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Le titane est l’un des matériaux les plus utilisés pour les implants dentaires en raison de sa résistance mécanique, de sa biocompatibilité et de son recul clinique.1, 2
Les implants dentaires en titane actuels présentent un taux de réussite élevé. Mais malgré cela des échecs sont encore signalés.3, 4
La péri-implantite est un vrai fléau mondial5 multifactoriel (consensus report6) et contre lequel nous n’avons pas encore de solution réellement efficace.
Le succès implantaire à court terme est matérialisé par la bonne intégration tissulaire des implants et notamment L’ostéointégration, il est le fruit d’un concept global de bonne pratique clinique. En revanche, à long terme, des problèmes bio-physico-chimiques auxquels sont soumis les implants dans la cavité orale, peuvent constituer des facteurs de risques qui ont été ignorés, ou négligés, mais qui ont leur importance dans le succès de nos restaurations implantaires. L’inflammation péri implantaire et l’électrogalvanisme7 sont des facteurs de risques qui peuvent contribuer à la corrosion des implants dentaires métalliques et compromettre leur pronostic (Fig. 1).
Prendre conscience de ces problèmes de corrosion et bien les connaître peut être une des clés dans la stratégie de lutte contre les péri-implantites.
Une étude clinique prospective pour le moins préoccupante mentionne la présence de particules métalliques dans 75 % des biopsies de tissus atteints de péri-implantite.8 Ceci révèle un concept émergeant de relargage de particules métalliques dans l’environnement des implants dentaires, elles ont des effets cytoxiques et peuvent constituer un facteur de risque des péri-implantites sur le long terme.9
La notion d’immunointégration est évoquée pour garantir la stabilité biologique des implants dans le temp
Ces particules métalliques sont liées à la corrosion des implants en titane qui a été observée dans de nombreuses études.
Nous voudrions dans cet article mettre en relief ces phénomènes de corrosion métallique dans la cavité orale: évoquer leur étiologie, les facteurs de risque et les moyens de prévention.
Nous voudrions souligner l’intérêt que peuvent avoir les implants zircone comme alternative préventive aux implants en titane dans la lutte contre les péri-implantites.
Étiologie de la corrosion des implants en titane
Le terme de bio-tribocorrosion10 est évoqué pour définir les phénomènes de nature électro-biochimiques qui se produisent autour des implants métalliques dans la cavité orale. C’est la combinaison d’évènements mécaniques qui touchent les implants liés à l’usure, la friction, et la lubrification des surfaces implantaires, et d’évènements biologiques liés au microbiote buccal et sa biochimie qui induit des phénomènes d’oxydation des surfaces implantaires en titane qui ne sont pas neutre sur le plan électrochimique.
Gaur et al. , dans une revue portant sur 34 articles10 montrent que des facteurs comme le type de titane, la nature des biofilms, le pH salivaire et intercellulaire, le taux de fluor et les micromouvements durant la mastication favorisent la bio-tribocorrosion des implants en titane.
Pour rappel, selon l’ASTM (American Society for Testing and Materials), il y a cinq grades de titane. Les grades de I-IV considérés comme du titane commercialement pur (CpTi).
Ces quatre premiers grades ont des puretés variables en titane avec l’inclusion de différents éléments interstitiels comme le fer, l’oxygène, l’azote, le carbone. Le titane de grade V est un alliage Ti6Al4V. Ces différents grades de titane ont été conçus pour améliorer les propriétés biomécaniques de Ti mais l’introduction d’autres éléments chimiques dans la structure du matériau altère sa résistance à la corrosion.
Même si le titane et ses alliages sont considérés comme les matériaux d’implants les plus biocompatibles en raison de leurs caractéristiques biochimiques nobles, l’usure et la corrosion se produisent toujours, en particulier dans un environnement extrême tel que l’environnement buccal.
Le TiCp et le Ti6Al4V sont considérés comme les matériaux idéaux pour les implants dentaires en raison de leur propriété d’intégration osseuse, de leur biocompatibilité élevée et de leurs excellentes propriétés mécaniques.11
Le Ti (Cp TiO2) et Ti6Al4V ne sont pas neutre sur le plan électrochimique. La zircone ZrO2 YSZ apparaît plus stable.12
Il se forme à la surface du Ti une couche de TiO2 hautement résistante à l’environnement agressif et préventif du décapage anodique du substrat. Cependant dans le corps humain, les fluides extracellulaires et le sang contiennent des solutions aqueuses de certaines substances organiques, de l’oxygène dissous, divers anions inorganiques (Cl-, HPO42–HCO3–) et des cations (Na+, K+, Ca2+, Mg2+) ainsi que des acides aminés et des protéines qui peuvent dégrader la couche de TiO2.13
Dans l’environnement buccal, les facteurs liés à chaque individu, y compris les processus métaboliques, immunologiques, microbiologiques et biochimiques, ont également un impact sur la détérioration de la surface de l’implant dentaire.14, 15
Des facteurs variables comme l’alimentation, les processus pathologiques, les traitements médicamenteux, influencent la composition salivaire. En l’occurrence un pH salivaire bas généré par les boissons acidifiantes (soda) ou par des processus inflammatoires chroniques et infectieux, favorise la corrosion du Ti.
De plus, Ossowska13 mentionnent que les fluorures contenus dans les pâtes dentifrice altèrent la couche d’oxide protectrice à la surface des implants en Ti, les exposant ainsi également à une accélération du processus de corrosion.
Ces phénomènes électrochimiques qui touchent les implants en titane insérés dans l’environnement buccal génèrent des particules nanométriques et micrométriques qui diffusent dans l’environnement péri-implantaire et à distance dans tout le corps, pouvant avoir de nombreux effets biologiques.
Les particules ioniques issues de la corrosion du Ti et de ses alliages initient une réponse inflammatoire dans les tissus environnant l’implant.16
Des ions Ti ont été détectés dans les cellules épithéliales et les macrophages sur des examens cytologiques exfoliatifs de tissus péri-implantaires.17 Ils causent des ostéolyses aseptiques, même à faible concentration contribuant à une perte prématurée des implants et des péri-implantites.14, 31
Dini and Mathew14, 16 montrent que dans la cavité orale, des pathogènes comme Streptococcus mutans (terrain carieux) et Porphyromonas gingivalis (pathologie parodontale) attaquent la couche protectrice de TiO2 et induisent des phénomènes de corrosion. Ils produisent des lipopolysaccharides (LPS) et des acides qui abaissent le pH. Ces deux facteurs agissent en synergie dans le micro-environnement osseux des implants en titane et génèrent une biocorrosion qui peut dégrader la surface du titane.
Au-delà de ces phénomènes électrochimiques, avec les conséquences biologiques que nous venons d’évoquer, les implants en titane sont également soumis à des contraintes mécaniques qui sont à l’origine d’une tribocorrosion.
Gaur et al.,10 dans un article de revue et une étude in vitro ont montré que sur le plan mécanique, l’alliage de titane Ti6AlV4 est plus susceptible à la corrosion que le TiCp sous contrainte mécanique d’usure et de friction. Ils concluent que la zircone ZrO2 n’est pas susceptible à la tribocorrosion.
Facteurs influençant la bio-tribocorrosion
Le type d’alliage de titane
Le Ti existe sous deux formes, la phase alpha à température ambiante et la phase bêta.18 La structure alpha contient plus d’oxydes de surface, ce qui lui confère une biocompatibilité supérieure, tandis que la phase bêta, qui contient moins d’oxydes de surface, est plus résistante. Le CpTi (grades 1 à 4) comprend principalement des grains de phase alpha, ce qui le rend plus biocompatible, tandis que l’alliage Ti6Al4V (grade 5) est un alliage à double phase alpha/bêta auquel on a ajouté du vanadium qui stabilise la phase bêta plus étendue. Comme l’alliage Ti6Al4V présente des oxydes de surface moins abondants, il est plus sensible à la corrosion.18 En outre, il est dur et cassant, ce qui augmente sa susceptibilité à la tribocorrosion.19
L’alliage TiZr (Roxolid) a une structure alpha binaire car le Zr a une transformation allotropique et une température de transition de phase identiques à celles du Ti. Il a une taille de grain plus petite avec plus d’oxydes de surface, ce qui améliore sa résistance à la corrosion par rapport au Ti6Al4V.18 D’autres alliages comme Ti13Nb13Zr ont un taux d’usure plus élevé que CpTi et une re-passivation réduite. L’alliage NiCr présente une meilleure résistance à la corrosion que les alliages CpTi et Ti6Al4V.20, 21
Les biofilms oraux
Kip et al.22 montrent que les principaux types de bactéries associées à la corrosion des métaux sont les bactéries sulfato-réductrices, les bactéries oxydantes du soufre, les oxydants du fer, les réducteurs du fer, les oxydants du manganèse et autres microbes. Ils sécrètent des acides organiques et des substances polymériques extracellulaires qui dégradent la surface du métal.
La salive est ses constituants dans la cavité orale sont un excellent environnement pour les biofilms et en particulier dans le micro-gap des systèmes implantaires bone level. Les agents pathogènes s’accumulent et pénètrent jusqu’à des espaces d’environ 10 μm au niveau des interfaces des implants.14 Ils induisent des piqûres de corrosion qui contribuent à détériorer la surface de l’implant en titane.
Ces phénomènes microbiologiques sont induits par deux mécanismes:
- La dissolution métallique par les acides organiques produit lors du catabolisme du sucre par la flore bactérienne qui induit une diminution du pH.
- Le développement de biofilms qui crée des différences de potentiel en oxygène à la surface des implants.23
Des études in vitro23, 24montrent que des pH bas et une immersion prolongée dans la salive ainsi qu’un mouvement mécanique et un contact avec des métaux dissemblables, renforçaient le processus de dissolution du métal.
Les niveaux différentiels d’oxygène à la surface du Ti génèrent des zones moins oxygénées qui agissent comme des anodes. Elles subissent une corrosion en creux et libèrent des ions métalliques dans la salive. Avec les produits finaux bactériens et notamment les ions chlorure, cela favorise la dégradation du métal.23
Les colonisateurs primaires Streptococcus mutans (S. mutans), Streptococcus gordonii (S. gordonii) et Lactobacilli et tardifs (P. gingivalis) ainsi que les organismes de liaison Fusobacterium nucleatum (F. nucleatum) du biofilm buccal provoquent de la corrosion. Les colonisateurs primaires produisent de l’acide lactique, du péroxide d’hydrogène et de l’acide formique qui diminue le pH.25
Les colonisateurs tardifs produisent des LPS qui dégradent le TiO2 et augmentent la réponse inflammatoire des tissus.27 Ils modifient l’état d’oxydation du Ti et corrodent sa surface en l’absence de charges mécaniques.
Ces phénomènes de corrosion liés aux biofilms sont amplifiés sur les surfaces rugueuses dans la mesure où l’on observe une augmentation de la biomasse sur ce type de surface.25 Nous comprenons par cette approche microbiologique de la corrosion pourquoi les implants rugueux dans un contexte de parodontite ou d’antécédent de parodontite peuvent avoir un pronostic défavorable.17
pH acide et fluorures
Le pH acide de la salive dû au métabolisme alimentaire, thérapeutique ou bactérien joue un rôle important dans la bio-tribocorrosion des implants dentaires. Les modifications de l’écologie l’homéostasie de l’écosystème oral peut modifier les propriétés physico-chimiques et aboutir à la production excessive d’acide. Les acides lactique, chlorhydrique et fluorhydrique (HF) sont principalement impliqués dans la corrosion.29
Ces situations sont notamment rencontrées dans les cas de parodontites, toutes les situations où le débit salivaire diminue (tabac, stress, traitement médicamenteux et modifications hormonales) et/ou la qualité de la salive peut être altérée (mauvaise habitude alimentaire, traitements médicamenteux, et pathologie des glandes salivaires) : le problème et multifactoriel avec des facteurs de risques locaux, environnementaux et systémiques.
La couche de passivation TiO2, Al2O3, V2O3 réagit avec les fluorures en fonction du temps d’exposition et de la concentration en formant un complexe soluble Ti-F incluant NaTiF6, TiCl6, et TiF6. Ces réactions chimiques augmentent la porosité du métal et diminuent sa résistance à la corrosion.30
Les implants soumis aux cycles de mastications et aux variations de pH voient leur résistance à la corrosion s’altérer dans le temps et subissent des attaques acides d’origine multifactorielles difficiles à contrôler. L’utilisation de fluorure dans le gel prophylactique ou les dentifrices est à contrôler strictement en présence d’implant en titane et notamment dans un contexte de polymétallisme. Des mesures du pH salivaire sont recommandées et l’utilisation des concentrations de fluorure supérieures à 1 000 ppm sont à proscrire dans ces situations.31, 32
Cycle masticatoire
Dans la cavité buccale, les implants dentaires sont exposés à des charges occlusales cycliques pendant l’activité masticatoire, ce qui génère des contraintes mécaniques sur les composants prothétiques et peut entraîner à long terme des micro-mouvements.33
- Les micro-mouvements éliminent la couche de TiO2 et affectent l’interface implant-os et les composants internes tels que le pilier, les vis et les couronnes.33–35 Ce processus de détérioration accélérée de la surface à l’interface de matériaux en contact soumis à des mouvements oscillatoires de faible amplitude est appelé fretting.36 L’entrée et la sortie de la salive l’accélèrent entre l’implant et la superstructure en alliage, créant des zones de potentiel d’oxygène différentiel qui favorisent la corrosion.29, 37 Dans les zones de faible concentration en oxygène, la surface devient anodique. Comme la corrosion est directement proportionnelle au rapport entre la cathode et l’anode, la dissolution est accélérée lorsque l’anode est de faible dimension.37
En présence de parafonctions, des forces occlusales multidirectionnelles de différentes intensités et fréquences agissent sur les implants dentaires et perturbent la couche de TiO2.
La salive
La salive agit comme un lubrifiant mais les protéines qu’elle contient comme la mucine par exemple forment un réseau physiquement réticulé qui favorise un effet viscoélastique sur le Ti et s’oppose aux surfaces de glissement.38, 39 En outre, les protéines comme l’albumine s’adsorbent sur les matériaux prothétiques, ce qui réduit l’usure et la friction.
La balance entre ces deux phénomènes influence l’effet lubrifiant et protecteur de la salive et contribue à la tribocorrosion des implants.
Cytotoxicité du titane et des particules métalliques
Accumulation de particules métalliques dans les tissus péri-implantaire
Les microparticules de Ti relarguées par les implants dentaires en raison de la bio-tribocorrosion peuvent s’accumuler dans les tissus locaux.40, 41 Ces phénomènes constituent localement un facteur de risque des péri-implantites et peuvent potentiellement poser d’importants troubles de santé. Le taux de Ti dans le corps ne devrait pas dépasser 15 mg par 70 kg de poids corporel chez un individu en bonne santé.40 Ces concentrations durent de quelques heures à plusieurs mois car le Ti est très insoluble et difficilement éliminé de l’organisme.40, 42, 43 Les particules de Ti détruisent l’homéostasie intra-épithéliale de la bouche, favorisent l’inflammation des tissus péri-implantaires et affectent les ostéoblastes et les ostéoclastes, ce qui entraîne une perte osseuse autour des implants.40
Les ions Ti augmentent la sensibilité des cellules épithéliales gingivales aux micro-organismes et favorisent l’infiltration des monocytes dans la cavité buccale, ce qui entraîne une cytotoxicité et une inflammation à l’interface entre l’implant et le tissu gingival.44
Il a été remarqué la présence de particules Ti de 1 à 10 μm de diamètre libérées lors de l’élimination de biofilm autour des implants dentaire (Fig. 2). Ces particules sont cytotoxiques pour les fibroblastes.45
Dans une étude in vitro sur les effets cytotoxiques du CpTi et de son alliage Al4V Chandar et al. ont montré une différence. Les fibroblastes gingivaux humains ont montré une meilleure viabilité cellulaire avec le CpTi. L’aluminium et le vanadium contenus dans l’alliage Ti6Al4V provoque une cytotoxicité.46
Le Ti des implants corrodés peut être cytotoxique mais également les pièces composant le complexe implanto-prothétique. Olmedo et al. ont montré que la muqueuse adjacente aux vis trans-gingivale en Ti présente une infiltration accrue des macrophages et des lymphocytes T, entraînant une réponse immunitaire.15
De plus Olmedo et al.47 dans une étude clinique de cytologie exfoliative a montré un nombre accru de macrophages et de lymphocytes T associés aux particules de Ti. Elles se trouvaient à l’intérieur et à l’extérieur des cellules épithéliales et des macrophages dans la muqueuse péri-implantaire. Bien que leur concentration soit plus élevée dans le groupe atteint de péri-implantite, les particules ont été libérées indépendamment de l’inflammation dans le groupe d’implants qualifié de sain.
Berryman et al. soulignent que ces particules de Ti retrouvés dans l’environnement des implants dentaires sont toxiques pour les cellules péri-implantaires comme les ostéoblastes, les fibroblastes et les lymphocytes.42
Pour Zhu et al., les ions Ti (concentration 10 ppm) retrouvés dans les tissus péri-implantaire inhibent la croissance et la différenciation des ostéoblastes.48
Tous ces évènements électrochimiques liés au titane et aggravés par l’inflammation engendre un cercle vicieux qui dégrade le pronostic des implants dentaire en titane à long terme.
Augmentation des cytokines pro-inflammatoires
Les ions Ti et les particules d’oxyde dégradées agissent comme des débris étrangers, ils induisent une inflammation péri-implantaire chronique. Des études in vitro ont révélé que les macrophages activés sécrétaient des cytokines pro-inflammatoires (par exemple, interleukine (IL-1β, IL-6, TNF-α et RANKL), des chemokines, des facteurs de croissance, et des enzymes protéolytiques.29, 49
Les particules de Ti déclenchent des réactions de corps étranger dont la gravité dépend de la quantité et des propriétés physicochimiques des particules métalliques et de la réponse de l’hôte. Les cellules géantes multinucléées et les ostéoclastes générés par la fusion des macrophages dans la région péri-implantaire favorisent le processus ostéolytique. Les cytokines pro-inflammatoires mixtes telles que RANKL, IL-33 et TGF-β1 augmentent en présence de particules de Ti. Comme le RANKL stimule la résorption osseuse ostéoclastique et réduit l’apoptose des ostéoclastes, la perte osseuse est plus importante dans les zones contenant des particules de Ti. Des niveaux plus élevés de TGF-β1 inhibent la prolifération ostéoblastique et la minéralisation et s’opposent aux actions des protéines morphogéniques osseuses, entravant ainsi la formation osseuse. Les niveaux plus élevés d’IL-33 indiquent une signalisation cellulaire accrue liée à la péri-implantite.42, 50
Ces facteurs de risques biologiques favorisent la destruction de l’os et des tissus mous, cliniquement visibles sous forme de mucosite péri-implantaire ou de péri-implantite.51
Péri-implantite et perte osseuse
Grâce à toutes les données mentionnées ci-dessus, nous comprenons un peu mieux la genèse d’une péri-implantite en association avec la corrosion du titane.
La cytotoxicité et l’inflammation induites par le Ti accélèrent la perte osseuse dans la région péri-implantaire. Les biofilms présents dans la proximité péri-implantaire interagissent avec ces évènements et il se produit une aggravation du processus pathologique.
Cette dissolution du Ti modifie même la structure et la diversité du microbiome péri-implantaire.52 Daubert et al.,52 dans une investigation clinique montrent que la formation de biofilms sur les surfaces supra-gingivales ou infra-gingivales des implants dépend de la rugosité, de l’énergie de surface et de la dureté de la surface. Les pathogènes péri-implantaires à Gram négatif comme P. gingivalis produisent des LPS, ce qui favorise l’inflammation dans l’environnement péri-implantaire.
Les LPS augmentent la corrosion et la tribocorrosion du Ti, ce qui accélère encore son adhérence à la surface du Ti à un pH acide.53 Par ailleurs, les défauts de la couche d’oxyde favorisent ce processus en raison des changements d’énergie de surface ou des modifications chimiques. Comme les LPS présentent une faible énergie de surface, elles sont attirées par des sites présentant une rugosité accrue et des énergies de surface plus élevées, comme on le voit sur les surfaces de Ti corrodées.
Notons que les surfaces d’alliage de Ti (Ti6AlV4) montrent plus d’adhérence de plaque que les surfaces de TiCP et ceci est lié aux points suivants :53
- Saturation accrue de la surface du CpTi par les LPS à des concentrations élevées.
- La différence de composition du film d’oxyde et d’énergie de surface entre le CpTi et l’alliage Ti6Al4V.
- Une plus grande énergie de surface de l’alliage Ti6Al4V en raison de sa plus grande dureté de surface.
Une fixation plus importante de S. mutans et de P. gingivalis a été observée sur le CpTi corrodé par rapport à l’alliage Ti6AlV en raison des différences dans leurs propriétés physicochimiques et antimicrobiennes.54, 55
Safioti et al. en 201751 remarquent la présence d’ions Ti dans la plaque dentaire sous-muqueuse autour des implants atteint de péri-implantite. Ils concluent que cette observation soutient l’association entre le Ti et la péri-implantite. Ils soulignent que les particules de Ti inhibent la croissance des cristaux d’HA, provoquant une ostéolyse locale et entravant l’ostéointégration.
Réactions allergiques au titane et autres particules métalliques
La principale manifestation de réaction allergique au titane décrit dans la littérature est un prurit, une rougeur, un gonflement et un eczéma cutané.
Une étude d’observation transversale portant sur 270 sujets se rendant dans une clinique spécialisée dans les allergies aux métaux dentaires a révélé qu’environ seulement 6,3 % des patients étaient allergiques au Ti.56 Il faut noter qu’aucun patient allergique au titane ne manifestait pas également une autre sensibilité à un allergène métallique. Le nickel sort en tête des allergènes métalliques rencontrés dans cette étude. Les patients allergiques au nickel ont une plus forte probabilité de manifester également des allergies au titane et des réactions inflammatoires susceptibles d’initier des phénomènes de corrosion.
Nous pouvons témoigner d’autres réactions cutanées et vasculaires apparues avec la mise en place d’implant en titane et de pilier recouvert de nitrure de titane qui ont disparu après le retrait de ces matériaux comme il est illustré dans le cas clinique présenté ici. Les signes dermatologiques ne cédaient pas même au méthotrexate (Figs. 3–5).
Pour Daubert et al.,57 le principal symptôme est l’eczéma chez un patient porteur d’un implant dentaire en Ti, et la réaction cesse après le retrait de l’implant (Figs. 6–8). La probabilité de l’implication de particules métalliques cytotoxiques dues à des phénomènes de biotribocorrosion chez cette patiente allergique au nickel est forte.
Les réactions d’hypersensibilité au Ti sont de type IV et peuvent provoquer une hypertrophie gingivale, une hyperémie des muqueuses, un eczéma facial et des éruptions cutanées.28
En conclusion, nous le voyons, les réactions allergiques aux métaux dans la cavité orale ont été décrites mais restent mineures en réalité et ne sont pas à l’origine des péri-implantites. En revanche, elles peuvent avoir d’importantes conséquences sur l’état général.
L’allergie au nickel est fréquente et souvent bien connue des patients qui en souffrent. Dans l’étude de Hozoki et al.56 elle est corrélée aux cas d’allergie au titane et peut constituer un facteur de risque de développer une réaction péri-implantaire à long terme autour des implants dentaires métalliques.
La biotribocorrosion des implants en titane est un facteur de risque bien plus important impliqué dans la genèse des péri-implantites des implants dentaires métalliques. Les réactions allergiques et leur manifestations cliniques ne sont que la conséquence du passage de particules métalliques dans l’organisme qui se produit en présence de corrosion.
Prévention des phénomènes de corrosion en implantologie
Comme la tribocorrosion dépend des propriétés physiques, chimiques, mécaniques et structurelles des matériaux des implants dentaires, les industriels ont développé diverses méthodes pour améliorer la résistance des implants dentaires à cette tribocorrosion. Ils ont notamment incorporé l’élément Zr dans la structure des implants.
Les nouveaux alliages de Ti, y compris les alliages de Ti β et quasi β comme Ti13Nb13Zr et Ti5Zr, ont été étudiés pour réduire la tribocorrosion. Alors que Ti5Zr présente des caractéristiques optimales de sa surface à l’égard de la tribocorrosion, Ti13Nb13Zr présente des propriétés tribocorrosives similaires ou légèrement inférieures à celles du CpTi.58
Diverses techniques de modification de la surface, y compris le Ti pur,59 l’oxydation électrolytique par plasma (PEO),60 l’anodisation,61 la nitruration, l’oxydation par micro-arc,61, 62 le polyéther-éther-cétone (PEEK),63 ont été évaluées pour améliorer la résistance à la tribocorrosion du Ti, et la biofonctionnalisation à l’aide de peptides et de revêtements de Ti dopés avec Ca, P, Si, Ag62, 64, 65 et Mg61 ont été évalués pour améliorer la résistance à la tribocorrosion des implants dentaires en Ti.
Le placage du PEEK en Ti6Al4V a réduit le taux d’usure et le coefficient de frottement.63
D’autres revêtements comme le nitrure de tantale (TaN) ont montré une plus grande résistance à la micro-biocorrosion par rapport au Ti nu et au revêtement TiN in vitro. Le Ti revêtu de TaN possède une résistance antibactérienne renforcée, avec une intégrité et une stabilité accrues.66 Le dépôt physique en phase vapeur de TiN ou de ZrN sur le CpTi réduit de manière significative le nombre de bactéries adhérentes et, par conséquent, la microbiocorrosion.67 Les surfaces TiN ont également donné des résultats similaires dans d’autres études.68
Dans l’étude de Zhu et al.69 les surfaces de Ti revêtues au zinc ont présenté une excellente résistance à la corrosion lorsqu’elles étaient exposées à une quantité excessive de H2O2. Elles ont inhibé l’adhésion et la prolifération des macrophages et favorisé la cicatrisation et la reconstruction des tissus. Elles ont amélioré le microenvironnement oxydatif autour des matériaux en augmentant l’expression des gènes relatifs aux enzymes antioxydantes dans les macrophages. Par la suite, ils ont offert une excellente résistance à la corrosion et une capacité d’ostéointégration.
Toutes ces recherches sont en cours de développement pour améliorer la biocompatibilité et la résistance des implants métalliques en titane aux phénomènes de tribobiocorrosion inévitables dans la cavité buccale. Mais des études cliniques poussées sont encore nécessaires pour valider l’efficacité thérapeutique de tous ces revêtements.70
L’alternative préventive la plus sérieuse semble être l’utilisation de la zircone à l’interface entre cavité orale et le support osseux (Figs. 9 et 10) pour bénéficier de la stabilité électrochimique de ce matériau afin de protéger sur le long terme la structure ostéointégré de l’implant des phénomènes de tribobiocorrosion.
Un rapport de consensus montre que les implants zircone (Figs. 11 et 12) peuvent être une alternative aux implants en titane.6
Les implants en ZrO2 ne libèrent pas de particules métalliques cytoxiques dans leur environnement. Comparé aux implants en titane les implants en ZrO2 sont moins sujets à des complications biologiques à long terme.71
leur comportement à l’égard des biofilms est plus performant que le titane. Les biofilms adhèrent moins au ZrO2 qu’au Ti,72 ainsi les risques de biocorrosion et d’acidification qui en sont à l’origine sont minorés avec la zircone.
Compte tenu de ces risques biotribocorrosion, la notion d’immunointégration des implants à long terme devrait être évoquée lors de la consultation pour élaborer le consentement éclairé de nos patients. De plus le questionnaire médical devrait aborder la question de la sensibilité ou l’allergie connue à différents métaux (joaillerie fantaisie, boucle de ceinture ou autre). Cette démarche est préventive pour guider notre approche thérapeutique dans le choix des matériaux employés en implantologie.
Pour limiter au maximum les risques de biocorrosion il est recommandé de ne pas mélanger les différents métaux dans la bouche de nos patients et notamment si l’utilisation d’implant en titane est planifiée.
Le retrait des reconstructions métalliques préalable est recommandé ou l’utilisation d’implants en zircone dans les cas d’hypersensibilité à certains métaux et notamment le nickel. Dans ces cas à risque il est recommandé de coopérer avec un allergologue pour tester l’hypersensibilité aux métaux suspectés. Dans son étude,56 Hosoki souligne que les patients manifestant des cas de dermatites doivent nous alerter.
Conclusion
Bien que le titane ait démontré sa biocompatibilité et sa capacité à l’ostéointégration pour garantir l’exceptionnel taux de succès des implants dentaires, ce matériau n’est pas neutre sur le plan électro-chimique et nous l’avons vu dans cet article : le titane, à long terme, dans la cavité orale est sujet à la biotribocorosion.
Ce phénomène d’altération biochimique compromet l’immunointégration des implants dentaires en titane pourtant ostéointégrés et constitue un facteur de risque des péri-implantites.
L’utilisation d’implants plus stables sur le plan électrochimique comme les implants en ZrO2 peut constituer une alternative préventive aux implants en titane dans la lutte contre les péri-implantites.
Note éditoriale:
Cet article a été initialement publié dans Dental Tribune France, N°5/2024. Une liste complète des références est disponible ici.
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