DT News - France - Les patients n’en font qu’à leur tête. Alors comment manipuler la tête et les cervicales de nos patients ? Leçon 5

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Les patients n’en font qu’à leur tête. Alors comment manipuler la tête et les cervicales de nos patients ? Leçon 5

Axe de mobilité du rachis cervical haut, permettant l’orientation du plan d’occlusion maxillaire vers l’arrière.

ven. 14 février 2014

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Une fois que le patient s’est allongé sur notre table de traitement ou notre fauteuil, qui a permis une position totalement horizontale, vient le besoin d’orienter notre zone de travail vers nos yeux. Notre connaissance de la région cervicale remonte à nos lointains cours d’anatomie, qui ne nous avaient d’ailleurs pas appris à mobiliser cette région. Cela nous laisse souvent désarmés face à l’installation de nos patients. Face à la variabilité de la morphologie humaine, nous hésitons et nous perdons du temps, lorsque nous essayons d’adapter la têtière. Le patient accepte tant bien que mal une position inconfortable, ce qui nous stresse. Que dire lorsqu’il ne l’accepte pas...

Une meilleure connaissance de la biomécanique de cette région doit pouvoir nous permettre de régler ce problème.

On dissocie le rachis cervical supérieur (sous occipital) et le rachis cervical inférieur (Fig. 1). Ce dernier va de la 2e cervicale à la 1re dorsale et permet en moyenne une amplitude totale d’extension et de flexion, de 76 à 120° selon les auteurs. Non seulement ces chiffres varient en fonction de l’âge,1 mais en plus la diminution d’amplitude est plus précoce au rachis cervical inférieur.2 Il est donc important de ne pas solliciter ce rachis cervical inférieur, lors de la mise en extension de la tête du patient. C’est d’autant plus le cas pour les populations âgées, qui constituent une part importante de nos patients. Or la plus part de nos têtières ont un axe de mobilité qui se projette sur la charnière cervico-dorsale, donc bien trop bas.

Les patients âgés présentent souvent une cyphose dorsale, ce qui les incitent debout à redresser la tête pour avoir le regard horizontal. Pour cela ils utilisent jusqu’à la totalité de leur amplitude d’extension cervicale inférieure disponible. Allongés, il ne peuvent plus mettre la tête d’avantage en arrière, c’est alors nous qui nous penchons en avant.

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La biomécanique du rachis cervical sous occipital est très différente, due à la morphologie des vertèbres qui le composent. C1 effectue autour de C2 principalement de la rotation, et l’occiput sur C1 principalement de la flexion/extension. Les valeurs moyennes selon les auteurs, pour l’amplitude de flexion/extension du rachis cervical supérieur, sont de 40 à 50°. Une extension de 20 à 25° de l’occiput est donc disponible et permet d’orienter le crâne, donc le plan d’occlusion maxillaire, vers l’arrière (Fig. 2).

Si la têtière est articulée en regard de la charnière occiput/C1, le praticien pourra réaliser une extension de cette zone du rachis, tout en gardant le rachis cervical inférieur neutre. La face occlusale des dents maxillaires étant alors un peu plus orientée vers le haut, le praticien aura un meilleur angle de vue, que ce soit en vision directe ou indirecte. Cela se rapproche de l’idée de Popesco en 19473 ; l’axe de l’ATM qu’il proposait comme axe de mobilité de la têtière, se trouvant proche de l’axe occiput/C1. Ce mouvement est réalisé facilement en kinésithérapie ou en ostéopathie, car les praticiens connaissent le mouvement et l’appliquent avec leurs mains (Fig. 3). Un bel exemple d’innovation basée sur ce principe, est une têtière brevetée par le Dr Pierre Farré (Fig. 4) qui a été reprise plus tard par Morita, sur les versions pour l’Asie des tables de soins dentaires (Fig. 5), qui ne sont malheureusement pas encore disponibles pour le reste du monde.

Les têtières à mobilités multiples et complexes peuvent paraître attrayantes, mais en réalité requièrent plus de temps et d’effort pour les ajuster. Connaître l’anatomie et la biomécanique cervicale doit permettre aux fabricants de nous proposer d’autres têtières que celles issues du conformisme et du suivisme, dont la pauvreté se constate chaque année lors des expositions. En attendant nous essayerons de nous adapter.

Une solution simple consiste à garder la têtière dans l’axe du dossier et de ne plus y toucher, puis nous demandons au patient de basculer la tête vers l’arrière et tractons légèrement sur les incisives centrales pour lui indiquer le mouvement. Même sans têtière adaptée, la manipulation du rachis cervical haut peut s’apprendre et se maitriser rapidement, mais le patient doit tenir la position et finit par fatiguer. Les concepteurs de matériel dentaire peuvent nous proposer des innovations dans ce sens, faut il encore qu’ils en aient compris l’intérêt.

Bibliographie
1- Sforza C, Grassi G, Fragnito N, Turci M, Ferrario V - Three-dimensional analysis of active head and cervical spine range of motion: effect of age in healthy male subjects. Clinical Biomechanics (Bristol, Avon) 2002 Oct; 17(8): 611-4.
2- Poisnel J-L. - Épidémiologie des limitations d’amplitude du rachis cervical chez 230 sujets non consultants. Annales de Kinésithérapie 1981 ; 8 : 57-63.
3- Popesco S. - Notre agencement professionnel. L’information dentaire 1947 ; 38 : 1039-1046 et 1061-1083.

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