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La prophylaxie : avant tout une question d’éthique

Dr Michel Blique, chirurgien-dentiste, omnipraticien passionné de prévention dentaire, attaché universitaire à la faculté de Nancy depuis 1977 en Parodontologie puis en Odontologie pédiatrique.
Dental Tribune International

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ven. 9 octobre 2009

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 Michel Blique n’est pas professeur à l’université, n’écrit pas de livres mais en revanche, il forme avec passion, depuis plusieurs années, des milliers de confrères à la prophylaxie : conférences, formations de 48 h ou plus récemment une formation en ligne, en direct et en différé combinée à des Travaux Pratiques en salle… Rencontre.

Dental Tribune : Vous limitez votre pratique à la prophylaxie depuis bientôt 5 ans. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris ?
Michel Blique :
D’abord l’accueil des patients ; je les imaginais un peu désorientés par cette pratique limitée et il n’en est rien. Certes au Luxembourg, où j’exerce deux jours par semaine beaucoup de patients viennent de pays où les hygiénistes exercent au sein d’équipe pluridisciplinaire ; ils sont donc habitués à être pris en charge par plusieurs spécialistes ; en France, c’est évidemment différent et le fait que 90 % des patients me soient adressés par mes associés ou des correspondants extérieurs facilite grandement l’entrée en matière avec les patients. Ensuite le fait que ma pratique en prophylaxie carieuse et parodontale se soit énormément développée. Chez l’adulte, la prophylaxie est très souvent « cario-parodontale ». Mon expérience en cariologie m’aide beaucoup en parodontologie où les états de surface me paraissent très importants. La prophylaxie spécifiquement carieuse concerne davantage l’enfant et l’adolescent ou l’adulte jeune. Enfin, l’engagement extraordinaire pour leur santé dentaire de la plupart des patients. C’est vraiment le côté le plus gratifiant de cette pratique.

DT : Comment réglez-vous la question des honoraires ?
MB :
Que ce soit en France ou au Luxembourg, la nomenclature fait l’impasse sur l’essentiel des actes de diagnostic ou de traitement que ce soit en prophylaxie carieuse ou en parodontologie. Il faut donc apprendre à expliquer au patient ses besoins et comment on peut l’aider et le traiter, et que ceci a un coût. Ceci prend du temps, parfois beaucoup de temps. Le taux de refus est de 20 % environ, parfois pour des problèmes d’argent, souvent parce que le patient pense trouver une alternative de traitement ailleurs, ou aussi parce que certains estiment « scandaleux que ce ne soit pas remboursé ». De toute façon les patients sont informés qu’ils peuvent revenir quand ils veulent, s’ils refusent, puis changent d’avis et décident de suivre quand même le traitement. Notre objectif de facturation est de 200 euros de l’heure hors nomenclature. Certains paient davantage parce que leur traitement est plus difficile, d’autres moins, parce que leurs moyens sont limités, mais leur engagement mérite un effort de notre part. Tous les patients sont extrêmement motivés. Les enfants et les adolescents, qui ne sont pas concernés directement par le coût de leurs traitements, sont les plus difficiles à gérer.

DT : Comment la prophylaxie évolue-t-elle selon vous hors de France ?
MB :
Je fais partie d’un groupe de praticiens européens (libéraux et universitaires) qui se réunissent et réfléchissent à la définition d’un plan de traitement aidant à la mise en place en omnipratique au niveau européen. Nous venons de présenter ce programme à Londres et à Stockholm. Ce problème de techniques préventives, extrêmement prometteuses et peu appliquées finalement, caractérise quasiment tous les pays d’Europe. Car les problèmes sont les mêmes partout : un système de soins qui ne satisfait pas les dentistes, peu de place pour la prévention ou à des tarifs tellement bas que cela ne pourra jamais se développer économiquement. Seules l’Italie ou l’Espagne, où la réglementation est plus souple, la Sécurité sociale inexistante, l’utilisation d’hygiénistes possible, semblent connaître un réel développement.

DT : Vous êtes formateur depuis 1996, qu’est-ce qui motive les praticiens à suivre une formation en prophylaxie ?
MB :
Je vais peut-être en surprendre plus d’un, mais la vraie et première motivation, c’est d’abord l’éthique, l’exigence partagée par de nombreux confrères de prodiguer des soins plus efficaces à leurs patients. Ces confrères expriment clairement la volonté de mettre à plat toutes les informations qu’ils ont glanées à droite et à gauche, pendant leurs années d’exercice, d’évaluer leurs propres expériences, et d’essayer d’en structurer un nouveau savoir-faire pour enrichir leur pratique. La volonté de sortir avec la prophylaxie du carcan de la Sécurité sociale est aussi une réalité mais elle vient en général en seconde intention : les actes HN, personne n’est contre, mais le souci de rester dans leur éthique est toujours clairement exprimé par nos confrères. Je trouve cela très important et rassurant, et cela doit être souligné.

DT : Récemment avec Zedental, vous avez ouvert une classe virtuelle de prophylaxie. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est une « classe virtuelle » ?
MB :
C’est une formation qui alterne formation en ligne en différé, rendez-vous en direct en ligne et les indispensables Travaux Pratiques, en salle. On se rend compte que cette formation répond assez bien aux exigences de nos confrères. Éxigences pédagogiques d’abord : nous avons tous notion des limites d’un enseignement intensif de 48 heures : le formateur délivre son enseignement, le plus sérieusement possible, le confrère écoute et enregistre avec attention ; mais cela n’empêche pas que le lendemain de la formation, le passage à l’acte peut ne pas ressembler à ce qu’on lui a enseigné. Le fait que la classe virtuelle se déroule sur plusieurs mois permet aux participants de partager leurs mises en application de la formation et donc au formateur de préciser et d’être toujours collé à la pratique quotidienne : cette expérience au fauteuil, progressive et partagée, est une réelle richesse pour le groupe ; la formation en ligne en différé permet à notre confrère de voir quand il veut et surtout autant de fois qu’il veut mes cours ; les rendez-vous en direct en ligne offrent une interactivité très conviviale : Internet permet de répondre à l’exigence d’efficacité de nos confrères en limitant la fermeture du cabinet et les déplacements pour les Travaux Pratiques.

DT : Ces confrères justement ont-ils changé depuis que vous enseignez ?
MB :
C’est un public certainement plus jeune, mais aussi plus féminin, qu’en 1996 lorsqu’on a commencé. Les praticiens intéressés par la prophylaxie ont en commun la volonté de travailler davantage dans la santé à long terme, avec davantage de confort, moins de pression : cela signifie qu’ils font le choix d’un exercice moins « invasif », avec de la prothèse qui sera réalisée un peu plus tard, lorsque le risque du patient sera sous contrôle. C’est celui que j’ai fait le choix de pratiquer et c’est une pratique agréable et confortable, pour le praticien et bien sûr aussi pour le patient. La fidélité, la reconnaissance des patients est un plaisir quotidien, qui concourt beaucoup à la qualité des (longues) journées passées au cabinet. La prophylaxie est clairement aux antipodes d’une dentisterie toute puissante : son allié est le temps. Du temps pour communiquer avec le patient, lui expliquer tranquillement avec des mots et des démonstrations : l’implication du patient est indispensable et le stress ne fait pas accélérer le temps !

 

Conférence
La conférence « Frottez, c’est gagné : des techniques simples, des actes majeurs en prophylaxie » est disponible sur www.zedental.com dans l’espace conférence en différé. Michel Blique précise, au travers de cas cliniques, sa stratégie originale pour une prise en charge globale du patient.

Parcours
Chirurgien-dentiste, omnipraticien passionné de prévention dentaire, attaché universitaire à la faculté de Nancy depuis 1977 en Parodontologie puis en Odontologie pédiatrique. Il exerce dans l’Est de la France. Conférencier reconnu, Michel Blique a été un des premiers à adapter en France, pour une omnipratique quotidienne, le concept du Nettoyage prophylactique professionnel des surfaces dentaires (NPPSD) venu de Scandinavie et d’Allemagne. Sollicité depuis 1996 pour faire partager son expérience, il a animé des dizaines de formations en France et à l’étranger devant plusieurs milliers de praticiens. Plus de 250 cabinets ont suivi ses formations de mise en place de la PDI. Il est l’auteur de dizaines d’articles sur la prévention et la prophylaxie dentaire individuelle. Il a participé à la réalisation de nombreux programmes éducatifs communautaires régionaux ou nationaux (UFSBD) et anime un groupe de travail qui rassemble plus de 400 chirurgiens-dentistes et des centaines de relais éducatifs pour améliorer la santé dentaire de sa région. Il a été le président fondateur de la Société française de dentisterie prophylactique jusqu’en 1998.

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