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Toutes les images présentées : Dr Matthieu Collin.

mer. 26 février 2025

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La réhabilitation prothétique de l’édenté complet uni ou bimaxillaire, reste un défi majeur en dentisterie. Elle nécessite une approche qui intègre à la fois les aspects fonctionnels et esthétiques pour répondre aux attentes des patients.

Les protocoles d’extraction-implantation combinés à une mise en charge immédiate sont aujourd’hui pratique courante, et permettent d’obtenir un résultat prothétique, fonctionnel et esthétique.

L’étude initiale du cas est cruciale pour planifier la réhabilitation, et c’est de ce projet que naîtra la technique chirurgicale.

Présentation du cas

Un patient de 72 ans en cours d’édentement, envoyé par une consœur, se présente avec de nombreuses dents absentes et quelques implants. Une réhabilitation bimaxillaire est planifiée en commençant par la mandibule, suivie du maxillaire, avec l’utilisation de techniques modernes telles que les empreintes numériques, l’usinage, mais tout en conservant une partie chirurgicale « à main levée ».

Fig. 1.

Sa demande est à la fois esthétique mais aussi fonctionnelle causée par une édentation partielle bimaxillaire et bilatérale (Fig. 1). De plus, il désire une réhabilitation rapide. Nous orientons donc cette dernière vers un protocole d’extraction-implantation avec mise en charge immédiate d’un bridge provisoire transvissé, avec deux chirurgies à un mois d’intervalle pour le haut et le bas.

La DVO physiologique a été maintenue grâce à la conservation d’une partie du bloc antérieur, malgré des implants inutilisables et une parodontite.

Nous allons d’abord débuter par la chirurgie mandibulaire, toujours dans le but de réhabiliter un bas idéal en termes de courbe, pour réaliser ensuite le haut en fonction du bas.

La question du gradient thérapeutique a évidemment été posé : garder des racines, oui, éventuellement, mais pour quel projet ? Le rapport bénéfice-risque de la conservation d’une ou deux dents ne paraît pas favorable en la faveur d’une réhabilitation globale, cohérente, tant sur le point fonctionnel qu’esthétique.

Nous allons donc procéder à l’extraction de toutes les dents, sauf la canine (Fig. 3). Cette 33 nous permettra de conserver un repère pour l’empreinte numérique des quatre scan bodies sur implants tissue level de chez Meisinger. En effet, l’empreinte d’une crête mandibulaire postimplantaire reste délicate, et tout point de repère améliorera la qualité de la précision de l’empreinte.

En position postérieure, nous poserons des 4,1 x 10 mm en postérieur, et notre choix s’est porté sur des implants Meisinger Conical pour leur stabilité primaire, optimisée en situation d’extraction-implantation. Au niveau antérieur nous poserons des TL classiques de diamètre de 3-3 mm x 12 mm de longueur. Nous choisissons ici des tissue levels car chez un patient parodontique, ce concept implantaire avec une connexion loin du niveau osseux nous paraît être une bonne option. De plus le col d’une hauteur de 1,8 mm nous permet de connecter la prothèse directement sur le col implantaire mais à distance de l’os, et de maintenir une stabilité des tissus mous à long terme.

Fig. 2.

Fig. 2.

Fig. 3.

Fig. 3.

Fig. 4.

Fig. 4.

Après la réalisation de l’empreinte numérique et l’obtention d’un fichier STL en occlusion avec les dents existantes, lors de l’enregistrement de la situation initiale quelques semaines avant, nous recevons un bridge usiné en PMMA (Laboratoire ESmile [Fig. 4]) combiné à des vario-bases, permettant ainsi la connexion du bridge directement sur les cols implantaires quelques heures après la chirurgie (Fig. 5).

Fig. 5.

La radio panoramique postopératoire (Fig. 6) nous confirme l’indication chirurgicale d’un All-on-4 grâce à l’utilisation de la classification de Bedrossian.1 En effet, l’extraction des secteurs molaires et du fait de la pneumatisation importante des sinus, la hauteur osseuse résiduelle sous-sinusienne empêche souvent la pose verticale d’implants : l’inclinaison des implants postérieurs permet d’éviter le sinus et donc de diminuer le cantilever postérieur.2, 3

La présence de deux implants en position 14 et 15 (Fig. 7), qui sont non seulement trop courts, mais aussi partiellement cratérisés, les rend inutilisables. Le reste n’est pas conservable car une chirurgie plastique ainsi qu’une régénération osseuse seraient nécessaires, ce qui n’est pas souhaité par le patient.

L’option du All-on-4 maxillaire ayant été posée, nous utilisons donc deux implants sur les secteurs antérieurs de diamètre 3,5 x 12 mm, alors que sur les secteurs latéraux nous angulerons des implants de 3,5 mm sur une longueur de 14 mm, en utilisant évidemment des piliers angulés. Les implants sont des designs de chez Deep-astem, combinant une connectique de type cône morse à du titane grade 4 étiré à froid. La réalisation d’un lambeau pédiculé palatin (Fig. 8) nous permet de reconstruire une papille, et de combler le manque vestibulaire de gencive kératinisée.

Fig. 6.

Fig. 6.

Fig. 7.

Fig. 7.

Fig. 8.

Fig. 8.

C’est la suture de ce lambeau (Fig. 9) qui va permettre de maintenir une épaisseur de gencive kératinisée nécessaire. Le biotype gingival de cette zone est donc amélioré, afin d’assurer la pérennité de notre réhabilitation.

Fig. 9.

Les deux implants antérieurs seront tout d’abord posés afin de respecter un positionnement idéal pour un futur vissage palatin de la prothèse, puis les deux implants postérieurs seront inclinés à 20 degrés (protocole classique décrit par le Dr Malo).4 Ensuite des piliers coniques multi-unit droits en antérieur et de 17 degrés en postérieurs, sont vissés sur nos implants. Enfin les scan bodies sont placés avant les sutures, afin d’assurer un contrôle visuel de leur bonne position, ainsi qu’une bonne adaptation.

La réalisation d’un bridge transvissé usiné en PMMA avec vario-bases pour piliers multi-unit (Fig. 11) est usinée après l’utilisation de la caméra iTero pour l’empreinte des scan bodies au maxillaire.

Pour ce faire nous enregistrons la position des quatre scan bodies au maxillaire en postopératoire et le laboratoire superposera ce fichier STL, aux fichiers STL enregistrés initialement du maxillaire en occlusion avec la mandibule, ceci dans le but de mettre l’empreinte postopératoire avec scan bodies en occlusion avec le modèle mandibulaire, qui a déjà reçu un bridge provisoire transvissé quelques semaines auparavant.

Trois mois après la dernière chirurgie (Fig. 12), le patient revient pour contrôler la cicatrisation, l’ostéointégration, et prendre l’empreinte. Les tissus mous sont sains et le patient maintient une hygiène idéale, ce qui est essentiel pour préserver la santé des tissus péri-implantaires.

À ce stade-là (Fig. 13), les particules de comblement de GTO (comblement xénogénique), utilisées afin de combler les alvéoles maxillaires, sont encore présentes dans l’épaisseur gingival car elles ne sont pas encore intégrées aux tissus mous, mais la mise en condition gingivale guidée par le design et la compression du bridge provisoire, permettent déjà un aménagement idéal pour la réalisation de la prothèse définitive à venir.

Au niveau mandibulaire (Fig. 14), la cicatrisation mandibulaire de la gencive autour des implants tissue levels est optimale. Nous ne recherchons pas une mise en condition gingivale particulière car à la mandibule la pérennité s’inscrira dans une hygiène adaptée, et donc nous allégeons volontairement l’intrados, afin d’optimiser le passage des brossettes par le patient

La radio panoramique (Fig. 15), quant à elle, nous montre une uniformité dans la répartition de la position des implants, ainsi qu’une connexion pilier conique-implant de type cône morse du All-on-4 au maxillaire, ce qui assure une étanchéité nécessaire à des implants posés en position infra-osseuse. Nous observons un cas classique de réhabilitation par quatre implants verticaux à la mandibule.

Les deux bridges provisoires sont vissés par l’intermédiaire de vario-bases à la mandibule et au maxillaire (Fig. 16). Nous réhabilitons le patient grâce à la réalisation d’un bridge full zircone à connexion directe sur multi-unit au maxillaire.

À la mandibule un bridge PMMA sur vario-base est vissé. Nous n’optons pas pour la réalisation de deux bridges full zircone, pour des questions de dureté de matériaux et de confort pour le patient. Nous combinons l’esthétique d’un bridge full zircone au maxillaire et la souplesse du PMMA à la mandibule (Fig. 17). La photo avant-après du patient, illustrant son état au premier jour et à la fin de son traitement, est présentée sur la figure 18.

Discussion

Ce cas décrit une mise en charge immédiate chez un patient en cours d’édentement avec le concept « ERICA » qui va combiner l’Extraction à la Reconstruction des tissus mous et durs (par l’intermédiaire de simples chirurgies plastiques mucogingivales et de comblements alvéolaires), puis l’Implantation et la mise en place d’un bridge Compressif, permettant à terme, l’obtention d’un Aménagement gingival compatible lors de la réalisation de la prothèse définitive, avec un concept de reconstruction FP2 (c’est à dire sans fausse gencive).5

Il est intéressant de voir que sur ce type de réhabilitation, le rendez-vous le plus important demeure celui de la prise d’information, c’est-à-dire les fichiers STL de la situation initiale, nous garantissant le maintien de la dimension verticale, et les photos, afin de réaliser le projet prothétique. Puis, deux rendez-vous pour la chirurgie du maxillaire et de la mandibule suffisent.

Un quatrième rendez-vous, afin de contrôler les implants et de faire l’empreinte des deux bridges est planifié, puis un dernier rendez-vous pour la pose et l’équilibration de l’ensemble. Le patient est ensuite contrôlé à six mois la première année et tous les ans à partir de la deuxième année.

Nous avons ainsi une restauration prothético-chirurgicale simple, reproductible et offrant un service rendu optimal au patient.

Note éditoriale:

Références

1- Bedrossian E, Sullivan RM, Fortin Y, Malo P, Indresano T. Fixed-prosthetic implant restoration of the edentulous maxilla: a systematic pretreatment evaluation method. J Oral Maxillofac Surg. 2008;66:112–22.
2- Aparicio C, Perales P, Rangert B. Tilted implants as an alternative to maxillary sinus grafting: a clinical, radiologic, and periotest study. Clin Implant Dent Relat Res. 2001;3(1):39–49.
3- Naconecy MM, Geremia T, Cervieri A, Teixeira ER, Shinkai RS. Effect of the number of abutments on biomechanics of Branemark prosthesis with straight and tilted distal implants. J Appl Oral 2010;18(2):178–85.
4- Malo P, de Araujo Nobre M, Lopes A, Ferro A, Nunes M. The All-on-4 concept for full-arch rehabilitation of the edentulous maxillae: a longitudinal study with 5-13 years of follow-up. Clin Implant Dent Relat Res. 2019;21(4):538–49.
5- Misch CE, Judy KW. Classification of partially edentulous arches for implant dentistry. Int J Oral Implantol. 1987;4(2):7–13.

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