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Avantages de l’utilisation du laser Er:YAG chez les patients ayant des besoins spéciaux. Dentisterie conservatrice: étude clinique

Carie sur la dent 46 d’une enfant de 12 ans présentant un déficit intellectuel (a). Effet du laser Er:YAG après exposition en mode SSP (Super Short Pulse), énergie de 250 mJ, fréquence de 10 Hz, au moyen d’une pièce à main à miroir utilisée en mode sans contact (fluence: 39,3 J/cm2) et pulvérisation eau/air (b). Aspect final de la restauration en composite avant (c), et après le retrait de la digue en caoutchouc (d). (Photo : Dr Fornairi)
Pr Dr Carlo Fornaini, Pr Dr Elisabetta Merigo, Dr Fabio Clini, Dr Matteo Fontana, Dr Luigi Cella et Dr Aldo Oppici, Italie

Pr Dr Carlo Fornaini, Pr Dr Elisabetta Merigo, Dr Fabio Clini, Dr Matteo Fontana, Dr Luigi Cella et Dr Aldo Oppici, Italie

jeu. 26 mai 2016

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Une évaluation systématique récente de la carie dentaire chez des adultes en situation de handicap a fait état d’un taux de prévalence égal ou inférieur à celui de la population générale.1 Les différences majeures relevées dans le groupe des personnes handicapées étaient le nombre plus important de lésions carieuses non traitées, le manque de soins bucco-dentaires et l’utilisation peu fréquente de stratégies préventives.2 Les auteurs d’une autre étude menée dernièrement chez des adolescents et des adultes ont observé que les patients atteints d’une déficience mentale présentaient davantage de caries et d’édentement plural, un nombre moindre de restaurations et un besoin plus important d’extraction dentaire que leurs frères et soeurs.3 La dentisterie adaptée aux patients ayant des besoins spéciaux (DPS) a pour but de fournir et de permettre la mise en œuvre des traitements buccodentaires aux personnes en situation de handicap, ce terme étant défini au sens le plus large.

La DPS s’efforce ainsi d’améliorer la santé bucco-dentaire de personnes isolées et de communautés qui, au sein de la société, sont touchées par un handicap physique ou sensoriel, une déficience mentale, un trouble médical ou psychosocial, ou, le plus souvent, plusieurs de ces pathologies réunies. Le développement d’un handicap peut être dû à de multiples causes qui incluent la paralysie cérébrale, le syndrome de Down, le déficit intellectuel, l’autisme, l’épilepsie, les troubles visuels et auditifs, les anomalies congénitales et même la carence psychosociale.4 Pour ces personnes en situation de handicap, l’accès aux soins buccodentaires est entravé par de nombreuses barrières environnementales. Même si ces obstacles sont surmontés et si le patient est en mesure de trouver une équipe dentaire prête et apte à le traiter, le problème est toujours présent. L’obtention d’une restauration de haute qualité dépend de la capacité du patient à faire face à l'anxiété engendrée par le traitement, et à coopérer pleinement aux exigences de la situation clinique. Selon les estimations, un quart à un tiers des adultes atteints de déficience mentale souffrent d’un trouble anxieux à la perspective du traitement dentaire.5–7

Les stimuli désagréables, tels que l’injection d’un anesthésique local ou le bruit et les vibrations des instruments rotatifs, peuvent entraîner une anxiété démesurée et un manque inévitable de coopération, susceptible de se traduire par un refus du traitement. De plus, une mauvaise coordination musculaire, la fatigabilité ou un dysfonctionnement oral, notamment une salivation excessive et une dystonie linguale, peuvent compromettre les procédures de restauration. Une sédation ou une anesthésie générale peut améliorer la situation clinique dans le cadre d’un traitement de restauration, mais ces solutions soulèvent elles-mêmes des problèmes intrinsèques en termes de coût et de morbidité des patients.8 L’utilisation du laser Er:YAG en dentisterie conservatrice a été proposée en 19909 et ce dispositif a connu une remarquable évolution au cours de ces dernières années, grâce à la venue sur le marché de nouvelles technologies de pointe. Il offre également des avantages par rapport aux instruments classiques.

L’affinité de la longueur d'onde du laser Er:YAG pour l’eau et l’hydroxyapatite permet l’ablation efficace des tissus dentaires durs sans risque de microfractures ni de macrofractures, comme on peut l’observer lors de l'utilisation d’instruments rotatifs.10–12 La surface de la dentine traitée par laser apparaît propre, exempte de boue dentinaire et les canalicules sont ouverts et très nets.13 L’élévation thermique de la pulpe notée au cours de l’exposition au rayonnement laser Er:YAG, est moins forte que lors de l’utilisation d’une turbine et d’un micro moteur dans les mêmes conditions de spray air/eau.14, 15 Cette longueur d'onde produit également un effet microbicide qui décontamine le tissu traité et détruit tant les bactéries aérobies que les bactéries anaérobies.16 Les aspects les plus intéressants de cette nouvelle technologie s’alignent sur les objectifs de la dentisterie conservatrice moderne, à savoir les traitements minimalement invasifs et les techniques adhésives dentaires. Le laser Er:YAG peut atteindre des dimensions de tache inférieures à 1 mm, ce qui permet une ablation sélective de la dentine atteinte avec préservation du tissu environnant, et la réalisation de restaurations très efficaces.17 Plusieurs études in vitro ont démontré que la préparation de l'émail et de la dentine par le laser Er:YAG, suivie d’un mordançage à l'acide orthophosphorique, améliore l’efficacité en termes de réduction de la micropercolation et augmentation de la force de liaison.1

Selon une étude fondée sur l’évaluation de questionnaires de patients,9 particulièrement la satisfaction, le traitement dentaire par laser Er:YAG est une technique efficace, susceptible d’améliorer la coopération du patient et de diminuer les craintes associées au cabinet dentaire, surtout chez les patients pédiatriques. L’objectif de cette étude clinique, basée sur l’expérience acquise sur 5 années de traitements conservateurs assistés par laser, au sein de notre service de chirurgie dentaire pour besoins spéciaux et soins maxillo-faciaux, était de démontrer les avantages du laser Er:YAG dans le traitement conservateur de patients ayant des besoins spéciaux.

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Matériel et méthodes

Cas 1

Sorin est un enfant de 9 ans souffrant d’un trouble autistique : il ignore ce que sont les traitements dentaires sous anesthésie locale car les caries de ses dents temporaires ont été traitées sous anesthésie générale, en raison de l’impossibilité de réaliser les soins au fauteuil. Une visite de contrôle du patient a révélé des caries sur les dents 35 et 36 et nous avons décidé d’une approche par laser Er:YAG pour traiter la carie la plus superficielle (dent 35), en appliquant la méthode dite du « Tell-Show-Do » (expliquer, montrer, faire). Nous avons obtenu une excellente coopération du patient et la possibilité de réaliser une restauration de qualité (même sans la mise en place d’une digue en caoutchouc, refusée par le patient). Nous avons utilisé le laser Er:YAG en mode MSP (Medium Short Pulse), énergie de 150 mJ, fréquence de 30 Hz, pièce à main à miroir, pour une intervention sans contact (fluence : 23,6 J/cm2) et spray eau/air.

Cas 2

Patrizia est une enfant de 12 ans présentant un déficit intellectuel : elle acceptait très mal l’anesthésie locale, ce qui limitait la possibilité de la traiter. Une visite de contrôle de la patiente a révélé une carie sur la dent 46 et nous avons pris le risque d’une approche par laser Er:YAG pour traiter cette carie profonde, en appliquant la méthode dite du « Tell-Show-Do » (expliquer, montrer, faire) sans anesthésie locale. Nous avons obtenu une excellente coopération de la patiente et la possibilité de réaliser une restauration de qualité. Grâce aussi à l’excellente coopération, nous avons pu mettre en place une digue en caoutchouc. Nous avons utilisé le laser Er:YAG en mode SSP (Super Short Pulse), énergie de 250 mJ, fréquence de 10 Hz, pièce à main à miroir pour une intervention sans contact (fluence : 39,3 J/cm2) et spray eau/air (Fig. 1).

Cas 3

Alessia est une jeune adolescente de 15 ans présentant un déficit intellectuel : elle n’avait jamais eu besoin de traitements dentaires et elle était effrayée à cette idée. La dent 16, cariée, devait être traitée et nous avons pris le risque d’une approche par laser Er:YAG pour traiter cette carie profonde, en appliquant la méthode dite du « Tell-Show-Do » (expliquer, montrer, faire) sans anesthésie locale. Nous avons obtenu une excellente coopération de la patiente et la possibilité de réaliser une restauration de qualité. Nous avons utilisé le laser Er:YAG en mode SSP (Super Short Pulse), énergie de 250 mJ, fréquence de 10 Hz, pièce à main à miroir pour une intervention sans contact (fluence : 39,3 J/cm2) et spray eau/air.

Cas 4

Andrea est un enfant de 7 ans présentant un déficit intellectuel : il présentait un traumatisme de la dent 11 avec fracture. Nous avons pris le risque d’une approche par laser Er:YAG sans anesthésie locale pour recoller le fragment : un mordançage a été réalisé à l’aide du laser Er:YAG (Fidelis Plus III, Fotona, Slovénie), énergie de 250 mJ, fréquence de 10 Hz, pièce à main à miroir pour une intervention sans contact (fluence : 39,3 J/cm2) et pulvérisation eau/air. La procédure a été réalisée sur le fragment et la dent, qui ont été séchés pendant 15 secondes par pulvérisation d’air, puis mordancés avec un gel à base d'acide orthophosphorique à une concentration de 37 % pendant 30 secondes (dent et fragment) (Figs. 2 et 3).

Discussion

Même si les estimations comptent environ 500 millions de personnes en situation de handicap dans le monde,20 la littérature sur la prise en charge de la santé bucco-dentaire des patients handicapés est peu fournie, par rapport à la documentation relative aux personnes en bonne santé. Jusqu’à ces dernières années, la prise en charge des patients handicapés n’était même pas évoquée dans les programmes d'étude de premier cycle, proposés par la plupart des écoles de médecine dentaire internationales. Aujourd’hui heureusement, les professionnels du monde entier reconnaissent petit à petit la dentisterie adaptée aux patients ayant des besoins spéciaux comme une spécialisation en tant que telle, mais les données probantes font toujours défaut pour l’adaptation de certaines techniques cliniques, aux besoins de cette population particulière de patients.21 En fait, pour élever le niveau de santé bucco-dentaire d’enfants ayant des besoins spéciaux, il est indispensable d’approfondir les connaissances de tous les médecins, chirurgiens-dentistes et parents, sur les possibilités d’améliorer la coopération, en vue de rehausser la qualité de vie des enfants.22 À cet égard, le recours aux instruments les plus modernes et les plus perfectionnés peut jouer un rôle important dans la prise en charge de ce type de patients. En particulier, le laser Er:YAG permet d’éviter le contact avec la dent et par conséquent la génération de vibrations car il peut être utilisé en mode dit « sans contact », ce qui accroît le confort du patient.23 La sensation moindre et même parfois l’absence totale de sensation de douleur, qui peut être liée à la durée d’impulsion très courte, aux faibles effets de la thérapie laser de basse puissance (LLLT) dans les zones périphériques de la préparation ou aux effets thermiques réduits dans la cavité pulpaire, accroît la coopération du patient et son appréciation du traitement.24 Le bruit du laser, que l’on nomme « effet pop-corn », dû à l’explosion des molécules d’eau à l'intérieur des cellules, à l’origine de l’ablation des tissus, est également moins dérangeant que le bruit de la turbine dentaire, selon l’avis des patients.

Conclusion

Selon l’expérience acquise durant cinq ans dans les traitements conservateurs de patients ayant des besoins spéciaux, nous pouvons confirmer que le laser Er:YAG peut être considéré comme un moyen très valable d’accroître la coopération, de réduire l’anxiété liée aux instruments rotatifs et de parvenir à de meilleurs résultats avec des durées d'intervention similaires ou plus courtes.

Note de la rédaction : une liste de références est disponible auprès de l’éditeur.
L´article a été publié dans le magazine
DT Study club 4/2015

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