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Guides chirurgicaux en implantologie : indications et limites

Le positionnement de l’émergence des vis prothétiques au niveau des sillons.
Dr Jean-Nicolas Hasson & Julien Hanss

Dr Jean-Nicolas Hasson & Julien Hanss

mer. 3 décembre 2014

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L’utilisation de guides chirurgicaux en implantologie a connu un vaste développement avec l’arrivée du cone beam, par les guides qui en dérivent. Cette technologie permet de positionner les implants de manière optimale, tant pour la prothèse que pour le support osseux, mais ces guides ont deux inconvénients : ils ont une précision relative et restent d’un coût élevé, ce qui limite leurs indications. Le but de cet article est de décrire les cas dans lesquels ils sont indispensables, et proposer ceux où leurs alternatives sont indiquées.

_Origine de l’imprécision des guides chirurgicaux

La précision des guides chirurgicaux est notamment limitée par les artefacts inhérents aux techniques radiographiques : il s’agit des artefacts géométriques, mécaniques, de durcissement et de segmentation. Les artefacts géométriques résultent de la reconstruction en volume, de données acquises en deux dimensions : ils dépendent de la précision des logiciels informatiques et donnent une déformation minime de la réalité. Les artefacts mécaniques dérivent des mouvements du patient au moment de la prise de la radiographie. Ces mouvements peuvent être importants pour le rendu, même s’ils sont imperceptibles pendant l’examen : un déplacement d’un millimètre dû à la respiration du patient, peut rendre ingérable le positionnement d’un implant dans un os de volume limité. Les études concernant la précision des cone beam réalisés sur des cadavres, ne peuvent donc pas être retenues pour se faire une idée de la précision des guides chirurgicaux (Van Steenberghe, 2003). Les artefacts de durcissement sont une image radiographique aux rayons les plus mous émis dans le faisceau du générateur, qui ont tendance à dévier sur une surface plus dure et à se concentrer dans une zone adjacente de moindre densité, ce qui fait penser à une absence de structure calcifiée à cet endroit.

Cet artefact est particulièrement visible entre deux implants, mais aussi à la jonction émail-cément, donnant l’impression d’une cavité qui n’existe pas dans la réalité. Les artefacts de segmentation sont créés au moment de la segmentation, étape qui permet d’isoler les différents éléments anatomiques qui composent la cavité buccale, et créer des volumes qui seront la référence pour la réalisation du guide chirurgical. Cette segmentation est réalisée en définissant de manière arbitraire l’intervalle de densité qui correspond à l’objet, induisant inévitablement une certaine erreur d’appréciation. De plus le positionnement de ces guides est une opération délicate induisant une erreur supplémentaire. En effet, la mise en place sur une gencive d’épaisseur et de consistance variable, rend la procédure incertaine quand il faut visser le guide sur l’os sous-jacent. Dans le cas d’un guide dento-porté, cette erreur de précision peut être réduite, en utilisant un modèle qui a été numérisé et converti en fichier STL, qui est incorporé dans un second temps dans le fichier Dicom (extension DCM). Dans le cas d’un guide implanto-porté, l’erreur est encore réduite, le guide étant vissé, donc solidaire, aux implants précédemment ostéo-intégrés.

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Le résultat de l’ensemble de ces erreurs se retrouve dans l’article de Schneider (2009), mis à jour par celui de Tahmaseb (2014), qui analysent la bibliographie comparant le positionnement définitif de l’implant à celui qui avait été planifié. En prenant pour exemple l’erreur de positionnement à l’émergence de l’implant, tous les articles l’estiment approximativement à 1 mm auquel on ajoute un écart type de 1 mm : c’est-à-dire que la grande majorité des implants sont positionnés dans une erreur de 2 mm, quelques implants présentant une erreur encore plus importante. Or 2 mm d’imprécision sont souvent inacceptables pour nos chirurgies où le volume osseux résiduel est trop faible et ne permet pas un tel intervalle de sécurité. La figure 1 montre l’erreur de positionnement d’un implant placé avec un guide chirurgical à l’aveugle, par un praticien expérimenté.

En résumé, nous pouvons considérer que deux cas de figure peuvent être envisagés : celui dans lequel les repères anatomiques ou prothétiques sont suffisants (permettant alors un positionnement au moins aussi précis que celui obtenu avec guide), et celui dans lequel les repères sont trop imprécis. Il devient alors nécessaire d’opter pour une technique sans guide ou d’utiliser le guide s’il est indispensable. Dans certains cas, il est possible de corriger l’erreur du guide visuellement, à main levée. Il existe une série de cas où le guide chirurgical est inutile : les implants unitaires, la pose d’ancrages pour la stabilisation d’une prothèse complète mandibulaire, le bridge complet mandibulaire et la plupart des implants multiples dans les secteurs postérieurs. À l’inverse, son utilisation raisonnée est une aide précieuse pour la pose d’implants multiples dans la zone esthétique, et dans le cas de zones postérieures où la perception du volume osseux sous-jacent est difficile à apprécier.

_Indications où le guide chirurgical est inutile

Implant unitaire antérieur

L’idéal dans le cas d’un implant antérieur est de réaliser une prothèse transvissée permettant de ménager un volume de matériau cosmétique suffisant, pour assurer au patient la meilleure esthétique techniquement possible. Il faudra donc que l’émergence de la vis se place dans un pertuis localisé au cingulum ou au milieu du sillon de la couronne prothétique. Le guide est donc inutile quand une dent adjacente présente un cingulum, ou un sillon suffisamment précis pour que le foret puisse le prendre comme point de référence. L’élévation d’un lambeau suffisamment large permet d’évaluer le volume osseux nécessaire à la pose de l’implant, et permet d’éviter une perforation apicale. La figure 1 montre la coupe vestibulo-palatine d’un implant placé par un confrère expérimenté, avec un guide dento-porté à l’aveugle. La radiographie rétroalvéolaire peropératoire permet le positionnement optimal de l’implant dans le sens mésio-distal, en évitant les obstacles anatomiques adjacents : racine (Figs. 2 a et b), sinus maxillaire et nerf dentaire inférieur pour les implants postérieurs.

Implant unitaire postérieur

Ce cas de figure est similaire au précédent parce que les dents adjacentes sont présentes et la résorption osseuse limitée : le volume prothétique résiduel est alors faible et la prothèse transvissée est souvent indiquée. L’émergence du puits de la vis correspondante au niveau du sillon, permet de gérer aisément la prothèse à réaliser. Ce seront donc les sillons adjacents qui dirigeront l’axe de forage (Fig. 3).

Implants multiples dans le secteur postérieur

Dans ce cas, la morphologie des prothèses s’éloigne de celle des dents parce que les implants n’ont pas le diamètre des molaires. Lorsque le volume osseux se rétrécit en postérieur suite à la résorption de la table vestibulaire, il est souvent plus sûr d’accroître le nombre d’implants, que d’avoir recours à une greffe osseuse délicate à réaliser. Il suffit de positionner les implants à un intervalle raisonnable, tout en tenant compte des antagonistes.

Implants pour ancrages d’une prothèse mandibulaire

Le facteur humain est essentiel lorsque nous considérons cette indication : ces patients sont âgés et possèdent souvent des ressources limitées. Une greffe osseuse ne fera donc jamais partie de notre plan de traitement, même si l’implant ne peut être placé dans une position académique. Il faut alors intégrer la notion de compromis, pour satisfaire au mieux la demande fonctionnelle et financière du patient. Dans la plupart des cas, les dents résiduelles dans le secteur antérieur sont extraites dans un premier temps, parce qu’elles interfèrent avec la pose des implants. Ces dents sont remplacées sur la prothèse existante, qui sera transformée en guide, en la perforant à l’endroit optimal où les implants devraient être positionnés. Le guide est utilisé à l’aveugle dans un premier temps avec le foret pilote. Par la suite, un lambeau est levé, permettant ainsi le meilleur positionnement dans l’os résiduel. Dans les cas où quelques dents sont dans un en état acceptable, il suffit de sélectionner une dent relativement indemne dans le secteur incisivo-canin, et la prendre comme guide pour le premier implant (Figs. 4 a et b). Il est essentiel de réaliser la prothèse définitive après que les implants aient été mis en fonction sur la prothèse initiale : cela permet au prothésiste de créer un volume de résine suffisant, et d’éviter les fractures intempestives par la suite.

Implants pour bridge complet mandibulaire

Les patients qui consultent pour cette indication sont des patients qui pour la plupart n’ont jamais porté de prothèse mobile dans le secteur antérieur, et souhaitent une mise en charge immédiate. Quelques dents résiduelles sont encore présentes. La littérature montre que le pronostic est excellent. Seul le positionnement vestibulo-lingual des implants est important, pour offrir au patient une prothèse esthétique, d’une épaisseur aussi réduite que possible dans le secteur antérieur. Son orientation est telle, que la vis prothétique émerge au niveau du cingulum de la dent naturelle qu’il remplace. Les autres implants sont parallélisés en prenant cet implant comme pilote.

_Cas où le guide chirurgical est essentiel

Comblement sous-sinusien avec pose d’implants différée

Dans ce cas, au moment de la pose des implants, il n’est plus possible d’estimer exactement le volume osseux sous-jacent. Le guide chirurgical basé sur une image tridimensionnelle est la seule solution pour une pose optimale. Il convient donc de prendre une marge de sécurité de 2 mm, ce qui implique d’avoir réalisé au préalable un comblement conséquent, intervention délicate compte tenu du risque important de perforation (Froum, 2013). La figure 5a montre la planification d’implants dans une zone greffée. La figure 5b montre sa réalisation et la proximité du sinus avec l’implant en position de 27, prouvant l’utilité de la marge de 2 mm imposée à la conception du guide chirurgical. Les radiographies rétroalvéolaires peropératoires sont d’une utilité réduite, le manque de comblement intéressant le plus souvent la partie palatine, qui ne peut être visualisée par ce moyen.

Édentation multiple antérieure maxillaire

Dans le cas d’un édentement maxillaire antérieur important, le positionnement va influencer l’esthétique, la phonation et la qualité du contrôle de plaque, donc la pérennité de l’édifice à terme. Pour réduire l’erreur du positionnement du guide, nous préférons limiter l’utilisation du guide avec le foret pilote. L’erreur résiduelle étant réduite au moment de l’intervention en corrigeant le forage à main levée, afin d’adapter de manière optimale le positionnement de l’implant au volume osseux existant.

Bridge complet maxillaire

Les patients qui optent pour ce type de solution ont déjà épuisé toutes les solutions préalables et viennent la plupart du temps, avec un bridge complet maxillaire qui tient difficilement sur un bloc antérieur en voie d’extinction. La demande de ces patients, après tous les efforts consentis, se résume dans l’interdiction de passer par une phase mobile, tout en ne prenant jamais risque d’y avoir recours. Le comblement sous-sinusien est souvent indispensable dans les secteurs postérieurs, mais le temps que l’os obtienne un niveau de maturation suffisante et que les implants soient intégrés, une année s’écoule sans qu’un bridge implanto-porté ne puisse être mis en fonction. La solution consiste à temporiser le secteur antérieur et prémolaire et à mettre les implants dans le secteur molaire. Ces implants ne demandent pas la précision de pose de ceux du secteur antérieur. Les implants antérieurs doivent être posés dans l’optique d’une esthétique irréprochable, d’une phonation sans faille et d’une nettoyabilité optimale (Fig. 6). Dans un deuxième temps un guide chirurgical est vissé aux implants du secteur molaire, facilitant la tenue de ce guide. Seul le foret pilote est passé, laissant à l’opérateur la possibilité de corriger dans une faible mesure, l’erreur du guide au moyen d’ostéotomes ou de piézochirurgie (Hasson, 2012).

_Discussion

L’apport récent du cone-beam dans l’exercice de la chirurgie implantaire s’est accompagné d’un engouement excessif, à l’image de tous les progrès auxquels nous sommes confrontés. Les études comparant la planification de l’implant et sa pose, montrent toutes une différence conséquente. Celle-ci aura inévitablement des effets qui se feront sentir sur les résultats à long terme, tant au point de vue esthétique que fonctionnel. Ces études cliniques présentent les mêmes défauts : la durée de l’étude ne correspond pas à la durée d’utilisation des implants (les études à long terme, soit d’une durée supérieure à 10 ans), et l’estimation est souvent réalisée par ceux qui ont réalisé la chirurgie. Tahmaseb et al. (2014) concluent, même en faisant abstraction de ces objections, qu’il n’y a pas d’évidence montrant que les chirurgies guidées par ordinateur soient supérieures à celles réalisées par des moyens conventionnels.

Le cas du bridge maxillaire complet a été traité de manière différente par Malo (2013) en introduisant le concept « all-on-four ». Plusieurs remarques peuvent être faites à ce sujet. D’abord la technique est souvent réalisée chez des patients édentés complets, patients qui ont des revenus trop modestes pour envisager cette technique. Ensuite en cas d’échec d’un implant, ce qui est plus fréquent au maxillaire qu’à la mandibule (Haas, 1992), la gestion de cet échec devient hasardeuse et coûteuse, lorsqu’en partant de 4 implants, l’un ou l’autre se trouve perdu. Enfin, la présence d’un volume osseux adéquat au niveau de la seconde prémolaire maxillaire reste incertaine. L’ensemble de ces facteurs défavorables rend l’indication très anecdotique dans un exercice courant. Nos patients souhaitent une technique éprouvée permettant de rattraper les incidents éventuels, qui peuvent survenir pendant la phase thérapeutique ou celle de maintenance.

L’aspect positif le plus important de l’arrivée de la radiographie tridimentionnelle dans notre exercice, reste la planification de nos interventions, permettant d’appréhender au mieux les difficultés d’une intervention à venir. Les logiciels les plus évolués (SuresmileTM, coDiagnostixTM [Dental Wings], Implant StudioTM [3Shape]), nous permettent en plus d’envisager de manière encore plus précise, la relation entre la position de l’implant et la prothèse envisagée et donc, leur planification.

_Conclusion

Les guides réalisés à partir d’une radiographie cone beam sont indiqués lorsque les moyens conventionnels ne permettent plus la mise en place d’implants, en termes de sécurité ou d’esthétique. Les implants multiples dans le secteur esthétique et les implants placés dans un volume greffé sont les indications essentielles à l'utilisation de guides réalisés à partir d'une radiographie tridimensionnelle. Il serait intéressant d’en comparer les résultats dans ces cas précis afin d’établir de manière scientifique l’intérêt de ce progrès indéniable._

Note de la rédaction : cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol.2, numéro 4, décembre 2014.

 

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