DT News - France - La dentition de la dépouille d'Anne d'Alègre livre ses secrets grâce au Cone Beam

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Anne d'Alègre, aristocrate du 17e siècle portait une prothèse dentaire pour des raisons thérapeutiques, mais aussi pour répondre à des critères esthétiques et sociaux. (Photo : INRAP)
Bénédicte Claudepierre (DTI)

Bénédicte Claudepierre (DTI)

lun. 30 janvier 2023

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TOULOUSE, France : Grâce à l’analyse de sa dentition par Cone Beam, la dépouille d’Anne d’Alègre, morte en 1619 et découverte en 1988, a livré de nouveaux secrets sur sa dentition, et sur son état de santé bucco-dentaire. Les images radiologiques par Cone Beam ont révélé que cette aristocrate française souffrait d’une maladie parodontale menant à un édentement partiel. Pour le cacher, elle portait une prothèse dentaire en ivoire, qui s’est montré inappropriée, voire dévastatrice.

La sépulture d'Anne d'Alègre, décédée à l'âge de 54 ans, avait été déterrée lors d'une fouille au château de Laval, en 1988. Embaumé dans un cercueil de plomb, le squelette était bien conservé ainsi que sa dentition. Les archéologues avaient alors remarqué la présence d'une prothèse dentaire.

Grâce à la technique radiographique en 3D Cone Beam, une équipe interdisciplinaire de chercheurs composée de membres de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) de Toulouse et de la faculté de chirurgie dentaire de Toulouse, ont  fourni des informations plus détaillées sur la nature et l’origine de cette prothèse. Anne d'Alègre était atteinte d'une maladie parodontale qui provoque le déchaussement progressif des dents. Le port d’une prothèse dentaire en ivoire remplaçant une incisive, soutenue sur les dents voisines par des fils d’or, ainsi qu’une ligature de contention sur les prémolaires, devait cacher la perte de l'incisive. Ce choix de traitement s'est révélé destructeur.

L’utilisation de cette prothèse à long terme et les multiples resserrages nécessaires, ont rendu les dents voisines porteuses instables. « L’édentement observé sur le côté gauche de la mâchoire, conjugué à une usure dentaire, indiquent une telle prise en charge thérapeutique et la perte définitive des dents voisines, dont une molaire. » souligne Rozenn Colleter, archéologue à l’INRAP et auteur principale de la publication.

Selon les chercheurs, l’objectif de ce traitement était thérapeutique, esthétique et surtout social, les femmes aristocrates se devant de garder une « apparence soignée ». Veuve à deux reprises, Anne d’Alègre était connue pour mener une vie décousue, elle n’avait donc « pas bonne réputation ». On la décrivait comme mondaine voulant « se montrer en carrosse pour se rendre au prêche » décrit l’INRAP. Ambroise Paré, médecin du roi et contemporain d'Anne d'Alègre, qui dessinait les mêmes types de prothèses, affirmait que « si un malade était édenté, sa parole était dépravée », souligne Rozenn Colleter. On comprend donc la nécessité pour cette aristocrate de paraître avec un joli sourire.

Reconstitution du sourire d'Anne d'Alègre. (Photo : Le Chronographe, Nantes Métropole, 2019)

Après un premier mariage avec Paul de Coligny, dernier comte de Laval, Anne d'Alègre se retrouve veuve à 21 ans et mère d'un jeune enfant, dit Guy XX de Laval. Le pays est alors plongé dans sa huitième guerre de religion. Face aux ultra-catholiques, la jeune huguenote doit cacher son fils, mais ses biens et sa tutelle lui sont confisqués par le roi de France.

Elle se remarie avec Guillaume IV d’Hautemer, gouverneur de Normandie et son aîné de plus de 30 ans. Guy XX, son fils, se convertit au catholicisme, part en croisade et meurt à l'âge de 20 ans. « Pendant trois ans, Anne d'Alègre s'est battue pour qu’il soit enterré avec sa famille protestante », relate Rozenn Colleter. Elle se retrouve veuve une deuxième fois, tombe malade durant l'hiver 1619 et meurt à 54 ans.

« Cette étude complète l'histoire de la dentisterie puisqu'on est un siècle avant l'arrivée des premiers vrais dentistes », poursuit Rozenn Colleter, qui souligne qu'un squelette de cette époque doté d'une prothèse dentaire, est un cas quasi-unique à ce jour. Actuellement la parodontite touche une personne sur cinq dans le monde.

L’étude intitulée Dental care of Anne d'Alègre (1565–1619, Laval, France). Between therapeutic reason and aesthetic evidence, the place of the social and the medical in the care in modern period a été publiée dans le Journal of Archaeological Science: Reports, le 24 janvier 2023.

 

 

 

Archéologie Cone Beam Prothèse dentaire

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