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Un quenotier qui jacte pas comme mézigue...

Le Dr Patrick Allereau est également musicien et batteur et comme vous pouvez le constater avec ses croquis, son coup de crayon est digne des dessinateurs de BD... quand on a du talent, on n’en a rarement qu’un ! À découvrir sur www.bluesytrip.com (Photo : Dr PAL)
Dental Tribune France, Marc Revise

Dental Tribune France, Marc Revise

lun. 19 décembre 2016

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PARIS, France : De nombreux articles jalonnent le succès mérité de ses pamphlets. Perfusé aux dialogues de Michel Audiard, probablement copain de régiment de San-Antonio et Bérurier, n’écoutant en boucle que les 45 tours de Pierre Perret, il est naturel de comparer son style imagé et argotique avec celui de Frédéric Dard : une verve énergique, excessive, mais jamais vulgaire, un humour au second ou troisième degré à la Coluche qui dissèque au scalpel affuté nos patients autant que Pal, ce dentiste râleur, sans empathie, souvent raciste et tout autant politiquement incorrect que sans éthique professionnelle. N’y voyez pas le début du commencement d’une comparaison avec son auteur, mais plutôt une caricature inspirée de notre exercice où chacun y retrouvera des extraits de vie professionnelle au cabinoche. Son blase ? Patrick Allereau qui a accepté de me confier son héros, Pal, pour une interview exclusive...

Marc Revise : Pal, peux-tu me parler de tes rapports avec les visiteurs médicaux, les représentants, revendeurs, voire acheteurs d’or qui se glissent entre deux patients pour... "Oh ! Juste 5 minutes, y’en n’a pas pour longtemps“ ?

Pal : C’est comme la vie, une carrière dentaire. Quand on aperçoit le poteau d’arrivée, on a l’impression d’avoir démarré la veille. Pour mézigue, c’est pas encore la quille, mais je commence à jeter quelques coups de lorgnard dans le rétro, histoire de ramener un max de souvenirs croustillants dans ma besace de retraité. Si on excepte le pourcentage de cons, tout a changé dans le milieu de l’odonte. Et même autour, regardez voir les ruses et techniques des commerciaux pour nous hameçonner !

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Ce qui reste, c’est le fayotage en règle. La base du métier. Pour espérer nous siphonner le coffiot, faut d’abord nous donner du « Docteur », ça caresse l’ego boursoufflé de la confrérie. Il y a quelques années, le camelot passait vite à la camaraderie de faux derche : je te paie une goldo, une mousse au trocson, un gueuleton au gastos. Et je t’appelle par ton préblase, mon pote. Je me rappelle un tenace, bedonnant flasque à la gueule en gélatine, qui croyait futé d’enfoncer le clou de girofle en m’assurant qu’il ne visitait plus les connards. Sacré manque à gagner ! Y en a même un qui m’avait envoyé une carte postale d’Australie pour témoigner de l’affection sincère qu’il me vouait depuis qu’il avait eu vent d’un projet d’investissement.

Ah pi y avait des vedettes ! Ce vieux beau, chemise déboutonnée sur chaîne en or, tignasse grisonnante et décapotable bavaroise. Le gugusse entrait dans le cab comme une star de cinoche déboulant au Byblos sous les flashs. C’est pas à une face de brosse à goinces pareille que Pal passe commande. À la troisième entrée triomphale, ce schnock infumable m’avait pris de haut : « Bon, vous me prenez quelque chose, oui ou non ? ». Ben non, tête de lard, c’est toi qui va me prendre quekchose : la lourde !

Et l’autre clopeur à moustache et haleine charogneuse qui se radinait systématiquement le soir au moment où je pliais les gaules, avec quatre catalogues super-épais sous le bras ! Le fourbe, dans son costard froissé couvert de pellicules, pariait qu’à cette heure-là, un doc vanné ne pense qu’à l’apéro. Et qu’il allait chercher à se débarrasser fissa du casseburnes en lui commandant n’importe quoi. Mais un loquedu nidoreux qui tente de fourguer des produits d’hygiène, c’est aussi crédible que Fabius faisant la pub de Pétrole Hahn.

Celle qu’on ne voit plus, c’est la bonimenteuse médicale coincée qui posait son classeur à l’envers et récitait par coeur un baragouin abscons comme la lune, auquel elle ne bitait que pouic. Dommage, je l’aimais bien, moi, Prostaglandine.

De nos jours, le camelot est souvent femelle et chatouille plus bas. C’est que des études ont montré qu’en présence d’une donzelle dodue dandinant du derche, le couillard perd instantanément le sens des réalités. C’est pour ça que maintenant, les margoulins malins de l’expo de l’ADF embauchent des blondasses commak pour faire agglutiner la confraternité sur leur stand. On se poile dans les allées du Palais à observer l’effet se faire : qu’il soit doctaillon anonyme ou sommité illustre, à l’instant où, sans doute émoustillé par quelque subtile phéromone, il aperçoit de loin les appâts de la potiche, le mâle paume brutalement le fil de ses conversations professionnelles. Ses mirettes passent automatiquement en zoom furtif et mise au point autofocus sur les balconnets. Sûr de son sexe à pile, il se fantasme déjà procédant sur la poupée barbante à une époustouflante démonstration de son pouvoir tampon. Et s’il faut, pour maximiser ses chances de retourner la roulure, passer par la signature aveugle d’un bon de commande, il n’hésitera pas une seconde.

Mais moi, j’ai toujours été aussi à l’aise dans ce milieu de cravatés libidineux que Balladur dans une rave-party. Quand une véherpée peroxydée en mini roupane, parfumée au karcher, vient chalouper des miches devant ma hure et me proposer d’essayer ses articles en latex, y a rien à faire, je coince.

On nous prend pour des gorets lubriques, mais aussi pour des jambons. Depuis trente-cinq piges, on me fait le coup du dernier compo qui-colle-pas-à-la-spatule. De l’élasto maison bien meilleur que l’autre qui sort de la même marmite. Du flacon qui fait gagner cinq secondes par jour. De la fraise aussi rapide qu’une comète mais à prix cassé. Du dernier Bond (j’aime ce Bond), qui colle mieux que celui qui collait mieux l’an dernier que celui qui collait mieux il y a deux ans. De l’offre du jour, de la promo du mois, du 6+1 pour ce bitoniau inutile.

Y a aussi le consultant, qui se repère aux nippes de banquier et à sa grande gueule. Le mec ne connaît que dalle à ton taf, vu qu’il ne l’a ni appris ni exercé. Mais il s’en bombarde expert du jour au lendemain. La tronche hâlée et réjouie toute l’année, il vient expliquer doctement à tous ces nazes de practos que lui, il sait quoi faire pour accéder les doigts dans le pif à la réussite éclatante. À ceux qui ne rêvent que d’un gros tas de flouze et d’une guinde de luxe, il propose de prodiguer ses conseils venteux pour la peau des fesses. Et y a des glands qui lâchent des liasses de talbins pour entendre des trucs basiques qu’on trouve partout gratos ! Le conseiller financier, lui, te toise d’abord d’un air navré. Puis, avec un sourire carnassier steichennien, il te pose la question préliminaire : « Docteur, vous payez des impôts, je suppose ? ». Sousentendu : con comme t’as l’air. Et il te suggère, à la place de l’honneur et de la quiétude du contribuable exemplaire, de claquer bien plus dans un montage véreux et le redressement fiscal qui ira avec. Ces blaireaux-là ont toujours des plans juteux à proposer. On se demande mbien pourquoi ils trimardent encore en panoplie costardmallette, au lieu de se prélasser en bermuda à fleurs, entourés de vahinés, pendant que dégringolent leurs loyers, rentes et dividendes !

Heureusement, dans ce milieu de rusés tentateurs, de ruseurs pas tentants et de raseurs patentés, y a quand même quelques bons numéros. Et même de vrais potes.

Merci Pal. Je rappelle aux lecteurs le titre de ton dernier recueil_: Dr PAL omnidentiste “Les plus beaux cas cliniques“ et ce n’est pas pour les chiens ! Vous allez avoir mal aux zygomatiques !

Note de la rédaction : Article publié dans le journal Dental Tribune France / octobre 2016

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