DT News - France - Interview : « Les différents types de cancer buccaux ne sont malheureusement pas très sexy »

Search Dental Tribune

Interview : « Les différents types de cancer buccaux ne sont malheureusement pas très sexy »

Dr Barry Freydberg, États_unis (Photo : Daniel Zimmermann, DTI)
Daniel Zimmermann, DTI

Daniel Zimmermann, DTI

lun. 7 avril 2014

Enregistrer

Un sous-type de cancer de la tête et du cou, le cancer de la bouche, est l'un des quelques types de cancer à être en augmentation. Lors d’une présentation qui s’est tenu dans le cadre du programme scientifique de l'IDEM, le dentiste américain Dr Barry Freydberg a parlé de l'importance de la détection précoce. Dental Tribune ONLINE a eu l'occasion de lui parler du cancer de la bouche et de ce qui doit être fait par la profession dentaire, pour améliorer le taux de survie des patients.

Dental Tribune ONLINE : Dr Freydberg, l'augmentation des cas de cancer de la bouche est-elle une tendance mondiale ou est-elle limitée à certaines régions ?

Dr Barry Freydberg : Je pense que c'est une tendance mondiale. En Amérique du Nord, le nombre de personnes qui ont développé un cancer de la bouche est passé de 37 000 en 2009, à 46 000 l'année dernière. Ce développement est dû au fait que les données démographiques pour ce type de cancer ont changé de manière significative. Le cancer de la bouche touchait l'homme d'âge moyen qui fumait régulièrement ou consommait trop d'alcool. Maintenant, il est de plus en plus diagnostiqué chez les personnes plus jeunes et en particulier les femmes.

Quelles sont les raisons de ce changement dans la démographie ?

Bien que les cas qui semblaient être dus au tabagisme semblent avoir diminué grâce à des mesures comme la législation antitabac, plus de patients semblent désormais développer la maladie en raison du virus du papillome humain, une infection sexuellement transmissible qui peut provoquer un cancer de la bouche. Une des raisons en est l'activité sexuelle non protégée chez les personnes âgées de 18 ans et plus. Alors que de nombreux sexagénaires sont atteints d’un cancer de la bouche, nous surveillons maintenant plus les personnes plus jeunes.

Le rôle des professionnels dentaires dans la détection du cancer de la bouche a-t-il changé ces dernières années ?

C’est la responsabilité des dentistes de vérifier la présence ou non du cancer de la bouche, puisque nous sommes ceux qui, avec les ORL, connaissent le mieux les tissus buccaux. En étant familier avec les tissus et en connaissant ce qui ne semble pas être normal, nous devrions être ceux en charge du dépistage, sur une base régulière, tout comme nous devrions faire des tests de dépistage en vue de diagnostiquer l’hypertension ou l’apnée du sommeil.

 

Nous voyons aussi les patients plus régulièrement que les autres membres de la profession médicale, puisqu’ils viennent souvent pour des visites préventives au lieu de nous rendre visite seulement quand ils ont un problème de santé.

Les dentistes semblent encore toutefois ignorer les signes précoces de la maladie. Pourquoi ces lésions sont-elles si difficiles à détecter ?

Le cancer de la bouche commence lorsque des changements dans le tissu sous la muqueuse se produisent. Les lésions deviennent cancéreuses une fois qu'elles percent la membrane basale du tissu. Le problème est que tout cela se développe dans une partie de la bouche qui n’est pas visible uniquement avec un examen visuel.

Le moment idéal pour détecter ces lésions serait quand elles sont précancéreuses mais à ce stade, elles ne sont souvent pas assez grosses pour être visible à l'œil nu. À partir du moment où la lésion devient visible, le taux de survie a déjà chuté à 22-25 pour cent, après cinq ans. Lorsque la lésion est découverte avant qu'elle ne devienne maligne, le taux de survie est de 100 pour cent, et si elle est découverte dans les premiers stades de la maladie, le taux de survie est d'environ 80 pour cent. Par conséquent, il est essentiel que les dentistes utilisent tous les moyens qu'ils ont de voir à travers les tissus, afin de détecter les changements qui se produisent sous la surface.

La technologie de détection du cancer de la bouche est déjà disponible sur le marché. Quelle est votre évaluation de la valeur clinique des dispositifs comme le VELscope, qui a été développé au Canada ?

Ce dispositif est à ma connaissance, probablement la technologie la plus rentable sur le marché. J'ai récemment discuté avec un fabricant d'appareil photo oral et un dentiste qui a fait des recherches sur la visualisation par fluorescence. Nous ne pouvions pas comprendre pourquoi un dentiste ne possède pas cette technologie. C’est si facile, l'examen ne prenant que de 2 minutes. Le chercheur pensait d'abord que le coût de l'appareil était assez élevé et je lui ai dit qu’en fait ce n'était pas si cher et que la plupart des dentistes peuvent faire payer pour le service et avoir un revenu supplémentaire, il est donc difficile ne comprendre pourquoi ils ne l'utiliseraient pas. À l'œil nu, le tissu peut sembler normal jusqu'à ce qu’une lésion atteigne la surface. À ce stade, le taux de survie est très faible. Je n'ai trouvé que quelques-unes de ces lésions, mais c'était suffisant pour sauver des vies.

À long terme, quels changements devrait subir la dentisterie avant d'avoir une influence positive sur les taux de cancer de la bouche ?

J'entends parfois des dentistes dire qu'en examinant le tissu, on pourrait arriver à des faux positifs. C'est une mauvaise excuse car si on parle à des gens qui ont suivi les patients pendant des années, cela arrive rarement. Et si c'est le cas, qu'importe ? Je ne suis pas un expert, mais je pense que l'éducation dentaire est la clé. Je peux seulement espérer que les examens oraux relatifs au cancer, font partie du curriculum des écoles dentaires à travers le monde, comme c’est le cas aux États-Unis et au Canada.

Les différents types de cancer buccaux ne sont malheureusement pas très sexy. La plupart des dentistes préfèrent assister à un cours sur l’esthétique ou les implants plutôt que de suivre un cours sur le cancer de la bouche. Ils justifient cela en disant qu’ils ne sont pas souvent confrontés au cancer, mais très souvent à des problèmes d’implants.

Une meilleure idée serait peut être d'augmenter la sensibilisation du public, afin que les patients commencent à demander à leurs dentistes un test de dépistage du cancer de la bouche. C’est ce qui a été fait pour les tests de l'antigène prostatique spécifique, et cela a été une réussite. La même chose s’est passée pour le Viagra.

Pensez-vous que l'examen pour détecter le cancer de la bouche sera bientôt la norme dans les cabinets dentaires ?

Je ne peux imaginer que ce soit autrement. En fait, ce devrait déjà être  la norme. Nous avons la responsabilité d'examiner les tissus de la bouche et nous devons savoir ce qui est anormal quand on regarde avec les technologies d'appoint. Cela ne prend environ que deux minutes pour découvrir par fluorescence, si le tissu est normal ou ne l’est pas. Il n’est pas nécessaire d’avoir un doctorat pour cela. En cas de doute, il est toujours possible de prendre des photos et en une semaine ou deux, savoir s’il est nécessaire de faire un examen plus approfondi.

Merci beaucoup pour cette interview.

To post a reply please login or register
advertisement
advertisement