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Le laser en dentisterie : passé, présent et futur

Ppréparation de l’émail par Er:YAG.
Pr Dr Carlo Fornaini & Pr Dr Jean-Paul Rocca

Pr Dr Carlo Fornaini & Pr Dr Jean-Paul Rocca

jeu. 5 mars 2015

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La première application de la technologie laser en dentisterie a été décrite par Goldman en 1964, quatre années après que Maiman eut réalisé le premier dispositif laser, le « laser à rubis » en 1960.1 Les causes principales de ce délai étaient d’une part, la difficulté à diriger le faisceau dans une petite cavité telle que la bouche, qui n’a été résolue qu’après l’obtention de systèmes de distribution efficaces, et d’autre part, la nécessité d’utiliser différentes longueurs d’onde, en raison des divers tissus cibles présents dans la cavité orale. Un autre problème auquel se sont heurtés les pionniers de la technologie laser dans les applications orales, provenait du besoin de limiter l’élévation thermique, à des niveaux compatibles avec l’intégrité biologique des tissus. Cette dernière raison pourrait donc inciter à ne retenir les premières études, notamment celles de Goldman, Kinersly, Morrant, Stern et Taylor, que pour leur intérêt historique,2–5 par rapport à l’article de Frame qui fut le premier à décrire en 1987, une chirurgie orale in vivo au moyen d’un laser au CO2, sans dommages biologiques collatéraux.6

Les avantages de la chirurgie laser des tissus mous sont nombreux: réduction de la durée d’intervention, possibilité de combiner l’incision avec la coagulation du tissu cible et par conséquent, de travailler avec un champ opératoire plus net et d’éviter les sutures, diminution de la douleur, inutilité dans certains cas d’une injection anesthésiante, désinfection du champ, et processus de cicatrisation meilleur et plus rapide sous les effets bio-stimulants, sans besoin de médicaments et avec un confort satisfaisant en période postopératoire.7–10 Outre le laser au CO2, d’autres dispositifs ont également été utilisés, tels le Nd:YAG, le premier laser pulsé à fibre optique, la diode, associée à une forte réduction de la taille et du coût et enfin, le laser à cristal de phosphate de potassium et de titanyle (laser KTP) qui, comme le décrivent Fornaini et Rocca, permet de réduire l’énergie produite, tout en garantissant une qualité d’incision très efficace.11

En 1990, Hibst et Keller ont déclenché une véritable révolution sur la planète dentaire, en évoquant la possibilité d’utiliser le laser Er:YAG pour la préparation de cavités en dentisterie conservatrice.12 Cette longueur d’onde (2 940 nm) étant très proche des pics d’absorption de l’eau (3 000 nm) et de l’hydroxyapatite (HA) (2 800 nm), elle pénètre largement l’émail et la dentine, provoque l’explosion de l’eau intracellulaire et en conséquence la destruction des tissus dentaires.13

Ces dernières années, des tests in vitro, ex vivo et in vivo ont permis de décrire et de prouver les nombreux avantages qu’offre l’utilisation de la technologie laser, par comparaison avec les instruments rotatifs traditionnels : absence de microfractures et de macrofractures, souvent observées lors de l’utilisation d’instruments rotatifs, absence de boue dentinaire associée à des canalicules dentinaires ouverts et parfaitement nettoyés, désinfection et décontamination des surfaces traitées, et amélioration de l’adhérence des résines composites.14–17

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Grâce à la possibilité de traiter des zones de dimensions très réduites, la pratique d’une vraie « dentisterie minimalement invasive » devient une réalité, concrétisée par la création de petites cavités et par conséquent de restaurations minimes.18 L’affinité de cette longueur d’onde pour le polyméthacrylate de méthyle (PMMA) et le dioxyde de silicium, contenus dans la résine composite, et sa synergie avec l’acide orthophosphorique menant à une adhérence plus forte, garantit également l’efficacité en orthodontie et dans le domaine des prothèses fixées non métalliques.19

Certains progrès techniques, tels que la technologie « VSP » (Variable Square Pulse), brevetée par Fotona, offrant la possibilité de moduler l’impulsion et les intervalles de pause même jusqu’à 50 μs, permettent maintenant de pratiquer ce que l’on appelle « l’ablation froide ». Dans cette procédure, la vitesse d’ablation est supérieure à la vélocité à laquelle la chaleur diffuse dans le tissu.20–21 La création de la pièce à main équipée de la technologie scanner (X-Runner, Fotona, Slovénie) a permis d’accélérer la procédure d’ablation, d’en augmenter la précision et de pouvoir déterminer à l’avance, la forme et la dimension de la surface à exciser.22

En 2009, Fornaini a décrit l’utilisation d’un dispositif Nd:YAG à fibre optique (Fidelis Plus III, Fotona, Slovénie) destiné à l’usage dentaire, notamment le soudage de métaux dans la cavité orale, sans effets secondaires et avec une élévation thermique biologiquement compatible.23 Le soudage au laser offre de très nombreux avantages par rapport aux techniques classiques, tels que l’efficacité sur tout type de métal et d’alliage, et la possibilité de réaliser une soudure à une distance très proche de matériaux en résine, acrylique et céramique, sans les endommager. Le soudage laser intra-oral ouvre une nouvelle voie en dentisterie prothétique, implantaire et orthodontique, ces disciplines disposant déjà de descriptions de nombreux cas cliniques.24–27

L’avenir de la dentisterie assistée par laser est lié à la possibilité de réduire davantage la durée des impulsions. Actuellement, il est possible de travailler avec des dispositifs expérimentaux qui émettent en ns (nanosecondes = 10−9 s), en ps (picosecondes = 10−12 s) et même en fs (femtosecondes = 10−15 s) que l’on appelle des impulsions ultracourtes. L’ablation au moyen de ces dispositifs n’est pas due à des effets thermiques, mais repose sur la dissociation de la matière, sans production de chaleur.28 Parmi les avantages de leur utilisation in vivo, on peut citer la suppression de la douleur (les récepteurs nerveux ne sont pas sensibles à des impulsions si courtes), un processus de cicatrisation meilleur et plus rapide (aucune carbonisation), et l’efficacité de chaque longueur d’onde sur tout type de tissu (dur ou mou). Plusieurs tests ex vivo sur des dents extraites au laser Nd:YAG, pompé par diode (1 064 nm) et émettant en ps, semblent très encourageants.29

_Études de cas

Cas 1 : préparation d’une cavité au laser Er:YAG et scanner à main

Un patient âgé de 14 ans, s’est présenté à notre centre dentaire pour le traitement de plusieurs lésions amélaires cervicales, touchant la canine et la prémolaire supérieures droites (Fig. 1). Nous avons décidé de les traiter au moyen de la pièce à main X-Runner, équipée d’un laser Er:YAG (LightWalker, Fotona, Slovénie). La préparation de l’émail a été entièrement réalisée à l’aide de ce dispositif, sans anesthésie, et dans un intervalle de temps de 270 sec. Les réglages utilisés étaient les suivants : 200 mJ, 15 Hz, mode VSP (durée d’impulsion 50 μsec), pulvérisation air/eau. Après la préparation de l’émail par Er:YAG (Figs. 2 et 3), la restauration a été réalisée selon les protocoles courants de la dentisterie adhésive. (Fig. 4). Durant toute l’intervention, le patient n’a ressenti aucune douleur ou gêne.

Cas 2 : désenfouissement d’implants au laser à KTP

Un patient âgé de 22 ans, traité pour la perte des incisives centrale et latérale supérieures droites, nécessitait l’exposition des deux implants posés six mois auparavant (Fig 5). Nous avons décidé d’utiliser un laser KTP en raison de son mode d’action minimalement invasif, et de sa sécurité vis-à-vis des structures osseuses, lorsqu’il fonctionne à très faible énergie. Le dispositif utilisé était le LASEmaR 500 (Eufoton, Trieste, Italie) équipé d’une fibre optique 320, mode contact et puissance de 1 W en mode continu. L’intervention a duré 210 secondes sans aucune anesthésie. Le patient n’a signalé aucune douleur et/ou gêne pendant la procédure de désenfouissement (Fig. 6). L’intervention a été suivie par une prise d’empreinte immédiate, afin de fabriquer la prothèse (Figs. 7 et 8). Deux mois après, les couronnes pouvaient être posées (Figs. 9 et 10).

Cas 3 : technique de soudage intra-oral au laser Nd:YAG

Un patient âgé de 77 ans, s’est présenté à notre centre dentaire en raison d’une infection touchant les deux incisives centrales supérieures (Fig. 11). Après une antibiothérapie et une radiographie, il a été décidé de procéder à l’avulsion des dents.

Le patient portait un bridge en résine aurifiée, à travée de grande portée et extension mésiale (incisive latérale), dans le secteur droit du maxillaire. La canine et l’incisive latérale gauches ont donc été préparées pour recevoir une couronne, et une petite cavité a été réalisée sur la face palatine de l’extension du bridge (Figs. 12 et 13). La préparation a été suivie par la pose d’un bridge provisoire (Fig. 14). Un prothésiste dentaire a fabriqué un bridge en résine aurifiée, pourvu d’une extension de même dimension que la cavité pratiquée préalablement dans l’incisive latérale gauche (Fig. 15). Ensuite, après scellement du bridge (Fig. 16), les deux parties ont été soudées dans la cavité orale, au moyen d’un laser Nd:YAG à fibre optique (LightWalker, Fotona, Slovénie) réglé comme suit : puissance : 9,85 W ; fréquence 1 Hz ; durée d’impulsion 15 ms ; diamètre du faisceau 0,6 mm. Un métal d’apport a été utilisé pour le procédé de soudage qui a duré 320 secondes (Figs. 17 et 18). Par la suite, la zone soudée a été polie (Fig. 19). Le patient n’a ressenti aucune douleur ou gêne durant l’intervention et la visite de suivi à six mois n’a révélé aucun problème.

Cas 4 : dégagement d’une canine mandibulaire par diode laser 808 nm

Un patient âgé de 23 ans, s’est présenté à notre centre dentaire en raison d’une canine mandibulaire retenue (Fig. 20). Après la pose d’un appareil fixe sur l’arcade mandibulaire, la phase d’alignement et l’obtention d’un espace suffisant sur l’arcade pour la mise en place de la dent (Fig. 21), il a été décidé d’exposer la couronne par chirurgie laser, d’y coller un bracket et de commencer la traction (Fig. 22). Nous avons utilisé une diode laser 808 nm (Eufoton, Italie) équipée d’une fibre optique de 320 μm, 3 W en mode continu. L’intervention a été réalisée en 75 secondes et seul un anesthésique topique (EMLA) a été utilisé. Trois mois plus tard, la canine était partiellement en place dans l’arcade (Fig. 23), et six mois après les brackets du patient ont été décollés et déposés (Fig. 24). La dent était parfaitement alignée et l’état des tissus mous était très satisfaisant.

Cas 5 : excision d’une mucocèle au laser Nd:YAG

Une patiente âgée de 18 ans, s’est présentée à notre centre dentaire en raison d’une lésion volumineuse, qu’elle remarquait depuis quelques semaines dans la muqueuse labiale inférieure (Fig. 25). Une mucocèle a été diagnostiquée et il a été décidé de l’exciser par chirurgie laser, à une longueur d’onde de 1 064 nm, vu la vascularisation de la zone touchée. Nous avons donc utilisé un laser Nd:YAG (Fotona, Slovénie) réglé comme suit : fibre optique de 320 μm, 3 W, 30 Hz. Une demifiole de xylocaïne a été injectée avant de commencer l’intervention, dont la première étape a été de délimiter la lésion (Fig. 26). Ensuite, la lésion a été excisée sans rupture de la capsule (Figs. 27a et b). L’absence totale de saignement a permis de distinguer les structures anatomiques (c.-à-d. les nerfs) et d’éviter leur destruction (Fig. 28). Le spécimen a été envoyé à un pathologiste aux fins d’un examen histologique (Figs. 29 et 30), qui a confirmé le diagnostic. L’examen réalisé deux semaines après, a indiqué une cicatrisation satisfaisante (Fig. 31), qui était complètement terminée au bout d’un mois (Fig. 32)._


Note de la rédaction : une liste complète des références est disponible auprès de l’éditeur. Cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol. 2, numéro 1, mars 2015.

 

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