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Quelle hypnose pour votre cabinet dentaire ?

Séance d'hypnose conversationnelle au cabinet dentaire : une approche douce pour réduire l'anxiété et favoriser un climat de confiance entre patient et praticien. (Image : metamorworks / Adobe Stock)
Dr Clovis Gardon

Dr Clovis Gardon

Dr Théophane Papagheorghiou

Dr Théophane Papagheorghiou

Dr Emma Sturaro

Dr Emma Sturaro

Dr Franck Diemer

Dr Franck Diemer

lun. 15 décembre 2025

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Le cabinet dentaire est encore pour bon nombre de patients un passage très anxiogène, à l’ambiance oppressante et génératrice d’appréhensions pouvant nuire à une bonne relation de soins avec le praticien. Selon une méta-analyse de 2021, la peur du dentiste a une prévalence estimée de 15,3 % dans la population mondiale et cela impacte directement la santé bucco-dentaire des patients qui vont mettre en place des stratégies d’évitement des soins. En tant que chirurgiens-dentistes, il est de notre devoir d’évaluer et de prendre en compte le ressenti de nos patients, afin de les aider à faire de nos zones d’accueil, d’attente et de soins, de lieux confortables, où ils se sentent en sécurité.

Pour cela, un environnement apaisant, une communication positive et l’hypnose médicale peuvent se révéler être des outils très puissants, permettant un apaisement à la fois du patient et du praticien, ce qui

Toute personne est naturellement capable d’entrer dans un état de conscience modifiée, toutefois certaines sont plus réceptives que d’autres en fonction de leur suggestibilité.

Hypnose : définitions

Le mot « hypnose » vient du grec ancien ὕπνος (« hupnos », ce qui signifie « sommeil » ; le dieu Hypnos était même celui qui restait vigilant pendant que les hommes dormaient). Malgré cette étymologie et bien qu’elle semble s’en rapprocher, l’hypnose n’est pas un sommeil, mais plutôt un état de conscience modifiée différent de l’état de conscience classique. Le terme hypnose qualifie à la fois cet état de conscience modifiée et les techniques permettant d’y parvenir.

L’état hypnotique est le plus souvent provoqué chez un individu (le sujet) par une autre personne (le thérapeute, l’accompagnant) qui le berce de suggestions hypnotiques à l’origine de l’induction et du maintien de cet état de conscience modifiée. Mais parfois, un individu peut, consciemment ou non, partir de lui-même vers cet état hypnotique sans suggestion d’un tiers : on parle d’autohypnose ou d’hypnose spontanée.

Selon les individus, l’expérience hypnotique peut avoir différentes manifestations. Les plus fréquentes sont une introspection de l’individu ou une dissociation, une nette baisse de la conscience de son environnement, des rêves et des hallucinations.

Éthique et bienveillance

L’hypnose médicale est une discipline qui s’inscrit dans un cadre éthique. Contrairement aux idées reçues, cette hypnose n’est ni un sommeil, ni une inhibition d’un sujet soumis aux volontés de son hypnotiseur, ni quelque chose de spectaculaire qui a pour vocation d’impressionner un public. En effet, l’état hypnotique est tout d’abord un état naturel que tout individu est capable d’atteindre, inconsciemment ou non. L’hypnose spécifiquement utilisée en milieu médical se veut avant tout bienveillante, et ne peut exister sans la volonté du praticien de vouloir aider l’autre.

L’hypnose médicale est donc un outil de travail naturel, éthique qui respecte l’autre en posant sur lui un regard bienveillant. Il est par conséquent très intéressant de s’en servir si la situation le permet.

Les différents types d’hypnose

L’hypnose est utilisée depuis plusieurs décennies. Elle a connu des évolutions dans ses techniques et ses procédés. Plusieurs grands courants ont marqué l’histoire de l’hypnose ; nous nous contenterons ici de décrire les plus importants et les plus liés à l’hypnose médicale.

La communication positive

Cette technique est la base de l’hypnose. Elle peut être facilement mise en œuvre dans la plupart des situations. Elle permet au patient de se sentir confortable et apaisé. Le praticien doit procéder à une écoute active de son patient, en analysant son langage verbal, son langage non verbal (l’intonation de sa voix, le rythme de son discours), et son langage para verbal (les gestes qui accompagnent son discours, son attitude) tout en abolissant l’utilisation des négations et en favorisant les verbes et les mots positifs.

L’absence de négation dans le discours du praticien est une règle d’or. En effet, le cerveau n’entend pas les négations. Ainsi, dire « ne vous inquiétez pas » est inconsciemment très anxiogène et il est préférable de dire « rassurez-vous » ou plus ouvertement « tout ira bien ».

L’hypnose éricksonienne

Elle tire son nom du psychiatre américain, Milton H. Erickson (1901-1980), qui a remis à jour la pratique de l’hypnothérapie. Sa philosophie consistait à croire que chaque personne possède en elle une certaine somme de ressources qui peuvent être potentialisées par l’hypnose ,afin de faire évoluer cette personne.

L’hypnose éricksonienne privilégie l’emploi de suggestions indirectes et s’appuie également sur les métaphores. Elle est facilitée lorsqu’elle a fait l’objet d’apprentissages antérieurs.

Avec elle, on évitera les suggestions directes et autoritaires, ciblées trop précisément sur ce qui doit être corrigé par la séance d’hypnose.

Erickson, grâce à son savoir-faire inégalé, a réformé le monde de l’hypnose en disséminant ses techniques dans le monde entier. De nos jours, la grande majorité des hypnothérapeutes s’inspirent de ses convictions : pratiquer une hypnose douce, parfois conversationnelle, qui utilise et bonifie les ressources personnelles de chaque patient.

La métaphore

Elle permet de dire les choses, sans les dire. C'est une technique indirecte qui évoque une idée concrète par des images abstraites. Elle peut être facilement intégrée dans une discussion informelle ou dans une transe hypnotique. Le premier niveau est compris par le conscient et le deuxième par ­ l'inconscient. La subtilité de cette technique lui permet de communiquer avec l'inconscient sans aucune perception de la conscience. Ainsi, le patient a le choix de comprendre ou non. Erickson narrait souvent de petites histoires mettant à profit cette méthode et disait faire confiance à son inconscient pour la construction des métaphores. Le patient peut aussi, par ses propres mots, amorcer une métaphore que le thérapeute pourra utiliser pour construire son histoire tout autour.

L’hypnose classique

L’hypnose classique s’appuie essentiellement sur l’utilisation de suggestions directes ou indirectes et sur l’emploi récurrent de métaphores.

Qu’elle soit ou non associée à des soins dentaires, une séance d’hypnose médicale est généralement structurée et se décompose en plusieurs étapes afin d’accompagner au mieux le patient vers le confort de sa transe. Cependant, bien qu’elles soient théoriquement décrites en ordre chronologique, il est tout à fait possible, voire même souhaitable, de s’adapter aux réactions du patient et de faire de chaque séance d’hypnose un cheminement unique et non prémédité.

Généralement, une séance d’hypnose médicale commence par le « pré-talk », une étape préparatoire au cours de laquelle l’accompagnant va apprendre à mieux connaître son patient et va déterminer à première vue le type d’induction le plus efficace selon son profil. Puis vient l’induction proprement dite, étape qui accompagne l’entrée du patient dans l’état hypnotique – appelée transe – et crée une rupture avec son état de vigilance. L’induction est très souvent complétée par un approfondissement hypnotique, qui a pour but de faire descendre le patient encore plus loin dans son for intérieur. C’est à ce moment que l’acte médical peut être réalisé dans les meilleures conditions. Il convient toutefois à l’accompagnant de vérifier la profondeur de la transe pendant les soins et d’adapter son discours aux réactions du patient. Une fois le soin achevé, il peut être complété si besoin par des suggestions posthypnotiques.

Une suggestion posthypnotique est une suggestion proposée, alors que le patient est encore en transe, et qui se rapporte à des événements qui auront lieu après le retour de transe. Ce type de suggestions est extrêmement efficace et utile car elles peuvent permettre, par exemple, de créer un ancrage de confort au fauteuil dentaire. Cela permettra au patient d’être inconsciemment plus détendu à son prochain rendez-vous. Les suggestions posthypnotiques peuvent aussi aider à améliorer les suites opératoires. Dire simplement « tout ira bien », « la cicatrisation va être parfaite », ou « tout va bien se passer » peut contribuer à ce que tout se déroule comme prévu.

Enfin, la séance touche à sa fin avec la dernière étape : la réassociation et le retour à l’état de conscience normal. Il s’agit d’un passage obligatoire, qui doit être soigné pour assurer un retour complet du patient avec un confort général optimal.

L’autohypnose

L’autohypnose est un état hypnotique généré comme son nom l’indique par l’individu lui-même, sans l’aide extérieure d’un accompagnant. Cet état est naturel et nous arrive tous les jours sans que nous nous en rendions forcément compte : quand on prend la route et qu’on arrive à destination sans avoir réfléchi à l’itinéraire et sans se souvenir de ce qu’on a vu sur le trajet, quand on se concentre tellement sur notre télévision qu’on en oublie le plat sur le feu, ou tout simplement quand on se surprend à rêver éveillé.

L’autohypnose vraie, pour être efficace, doit avoir un objectif précis, un but que l’individu souhaite atteindre. Modifier un comportement, gérer son stress, améliorer un geste sportif, être plus joyeux ou tout simplement prendre un petit moment pour se retrouver avec soi-même : les indications sont variées et infinies.

Généralement, l’autohypnose est enseignée au patient par le praticien, afin que le patient puisse renforcer ses acquis chez lui et ainsi se sentir plus confortable aux rendez-vous suivants. Elle s’adresse tout particulièrement aux patients anxieux qui seront rassurés d’emporter avec eux un outil qui les aidera à mieux aborder les prochaines séances. Les patients algiques ou présentant des pathologies chroniques sont également incités à pratiquer l’autohypnose qui les aidera à se sentir plus confortable à n’importe quel moment.

Le praticien peut également utiliser l’autohypnose pour son épanouissement personnel, afin de travailler dans un environnement confortable et de se préserver physiquement et émotionnellement. De courtes séances d’autohypnose peuvent s’intercaler facilement entre deux rendez-vous ou bien à la pause déjeuner. De plus, certains actes comme la prise d’une empreinte ou la photopolymérisation d’un composite libèrent quelques précieuses minutes, ou dizaines de secondes, qui peuvent être bonifiées par l’autohypnose.

En conclusion, l’hypnose médicale s’inscrit aujourd’hui comme un véritable outil thérapeutique au service de la relation soignant-soigné. Face à des patients souvent anxieux – parfois phobiques – et dans un environnement qui peut involontairement raviver des peurs profondes, l’hypnose agit comme un véritable levier de réconfort. Elle permet non seulement de diminuer la charge émotionnelle liée aux soins, mais aussi d’instaurer une relation thérapeutique plus fluide, plus humaine et fondée sur une communication authentique. Elle trouve aujourd’hui toute sa place dans les soins dentaires en répondant au double objectif d’instaurer un climat de confiance et d’améliorer la qualité des soins.

Le rôle du praticien ne se limite plus à l’exécution technique des soins, mais s’élargit à une véritable posture d’accompagnement. En dehors de l’acte médical lui-même, il peut utiliser des outils tels que la communication positive, l’observation fine du langage verbal et non verbal, les métaphores et les suggestions bienveillantes et devenir ainsi un acteur central du mieux-être de son patient.

D’autre part, la large palette des techniques hypnotiques offre des possibilités infinies et une grande souplesse d’adaptation. Elle permet d’accompagner des profils très différents, des enfants aux adultes, des patients très réceptifs à ceux qui ne le sont que modérément, et permet également au praticien de développer son propre style.

En pratique quotidienne, il est possible de commencer par de simples changements pour intégrer ces outils : des changements dans le langage, un regard plus attentif sur les besoins du patient, une modification de la tonalité de la voix, ou quelques instants de recentrage qui suffisent souvent à modifier profondément l’expérience vécue au cabinet.

L’autohypnose constitue par ailleurs un atout considérable, tant pour le patient que pour le praticien lui-même. Elle permet au patient de devenir acteur de sa propre gestion du stress et elle sert également au praticien pour améliorer son confort personnel en l’aidant par exemple à se ressourcer entre deux rendez-vous.

Bien entendu, l’introduction de ces pratiques demande une formation rigoureuse, un positionnement éthique clair et surtout une intention bienveillante. Les bénéfices sont indéniables : une meilleure coopération du patient, une diminution significative de son anxiété, ainsi que de la douleur perçue, une amélioration du confort pour le praticien.

Ainsi, l’hypnose au cabinet dentaire constitue aujourd’hui une compétence complémentaire précieuse centrée sur la qualité de la relation et l’écoute. Elle est le terreau qui fait croître la relation thérapeutique et peut transformer le cabinet dentaire en un lieu plus humain, plus serein et plus à l’écoute des besoins de chaque patient… en pensant aussi à ceux du praticien.

 

 

 

 

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