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Reconstruction osseuse pré-implantaire par bloc d’os allogénique sur mesure

Dr. Raoul MARTIN – Cernay (Dpt 68)

Dr. Raoul MARTIN – Cernay (Dpt 68)

jeu. 11 mai 2017

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L’allogreffe fait rêver tous les implantologistes par son infinie disponibilité en termes de quantité et par l’inexistence du second site opératoire propre à l’autogreffe. Est-elle en mesure de détrôner cette dernière, pourtant forte de tous les sacrements en terme d’ostéoinduction et d’ostéogénèse ?

Nous ne reviendrons pas sur les qualités évidentes de l’autogreffe, mais son aspect mutilant rebute de plus en plus de patients, voire de chirurgiens !

Les nouveaux procédés d’inactivation des greffons allogènes sont aujourd’hui plus respectueux de la biomécanique des pièces traitées. En effet la technique CO2 supercritique de viro-inactivation et de radio stérilisation (Biobank) concernant le matériel de la présente étude, respecte la trame collagénique du tissu osseux, le rendant moins cassant et friable que par le passé. Pour réaliser des augmentations maxillaires 3D, il estmpossible d’utiliser de fines plaquettes d’os allogéniques réalisant un coffrage d’os particulaire selon la méthode de Khoury ou de fixer par ostéosynthèse des blocs allogéniques sur la crête atrophiée. Toutes ces techniques demandent une manipulation pour adapter le greffon au site à traiter. Aucun contact avec des gants n’est permis, la mise en oeuvre des pièces d’os se faisant uniquement à l’aide d’instruments stériles type pince de Barth ou précelles de De Bakey.

Le greffon de banque est un tissu dépourvu d’éléments vitaux et est donc à ce titre plus susceptible qu’un greffon autogène. Ces éléments vitaux viendront coloniser notre reconstruction, qui prendra donc vie secondairement. Pour éviter tous les risques liés à l’adaptation de la pièce allogénique à son site receveur, à l’aide d’une microsaw par exemple, BioBank réalise à présent des greffons sur mesure. Ces réalisations sont obtenues à partir des coupes tomodensitométriques du patient, organisées en reconstruction 3D par un logiciel type simplant. Le chirurgien et le responsable de l’unité de personnalisation de la banque de tissu dessinent de concert l’élément qui reproduit la forme et le volume idéal de la perte de substance à remplacer. Lorsque le projet est validé, l’information est transmise à un système d’usinage en salle stérile, qui taille le bloc à greffer dans une tête de condyle fémoral rélevé lors d’une arthroplastie de la hanche. Les prothésistes utilisent cette méthode de CFAO depuis longtemps pour réaliser nos couronnes et bridges.
 

Présentation du cas clinique

Valérie D., jeune femme de 4O ans en parfaite santé se présente au cabinet avec une édentation unilatérale droite de 12 à 17 inclus.
Le maxillaire édenté très atrophié ne permet pas la pose directe d’implants. Une greffe pré-implantaire est donc proposée, avec le choix d’un prélèvement sur la patiente ou l’utilisation d’un os de banque. Refus catégorique de Mme D. de toucher à son ramus. L’importance de la zone à restaurer nous guide naturellement vers un greffon allogénique sur mesure fabriqué d’après le processus décrit succinctement ci-dessus.

Prescriptions

Une prémédication classique est donnée à Mme D., soit amoxicilline (500 mg) + acide clavulanique (62,5 mg) 3 fois par jour et ce pendant 10 jours, ainsi que de la prédnisolone (1 mg/kg) une fois par jour le matin pendant 5 jours. Les prises de médicaments débutent 48 h avant la chirurgie. La patiente n’étant pas anxieuse, aucune benzodiazépine n’a été administrée. Nous utilisons avec succès la sophrologie en adjuvant de toute intervention au bloc. En post-opératoire une association paracétamol (1 g) + codéïne (60 mg) est proposée. Un bain de bouche à base de Chloréxidine est initié pour une semaine 24 heure après la greffe.

La chirurgie

Après anesthésie, nous décidons de pratiquer une intervention par tunnellisation, tant il est vrai que la suite la plus dramatique d’une reconstruction osseuse de grande envergure est l’exposition du greffon par rupture du lambeau d’accès. Le tunnel préserve la vascularisation du site. Une incision unique est réalisée le long du frein labial au-dessus de 11. Puis les tissus sont décollés avec les instruments dédiés, pour réaliser un tunnel jusqu’à la zone 17. Le décollement de la gencive crêstale donne la laxité suffisante pour passer le greffon à travers notre fenêtre. Il est à noter que BioBank fournit une réplique en résine stérile du greffon, ce qui permet de régler le décollement en fonction de ce « patron » et ce sans manipuler la pièce osseuse sur mesure. Cette dernière ne sera mise en oeuvre que lorsque son lit sera prêt à la recevoir. A ce moment le bloc allogénique est stabilisé sur le maxillaire et fixé par deux vis d’ostéosynthèse de 1,2 mm de diamètre (Stoma), puis recouvert d’une membrane collagénique résorbable. Après avoir « semé » autour de la reconstruction de l’os particulaire autogène récolté aux abords du site, la suture de l’incision unique est réalisée par points simples au fil monofilament (Glycolon) se résorbant en trois semaines. L’intérêt d’imbiber notre greffe par de I-PRF afin de perfuser notre tissu allogénique en cytokines et facteurs de croissances propres à cette approche doit encore être discuté, ainsi que l’utilisation ou non de membrane.

Gestion de la prothèse provisoire

Après la chirurgie, le port de toute prothèse est interdit à Mme D. pendant une semaine. Etant secrétaire et reprenant son travail à l’issu de cette semaine, un stellite avec une selle à distance du site greffé est réalisé. Les dents sont en sous occlusion totale et la passivité de ce partiel haut est contrôlée régulièrement, afin de s’assurer de son innocuité par rapport à notre reconstruction. Il est demandé à notre patiente de se nourrir avec une alimentation molle pendant encore trois semaines. Nous savons tous quels drames peuvent créer les provisoires en implantologie !

Conclusion

Après une période de cicatrisation de 5 mois, il sera posé 4 fixtures pour réaliser une réhabilitation plurale vissée. Différentes études, dont la plus récente est celle de Michel Jabour et Stéphane Milliez dans le JPIO, portant sur 41 patients greffés par blocs allogéniques conventionnels (ceux sur mesure n’étant pas encore disponibles au moment de leur travail), montrent que les allogreffes issues de têtes fémorales sont une solution de choix offrant une alternative fiable à nos patients rétifs à l’autogreffe. Il est plaisant d’opérer en ne s'encombrant pas des suites parfois lourdes d’un prélèvement oral, tant en termes de suites pures qu’en termes de lésion nerveuses ou vasculaires. De plus l’os issu d’un donneur se résorbe peu du fait de l’inertie de sa «re-vitalisation». Le protocole de l’allogreffe est à ce titre plus rigoureux que celui de l’autogreffe, le chirurgien devant être rompu à la démarche stricte de cette méthode. Bien sûr, comme dans tout domaine de la connaissance humaine, les guerres de chapelle n’ont pas fini de faire rage. A chacun de choisir la sienne, en étant, voeux pieux, un peu tolérant pour son voisin !
 

Note de la rédaction : Article publié dans le journal Dental Tribune France N°4/2017

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