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Cellules souches en implantologie

Greffon osseux d’origine bovine combiné avec un concentré de cellules souches de moelle osseuse.
Dr André Antonio Pelegrine

Dr André Antonio Pelegrine

mer. 12 mars 2014

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Le corps humain contient plus de 200 types différents de cellules, organisées en tissus et organes, qui effectuent toutes les tâches nécessaires au maintien de la viabilité du système, notamment la reproduction. Dans les tissus sains adultes, la taille de la population cellulaire est la résultante d’un équilibre subtil entre la prolifération, la différenciation et la mort des cellules. Après une lésion tissulaire, les cellules commencent à proliférer pour réparer les dommages. Pour y parvenir, les cellules quiescentes (c’est-à-dire les cellules dormantes) du tissu, se multiplient ou des cellules souches sont activées et se différencient pour produire le type cellulaire adéquat et nécessaire, à la réparation du tissu lésé. Les recherches sur les cellules souches visent à comprendre le mécanisme du maintien et de la réparation des tissus à l’âge adulte, ainsi que la dérivation du très grand nombre de types cellulaires des embryons humains.

On sait depuis longtemps que les tissus peuvent se différencier en de nombreux types cellulaires. On sait également que dans certains tissus tels que le sang, la peau et la muqueuse gastrique, les cellules différenciées ont une demi-vie très courte et sont incapables de se renouveler elles-mêmes. Ainsi s’est dégagée l’idée que le maintien de certains tissus pourrait être assuré par les cellules souches, définies comme des cellules capables, dans une énorme proportion, de produire des copies d’elles-mêmes (autorenouvellement), et parallèlement de générer des cellules filles susceptibles de se différencier. Ces cellules filles, que l’on dénomme aussi cellules souches adultes, ne donneront naissance qu’à des lignées cellulaires spécifiques, des tissus où elles se trouvent (Fig. 1).

Il est non seulement possible d’isoler les cellules souches des tissus adultes et embryonnaires, mais il est aussi possible de les cultiver et de les conserver sous forme de cellules indifférenciées. Les cellules souches embryonnaires ont la capacité de produire toutes les cellules différenciées d’un adulte. Leur potentiel de différenciation est donc bien plus important que le seul lignage mésodermique conventionnel, et peut les faire évoluer en cellules hépatiques, rénales, musculaires, cutanées, cardiaques et nerveuses (Fig. 2).

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La découverte du potentiel des cellules souches a marqué le début d’une ère nouvelle de la médecine : l’ère de la médecine régénérative. Elle a permis d’envisager la régénération d’un tissu ou d’un organe lésé, qui sinon aurait été perdu. Cependant, et pour des raisons évidentes, l’utilisation de cellules souches embryonnaires soulève des questions d’éthiques. C’est pourquoi la plupart des études scientifiques se concentrent sur les cellules souches adultes. Ces dernières n’ont pas le potentiel presque illimité des cellules souches embryonnaires, qui peuvent se différencier en n’importe quels types de cellules et tissus. De l’avis général, elles sont multipotentes, c’est-à-dire capable de donner naissance à certains types de cellules ou tissus biens spécifiques. Grâce aux progrès de la recherche scientifique, on a pu déterminer que la régénération de certains tissus pose de plus grandes difficultés. C’est le cas du tissu nerveux, tandis que le tissu osseux ou le sang répondent mieux à une thérapie par les cellules souches.

En odontologie, les études se sont penchées sur l’utilisation de la pulpe des dents temporaires comme source potentielle de cellules souches, et les résultats obtenus ont été encourageants. Toutefois, la régénération d’une dent complète, que l’on désigne par troisième dentition, est un processus extrêmement complexe qui, malgré un certain nombre de résultats prometteurs chez l’animal, reste très loin de la réalité clinique. Par contre, on dispose d’un niveau de preuves scientifiques plus élevé sur la régénération de l’os de la mâchoire et son applicabilité clinique. Actuellement, les cellules souches adultes ont notamment été dérivées de la moelle osseuse et des tissus adipeux.

La moelle osseuse a une activité hématopoïétique. En d’autres termes, elle est capable de produire toutes les cellules sanguines. Dans les années 1950, les travaux du Dr Edward Donnall Thomas, pour lesquels il a reçu plus tard un prix Nobel, lui ont permis de démontrer la viabilité de greffes de moelle osseuse chez des patients atteints de leucémie. Depuis lors, de nombreuses vies ont été sauvées grâce à cette approche, dans le cadre de diverses maladies du système immunitaire et des organes hématopoïétiques. Cependant, la moelle osseuse contient bien plus que des cellules souches hématopoïétiques (qui produisent les globules blancs et les globules rouges, ainsi que les plaquettes, par exemple). Elle est également le siège des cellules souches mésenchymateuses (qui se différencient en tissus osseux, musculaires et adipeux notamment ; Fig. 3).

Une ponction de moelle osseuse est réalisée sous anesthésie locale par une aspiration à l’aide d’une aiguille fine, au niveau de l’os iliaque (os du bassin). Mis à part le fait que cet acte requiert un médecin compétent, il n’est pas considéré comme une procédure excessivement complexe ou invasive. Il n’est pas non plus associé à des niveaux élevés de désagréments, que ce soit en phase peropératoire ou postopératoire (Figs. 4a et b).

Une reconstruction osseuse relève du défi en odontologie (et aussi en orthopédie et en oncologie), car réparer des lésions intra-osseuses causées par un traumatisme, des infections, des tumeurs ou des extractions dentaires, nécessite une greffe osseuse. Un volume osseux insuffisant dans la mâchoire peut être un obstacle à la pose d’implants dentaires et par conséquent affecter la qualité de vie du patient. Pour remédier à ce manque, de l’os est généralement prélevé au niveau du menton ou de l’angle de la mandibule. Si la quantité nécessaire est trop importante, il est possible d’utiliser du tissu osseux provenant du crâne, des jambes ou du bassin. Contrairement à une ponction médullaire, le prélèvement d’un greffon osseux de plus grande taille est souvent associé à un degré élevé d’inconfort et parfois, à des séquelles postopératoires inévitables (Figs. 5a-e).

Les problèmes liés à une greffe osseuse ont incité les chirurgiens à utiliser des substituts osseux (par exemple des matériaux synthétiques et osseux d’origine humaine ou bovine). Toutefois, ces matériaux donnent de moins bons résultats que les greffes osseuses autologues (dont le donneur est le patient lui-même) vu qu’ils sont démunis de protéines autologues. C’est ainsi que des cas de lésions intra-osseuses critiques, c’est-à-dire de lésions nécessitant un traitement spécifique pour reconstruire le contour original, ont mené au développement progressif d’une philosophie de traitement plus moderne. Ce nouveau concept vise à éviter les greffes autologues et à préférer l’utilisation de matériaux permettant d’épargner l’os, combinés aux propres cellules souches du patient. Par conséquent, contrairement à la traditionnelle greffe osseuse (accompagnée de tous ses problèmes inhérents), cette nouvelle méthode associant cellules souches et matières minéralisées, fait intervenir une greffe viable qui contient les propres cellules du patient, sans la nécessité d’un prélèvement chirurgical osseux.

Jusqu’à récemment, aucune étude n’avait encore comparé les différentes méthodes, permettant l’utilisation de cellules souches de moelle pour la reconstruction osseuse. Dans les paragraphes qui suivent, je récapitule une étude menée par notre équipe de recherche. Des lapins, chez qui des lésions intra-osseuses critiques ont été induites, ont été traités par chacun des quatre principaux protocoles généralement utilisés pour la thérapie par cellules souches, afin de comparer leur efficacité en termes de consolidation osseuse1 :

  • moelle osseuse fraîche (sans aucun traitement préalable) ;
  • concentré de cellules souches de moelle osseuse ;
  • culture de cellules souches de moelle osseuse ; et
  • culture de cellules souches de tissu adipeux (Figs. 6 et 7).

Un cinquième groupe d’animaux n’a reçu aucune thérapie cellulaire (groupe témoin). Les meilleurs résultats de régénération osseuse ont été observés dans les groupes traités par un concentré de cellules souches de moelle et une culture de cellules souches de moelle, tandis que le groupe témoin a présenté les plus mauvais résultats. En conséquence, il a été conclu que l’efficacité des cellules souches de moelle était supérieure à celle des cellules souches dérivées des tissus adipeux pour la reconstruction osseuse, et qu’un protocole faisant intervenir un simple concentré de cellules souches (qui nécessite quelques heures seulement) permettait d’obtenir des résultats identiques à ceux des procédés de culture cellulaire complexes (qui durent en moyenne trois à quatre semaines ; Figs. 8a et b).

Des études similaires réalisées chez l’homme ont corroboré le résultat, en démontrant une amélioration de la réparation de lésions intra-osseuses causées par un traumatisme, des extractions dentaires ou des tumeurs par les cellules souches de moelle. Les images histologiques présentées dans cet article illustrent le potentiel des matériaux d’épargne osseuse, associés aux cellules souches pour la reconstruction osseuse (Fig. 9). Il est clair que le taux de tissu minéralisé est considérablement plus élevé dans les zones où les cellules souches ont été utilisées (Figs. 10a et b).

De toute évidence, bien que les techniques faisant intervenir les cellules souches de moelle pour la reconstruction osseuse soient très proches d’un usage en routine clinique, une extrême prudence s’impose avant de préconiser cette solution. Cette technique requiert une équipe de chirurgiens et de laborantins dûment formée, ainsi que la disponibilité des ressources nécessaires (Figs. 11 a–h, les photos ont été prises pendant la manipulation de cellules souches de moelle, au laboratoire de la faculté d’odontologie de Sâo Leopoldo Mandic au Brésil).

Note de la rédaction : une liste complète des références est disponible auprès de l’éditeur. Cet article est paru dans CAD/CAM France, numéro 01/2014.

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