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À quel rôle éminent peuvent prétendre les probiotiques pour les odontologistes, et pour les autres ?

Des préparations comportant des souches particulières associées de streptocoques sont en mesure de déplacer les colonies cariogènes de façon durable.
Revue de presse du Dr Alain Chanderot

Revue de presse du Dr Alain Chanderot

jeu. 29 octobre 2009

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 Certaines informations nous interpellent : les germes gram-négatifs des parodontopathies auraient un rôle décisif dans les pathologies cardio-vasculaires, rhumatismales, voire rénales. Il s’agirait donc non plus de les envisager comme incitateurs de maladies locales, mais de pathologies systémiques.

 La surveillance de la flore buccale devient donc, outre celle concernant le processus carieux, un enjeu considérable. Les voies de lutte par antibiotiques étant à proscrire, la vaccination balbutiante, les bactéricides prennent toute leur place, avec cet inconvénient de détruire également une flore utile d’accompagnement, et de n’être pas forcément anodins pour les tissus (colorations, dysgueusies, intolérances). C’est dans cet esprit que l’usage de souches bactériennes « amies » est envisagé comme une stratégie possible, en déplaçant à notre profit, de leur habitat traditionnel, les germes pathogènes. Elles développent des armes protéiques (bactériocines) qui détruisent ces derniers, ou encore modifient leur capacité à créer des biofilms où ils seraient majoritaires, en se coagrégeant avec eux (streptococcus mutans, str. sobrinus). De tels biofilms « mixtes » ne relarguant que des produits de leurs métabolismes au pH minoré sont ainsi, lorsque accolés aux parois dentaires, moins nocifs pour l’élément minéralisé. Ce qui est intéressant, également, est que ces probiotiques ne cherchent pas à devenir majoritaires ou exclusifs dans les biofilms, mais sont dans une stratégie de neutralisation, bien plus intelligente que la guerre à outrance (Lien Chi Pham et coll. Arch Oral Biol. volume 54/2, fév. 2009, Effects of probiotic Lactobacillus salivarius W24 on the compositional stability of oral microbial communities). De longue date employées pour suppléer à des dysfonctions du système digestif (lactobacillus acidophilus ou bulgaricus, bifidobacterium bifidum, streptococcus thermophilus), on s’est rendu compte que des souches d’une même famille pouvaient avoir des fonctions très différentes, voire contradictoires. Pour éliminer une partie des pathogènes parodontaux, il a été prouvé que deux souches de streptocoques (str. uberis et str. oralis) infléchissaient la concentration des pathogènes habituels (str. mutans et alii, voir Socransky et coll.). Un autre membre de cette famille, streptococcus rattus, ne métabolise pas les sucres en produisant de l’acide lactique, et a parfaitement sa place dans une bouche saine.
Ainsi, des préparations comportant des souches particulières associées (streptococcus oralis (str. oralis KJ3), streptococcus uberis (str. uberis KJ2) et streptococcus rattus (str. rattus JH145)) sont en mesure de déplacer les colonies cariogènes de façon durable, et même, en émettant du péroxyde d’hydrogène issu de leur métabolisme, d’infléchir conco­mitamment la production de sulfures volatils caractéristiques des halitoses (probiora 3). Certains industriels élaborant ces produits cherchent à les introduire non seulement dans les formules de complémentation, mais également dans le lait lui-même, comme on l’a fait avec le fluor dans le sel, avec des résultats encourageants pour la santé gingivale (Staab et coll. Journal of Clinical Periodontology, online le 12 août 2009, The influence of a probiotic milk drink on the development of gingivitis : a pilot study). Malheureusement, la littérature ne nous offre pas encore des souches favorables qui déplaceraient spécifiquement les porphyromonas et autres agresseurs parodontaux, sinon la plante salvadora persica (meswak) associée à Lactobacillus rhamnosus B-445, et d’autres exemplaires de cette famille en expérimentation. Par ailleurs, les germes probiotiques sont innombrables, et il arrive que cela « coince » et pose problème, voyant surgir des sous-ensembles de nos partenaires qui, générant de l’acidité, seraient destructeurs pour l’émail des enfants (Twetman, S. and Stecksen-Blicks, C. Probiotics and oral health effects in children. Internat. J. Pediatric Dent. 18 : 3-10, 2008). D’où découle tout un travail sur le choix des tribus bactériennes et de tri dans les familles elles-mêmes. Reste que la maîtrise de ces souches et leur usage raisonné pourrait dans l’avenir changer du tout au tout, dans un esprit « biocompatible » intelligent, l’ensemble de la pathologie dentaire carieuse, parodontale et… générale.

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