DT News - France - Approche de l’impression 3D en dentisterie

Search Dental Tribune

Approche de l’impression 3D en dentisterie

: « Flux de travail numérique » pour l’augmentation des tissus mous. Le défaut du tissu mou est scanné (en bouche ou sur le modèle obtenu d’après une empreinte) ; la greffe idéale est conçue et convertie en fichier STL. Après l’impression 3D de la greffe adaptée au défaut en vue de l’augmentation optimale du volume, cette greffe est posée chirurgicalement sur le défaut puis suturée. (Photo : Dobrila Nesic)
Dobrila Nesic,1 Birgit M. Schaefer,2 Yue Sun,

Dobrila Nesic,1 Birgit M. Schaefer,2 Yue Sun,

jeu. 24 juin 2021

Enregistrer

L’avenir de la régénération personnalisée des tissus mous oraux Au cours des dernières années, nous avons assisté au développement de l’impression en trois dimensions (3D), aussi appelée fabrication additive ou encore fabrication de formes libres solides.1, 2 Cette technologie permet de fabriquer un objet 3D individualisé avec un matériau de choix, au moyen d’un logiciel de conception assistée par ordinateur. Dans le domaine médical, la capacité d’inclure des cellules vivantes dans le procédé a projeté l’impression 3D dans une autre dimension, et ouvert la porte à d’innombrables possibilités de création de différents tissus, qui contribuent maintenant à préparer le terrain pour des traitements parfaitement adaptés aux patients. Divers facteurs ont concouru à l’émergence des nouvelles applications de l’impression 3D. Le développement de nombreux biomatériaux imprimables offre un contrôle plus précis de la structure de l’échafaudage interne et de la forme externe.

Les outils analytiques numériques dont on dispose aujourd’hui facilitent l’acquisition précise et rapide des informations spécifiques des patients et leur enregistrement en 3D. Le transfert aisé des données numériques permet la conception de structures parfaitement anatomiques qui peuvent être personnalisées selon les besoins de chaque patient. Par ailleurs, l’expiration des principaux brevets d’impression 3D a considérablement réduit le coût des imprimantes. Le résultat de l’évolution rapide des technologies est la mise en œuvre de solutions inédites et passionnantes dans toutes les disciplines médicales, y compris le domaine dentaire. Une chronologie des découvertes majeures réalisées dans les techniques d’impression 3D et leurs applications en médecine est présentée dans le Tableau 1.

Le processus d’impression 3D commence avec la conception d’un modèle en trois dimensions par un logiciel de conception assistée par ordinateur (CAD). Le modèle est ensuite découpé en tranches horizontales et envoyé à l’imprimante 3D qui dépose couche après couche de matériau choisi pour produire un objet. Cette « fabrication additive » offre plusieurs avantages sur la fabrication soustractive classique : (1) elle permet la production contrôlée d’une structure interne, (2) elle réduit les déchets, (3) l’objet est produit sous forme de pièce unique au lieu d’être composé de diverses parties distinctes, et (4) les fichiers générés peuvent être transférés électroniquement, facilement partagés et stockés indéfiniment sans occuper un espace physique. Il en résulte une diminution du temps et des coûts de production.

Ces dix dernières années, la technologie d’impression 3D a été largement utilisée dans différentes disciplines médicales, dont la médecine régénérative, la production de modèles anatomiques et de guides chirurgicaux ainsi que pour la formulation de médicaments.4–7 Parallèlement, le développement des biomatériaux imprimables en 3D permet la fabrication de modèles tissulaires, avec ou sans cellules, qui facilitent l’étude des interactions cellulaires complexes durant la formation des tissus, la maturation, la progression des maladies, ainsi que les tests toxicologiques et de criblage des médicaments.4, 8–10 Des modèles imprimés en 3D ont été utilisés pour la planification pré chirurgicale d’interventions craniomaxillo-faciales,11 cardiaques,12 cérébrales (anévrismes)13 et orthopédiques.14 Aujourd’ hui, des modèles physiques servent de guides d’incision pour la résection de tumeurs et de gabarits pour le moulage d’implants et de prothèses répondant aux besoins spécifiques des patients.15–17 Enfin, l’impression 3D s’avère également utile pour produire des modèles anatomiques à des fins d’éducation et de formation.18, 19 Cet article sur la portée de l’impression 3D fournit un bref résumé de la place tenue par cette technologie dans le domaine médical, particulièrement en dentisterie, et des possibilités qu’elle offre pour l’augmentation personnalisée du volume des tissus mous.

  1. La technologie d’impression 3D

Dans l’impression 3D, les objets sont fabriqués automatiquement par ajout de matériau couche après couche, pour obtenir une structure 3D volumétrique en trois dimensions.20 Comme avec toute nouvelle technologie, les normes techniques ont dû être établies pour de nombreux matériaux, produits, systèmes et services. La section américaine du comité international ASTM (International Association for Testing Materials) F42 chargé de la normalisation des techniques de fabrication additive a défini sept catégories dans ce domaine : projection de liant, dépôt de matière sous énergie concentrée, extrusion de matière, projection de matière, fusion laser sur lit de poudre, stratification de matière en feuille, et photopolymérisation en cuve.21 Dans le domaine biomédical, les procédés d’impression les plus utilisés peuvent être répartis en deux groupes : techniques sans cellules (comprenant la stéréolithographie (SLA), l’impression par fusion sur lit de poudre (PFP) et la fabrication de formes libres solides (SFF)) et techniques avec cellules (bio-impression par jet d’encre, par extrusion et assistée par laser (LAB).3 La SLA consiste à diriger un faisceau laser ou une source lumineuse sur un polymère photosensible pour solidifier sa surface. Le déplacement vertical continu de la cuve contenant le polymère donne lieu à la solidification progressive du matériau et à la formation d’un objet 3D. La SLA a été utilisée pour imprimer des polymères biodégradables, des résines acryliques chargées en particules céramiques, ou de l’hydroxyapatite pour une reconstruction osseuse.22–24 La fabrication de céramiques par lithographie (LCM) a été utilisée pour la production de précision de vitrocéramiques destinées au remplacement d’éléments dentaires.25 Une autre technologie d’impression 3D, appelée DLP ou traitement numérique de la lumière reposant sur la photopolymérisation, a été utilisée pour la fabrication d’implants en zircone.26, 27 Dans le frittage sélectif par laser (SLS), qui est une technique d’impression par fusion sur lit de poudre (PFP), un faisceau laser est dirigé sur des granules de métal, résine ou plastique pour en réaliser la fusion, couche après couche.28 Cette technique a été utilisée pour produire des échafaudages à base de phosphate tricalcique et l’hydroxyapatite aux fins de régénération osseuse.29 L’avantage de la PFP est la possibilité d’imprimer des métaux à l’état fondu tels que le titane, le magnésium ou le cobaltchrome, employés en médecine et en dentisterie. La fabrication de formes libres solides (SFF) consiste à déposer des fils fondus extrudés d’une buse commandée par un système de positionnement en trois dimensions. Toutefois, lors de l’extrusion, la matière doit conserver sa forme. À titre d’exemple, la polycaprolactone (PCL) a été combinée à de l’alginate afin d’imprimer des échafaudages pour la réparation de cartilage.30

La technologie d’impression 3D faisant appel à des cellules a été dénommée « bioimpression » et elle fonctionne avec des encres biologiques constituées par des hydrogels servant de milieu de suspension cellulaire.31 Ces hydrogels ont une composition chimique variable, et il est possible d’adapter leurs propriétés mécaniques et de biodégradation.32 L’utilisation des hydrogels comme encres biologiques est intéressante, car ces matériaux sont biocompatibles, peu cytotoxiques et présentent une forte teneur aqueuse.33, 34 Pour être adapté à la bioimpression 3D, un hydrogel doit être assez visqueux pour conserver sa forme pendant l’impression, sans écraser les cellules, et former une réticulation assurant le maintien de la structure 3D après l’impression. La bioimpression par extrusion repose sur l’utilisation d’une force pneumatique (pression) ou mécanique (piston) pour extruder les fils. La forme externe et la structure interne voulues sont conservées grâce à la gélification rapide du matériau. À titre d’exemple, on utilise une combinaison d’alginate et de calcium, ou de fibrinogène et de thrombine. Le principal avantage de la bio-impression par extrusion est la possibilité d’utiliser différentes combinaisons de matériaux et de cellules.5 La bio-impression assistée par laser (LAB) fonctionne avec un faisceau laser pulsé qui produit une élévation locale de la température d’une suspension cellulaire et induit le transfert ordonné des cellules sur un substrat ou un milieu récepteur.35 L’écriture directe par laser, un type de LAB, a révélé son efficacité pour déposer divers types de cellules et de biomatériaux.36 Dans la bioimpression par jet d’encre, un volume défini de suspension (avec ou sans cellules) est projeté sur un substrat pour obtenir un motif précis.5 Les gouttelettes sont déposées par effet thermique ou piézo-électrique. Le grand avantage est la rapidité de production des substituts de tissus chargés de cellules, et l’utilisation de têtes d’impression multiples pour différents types de cellules et biomatériaux. Le désavantage est par contre que les cellules ou les molécules bioactives doivent se trouver en milieu liquide pour en permettre le dépôt puis se solidifier dans la structure prévue. La réticulation des hydrogels couramment utilisés dans les techniques de laboratoire est effectuée par des procédés physiques ou chimiques, par pH, ou encore par exposition aux ultraviolets.37 Une comparaison complète des deux techniques d’impression 3D pertinentes pour les constructions tissulaires a fait l’objet d’une publication récente.

  1. L’impression 3D en ingénierie tissulaire

L’impression 3D s’est révélée très efficace pour produire des échafaudages de biomatériaux ayant des géométries conçues sur mesure et prend de plus en plus d’importance en ingénierie tissulaire.38 Cette discipline a pour but de reconstruire un tissu fonctionnel susceptible de remplacer le tissu naturel manquant ou à en faciliter la régénération.39 L’ingénierie tissulaire représente une triade formée par les échafaudages biomimétiques dans le rôle de support structural primaire, les cellules dans le rôle de maçons des tissus et les molécules bioactives dans le rôle d’instructeurs assurant l’envoi des signaux nécessaires.40 Anciennement, la production d’un tissu reposait sur des techniques de fabrication d’échafaudages dont la capacité à reproduire la complexité tissulaire était limitée. Aujourd’hui, la solution de l’impression 3D offre l’avantage notable de pouvoir créer des géométries variées parfaitement adaptées à n’importe quel défaut tissulaire, et reproduire l’architecture ainsi que l’hétérogénéité interne des tissus grâce au positionnement précis de différents types de matériaux et/ou de cellules.1, 2 Pour les tissus durs, l’impression 3D d’échafaudages de greffes osseuses a recours à l’incorporation de biomatériaux naturels et synthétiques 41, 42 dans une matrice biomimétique.43 Dans le cas des tissus mous, elle utilise principalement des hydrogels chargés de cellules pour produire des tissus cartilagineux,44–48 vasculaires, cardiovasculaires,49–51 hépatiques52 et cutanés.53–59 Récemment, des vaisseaux sanguins, des greffes ostéochondrales ou des tissus hépatiques ont été imprimés en 3D à partir d’un ensemble modulaire construit avec les échafaudages biomimétiques pertinents et des composants biologiques distincts imprimés en 3D (cellules, agrégats cellulaires ou micro tissus).60 Des entreprises ont également exploité l’impression 3D pour la biofabrication de divers types de tissus. exVive3D (Organovo, San Diego, ÉtatsUnis) est un tissu hépatique humain bioimprimé qui se révèle efficace pour évaluer la toxicité de médicaments, parallèlement aux tests précliniques et in vitro. 61 TeVido (TeVido Biodevices, Austin, États-Unis) développe des reconstructions mammaires au moyen des propres cellules de patientes cancéreuses et L’Oréal (Paris, France) et Poietis (Pessac, France) collaborent pour s’attaquer à la perte des cheveux par impression 3D de follicules pileux.62 Une publication récente, décrivant précisément et complètement les différentes techniques d’impression 3D, leurs avantages et désavantages, les applications cliniques, les biomatériaux nécessaires et les stratégies de bio-impression, fournit d’excellents conseils sur la biofabrication de constructions tissulaires.63

  1. L’impression 3D en dentisterie : un bref survol

L’impression 3D est présente dans le domaine dentaire depuis plus de dix ans et son application ne cesse de s’étendre, comme en témoignent 139 publications et 1 800 citations en 2019 (Figure 1). Les premières techniques de fabrication additive appliquées à la médecine dentaire ont été les procédés de fabrication SLA de forets pilotes utilisés pour le forage de sites implantaires dans les protocoles de chirurgie guidée, et de frittage d’alliages au laser. Le développement des technologies d’acquisition d’images numériques et de conception/fabrication assistée par ordinateur (CAD/CAM) a permis l’émergence des traitements dentaires entièrement numérisés.64 Elles ont permis le remplacement des empreintes en matériau malléable par l’acquisition d’empreintes numériques intraorales pour concevoir des modèles numériques et produire des structures physiques par des procédés de fabrication assistée par ordinateur. Ainsi, les trois étapes du processus s’effectuent sans intervention manuelle et cette nouvelle approche est ce qu’on appelle le « flux de travail numérique ».65 La première étape comprend l’acquisition des données par le biais de diverses techniques de scannage. Les plus courantes sont la tomodensitométrie (TDM), la tomodensitométrie à faisceau conique (CBCT), l’imagerie par résonance magnétique (IRM), et la numérisation au laser au moyen de scanners extraoraux ou intraoraux. La deuxième étape est le traitement des données et la conception du modèle par un logiciel de conception assistée par ordinateur (CAD). Le fichier au format STL qui en découle est importé dans le logiciel de l’imprimante. Les variables de la modélisation et les paramètres de segmentation sont ensuite spécifiés, ainsi que les structures de soutien, pour générer les informations requises pour le fonctionnement de l’imprimante 3D. Dans la troisième étape, les données traitées sont utilisées pour produire les structures dans le matériau choisi à l’aide d’un logiciel de fabrication assistée par ordinateur (CAM).65 Des objets imprimés en 3D ont été utilisés dans diverses disciplines dentaires, notamment dentisterie prothétique, orthodontie, chirurgie orthognatique, endodontie, chirurgie cranio-faciale, chirurgie oromaxillofaciale.66 Simplification, interventions minimalement invasives, précision accrue, réduction des durées de traitement et amélioration de l’esthétique et du confort du patient sont les avantages retirés.

4.1 Planification virtuelle pré-chirurgicale et guides chirurgicaux

La technologie haptique exploite la sensation du toucher et les interactions avec un environnement virtuel, et la croisée des chemins de cette technologie, des systèmes de réalité virtuelle et de l’intégration des données d’imagerie 3D a mené à l’émergence des simulateurs haptiques dentaires. La création d’un environnement anatomique oral virtuel et la simulation aisée des procédures dentaires grâce à un dispositif de rétroaction offrent un cadre d’apprentissage visuel, tactile et auditif en temps réel.67, 68 L’association des dispositifs haptiques et de l’impression 3D a contribué au développement d’instruments parfaitement adaptés aux patients, notamment les guides chirurgicaux qui augmentent la précision durant la chirurgie tout en réduisant le risque d’infections et le rapport temps/ coût des interventions.

La conception personnalisée de contentions chirurgicales et d’arcs en acier inoxydable par le biais d’une simulation de traitement numérique en 3D permet de les fabriquer avec précision et de prédire les mouvements maxillaires et dentaires. Cette solution diminue le temps du traitement, renforce les mouvements dentaires de décompensation, et améliore rapidement l’esthétique.69 Plusieurs applications commerciales ont été mises au point pour simplifier le plan de traitement virtuel en 3D, bien que la planification biomécanique des mouvements dentaires requiert davantage de développement. Les logiciels de planification chirurgicale, notamment Virtual Surgical Planning (VSP) Technology (3D Systems ; Littleton, États-Unis), ProPlan CMF (Materialise, Louvain, Belgique), IPS CaseDesigner (KLS MÂRTIN Group, Tuttlingen, Allemagne) et InVivo6 (Anatomage, San Jose, ÉtatsUnis), intègrent les données TDM/CBCT, la stéréophotogrammétrie 3D, et les empreintes numériques intraorales de l’occlusion pour produire un modèle 3D complet. Le chirurgien-dentiste, l’orthodontiste et le technicien sont en mesure d’effectuer une simulation interactive des mouvements dentaires et des ostéotomies. Le plan clinique final est utilisé pour fabriquer la séquence des contentions, c’est-à-dire une gouttière intermédiaire et une gouttière définitive qui sont toutes deux produites par impression 3D. Il est également possible de planifier les mouvements orthodontiques virtuels de la même façon et de les appliquer. Un logiciel tel que InVivo (Anatomage, San Jose, États-Unis) et Orchestrate (Orchestrate3D, Rialto, États-Unis) intègrent les données CBCT ou des empreintes numériques intraorales et permettre de prédire les mouvements dentaires individuels puis de les mettre en séquence. L’orthodontiste crée une maquette virtuelle de l’occlusion définitive ainsi que la séquence et le trajet des mouvements dentaires. Les séquences de modèles ou de gouttières d’alignement peuvent être fabriquées avec une imprimante 3D relativement peu coûteuse dans un laboratoire dentaire ou au cabinet de l’orthodontiste. Des solutions similaires appliquées aux appareils fixes ont été développées par SureSmile (OraMetrix; Richardson, ÉtatsUnis) et Insignia (Ormco, Orange County, États-Unis) pour fabriquer des arcs ou des brackets orthodontiques sur mesure. La possibilité de déterminer la séquence précise des mouvements des dents garantit leur parfait alignement.

Des guides chirurgicaux pour l’obturation des canaux pulpaires ont été produits par impression 3D d’après les empreintes numériques CBCT. Pour diminuer le risque de perforation grâce à la réalisation d’un trajet correct du canal et d’un accès approprié pour les instruments, les guides ont été imprimés et utilisés pour diriger les fraises dans des espaces canalaires inaccessibles.70 L’impression 3D a aussi été utilisée pour imprimer la réplique d’une dent qui devait être auto-transplantée afin de préparer le site implantaire et réduire les lésions du desmodonte dues aux cycles répétés d’insertion et de retrait au cours de l’ajustement.

4.2 Modèles éducatifs en dentisterie

Au cours de leurs études, les étudiants en chirurgie dentaire devaient auparavant utiliser des dents extraites, des cadavres humains, des blocs en résine ou des répliques dentaires commerciales pour simuler les cas de traitement.72, 73 Dans les cliniques, des reproductions de dents imprimées ont été utilisées pour préparer le traitement de cas complexes afin de déterminer les conditions optimales de l’accès, de l’instrumentation et de l’obturation.74 Aujourd’hui, les objets imprimés en 3D représentent un outil pédagogique permettant aux étudiants d’améliorer leur compréhension de la complexité des différentes structures orales, de simuler les fonctions et de s’exercer à pratiquer les meilleurs traitements. Des modèles imprimés en 3D sont reproduits et utilisés pour les évaluer les aptitudes des étudiants selon des normes ainsi que les progrès de chacun d’eux.

Dans le cadre de la pratique dentaire, les modèles imprimés en 3D pourraient améliorer la communication entre le praticien et le patient. Une meilleure compréhension du traitement proposé favorise l’adhésion, le respect et la confiance réciproques.75

Dans la recherche, une méthode de culture de germe organique tridimensionnelle qui avait mené à l’obtention d’une dent structurellement correcte 76, 77 a été remplacée par une réplique de dent produite par bio-ingénierie et imprimée en 3D dans des essais in vitro et in vivo visant à accroître la compréhension de la morphogenèse dentaire78 ainsi que le processus de régénération.78, 79

4,3 L’impression 3D pour la reconstruction des tissus oraux

Le desmodonte (ligament alvéolo-dentaire) est la structure de tissu conjonctif fibreux qui ancre l’os alvéolaire au cément de la dent.80 Sa résistance aux forces de compression autorise une certaine mobilité des dents lors de la mastication et de l’élocution. Au cours du processus inflammatoire initial et de la cicatrisation parodontale subséquente, l’apport de sang par le plexus vasculaire du desmodonte et l’innervation jouent un rôle prépondérant.79, 81 En conséquence, la perte du desmodonte perturbe non seulement le mouvement physiologique de la dent, mais aussi le mécanisme de défense contre l’infection.82 Les cellules desmodontales présentent des propriétés comparables à celles des cellules souches mésenchymateuses et sont considérées comme une source indispensable à la reconstruction des tissus parodontaux.83, 84 Il y a plus de vingt ans, la régénération du parodonte était accomplie avec des cellules desmodontales obtenues par une technologie de « culture de cellules en monocouche » et prélèvement sans traitement enzymatique.85 Les études précliniques et cliniques ont démontré une régénération du parodonte après l’introduction de fibres desmodontales, avec présence d’un cément nouvellement formé dans les défauts des tissus parodontaux.86–91 L’inconvénient majeur de la technique reposant sur la culture de cellules en monocouche était la précarité de la stabilité biomécanique et la difficulté de la technique chirurgicale. Les propriétés biomécaniques des monocouches cellulaires ont été améliorées par la superposition de plusieurs couches, leur soutien par des hydrogels, et l’ajout de composants de matrice extracellulaire sur la surface thermosensible.90, 92 Le développement de la fabrication additive a permis l’impression en 3D d’un échafaudage constitué de polycaprolactone (PCL) revêtue de phosphate de calcium (CaP), qui a été combiné avec des couches contenant différents types cellulaires d’origine humaine, et a mené à la formation d’une attache parodontale substantielle.93 Une autre approche a consisté à transférer des monocouches de matrice desmodontale décellularisée sur des membranes de PCL produites par électro-filage à l’état fondu. La matrice extracellulaire demeurée intacte et les facteurs de croissance présents ont favorisé un repeuplement par des cellules allogéniques.94 Une étude menée récemment a démontré la formation d’une structure comparable au tissu parodontal autour d’un implant en titane. Les monocouches de cellules desmodontales ont été cultivées sur une surface en titane mordancée à l’acide, sablée, et revêtue avec du phosphate de calcium pour reproduire l’environnement d’une dent naturelle.95

L’impression 3D pourrait s’avérer particulièrement utile pour répondre au besoin de l’organisation hiérarchique complexe du parodonte, composé de la gencive, du desmodonte, du cément et de l’os alvéolaire. Le parodonte est un tissu très organisé qui soutient les dents et joue un rôle important dans la transmission des forces mécaniques.80, 96 La reconstruction du tissu parodontal nécessite un contrôle spatiotemporel coordonné du processus de cicatrisation par le biais du maintien du volume, de la stabilisation des lésions et de la recellularisation sélective.97 L’approche faisant appel à des constructions de biomatériaux multiphasiques pourrait rétablir l’intégrité structurale des tissus de soutien dentaires détruits à la suite d’un traumatisme, d’une infection chronique ou d’une résection chirurgicale. Des études successives ont tenté de développer des échafaudages en composites hybrides polymériques biomimétiques imprimés en 3D pour reproduire le complexe desmodonte-os-dentine.98–100 Les études reposaient sur un modèle structural différentiel de l’os alvéolaire et du desmodonte imprimé en 3D, avec l’utilisation de PCL comme os et d’acide polyglycolique (PGA) comme desmodonte, des cellules humaines génétiquement modifiées et une lame de dentine de dent humaine.98 Les tissus nouvellement formés étaient constitués de fibres parallèles et obliques qui croissaient dans les constructions de PCL/PGA et formaient un tissu comparable au cément, au ligament et aux structures osseuses. Dans l’étude suivante, le PCL a été combiné à des cellules humaines pour produire le desmodonte et les structures osseuses, et le tout a été évalué in situ dans un modèle lésionnel de mandibule murine.99 Le motif orthogonal de microcanaux de la partie desmodontale a mené à la formation de ligaments d’ancrage orientés reliant le cément et l’os alvéolaire.99, 100 L’architecture des fibres desmodontales « guidées » a permis de maîtriser l’infiltration du tissu et de parvenir à une organisation optimale des deux interfaces du desmodonte. La connaissance acquise a ensuite été appliquée au traitement d’un cas de reconstruction parodontale par « flux de travail numérique ».101 À la suite de la CBCT de la zone lésée, un fichier au format STL a été créé et utilisé pour modéliser le défaut osseux avec les canaux desmodontaux guidés. La PCL a été combinée avec de l’hydroxyapatite et imprimée en 3D. La construction a en outre été submergée dans un milieu contenant le facteur de croissance dérivé de plaquettes BB (PDGFBB). Le site traité est resté intact pendant une année, après quoi, la construction a présenté des problèmes et a été éliminée. Une recherche plus approfondie sur l’amélioration des « piliers » guidés du desmodonte a identifié des motifs hiérarchiques à moyenne et micro-échelle permettant l’alignement des cellules pour former plus précisément le desmodonte.102 Une approche adoptée par un autre groupe a consisté à utiliser un échafaudage triphasique de PCL/ hydroxyapatite imprimé en 3D, représentant le cément, le desmodonte et l’os alvéolaire, chacune des phases étant chargée avec les trois types cellulaires correspondants et supplémentée ponctuellement par des facteurs de croissance.103 L’implantation in vivo a produit des fibres de collagène alignées, comparables au desmodonte, qui s’inséraient dans les tissus osseux, cémentaires et dentinaires. Cette méthode fait figure de stratégie de régénération de tissus parodontaux multiphasiques par l’apport spatiotemporel de divers types de cellules et de protéines de signalisation. Dans l’ensemble, ces études démontrent le potentiel de l’impression 3D pour produire des échafaudages parodontaux sur mesure aux fins de régénération d’interfaces multitissulaires requises pour les applications d’ingénierie orale, dentaire et même cranio-faciale.Biomatériaux utilisés pour l’impression 3D des tissus orauxs échafaudages produits à partir de biomatériaux offrent un support mécanique initial qui peut être peuplé par des cellules, capables d’adhésion et de différenciation pour favoriser la régénération tissulaire guidée (RTG). La majorité des matériaux de base qui entrent dans la fabrication additive, et sont utilisés à des fins dentaires et médicales, peuvent être regroupés dans des combinaisons de liants et de poudres, notamment des polymères (résines et thermoplastiques), des céramiques et des métaux.104 Les biomatériaux utilisés pour la fabrication de tissus peuvent être généralement répartis en composés inorganiques, principalement utilisés pour la régénération osseuse, et en composés organiques, principalement utilisés pour la régénération des tissus mous. Les biomatériaux inorganiques doivent posséder une stabilité mécanique, se résorber lentement, et ne pas induire une réaction inflammatoire.105 L’hydroxyapatite est stœchiométriquement similaire à la phase minérale de l’os naturel et garantit la biocompatibilité, avec une faible résistance mécanique et une longue durée de résorption. Le phosphate de calcium se lie chimiquement à l’os, est plus simple à fabriquer pour obtenir les formes souhaitées, et se résorbe plus rapidement que l’hydroxyapatite.106 Contrairement à l’hydroxyapatite et au phosphate de calcium, la production de bioverre permet l’obtention d’une composition extrêmement polyvalente permettant la maîtrise du taux de résorption, de la modulation de la migration cellulaire et de la revascularisation des tissus.107 Les biomatériaux organiques sont des polymères d’origine naturelle, tels que l’agarose, l’alginate, le collagène, la gélatine, le chitosan, la fibrine, ou d’origine synthétique, tels que l’acide polylactique (PLA), l’acide polyglycolique (PGA), l’acide polylactique-co-glycolique (PLGA), et la polycaprolactone (PCL).106

Les hydrogels utilisés pour la régénération des tissus mous peuvent être des polymères polymérisables, produisant des échafaudages mécaniquement solides lors de la solidification, ou des hydrogels mous injectables. Les deux types peuvent être combinés avec des cellules ; dans le premier cas, les cellules sont ensemencées après la polymérisation pour éviter des conditions difficiles d’impression/de solidification ; dans le second cas, les cellules sont incorporées dans l’encre biologique durant l’impression (bio-impression). Une membrane barrière hybride a été produite récemment par impression 3D aux fins de régénération tissulaire guidée en combinant de la gélatine (pour l’adhésion cellulaire), de l’élastine (pour la stabilité et l’élasticité membranaire à long terme) et de l’hyaluronate de sodium (pour la signalisation cellulaire). La membrane a ensuite été soumise à une réticulation par 1-éthyl-3- (3-diméthylaminopropyl)carbodiimide (EDC).108 La membrane présente une face pourvue de petits pores et une face pourvue de grands pores pour accueillir de part et d’autre les populations d’ostéoblastes, de fibroblastes et de kératinocytes. L’analyse in vitro a démontré une biocompatibilité, une résistance mécanique, des taux de dégradation ainsi qu’un module d’élasticité offrant une facilité de manipulation chirurgicale. Les hydrogels sont capables d’absorber et de conserver de grandes quantités d’eau. Ils peuvent être classés en hydrogels d’origine naturelle, tels que l’agarose, l’alginate, la fibrine, le collagène de type I, le chitosan, la gélatine, l’acide hyaluronique, le Matrigel, et hydrogels d’origine synthétique tels que le poloxamère Pluronic-127, le polyéthylène glycol (PEG) ou diverses formulations de gélatine (GelMA), d’acide hyaluronique (HAMA), de fibroïne de soie (SilMA) et de pectine (PECMA) combinées avec du méthacrylate.1, 106, 109, 110 L’aptitude à la bioimpression des hydrogels est régie par leurs propriétés rhéologiques et la modalité cible de bio-impression, et trois techniques de bio-impression sont possibles : extrusion, gouttelettes d’encre biologique et laser (transfert des cellules ou photopolymérisation).110 Deux techniques d’impression, bioimpression par extrusion pour les hydrogels d’encapsulation de cellules et par électro-impression de matériau à l’état fondu pour fibres alignées à l’échelle sousmicrométrique, ont été réunies pour produire une construction mécaniquement stable avec des cellules viables.111 La gélification des encres biologiques peut être obtenue par réticulation physique (température, ions), chimique (glutaraldéhyde, génipine, photopolymérisation induite par rayonnement) ou enzymatique (thrombine). En raison de forte perméabilité des hydrogels à l’oxygène, aux nutriments et autres composés hydrosolubles, ils sont considérés comme des matériaux d’intérêt pour la fabrication de constructions tissulaires. Un autre avantage notable de l’impression 3D avec les hydrogels est la facilité d’y intégrer des agents bioactifs.112 La présence de ces molécules de signalisation peut fournir les instructions nécessaires aux cellules présentes dans le tissu hôte ou aux cellules apportées de l’extérieur pour faciliter la régénération tissulaire. Les encres biologiques ont également été produites à partir de composants de matrices décellularisées, de cellulose ou de soie.31 Les encres biologiques dérivées des matrices extracellulaires décellularisées offrent des avantages majeurs : elles contiennent tous les composants tissulaires préservés dans les bonnes proportions, et tous les facteurs de signalisation spécifiques des tissus, ce qui procure donc un environnement optimal pour les instructions concernant la migration des cellules, leur prolifération et leur différenciation.113 Ces encres biologiques ont été bio-imprimées très efficacement dans en tissu hépatique, cardiaque, cutané, cartilagineux et musculo-squelettique de porc, et en tissu adipeux humain.114, 115

  1. Régénération des tissus mous oraux : traitements actuels et limitations

Les tissus mous oraux jouent un rôle important dans la structure et la fonction de la cavité orale. La muqueuse buccale tapisse l’intérieur de la cavité orale et comprend : (1) la muqueuse masticatoire (gencive et tapisse le palais dur), (2) la muqueuse spécialisée (tapisse la langue), et (3) la muqueuse bordante.80 La gencive fait partie de la muqueuse masticatoire, et tapisse l’os alvéolaire et les dents environnantes. Sur le plan de sa structure, elle est constituée de l’épithélium buccal et du tissu conjonctif sous-jacent, la lamina propria. La muqueuse alvéolaire non attachée est composée d’un mince épithélium pavimenteux stratifié, non kératinisé et des fibres de collagène peu nombreuses. Par contre, la muqueuse attachée contient un épithélium pavimenteux épais, kératinisé, et des fibres de collagène denses et bien organisées. Le palais dur et la gencive attachée représentent le type kératinisé de muqueuse attachée. Celle-ci est indispensable pour le maintien des dents, du desmodonte et des implants dentaires. Elle forme une barrière protectrice contre les agents extérieurs nocifs tels que les pathogènes, les produits chimiques, et contre l’abrasion permanente.116 Une quantité insuffisante de muqueuse buccale due à une récession gingivale, des infections, un traumatisme et des tumeurs nécessite une reconstruction. Une augmentation des tissus mous est souvent pratiquée pour compenser la réduction ou la perte tissulaire chez les patients édentés, pour recouvrir une racine exposée ou un implant, pour augmenter l’épaisseur du tissu mou muqueux vestibulaire ou la hauteur du tissu mou au niveau de l’émergence de la surface coronaire.117, 118 Le traitement choisi doit tenir compte de la fonction masticatoire, l’élocution et l’esthétique. L’emplacement et le besoin dictent les diverses techniques utilisées, qui reposent le plus souvent sur les greffes de tissus autologues. Pour l’augmentation du volume des tissus mous, une greffe de tissu conjonctif sous-épithéliale produit un meilleur résultat clinique qu’une greffe de gencive libre, et elle est pratiquée au niveau des sites implantaires ou chez des patients partiellement édentés.117, 119 Cependant le recours à une greffe de tissu autologue présente plusieurs désavantages et limitations : la hauteur, la longueur et l’épaisseur du palais dépendent de la position anatomique et varient entre les patients ; la technique de prélèvement est un acte chirurgical difficile, seule une quantité limitée de tissu peut être obtenue par intervention, et les patients souffrent longtemps de douleurs et d’insensibilité après l’intervention.120–124 Pour diminuer la morbidité causée par le prélèvement du greffon, on a tenté de trouver des substituts de tissu mou.125, 126 Les critères qui entrent en jeu dans une greffe allogénique idéale visant à une augmentation des tissus mous sont notamment la biocompatibilité, le volume et la stabilité mécanique, la biodégradabilité et l’intégration du tissu concomitantes, la facilité de manipulation, et le coût qui doit être bas sans risque pour l’efficacité.126 Les allogreffes cutanées lyophilisées ont été parmi les premiers produits introduits en chirurgie muco-gingivale. Elles ont d’abord été utilisées pour remplacer les greffes de gencive libre combinées avec un lambeau positionné apicalement en vue d’augmenter les tissus kératinisés.127 À la fin des années 1980, des substituts dermiques allogènes développés à l’origine pour recouvrir des brûlures de pleine épaisseur (troisième degré), tels que la greffe de matrice dermique acellulaire, Alloderm (Life Cell Corporation, The Woodlands, États-Unis),128 ont été proposés pour augmenter les tissus kératinisés, recouvrir les racines exposées, approfondir le vestibule, et augmenter les défauts alvéolaires localisés.129–132 Malheureusement, les résultats étaient associés à une prise en charge clinique difficile et des taux élevés de rétraction des zones greffées. De plus, les analyses histologiques montraient une différence significative par rapport aux tissus naturels.133 Pour diminuer la rétraction cicatricielle et améliorer le processus de cicatrisation, une nouvelle matrice de collagène, Geistlich Mucograft (Geistlich Pharma, Wolhusen, Suisse), a été conçue et évaluée pour remplacer le tissu autologue, augmenter la largeur du tissu kératinisé et recouvrir les récessions gingivales.134–138 Les données cliniques ont montré une forte amélioration de la largeur du tissu kératinisé, avec des résultats similaires à ceux obtenus par une greffe de gencive libre.139–142 Un autre type de matrice, Mucoderm (une matrice acellulaire dérivée du derme de porc, produite par Botiss Dental, Berlin, Allemagne), a été utilisé pour le traitement de défauts de déhiscence buccale, la préservation de la crête, le recouvrement radiculaire et l’augmentation de la dimension verticale.143 Enfin, une matrice tridimensionnelle très poreuse et cependant stable en volume, composée de fibres de collagène légèrement reconstituées et faiblement réticulées (Geistlich Fibro-Gide, Geistlich Pharma AG, Wolhusen, Suisse), a été proposée et a démontré une augmentation du volume de tissu mou similaire à celle d’une greffe de tissu conjonctif sous-épithéliale.144–146 Ces échafaudages biologiques prometteurs réduisent la morbidité, la durée du traitement chirurgical ainsi que les coûts. Toutefois, ils doivent être adaptés à chaque défaut, ne reproduisent pas l’architecture interne d’un site oral particulier, et leur mise en œuvre demeure complexe sur le plan chirurgical.

  1. Fibrine riche en plaquettes (PRF) pour la régénération des tissus mous oraux

Les premières phases du processus de cicatrisation, y compris des tissus mous oraux, sont l’hémostase et la formation du tissu de granulation, toutes deux orchestrées par les molécules de signalisation libérées par divers types de cellules. Pour accélérer le processus de cicatrisation au niveau d’un site chirurgical, on a développé les concentrés riches en plaquettes obtenus à partir de sang total et des facteurs de croissance autologues.147, 148 Le premier concentré de plasma riche en plaquettes (PRP) a été obtenu par une méthode de centrifugation permettant de séparer les plaquettes des globules rouges.147, 149 Cette préparation exigeait l’utilisation d’un anticoagulant et de thrombine pour induire la coagulation. L’autre type de concentré, la fibrine riche en plaquettes (PRF), a été obtenu sans anticoagulants, la coagulation se déroulant progressivement et naturellement.150 Alors qu’une coagulation rapide (PRP) produit une brève libération de facteurs de croissance et une formation dense de fibres, une coagulation lente (PRF) entraîne la libération prolongée de facteurs de croissance à partir d’une matrice riche en fibres plus compacte.151, 152 Les deux préparations, PRP et PRF, obtenues à partir de sang ont été largement étudiées pour une multitude d’affections cliniques.153 Au fil des ans, le concentré de PRF a gagné de l’importance, car sa préparation prend moins de temps, il ne nécessite pas d’anticoagulant ou de thrombine, et il favorise la néovascularisation grâce à la préservation de la matrice en fibrine. Diverses améliorations ont été apportées à la préparation initiale de PRF afin d’augmentation la longévité des cellules et de la matrice. La vitesse de centrifugation a été diminuée, ce qui a accru le nombre de plaquettes et de leucocytes, et une distribution mieux équilibrée des cellules au sein de la matrice.154 Une diminution supplémentaire de la durée de centrifugation a encore amélioré la survie des cellules et la libération des facteurs de croissance.155 Ce modèle de centrifugation à basse vitesse a également été appliqué au PRF liquide injectable avec des résultats comparables : enrichissement sélectif en plaquettes, facteurs de croissance et leucocytes.156, 157 En ce qui concerne l’augmentation des tissus mous en dentisterie, le concentré de PRF a surtout été utilisé pour le traitement des alvéoles d’extraction, des récessions gingivales et de la fermeture des lésions palatines.158 Bien que des effets bénéfiques aient été observés, il est difficile de tirer des conclusions en raison du manque de contrôles appropriés dans les modèles d’étude. Une publication récente a évalué les études ayant utilisé le concentré de PRF pour différentes interventions dentaires, notamment traitement endodontique, traitement implantaire, élévation du plancher sinusien, conservation de l’alvéole, régénération osseuse, traitement orthodontique et traitement parodontal.159 En parodontologie, le concentré de PRF a souvent été combiné avec des biomatériaux et a produit des résultats avantageux. Les auteurs supposent que le concentré de PRF a facilité l’incorporation des cellules dans la matrice acellulaire, et amélioré l’adhésion, la communication entre cellules et l’intégration du tissu. Un rôle similaire du concentré PRF peut être envisagé avec les échafaudages acellulaires sur mesure, imprimés en 3D. Cependant, la principale limitation demeure le manque de protocole normalisé des préparations PRF parmi les cliniciens.

  1. Surveillance de l’augmentation des tissus mous

L’évaluation précise et normalisée des critères d’augmentation des tissus mous et des résultats subséquents des différents traitements requiert avant tout la mesure de la surface et de l’épaisseur, c.-à-d. du volume des tissus mous. Une publication récente a porté sur les développements des techniques 2D/3D et en a décrit les avantages et les inconvénients.160 Les techniques 2D traditionnelles de mesure des tissus mous font appel à une sonde parodontale, à la photographie orale et aux dispositifs ultrasoniques. Les principaux avantages de ces trois outils sont leur nature relativement peu invasive et leur précision (0,1– 0,5 mm). Leur limitation notable est le besoin d’une connexion à un logiciel de conception 3D pour acquérir les données des zones lésées en trois dimensions. Les techniques 3D comprennent la CBCT, la méthode du moiré optique et les dispositifs CAD/CAM laser. La CBCT est limitée en raison des mesures linéaires, de l’effet de diffusion, du peu de précision et de l’exposition aux rayonnements, mais elle est indolore. La méthode du moiré est chronophage, requiert des moulages associés au risque de déplacement et de modification dimensionnelle durant l’empreinte, mais offre plus de précision par rapport à la CBCT. Les lasers se sont révélés les plus précis et permettent de choisir entre le scannage d’un modèle et la prise directe d’une empreinte numérique intra orale. Des procédés de numérisation optique et d’évaluation ont été proposés pour mesurer et quantifier longitudinalement la perte ou le gain volumétrique des tissus mous.161, 162 En conséquence, le « flux de travail numérique » peut également être utilisé pour l’estimation initiale (diagnostic), la planification virtuelle et l’évaluation de l’efficacité des options de traitement et des futures impressions 3D de tissus mous, requises pour l’augmentation gingivale des tissus mous.

  1. Ingénierie tissulaire pour la régénération des tissus mous oraux

Les approches d’ingénierie tissulaire ont déjà été développées dans le but de créer des cultures organotypiques 3D ressemblant à la gencive naturelle à des fins cliniques et de recherche. La composition idéale d’un tissu de pleine épaisseur conçu pour la gencive doit être la suivante : (1) un tissu conjonctif de soutien, c.-à-d., la lamina propria contenant des fibroblastes au sein d’une matrice extracellulaire vascularisée ; (2) une membrane basale continue qui sépare la lamina propria de l’épithélium, et (3) un épithélium pavimenteux stratifié contenant une forte densité de kératinocytes qui se différencient lorsqu’ils migrent vers la surface. Initialement, les kératinocytes ont été cultivés sous forme de monocouches cellulaires sur une couche nourricière,163 produisant un tissu fragile, susceptible de se rétracter et difficile à manipuler. Par la suite, l’utilisation de fibroblastes et de collagène a fourni le support d’un substitut de lamina propria et a permis la fabrication du premier analogue de gencive testé en pratique clinique.164 Les échafaudages qui ont été développés et utilisés en ingénierie tissulaire au cours des dernières décennies pour les besoins de tissu gingival peuvent être classés en plusieurs groupes : (1) origine naturelle (derme acellulaire humain), (2) à base de collagène, (3) à base de fibrine, (4) à base de gélatine, (5) origine synthétique (polycaprolactone) ou hybride.165 Dans les applications cliniques, des cellules isolées de biopsies autologues constituaient la principale source cellulaire, contrairement aux études in vitro pour lesquelles les lignées cellulaires immortalisées étaient souvent préférées pour des raisons de disponibilité, de reproductibilité et de normalisation. Toutefois, des lignées de cellules cancéreuses présentent régulièrement une altération des réponses physiologiques. Les kératinocytes et les fibroblastes ont donc été immortalisés « physiologiquement » par l’expression de la transcriptase inverse de la télomérase.166 Ces cellules ont permis la formation d’un substitut gingival de pleine épaisseur qui reproduisait fidèlement l’architecture du tissu gingival natif.167 Ces modèles organotypiques sont des outils précieux pour étudier la biologie de la muqueuse buccale et pourraient également remplacer les études sur l’animal dans le ciblage de médicaments, la mise au point de vaccins et les tests sur de nouveaux traitements. Dans les laboratoires, ils sont utilisés pour comprendre le rôle physiologique des propriétés de barrière de la muqueuse buccale humaine ainsi que diverses pathologies, notamment le cancer buccal, les infections bactériennes et fongiques. De plus, les modèles de muqueuse buccale sont utilisés pour analyser la cytotoxicité et la biocompatibilité des produits de santé bucco-dentaire.168 Dans les cliniques, le tissu gingival issu de l’ingénierie tissulaire a été utilisé pour augmenter les tissus kératinisés entourant les dents169 et récemment, il a été appliqué à plus grande échelle sur des lésions étendues (supérieures à 15 cm2 ) des tissus mous.170 Des greffes gingivales cultivées sur un échafaudage de collagène biodégradable ont également été utilisées en chirurgie plastique parodontale pour traiter des patients présentant un volume insuffisant de gencive attachée.171, 172 Plusieurs entreprises se sont lancées dans le développement de modèles de tissu gingival. SkinEthic Laboratoires (Nice, France) propose un modèle épithélial gingival reposant sur des kératinocytes gingivaux normaux obtenus par culture cellulaire à l’interface air/liquide. Il est possible d’utiliser cet épithélium pavimenteux stratifié kératinisé comme outil de criblage dans les tests de corrosion, d’irritation, de perméabilité et de métabolisation de nouveaux composés ainsi que pour analyser les effets de formulations d’anti-inflammatoires ou d’antibiotiques.173 MatTek Corporation a développé EpiOral, un modèle d’épithélium stratifié non kératinisé oral (vestibulaire) d’origine humaine, et EpiGingival, un modèle d’épithélium stratifié kératinisé gingival pour le criblage de nouveaux produits de soins bucco-dentaires ainsi que pour l’étude de l’immunité innée, l’administration de médicaments et les pathologies de la muqueuse buccale.

  1. L’avenir : l’impression 3D pour la régénération des tissus mous oraux

Fig. 2 : « Flux de travail numérique » pour l’augmentation des tissus mous. Le défaut du tissu mou est scanné (en bouche ou sur le modèle obtenu d’après une empreinte) ; la greffe idéale est conçue et convertie en fichier STL. Après l’impression 3D de la greffe adaptée au défaut en vue de l’augmentation optimale du volume, cette greffe est posée chirurgicalement sur le défaut puis suturée.

L’impression 3D pourrait s’avérer une solution idéale pour produire des échafaudages destinés à augmenter les tissus mous en prenant compte de la variabilité existant dans la morphologie des tissus mous, l’architecture interne, l’épaisseur, le volume, les propriétés mécaniques, et la fonction liée à la position dans la cavité orale. Qui plus est, l’impression 3D pourrait permettre l’application du « flux de travail numérique » et mener à la production de greffes parfaitement adaptées aux patients. Plusieurs décisions seraient nécessaires pour parvenir à mettre en place la solution d’impression 3D de la muqueuse buccale 6 : l’acquisition de l’imagerie la mieux adaptée, le choix du biomatériau le mieux adapté à la gencive sur le plan des propriétés chimiques, biologiques et mécaniques, l’inclusion ou non de cellules (et la source), et enfin le choix de la technique d’impression. L’imagerie numérique du tissu osseux, du tissu mou et des vaisseaux sanguins au cours de la phase de planification préopératoire virtuelle de la reconstruction faciale a été réalisée au moyen d’un système haptique.67 La prise d’empreintes numériques intraorales permet de déterminer le degré et l’anatomie du défaut tissulaire, ainsi que le réseau vasculaire. Les caractéristiques souhaitées des biomatériaux imprimables en 3D sont notamment la biocompatibilité, le degré élevé de porosité nécessaire au peuplement par les cellules, la croissance du tissu et la formation des vaisseaux, la biodégradabilité selon la vitesse de dépôt de la nouvelle matrice (génération de tissu), et la stabilité mécanique. Les caractéristiques appropriées de la macro-architecture doivent assurer la néovascularisation au moment voulu, comme il a été récemment démontré dans la régénération de la pulpe dentaire.174 Un biomatériau intelligent contenant toutes les instructions de signalisation pourrait contourner le besoin de facteurs de croissance ou de cellules. Toutefois, dans certains cas pathologiques tels que l’inflammation, l’infection ou la nécrose, on pourrait envisager d’incorporer certains médicaments anti-inflammatoires et immunomodulateurs, ou antibiotiques qui seraient libérés au bon moment et à la concentration requise. L’inclusion de produits approuvés, tels que les concentrés autologues préparés à partir de sang total (concentrés de PRF ou de PRP), pourrait favoriser le processus de cicatrisation par le biais de la libération de facteurs de croissance naturels. Du point de vue du chirurgien-dentiste, le « flux de travail numérique » devrait faciliter la planification et la réalisation de l’intervention, avec au final, une greffe de tissu mou aisée à manipuler et à suturer, ainsi que des résultats satisfaisants sur le plan fonctionnel et esthétique. La figure 2 qui suit est une représentation schématique de ce que pourrait être le futur « flux de travail numérique ».

En résumé, l’impression 3D est une technologie de fabrication polyvalente qui offre de vastes possibilités, des procédés de fabrication précis et un choix abondant de biomatériaux pour produire un objet parfaitement adapté au patient et économique. Cette approche interdisciplinaire vise à l’intégration de technologies issues de l’ingénierie, de l’imagerie numérique, de la science des matériaux, de la biologie, de la chimie et de la médecine. L’utilisation de la technologie d’impression 3D est déjà largement répandue dans de nombreuses applications biomédicales pour fabriquer des tissus, des organes et des dispositifs médicaux, ainsi que pour fournir des aides de planification chirurgicale et des modèles éducatifs. La progression et l’adaptation continues des capacités des imprimantes 3D, associées aux faibles coûts, à la vitesse accrue et à l’utilisation d’une gamme plus vaste de matériaux imprimables, vont projeter cette technologie à l’avant-plan des applications biomédicales. De nouveaux défis, besoins et accomplissements peuvent être prévus dans le domaine de la bioimpression puisque de plus en plus de chercheurs évoluant dans des domaines différents et confrontés à des questions différentes utilisent les imprimantes 3D. Dans le domaine dentaire, en particulier de la régénération des tissus mous, l’application du « flux de travail numérique » pour obtenir une greffe parfaitement adaptée au patient en fonction de la lésion, dont la précision de l’architecture interne et de la forme externe permet de maximiser la ressemblance avec le tissu, conduira à un rétablissement fonctionnel et esthétiquement des tissus.

Contributions des auteurs : D.N. conceptualisation, rédaction et révision ; LS. conceptualisation et examen critique ; D.N., B.M.S., Y.S. et N.S. examen critique et préparation du manuscrit. Tous les auteurs ont lu et accepté la version publiée du manuscrit.

Financement : Ce travail n’a fait l’objet d’aucun financement extérieur.

Remerciements : Les auteurs tiennent à remercier Hyeonjong Lee, département de dentisterie prothétique, faculté de médecine dentaire, université nationale de Pusan, pour sa contribution à produire et imprimer la greffe de tissu mou représentée dans la figure

Conflit d’intérêts : Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêts. Birgit Schäfer est une employée de Geistlich Pharma AG. © 2020 Les auteurs. Titulaire de licence MDPI, Bâle, Suisse.

Cet article en libre accès est mis à disposition selon les termes et conditions de la licence Creative Commons Attribution (CCBY) (http://creativecommons.org/licenses/ by/4.0/). Reçu : 11 juin 2020 ; Accepté : 10 juillet 2020 ; Publié : 15 juillet 2020

Auteurs : Dobrila Nesic,1 Birgit M. Schaefer,2 Yue Sun,1 Nikola Saulacic3 et Irena Sailer,1 Suisse

Mots clés:
To post a reply please login or register
advertisement
advertisement