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50 nuances de blanc, l’éclaircissement dentaire jour après jour

Sourire du patient à J0.
Dr Yassine Harichane

Dr Yassine Harichane

mer. 11 mai 2016

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« Le docteur va vous recevoir dans un instant. » Voici une phrase qui donne des frissons à certains patients, pas ce genre de sensation en montant dans une attraction de fête foraine, mais plutôt l’anticipation de passer un moment déplaisant. En tant que praticiens passionnés par notre travail, notre devoir est de créer une ambiance délicate pour nos invités et leur faire passer un moment agréable. Le meilleur moyen étant de leur proposer un traitement indo- lore, non-invasif et esthétique : l’éclaircissement dentaire, et faire en sorte qu’au moment où le pa- tient entend « le docteur va vous recevoir maintenant » un sourire illumine déjà leur visage.

Comme chacun sait, l’éclaircissement dentaire est une thérapeutique avant tout. Elle vise à éliminer les colorants organiques localisés dans la structure minérale des dents, en vue d’en révéler l’éclat naturel. Le résultat obtenu procure une satisfaction pour le patient qui se libère d’une gêne esthétique, et retrouve confiance dans son sourire. Pour le praticien, cette procédure simple et anodine permet de modifier l’aspect d’une dent, sans modifier sa structure. En effet, la molécule utilisée, que ce soit le peroxyde d’hydrogène ou le peroxyde de carbamide, va rompre les macromolécules organiques chromogènes et préserver la matrice minérale, grâce au pH neutre du gel d’éclaircissement dentaire. La teinte dentaire sera donc modifiée dans ses trois dimensions que sont la luminosité, la saturation et la tonalité chromatique. L’objectivation du résultat se fait généralement de visu : le chirurgien-dentiste va observer visuellement la teinte dentaire en préopératoire et la comparer avec la teinte postopératoire.1

Les outils souvent utilisés sont le teintier dentaire et la photographie. Il est également possible d’utiliser un spectrophotomètre, afin de quantifier objectivement les valeurs.2 Le dispositif peut soit exprimer le résultat sous forme de référence du teintier (VITA Classic, VITA 3D), soit attribuer une valeur numérique à chaque dimension de la teinte dentaire (système L*C*h pour Luminosité, Saturation et Tonalité Chromatique). D’un point de vue médico-légal, il est indispensable de déterminer la valeur avant et après le traitement. D’un point de vue intellectuel, plusieurs questions se posent sur l’évolution de ces valeurs dans le temps,3 et nous avons tenté de répondre à certaines d’entre elles.

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Matériels et méthodes

Un éclaircissement dentaire a été réalisé chez un sujet en bonne santé générale et buccodentaire. La première séance a consisté à réaliser un polissage des surfaces dentaires (CleanJoy, VOCO ; Fig. 1) afin d’éliminer la plaque dentaire, et favoriser la pénétration du gel d’éclaircissement dentaire et des empreintes, pour la confection de gouttières sur mesure avec réservoir vestibulaire. Au rendez-vous suivant, les gouttières ont été essayées et le kit a été remis au patient (Perfect Bleach, VOCO : Fig. 2). Dans ce cas clinique, le principe actif sélectionné est le peroxyde de carbamide à 16 pour cent. Le protocole de mise en œuvre a été expliqué au patient : brossage dentaire, application du produit dans l’intrados des gouttières, dépôt d’une quantité suffisante pour remplir le réservoir sans excès, mise en bouche, élimination des excès éventuels, maintien en bouche pendant deux heures, retrait des gouttières, rinçage dentaire et nettoyage des gouttières. Le traitement a été conduit pendant 14 jours en ambulatoire seulement. En fin de traitement, une application topique de fluor a été effectuée à l’aide d’une pâte prophylactique (Remin Pro forte, VOCO : Fig. 3), pour reminéraliser l’émail et limiter les recolorations.

Les photographies dentaires ont été prises lors de la consultation (J0 ; Fig. 4), à la fin du traitement d’éclaircissement dentaire (J14 ; Fig. 5), et trois semaines après la fin du traitement (J35 ; Fig. 6). La mesure de la teinte a été effectuée tous les jours pendant 36 jours à l’aide d’un spectrophotomètre (Easyshade, VITA Zahnfabrik ; Fig. 7) sur la face vestibulaire des incisives, canines et prémolaires, au maxillaire et à la mandibule. Pour chacune des dents, les valeurs de luminosité, saturation et tonalité chromatique ont été déterminées (mode de mesure détaillé, méthode L*c*h). En fin de suivi, soit trois semaines après la dernière application de peroxyde de carbamide, l’angle distal de la dent 21 (Fig. 8) a été corrigé, par l’addition de composite pour asseoir l’esthétique finale du sourire (Admira Fusion, VOCO ; Fig. 9).

Résultats

Du point de vue du patient, le protocole a été suivi scrupuleusement sans erreur ou oubli. Les gouttières étaient confortables et n’ont pas occasionné de blessure. Il n’y a pas eu de fuite de produit en bouche, et l’éclaircissement dentaire n’a pas occasionné de douleur ou de sensibilité thermique. Le résultat obtenu était très satisfaisant et semble avoir amélioré l’estime de soi chez le patient. D’un point de vue clinique, les photographies montrent une amélioration visible de l’esthétique du sourire. Les dents apparaissent plus lumineuses et moins saturées, ce qui a été corrélé avec les valeurs mesurées à l’aide du spectrophotomètre (Figs. 10 et 11). À l’état initial (J0), la luminosité moyenne des dents maxillaires et mandibulaires est de 68,55 pour cent (groupe 4 sur le teintier VITA 3D). Elle passe à 80,72 pour cent (groupe 2,5 sur le teintier VITA 3D) après les deux semaines (J14) de traitement d’éclaircissement dentaire. Elle finit à 81,38 pour cent (groupe 2 sur le teintier VITA 3D) trois semaines après la fin du traitement (J35). Néanmoins, on observe un décrochage vers J21 à 75,21 pour cent, probablement dû à un épuisement brusque du peroxyde d’hydrogène dans la structure dentaire, car il faut rappeler que le peroxyde d’hydrogène persiste jusqu’à deux semaines après son application.4 L’augmentation de la luminosité est donc importante pendant toute la durée du traitement et finit par se stabiliser après. À J0, la saturation moyenne des dents est de 26,22 pour cent (niveau 2 sur le teintier VITA 3D). Elle diminue à 19,98 pour cent (niveau 1,5 sur le teintier VITA 3D) à J14, pour finir à 19,71 pour cent (niveau 1,5 sur le teintier VITA 3D) à J35.

De nouveau, on observe logiquement une diminution plus importante pendant la phase de traitement (deux semaines) par rapport à la phase postopératoire (trois semaines). Concernant la tonalité chromatique (Fig. 12), elle part de 84,29° en préopératoire, pour atteindre 92,63° en postopératoire, et termine à 92,82° lors de la dernière mesure. Ceci signifie que la teinte de la dent évolue progressivement d’une teinte orangée vers une teinte jaune. En comparant l’arcade maxillaire avec l’arcade mandibulaire, les variations de luminosité et de saturation sont similaires (Figs. 13 et 14). Contre toute attente, nous remarquons que la luminosité des dents mandibulaires est légèrement supérieure à celle des dents maxillaires. Cependant, cette différence n’est que de 2,4 pour cent. Concernant la saturation, elle décroit que ce soit au maxillaire ou à la mandibule. Toutefois, la saturation au maxillaire diminue plus vite pour passer de 27,61 pour cent à 17,93 pour cent contre 24,83 pour cent à 21,5 pour cent à la mandibule. La variation de tonalité chromatique (Fig. 15) ne présente pas de différence significative entre les maxillaires, elle varie de 86,51°à 90,52° à la mandibule et varie de 82,07° à 95,13° au maxillaire.

Une analyse intéressante est celle de l’évolution de la luminosité et de la saturation en fonction de la dent considérée (Figs. 16 et 17). En observant les variations de luminosité, à J0 les incisives apparaissent plus lumineuses (74,79 pour cent), suivies des canines (72,28 pour cent) et enfin des prémolaires (60,45 pour cent). Ce classement reste le même pendant toute la durée de l’étude. Néanmoins les différences de luminosité entre groupes de dents tendent à s’estomper. À J35 la luminosité des incisives est de 82,6 pour cent, celle des canines est de 82,2 pour cent et les prémolaires ont une luminosité de 79,76 pour cent. Concernant la saturation, le classement est inversé, à savoir les prémolaires sont les plus saturées (28,96 pour cent), suivies des canines (24,8 pour cent) et enfin les incisives (22,99 pour cent) à J2. En fin d’étude, le classement reste identique, même si les différences entre prémolaires (20,91 pour cent) et canines (20,48 pour cent) sont minimes. Les incisives marquent la différence en étant clairement moins saturées que les autres dents (18,14 pour cent).

Discussion

L’éclaircissement dentaire est un traitement apprécié du public car il permet de manière non-invasive de restaurer l’esthétique du sourire. En technique ambulatoire, le patient peut visualiser les effets jour après jour. Pour le praticien, l’analyse de la teinte se fait généralement avant et après traitement. Dans cette étude nous avons voulu montrer au lecteur comment se fait l’évolution de la teinte au quotidien avant, pendant et après un traitement. Le suivi a pu se faire de manière rigoureuse par l’utilisation d’un outil objectif qu’est le spectrophotomètre. En effet pour déterminer la teinte dentaire, la plupart des études sur l’éclaircissement dentaire sollicite la vision humaine qui peut être perturbée par de nombreux phénomènes comme la lumière ambiante ou la fatigue visuelle pour ne citer qu’elles.5

L’Easyshade (VITA Zahnfabrik) va permettre une mesure précise et répétitive de la teinte dentaire, quelque soit l’opérateur ou les conditions environnementales, sans être gêné par l’accessibilité comme c’est le cas de certains appareils de mesure qui se limitent aux incisives (SpectroShade). Dans le cadre de notre étude, le spectrophotomètre a généré une quantité importante d’informations qui sont inaccessibles en méthode visuelle. La luminosité, la saturation et la tonalité chromatique ont pu être mesurées durant 35 jours d’affilée, pour apprécier finement la variation de teinte de façon globale pour l’ensemble de la denture, ou de façon pointue selon l’arcade ou le type de dent considéré.

Notre analyse montre donc que la luminosité augmente pendant toute la durée d’application du produit d’éclaircissement dentaire et même après, grâce à la persistance du peroxyde d’hydrogène dans la structure dentaire. Effectivement la phase de stabilisation n’apparait que trois semaines après la dernière application, même si une légère progression est toujours constatée. Contre toute attente, les dents mandibulaires donnent des valeurs plus élevées de luminosité que les dents maxillaires. Ceci peut s’expliquer par l’épaisseur moins importante de structure dentaire6 et donc le passage plus important de lumière. De la même manière, les incisives présentent une épaisseur inférieure à celle des canines et des prémolaires, et donc ont une luminosité plus importante. Cependant, la différence de teinte entre les situations, initiale et finale, est plus importante pour les prémolaires ou les canines. Nous conseillons donc de réaliser les photographies dentaires avant et après traitement, en plaçant l’échantillon du teintier au niveau des prémolaires ou des canines, pour mettre en évidence la différence de luminosité et donc l’efficacité du traitement. Nous avons également pu démontrer que la saturation diminue pendant le traitement et ce jusqu’à une semaine après la dernière application.

Durant les deux semaines suivantes, la saturation dentaire se stabilise. En observant les arcades, nous avons pu montrer que la décroissance de la saturation est plus importante au maxillaire qu’à la mandibule, l’épaisseur de structure dentaire étant plus importante. Les dents maxillaires montrent donc une différence de saturation plus importante en comparant les situations avant et après traitement, nous recommandons donc aux cliniciens de réaliser les photographies pré- et postopératoires avec les dents maxillaires. Dans l’analyse de la saturation par groupe de dents, les incisives apparaissent moins saturées que les autres dents, ceci s’explique par leur plus faible épaisseur de dentine. Ainsi si le praticien souhaite mettre en évidence une différence visible de saturation suite à un éclaircissement dentaire, il est préférable de comparer les teintes avant et après traitement au niveau des prémolaires si la photographie le permet, sinon au niveau de la canine.

Concernant la tonalité chromatique, elle varie très rapidement, en une semaine, passant d’une teinte orangée vers une teinte jaune. L’explication tient au fait que naturellement la teinte dentaire se situe dans les nuances de jaune.7 Au cours de la vie de l’individu, les chromophores d’origine organique modifient la teinte vers une tonalité orangée. L’éclaircissement dentaire, au moyen du peroxyde d’hydrogène, va permettre de rompre ces longues chaines carbonées et redonner un éclat naturel aux dents. Dans le teintier VITA 3D, les groupes de luminosité 1 à 5 et les niveaux de saturation 1 à 3 présentent une différence d’au moins 2 pour cent, c’est-à-dire que l’œil humain est capable de discriminer par exemple une teinte 2M2 d’une teinte 2,5L2,5. Notre travail montre donc qu’au cours de la première semaine d’éclaircissement dentaire, le patient est déjà capable d’apprécier la différence de luminosité et de saturation.

Redonner l’éclat naturel au sourire est un jeu d’enfant avec l’éclaircissement dentaire, en suivant rigoureusement les recommandations du fabricant. Patient et praticien partagent une satisfaction du résultat obtenu de façon indolore non-invasive. Le processus d’éclaircissement dentaire est d’autant plus fascinant lorsqu’il est observé jour après jour. D’un point de vue subjectif, le patient s’admire dans le miroir en regardant au jour le jour la différence de teinte au cours du traitement. D’un point de vue objectif, la mesure de la teinte dentaire au cours du temps donne des informations pertinentes sur la façon de l’appréhender. La cinétique du traitement mise en évidence dans cette étude fournit des astuces cliniques aux praticiens, et donne une vision globale de l’évolution de la teinte dentaire dans ses trois dimensions. Une meilleure compréhension de ce phénomène permettra, peut être un jour, de prédire avec précision le résultat final. Seule l’observation attentive et rigoureuse des effets d’un traitement fournit des éléments essentiels à sa compréhension. En conclusion, pour citer Carlo Godoni « La nature est un professeur universel et sûr pour celui qui l’observe. »_

Note de la rédaction : 
Cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol. 4, Numéro 1/2016.
Une liste complète des références est disponible auprès de l'éditeur.
 

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