à 8 secondes, verticalement et horizontalement, à distance de la dent, sur toute sa périphérie (Fig. 1).

Cependant, l’objectif du traitement parodontal conventionnel est :
- L’élimination du biofilm.
- L’obtention d’un cément indemne de tartre, de bactéries et d’endotoxines bactériennes.
- L’ éradication concomitante, des bactéries au sein des tissus mous environnants, afin d’éviter tous risque de recontamination.12

Le traitement conventionnel ne permet pas d’action antibactérienne en profondeur au niveau du cément, ni au niveau des tissus mous de la poche, qui contient des bactéries intracellulaires peu accessibles aux antibiotiques, telles le Phrophyromonas gingivalis (Pg).

L’action du surfaçage radiculaire est identique à celle du laser qui élimine le biofilm des murs de la poche parodontale. De plus, l'énergie du laser interagit fortement avec les chromophores présents en grande quantité dans un tissu inflammatoire. Cette thérapie laser non-chirurgicale utilise des paramètres de distribution d’énergie, très faibles.21

Les lasers présentent de nombreux avantages :
- Pas de résistance bactérienne.
- Pas de réaction allergique.
- Pas d’interaction médicamenteuse.
- Irradiation totale sur les tissus mous (épithélium de la poche, tissu de granulation) et sur les tissus durs (cément et os).
- Le cément est irradié avec une action bactéricide sur 1 mm de profondeur. (Diodes, Nd:YAG).
- Inactivation des protéases et des cytokines (PDT).
- Destruction effective du biofilm qui est une barrière aux antibiotiques.
- Destruction des bactéries intracellulaires (Ex : PG) non accessibles aux antibiotiques et qui représentent une source de réensemencement.

La parodontie non-chirurgicale est basée sur le contrôle microscopique fréquent de la composition bactérienne de la plaque dentaire, afin de contrôler le développement des bactéries parodonto-pathogènes du complexe rouge de Socransky au sein du biofilm. Le tartre est éliminé des surfaces radiculaires. Le cément est préservé et l’attache épithélio-conjonctive est respectée.

Des études in vivo montrent une réduction plus efficace des bactéries pathogènes lors de l’utilisation du laser Nd:YAG, par rapport au surfaçage radiculaire seul. En l’absence de maintenance, la recolonisation bactérienne s’opère de façon identique dans les deux cas.54 D’autres études, couplant le laser Nd:YAP au surfaçage conventionnel, ne démontrent aucun avantage à trois mois en terme de recolonisation bactérienne.55

Des études in vitro utilisant des diodes, montrent des effets différents sur le morphotype des bactéries en fonction de l’énergie délivrée. Si l’énergie distribuée est insuffisante et non létale, il se peut que l’irradiation du laser diode puisse stimuler le développement bactérien par phénomène de biostimulation.57

Les lasers fibrés Argon, KTP, Nd:YAG, Nd:YAP et diodes présentent une forte absorption dans les chromophores, en particulier les bactéries pigmentées telles le Porphyromonas gingivalis et Prevotella intermedia ; étroitement associées aux parodontites.16 Les tissus parodontaux de la poche sont débridés aux paramètres non-niatrogènes dont l’effet thermique ne doit pas dépasser une température de 60 °C.24 Le tissu sain sous-jacent est biostimulé ; Moritz et al. ont démontré que l’indice de saignement était amélioré chez 96,9 % des patients traités par thérapie laser diode assistée, versus 66,7 % des patients traités par thérapie.14, 26

La distribution de l'énergie laser vers les tissus affectés à des intervalles spécifiques et répétés est un élément clé dans le succès du traitement parodontal. La fibre est positionnée en fond de poche, l’irradiation est effectuée à basse énergie et pour des temps courts (5 secondes pour 10 passages maximum) en remontant, par balayage, vers le collet clinique. Le temps d’irradiation dépendra de la durée choisie des pulses, de façon à laisser aux tissus un temps de relaxation thermique. Le renouvellement de la solution d’irrigation est nécessaire, afin de contrôler l’élévation thermique tissulaire. De plus, l’adjonction de la bétadine à l’eau oxygénée permet d’augmenter l’absorption de la longueur d’onde au sein de l’irrigant, et la dissociation de l’eau oxygénée en radicaux libres. Aux paramètres appropriés, la plupart des bactéries non sporulantes, y compris les bactéries anaérobies, sont facilement inactivées à 50 °C.21, 22

Une étude de Qadri69 démontre à :
- Trois mois, détartrage/surfaçage + laser Nd:YAG refroidi par spray d’eau, améliore significativement les signes cliniques associés à l’inflammation parodontale versus détartrage/surfaçage seul.
- Neuf mois, détartrage/surfaçage + Nd:YAG est plus efficace que détartrage/surfaçage seul (profondeur de poche : PPD, gain d’attache : CAL, indice gingival : GI, et fluide créviculaire : GCF)

La recolonisation possible est contrôlée et retardée par une maintenance utilisant la thérapie photodynamique (PDT).

Les lasers CO2 et Erbium ont également d'excellentes propriétés bactéricides.17, 18 Ils agissent sur les agents pathogènes par effet thermique sur leurs liquides intracellulaires.19, 20 Absorbés dans l’eau très superficiellement, il se fait une conversion de la lumière en chaleur, sans diffusion et combinée avec une vaporisation explosive (effet mécanique). Cela permet une rupture des parois bactériennes et une diminution de la charge observable extemporanément en microscopie optique au fond noir.

La comparaison détartrage laser Er:YAG versus détartrage ultrasonique montre une réduction des bactéries pathogènes sensiblement identique.56 L’étude in vitro au laser CO2 démontre que pour obtenir un effet bactéricide l’irradiation doit être directement appliquée sur les bactéries.53 En clinique, le rayonnement direct ne peut pas être obtenu avec un laser non fibré. Il faut donc s’éloigner des concepts de parodontie médicale et obtenir un accès direct par voie chirurgicale.

_Parodontie et Thérapie photodynamique (PDT)

La thérapie photodynamique est basée sur l’action cytotoxique assumée par des agents photosensibilisants, lorsque ces derniers ont été exposés à une lumière de longueur appropriée. (Dougherty et al., 1998). L’agent photosensibilisant doit être porté en fond de poche parodontale avant irradiation.

La PDT en parodontie consiste en une coloration des bactéries parodontopathogènes de la poche par un photosensibilisant dont l’irradiation, à l’aide d’une longueur d’onde spécifique, induit un stress oxydatif bactéricide. La PDT est une méthode alternative et sélective pour l'élimination de bactéries parodontales de la poche sans effet iatrogène pour les tissus environnants. L’utilisation répétée de la PDT au niveau de poches résiduelles, offre un résultat clinique significativement supérieur à celui obtenu par le seul débridement conventionnel.73 (Figs. 2, 4-6, 7-11).

Une étude plus récente évalue, in vitro, l’effet bactéricide d’un laser diode 830 nm associé au bleu de toluidine (TBO) sur les bactéries : Actinobacillus actinomycetemcomitans, Porphyromonas gingivalis, Fusobacterium nucleatum et Prevotella intermedia. L’association de TBO au laser 830 nm est efficace pour l’éradication des bactéries et la photo-inactivation du biofilm.74 Braham P. montre également que la PDT réduit la viabilité de Porphyromonas gingivalis, inhibe l'activité de la protéase et inactive les cytokines.75

La PDT associée au traitement parodontal :
- est impliqué dans la destruction des bactéries du biofilm parodontal ;
- inactive des facteurs de virulence bactériens ;
- inactive les cytokines hôtes qui détériorent la cicatrisation parodontale.

Selon Takasaki AA,76 l’application de PDT antimicrobienne sans chirurgie parodontale donne des résultats probants supérieurs à la technique SRP seule. Elle s’accompagne d’une réduction de l’inflammation et du saignement, associée à un gain d’attache.

_Conclusions :

Thérapeutique d’avenir, la PDT peut remplacer les antibiotiques locaux voire systémiques, et améliorer le résultat des traitements conventionnels. La PDT en parodontie est indiqué dans la prise en charge et la maintenance des patients fumeurs et immunodéprimés. La PDT est également indiqué dans la prise en charge des parodontites agressives, ce en particulier au niveau de la maintenance parodontale dont le contrôle qualitatif du biofilm est un facteur clef.

La PDT en applications multiples est indiquée dans la prise en charge parodontale. Elle semble plus efficace pour les patients présentant une parodontite agressive, de part le contrôle qualitatif exercé sur le biofilm.

La PDT semble être une solution d’avenir dont l’évaluation serait à effectuer. En dépit de l’action bactéricide de la PDT, un protocole permettant de s’affranchir de toute antibiothérapie reste à être établi.

 

Les lasers s’inscrivent aujourd’hui naturellement dans l’arsenal thérapeutique en parodontie. De plus, ils apportent un confort de travail, associé à de faibles suites opératoires.

Note de la rédaction : une liste des références est disponible auprès de l’éditeur.
Cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol.2, numéro 3, septembre 2014.

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