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De l’indemnisation des préjudices du dommage corporel au préjudice moral

Dr Stéphane LUC-SEBAOUN.

Dr Stéphane LUC-SEBAOUN.

sam. 16 octobre 2010

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Les accidents corporels peuvent être d’origines diverses :

- Accidents domestiques
- Accidents de sport
- Accident du travail, de trajet
- Accidents de la circulation (loi Badinter du 5/7/1985)
- Actes de terrorisme (loi du 9/9/1986)
- Contamination à l’amiante, au HIV, à l’Hépatite, au prion de Creutzfeld-Jacob
- Infractions pénales (loi du 6/7/1990) relevant de la CIVI (commission d’indemnisation des victimes d’infractions)
- Accidents à l’étranger (loi du 6/7/1990) relevant de la CIVI
- Accidents médicaux, infections nosocomiales, affections iatrogènes (loi Kouchner du
4/3/2002)
- D’actes, d’opérations médicales « ratées », en secteur libéral ou d’un établissement de santé (loi du 4/3/2002)

Le dommage est l’atteinte à un intérêt patrimonial ou extrapatrimonial d’une personne, qui est la victime.

Le préjudice est généralement perçu comme « la conséquence de la lésion ou la suite du dommage », ou le dommage causé à autrui, volontairement ou non. Certains considèrent dommage et préjudice comme synonymes.

3 types de dommages existent :

- Le dommage matériel ; c’est une atteinte aux biens, au patrimoine de la victime, évalué à la perte subie ou au gain manqué, et qui ouvre droit au versement de dommages et intérêts. C’est le domaine de l’assurance des biens.
- Le dommage corporel ; c’est une atteinte à la personne qui peut être définie comme toute atteinte à l’intégrité physique ou psychique, et qui ouvre droit à une indemnisation, à une réparation intégrale des préjudices corporels, mais aussi des préjudices économiques qui en découlent. Le dommage corporel est défini comme la lésion subie à proprement parlé, qui s’apprécie au siège de cette lésion. Bon nombre
de ces préjudices corporels sont soumis à évaluation médicale ; C’est le domaine de
l’expertise médicale.
- Le dommage ou préjudice moral ; c’est un mal, une souffrance qui résulte d’une atteinte à un droit de la personnalité, d’une atteinte physique, mais aussi une souffrance éprouvée par les proches de la victime (victime par ricochet). C’est un sentiment, une tristesse, qui n’ouvre pas toujours droit à une indemnisation.
C’est une notion juridique qui n’est pas soumis à évaluation médicale et donc ne fait pas l’objet d’une expertise médicale.
Le code civil ne mentionne rien concernant ce préjudice.
Le préjudice peut être causé par le fait d’une personne (art 1382 du Code Civil), d’une chose (art 1384 du CC), d’un animal (art 1385 du CC).

La responsabilité peut s’exercer en matière pénale (infractions, délits, crimes), en matière administrative (faute en milieu hospitalier), en matière civile (accident de la circulation), en responsabilité médicale (faute d’un médecin libéral).

En matière civile, la responsabilité est soit contractuelle ou quasi-contractuelle ; actes volontaires avec accord des volontés ou pas, »qui s’engage doit s’exécuter, l’inexécution de l’obligation suffit, sans besoin de prouver la faute, soit délictuelle ou quasi-délictuelle ; faits illicites intentionnels ou pas, « qui casse paye », là il faut prouver la faute.

Il faut l’existence d’un lien de causalité, notion juridique, entre la faute et le dommage ; ce
lien doit être direct, certain et déterminant.

Dans le domaine du dommage corporel, lors de l’évaluation du préjudice économique ou professionnel, le médecin n’a pas à se prononcer en réalité sur l’existence d’un véritable préjudice professionnel ou économique, mais doit développer les arguments médicaux, donc l’imputabilité, entre la faute et le dommage, qui expliquent l’impossibilité ou la difficulté de reprendre la profession exercée avant l’événement.

Depuis la loi Badinter du 5/7/1985, accidents de la circulation, on peut recenser 3 types de
préjudices corporels ;

Les préjudices économiques : soumis au recours des organismes sociaux
- Les frais médicaux, pharmaceutiques
- L’ITT et l’ITP (Incapacité Temporaire Totale ou Partielle), avant consolidation
- L’IPP (Incapacité Permanente Partielle), après consolidation
- Le préjudice professionnel, la perte de retraite
- La tierce personne
- Les frais d’adaptation de l’habitat
- Les frais d’acquisition, d’aménagement de véhicule
- Les frais de déplacement
- Les frais divers
- Les frais d’appareillage
- Les frais de médicaments non remboursés par la sécurité sociale

 

Les préjudices personnels : non soumis au recours des organismes sociaux
- Le pretium doloris (ou souffrances endurées de 0 à 7) < 70 000 € d’indemnisation
- Le préjudice esthétique (de 0 à 7) < 55 000 € d’indemnisation
- Le préjudice d’agrément (après consolidation) < 60 000 € d’indemnisation
- Le préjudice sexuel < 30 000 € d’indemnisation
- Le préjudice d’établissement < 30 000 € d’indemnistaion
- La perte de chance

Le préjudice moral :
Les souffrances morales sont souvent incluses dans les souffrances endurées (pretium doloris).
Il est rarement réparé, et ne dépasse pas les 10 000 €.
En cas de décès de la victime directe, pour les victimes par ricochet, il peut atteindre 25000 €

Seuls l’ITT, l’IPP (préjudices patrimoniaux) et les préjudices extrapatrimoniaux (personnels) font l’objet, lors d’un dommage corporel, d’une expertise médicale (amiable ou judiciaire) exécutée par des médecins-experts.
L’expertise judiciaire, en matière civile, est réglementée par le code de procédure civile (art
143 à 179 et 236 à 284), et en matière pénale, par le code de procédure pénale (art 156 et suivants)
L’objet de l’expertise judiciaire est d’ordre technique, il n’appartient pas à l’expert de dire le droit.

 

Avec la loi Kouchner du 4/3/2002, le dommage corporel en responsabilité médicale ouvre droit à une indemnisation :
- En CRCI (commission régionale de conciliation d’indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes, infections nosocomiales), soit par les assurances en cas de faute médicale, soit par l’ONIAM (solidarité nationale financée par la sécurité sociale, donc pas d’action récursoire), en cas d’aléa thérapeutique (dommage sans faute), en fonction de certains critères (IPP > 24%, ITT > 6 mois consécutifs, IPP >
25% en cas d’IN)
- Avec obligation d’information (art L.1111-2 du CSP) et d’un consentement éclairé (art L.1111-4 du code de santé publique) du professionnel de santé envers le malade, c’est donc une responsabilité médicale contractuelle fondée sur la faute, avec obligation de moyens, de résultat (prothèses dentaires, chirurgie esthétique, transfusions sanguines) responsabilité sans faute, de sécurité –résultat (produits de santé autres que sanguins)

Avec la commission Dintilhac en 2005, une nomenclature de préjudices corporels a été établie ; Ces préjudices peuvent être temporaires, c'est-à-dire avant la consolidation de la victime, et permanents, c'est-à-dire après la consolidation de la victime.

Si en traumatologie, la consolidation est bien appréhendée et définie comme le moment de la fin des préjudices temporaires, où les lésions ont pris un caractère permanent, on parlera plutôt de stabilisation pour des maladies évolutives (préjudices extrapatrimoniaux évolutifs) telles que les contaminations à l’amiante, au HIV, au VHC, au prion de Creutzfeld-Jacob.

A – Proposition de nomenclature des préjudices corporels de la victime directe

1°) Préjudices patrimoniaux
a) Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
- Dépenses de santé actuelles (D.S.A.)
- Frais divers (F.D.)
- Pertes de gains professionnels actuels (P.G.P.A.)
b) Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation) :
- Dépenses de santé futures (D.S.F.)
- Frais de logement adapté (F.L.A.)
- Frais de véhicule adapté (F.V.A.)
- Assistance par tierce personne (A.T.P.)
- Pertes de gains professionnels futurs (P.G.P.F.)
- Incidence professionnelle (I.P.)
- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation (P.S.U.)
 

2°) Préjudices extra-patrimoniaux
a) Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation) :
- Déficit fonctionnel temporaire (D.F.T.)(ancienne ITT)
- Souffrances endurées (S.E.)
- Préjudice esthétique temporaire (P.E.T.)
b) Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation) :
- Déficit fonctionnel permanent (D.F.P.)(c’est l’AIPP, ancienne
IPP)
- Préjudice d’agrément (P.A.)
- Préjudice esthétique permanent (P.E.P.)
- Préjudice sexuel (P.S.)
- Préjudice d’établissement (P.E.)
- Préjudices permanents exceptionnels (P.P.E.)
c) Préjudices extra-patrimoniaux évolutifs (hors consolidation) :
- Préjudices liés à des pathologies évolutives (P.EV.)

B – Proposition de nomenclature des préjudices corporels des victimes indirectes (victimes par ricochet)

1°) Préjudices des victimes indirectes en cas de décès de la victime directe
a) Préjudices patrimoniaux
- Frais d’obsèques (F.O.)
- Pertes de revenus des proches (P.R.)
- Frais divers des proches (F.D.)
b) Préjudices extra-patrimoniaux
- Préjudice d’accompagnement (P.AC.)
- Préjudice d’affection (P.AF.)

2°) Préjudices des victimes indirectes en cas de survie de la victime directe
a) Préjudices patrimoniaux
- Pertes de revenus des proches (P.R.)
- Frais divers des proches (F.D.)
b) Préjudices extra-patrimoniaux
- Préjudice d’affection (P.AF.)
- Préjudices extra- patrimoniaux exceptionnels (P.EX.)

 

 

 

Le préjudice moral dans le cadre du dommage corporel :

Le préjudice moral atteint la victime dans son affection, son honneur, sa réputation.

Concrètement, la réparation du dommage moral a été retenue très tôt par la jurisprudence. L’idée est que l’argent reste une consolation à la souffrance morale.
Cependant, la doctrine a souvent critiqué ce préjudice estimant d’une part, sur le plan éthique,

qu’une somme d’argent ne pouvait compenser la souffrance morale, d’autre part, l’évaluation de ce préjudice était subjective et arbitraire et donc difficilement quantifiable.

Cette indemnisation a été consacrée et résulte de l’application de la loi Badinter du 5/7/1985 sur les accidents de la circulation.

Elle s’applique tant à la victime directe qu’aux proches de la victime que l'on appelle les victimes par ricochet. Les proches sont : les parents, les enfants, sœurs et frères, fiancés, concubin, conjoint, grands-parents. Ce sont donc les tiers liés à la victime par des liens de parenté, d'alliance ou d'affection particulière.

Pour la victime directe les tribunaux ne prennent pas véritablement en compte ce préjudice, car ils avancent que cette indemnisation est incluse dans les sommes allouées au titre des autres chefs de préjudices, comme le pretium doloris, le préjudice esthétique, le préjudice d'agrément, sexuel, professionnel, etc., et que l'on ne peut donc indemniser deux fois le même préjudice.

Cependant, le préjudice moral est couramment admis par les tribunaux lorsqu'il s'agit de la réparation des victimes par ricochet. Cette indemnisation répare aussi bien le décès d'un proche que la souffrance morale que peut constituer pour l'autre l'incapacité de la victime.

Pourtant, en réparant par exemple le préjudice esthétique on ne répare pas la totalité du préjudice moral lié à ce dommage (cicatrices disgracieuses) mettant la victime dans l'impossibilité partielle ou totale de se montrer en société et donc d'avoir une vie sociale.

Le porteur d’une prothèse complète bi maxillaire, suite à la perte de toutes ses dents, voit sa vie sociale, de couple, professionnelle, son image de soi, déformée, modifiée, voire brisée

Le préjudice moral de la victime est le préjudice que la victime ne manque jamais de décrire et de revendiquer. C’est un préjudice spécifique, qui n’est pas une simple revendication financière, mais plutôt une reconnaissance d’une souffrance.

En conclusion, l’intervention, autour de ces indemnisations, d’un grand nombre d’acteurs aux motivations diverses (victimes, responsables d’accidents, assureurs, fonds de garanties, organismes sociaux) rend d’autant plus ardue, une approche pour donner une appréciation médico-légale à tous les niveaux, arbitrée par les avocats, experts et magistrats.

Auteur :
56 avenue Kléber 75116 Paris
Diplôme de docteur en chirurgie-dentaire de ParisV, René Descartes.
Diplôme de la société française d’endodontie.
Diplôme du collège français d’implantologie.
Diplôme Universitaire de « Réparation Juridique du Dommage Corporel »
Faculté de Médecine de Paris V, Paris Descartes, rue des Saints-Pères.
Création d’un site internet par Webdentiste.
Nomination d’Expert Près la Cour d’Appel de Paris.
Pose d’implants depuis 1991.
 

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