NANTES, France : Les déformations artificielles du crâne ont été décrites dans de nombreuses cultures y compris en Europe occidentale. Si de nombreuses études se sont focalisées sur les conséquences de ces déformations sur la morphologie crânienne externe (flexion basicrânienne, rapports maxillo-mandibulaires), peu de données existent quant aux conséquences intracrâniennes. Dans une récente étude, des chercheurs se sont intéressés aux cavités et parois crâniennes de divers spécimens en mesurant les volumes de la boite crânienne, des orbites et des sinus maxillaires avant de réaliser une reconstruction en 3D.
Les déformations artificielles du crâne ont été décrites dans de nombreuses cultures y compris en Europe occidentale et ont souvent été réalisées pour des raisons esthétiques et/ou d’appartenance à une caste. Elles consistaient à imprimer des forces externes sur le crâne des nouveaux nés et des jeunes enfants afin de modifier sa croissance normale et conduire à l’apparition de signes morphologiques précis.
Dans les cultures précolombiennes, les deux types principaux sont la déformation antero–posterieures où le crâne est comprimé entre deux plaques rigides placés sur le front et l’occiput, maintenues ensembles par des bandages et la déformation circonférentielle où le crâne est allongé modelé en cône par un bandage serré. En Europe la déformation burgonde, relevée sur des squelettes de sépultures germaniques du Ve siècle, était une pratique analogue. En France enfin, une déformation similaire -quoique non souhaitée - connue sous le terme de déformation toulousaine (T) a été décrite par le Pr Broca au XIX siècle.
Si de nombreuses études se sont focalisées sur les conséquences de ces déformations sur la morphologie crânienne externe (flexion basicrânienne, rapports maxillo-mandibulaires), peu de données existent quand aux conséquences intracrâniennes des déformations artificielles. Les conséquences pathologiques (notamment cognitives) ont rarement été établies en raison principalement de l’absence de données médicales modernes sur les personnes ayants subi ce type d’interventions.
Dans cette étude en céphalométrie, les auteurs Khonsari, Friess et leurs collaborateurs se sont intéressés aux cavités et parois crâniennes de divers spécimens en mesurant les volumes de la boite crânienne, des orbites et des sinus maxillaires. Puis par une technique innovante de segmentation assistée par ordinateur ils ont mesuré l’épaisseur des parois de ces structures et réalisé une reconstruction en 3D.
Les sujets de cette étude sont issus des collections anthropologiques du Musée de l'Homme à Paris et consistent en 19 crânes contrôles, non déformés ; 24 crânes avec des déformations antero–posterieures (AP); 8 avec des déformations circonférentielles (C) et 7 crânes avec des déformations toulousaines (T).
Les auteurs ont observé que les volumes des divers cavités sont conservés en dépit des modifications 3D importantes qu’ont subi les crânes. De plus, les travaux démontrent des modifications internes spécifiques aux types de déformations. Ainsi dans les déformations de type C, les orbites sont moins profonds et plus resserrés mais le volume orbital reste lui conservé. De même le volume des sinus maxillaires reste conservé et ce, malgré le resserrement des orbites. Un autre élément important de l’étude est la mise en évidence du amincissement des parois osseuses subissant les plus fortes contraintes (frontal dans les déformations de type AP et coronal dans celles de type C) Le maintien du volume des cavités se fait par redistribution des dépôts osseux comme dans la région frontale du métopion en cas de déformation de type T.
Comme les volumes intracrâniaux restent normaux, les auteurs avancent qu’il est peu probable que les déformations volontaires induisent une augmentation de la pression intracrânienne, du moins par ce biais. S’ils ne permettent pas de conclure sur l’impact cognitif des déformations, ces travaux démontrent cependant la capacité d’adaptation importante de la croissance osseuse crânienne en fonction des contraintes externes. Les auteurs suggèrent enfin de réaliser des études similaires de mesures des cavités intracrâniennes dans le cas de crâniosynostoses, des pathologies en rapport avec une soudure prématurée d'une ou plusieurs sutures crâniennes au cours du développement.
Ce travail, réalisé en collaboration entre le Service de Chirurgie Maxillofaciale et Stomatologie de Nantes, le Department de Developpement Craniofacial du King's College de Londres, et l’UMR 7206, du Musée de l'Homme à Paris, a impliqué de nombreux laboratoires européens et a été publié en ligne le 29 mars 2013 sur le site de l’American Journal of Physical Anthropology.
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