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Interview : "Un concept de communication adapté au sexe des patients peut être hautement bénéfique"

(DTI/Photo Daniel Zimmermann)
Daniel Zimmermann, DTI

Daniel Zimmermann, DTI

ven. 28 septembre 2012

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Ces dernières années, les aspects sexospécifiques de la maladie parodontale ont été décrits et étudiés par différents chercheurs. Lors du dernier Congrès Europerio 7 à Vienne, en Autriche, Dental Tribune Online a eu l'occasion de parler avec le Dr Christiane Elisabeth Gleissner (Allemagne) sur l'état actuel de la recherche et pourquoi le sexe doit être considéré comme un facteur de risque individuel dans l'évaluation des risques de la parodontite.

Daniel Zimmermann : Il y a deux ans, des scientifiques de l'Université du Maryland, États-Unis, ont publié une étude dans laquelle ils ont affirmé avoir trouvé un dimorphisme sexuel à l'égard de la maladie parodontale. D´autres travaux ont-ils été publiés depuis pour appuyer cette hypothèse ?
Dr Christiane Elisabeth Gleissner : Dans une revue systématique de la prévalence et de la gravité de la parodontite selon le sexe, des scientifiques de l'Université du Maryland ont tenté pour la première fois de trouver un dimorphisme sexuel dans la maladie parodontale. Ils ont trouvé peu de données fiables sur ce sujet. Sur près de 2000 études, seulement 12 ont été prises en compte dans leur revue. Ces études démontraient que les hommes ont un risque plus élevé de perte d’ancrage que les femmes.

Ce dimorphisme sexuel a été observé dans différents pays et cultures et ne peut donc pas être expliqué par les seuls facteurs socioculturels. Le sexe masculin cependant, semble être un facteur de risque indépendant de la parodontite. De nouvelles études épidémiologiques en provenance de Hongrie, ont également confirmé une prévalence plus élevée de la parodontite chez les hommes.

Il est intéressant de noter que ce dimorphisme existait déjà il y a 100 ans, comme le montre une étude sur des squelettes de la fin du 19e et du début du 20e siècle, publiée récemment par une scientifique portugaise.

Il existe également des différences pour lesquelles nous n'avons aucune explication, quant à la perte des dents, l'étape finale de la maladie parodontale, qui touche davantage les femmes que les hommes. Les derniers chiffres de l'étude de la Study of Health in Pomerania (SHIP), Allemagne, confirment que chez les hommes et les femmes de même statut socio-économique, les femmes ont moins de dents. Cette étude a également signalé des liens avec le statut matrimonial des hommes.

En comparaison avec les femmes, les hommes semblent être plus sensibles aux formes les plus agressives de la parodontite. Quelle base biologique est derrière cette observation ?

Dans la littérature, il est évident qu'il y a un dimorphisme sexuel à la fois des aspects non-spécifiques et spécifiques du système immunitaire. Cela est démontré par le fait que par exemple, les hommes sont plus fréquemment touchés par des infections graves, comme la septicémie. En revanche, plus de femmes que d'hommes ont tendance à développer des maladies auto-immunes comme la polyarthrite rhumatoïde, la thyroïdite de Hashimoto et le syndrome de Sjögren.

Le rejet d'une transplantation est également plus fréquent chez les femmes. Une explication possible à cela est que le système immunitaire est contrôlé par des gènes et qu'environ 1.000 gènes qui jouent un rôle dans la régulation du système immunitaire, sont situés sur le chromosome X. Le dimorphisme sexuel peut, au moins en partie, s'expliquer par cela.

Mise à part la prédisposition, y a-t-il d'autres aspects de la maladie qui sont influencés par le sexe ?

Si par votre question, vous me demandez si des dimorphismes sexuels sont également connus dans les aspects systémiques de la pathologie, alors je peux vous assurer qu'ils le sont. Actuellement, particulièrement dans le domaine médical, beaucoup d'efforts se concentrent sur la recherche de dimorphisme sexuel. Nous sommes conscients du fait que les femmes et les hommes présentent différents symptômes de la maladie cardiovasculaire, ce qui se traduit par différents diagnostics et pharmacothérapie et peut influencer considérablement le pronostic. Les découvertes de la médecine en fonction du sexe ont démontré les associations entre les maladies systémiques et la gingivite en particulier, des éléments fort intéressants pour la parodontologie. Il y a encore beaucoup à faire à cet égard.

Le bilan hormonal change avec l'âge. Peut-il affecter le statut parodontal ?

L'influence du système endocrinien joue un rôle essentiel lorsqu'il s'agit d'obtenir une explication sur les différences entre les sexes. Les hormones sexuelles en particulier, semblent pouvoir expliquer un nombre élevé de dimorphismes sexuels dans la fonction immunitaire. Il n'y a aucun doute que la circulation des hormones sexuelles modulent la réponse immunitaire innée et adaptative et par la suite, la susceptibilité de l'hôte à l'infection.

La maladie parodontale avec inflammation devient plus fréquente avec l'âge. Nous savons également que la production endogène d'hormones chez la femme et chez l’homme change significativement en vieillissant. Par conséquent, il semble évident de chercher les relations causales.

Quels autres aspects pourraient être responsables du dimorphisme sexuel en ce qui concerne la maladie parodontale ?

À l'instar de la plupart des maladies multifactorielles, la maladie parodontale est le résultat d'une interaction complexe entre les micro-organismes, le système immunitaire de l'hôte et les facteurs économiques. Il y a des évidences de dimorphisme sexuel concernant la microflore orale chez les patients atteints de parodontite. Les facteurs socio-économiques et les habitudes comme la consommation de la nicotine, d'alcool et de fruits ou de légumes, les différences entre les hommes et les femmes sont bien connues et documentées. Malheureusement, cette connaissance n'a pas encore été intégrée dans l'analyse des risques. À ce jour, il ne peut pas être établi si les différences mentionnées dans la prévalence de la parodontite peuvent être expliquées par la consommation de nicotine parce que nous n'avons pas les résultats d’études pertinentes selon le sexe.

Quel effet pourrait avoir cette connaissance sur l'évaluation des risques du traitement parodontal ?

Il est préférable de considérer le sexe comme un facteur de risque individuel dans l'évaluation du risque de parodontite. En parodontologie, avec l'approche centrée sur le patient, il est de plus en plus important de reconnaître les besoins individuels du patient et de les incorporer à la thérapie et aux soins de longue durée. Un traitement parodontal bénéficie en particulier, de notre capacité à convaincre les patients de sa valeur à long terme.

Le fait que les hommes et les femmes aient des motivations différentes a été démontré avec succès par l'industrie publicitaire. Un concept de communication spécifique en fonction du sexe du patient peut être de grande valeur et serait, du moins de mon point de vue, une étape importante dans le succès à long terme, car il respecte les besoins différents des patients.

Y a-t-il autre chose dont les cliniciens devraient être conscients dans le traitement des hommes et des femmes ?

Je ne crois pas que les femmes et les hommes doivent être traités différemment, bien que les données scientifiques sur ce sujet manquent également. Les priorités des anamnèses et des diagnostics cliniques pour les patients masculins seront probablement différentes de celles pour les patientes. En outre, les connaissances issues de la médecine et de la pharmacologie concernant les aspects liés au sexe, tels que la sélection d'analgésique et d'antibiotique ou le traitement des femmes atteintes de diabète sucré qui ont tendance à développer plus de complications que les hommes, doivent être intégrées dans un traitement parodontal.

Il peut également être nécessaire de réfléchir de façon critique sur son propre cabinet dentaire et de l'ajuster aux besoins différents des hommes et des femmes. Cela pourrait inclure la conception de matériel éducatif, la durée du traitement, l'organisation de soins auxiliaires de longue durée et des discussions préopératoires. Des soins individualisés par l'équipe dentaire mèneront généralement à l'amélioration de la santé bucco-dentaire, quelle que soit le sexe du patient.

Merci beaucoup pour cette interview.

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