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Le sommeil et la bouche ?

Morphée qui endort un humain (Morphée procure le rêve aux hommes © Tom Nanson).

mer. 21 février 2024

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Ah dormir, se laisser aller, tomber dans les bras de Morphée… quel bonheur, quel bien être ! Ce moment privilégié, le sommeil, est indispensable à la vie. Morphée, le dieu des songes, fils de Nys, la déesse de la nuit et d’Hypnos, dieu du sommeil, a la particularité, dans la mythologie grecque, d’aider les humains à s’endormir. Pour cela il se promène autour de nous en prenant l’aspect d’une personne aimée, alors on est apaisé et on peut se laisser aller totalement au sommeil.

Et effectivement ce « laisser aller » fait partie des trois conditions nécessaires et suffisantes pour pouvoir s’endormir tranquillement.

L’explication est très simple :

Nous avons toutes et tous dans notre cerveau une zone dans la partie haute du tronc cérébral, qui contient les centres de l’éveil. L’activation de ces centres permet donc d’être en état d’éveil, de travailler, de marcher, etc. (Fig. 2).

Et puis nous avons une zone dans l’hypothalamus antérieur qui est chargée de produire le sommeil lent, c’est le VLPO, noyau ventrolatéral préoptique. Entre les deux, il y a un système de fonctionnement identique à un interrupteur. Voilà on est dans une position ou l’autre, en éveil ou en sommeil, mais pas les deux en même temps. Et donc très logiquement, pour que cet « interrupteur » passe en position sommeil, il faut impérativement que les centres de l’éveil se mettent au repos. C’est ce qui se passe normalement le soir lorsque nous n’avons plus de stimulations sensorielles (moins de bruit, moins d’activité, etc.).

Alors le VLPO peut se mettre en marche et on plonge dans cet état de sommeil bienfaisant et réparateur (Fig. 3).

Et c’est cette condition de « laisser aller » de « déconnection », essentielle à l’endormissement, qui fait défaut souvent chez les patients qui souffrent d’insomnie chronique !

Cette maladie est très fréquente, on estime que 15 à 20 % de la population en souffre ! Et malheureusement, il n’y a aucun médicament qui peut traiter, et encore moins guérir, cette maladie.

Le meilleur traitement actuellement s’appelle la thérapie comportementale et cognitive (TCC). C’est une « rééducation » du sommeil qui est fondée sur la physiologie du sommeil. Elle est très facile à mettre en œuvre et ne présente pas d’effet secondaire.

La deuxième condition pour s’endormir est… d’avoir envie de dormir ! C’est ce qu’on appelle l’homéostasie, appelée aussi « pression de sommeil ». Le principe est tellement simple : plus longtemps on est réveillé, plus on va avoir envie de dormir ! Et cette envie de dormir se caractérise par la somnolence.

C’est très « mécanique » comme fonctionnement et fort logiquement, c’est donc le soir, en fin de journée que nous aurons la plus forte pression de sommeil, le plus envie de dormir. C’est pour cela aussi que lorsqu’on fait une sieste longue dans l’après-midi, on a moins envie de dormir le soir à l’heure habituelle. On se sert beaucoup de ce système en TCC, c’est vraiment très puissant.

Et enfin, la troisième condition est d’avoir de l’obscurité. Il ne faut pas oublier que nous sommes des « animaux diurnes », donc programmés pour être éveillés en journée et endormis la nuit.

Physiologiquement, lorsque l’obscurité arrive, un signal noradrénergique transite par les voies optiques et donne un signal à notre horloge biologique qui va alors faire sécréter la mélatonine.

Cette neurohormone est un « synchroniseur » qui va favoriser l’endormissement. Elle a aussi d’autres actions de synchronisation dans l’organisme.

Et c’est donc pour cette raison que l’on conseille très vivement de ne pas utiliser d’écrans près des yeux (téléphone, tablette, ordinateur) dans la nuit ! et aussi 1h30 avant l’heure prévue du coucher (Fig. 4).

Dans ce cas on peut se réveiller le matin en pleine forme. En tout cas, on doit être régulièrement moins fatigué le matin au réveil que le soir quand on s’est couché !

C’est fondamental !

Si ce n’est pas le cas, alors il y a une pathologie dans le sommeil qu’il faudra rechercher.

Quand la nuit est bonne, nous faisons quatre à six cycles de sommeil de 1h30 à 2h00 chacun environ. Ce sont les premières heures de sommeil qui sont les plus récupératrices car c’est le moment pendant lequel on a le plus de sommeil lent profond (le sommeil paradoxal arrive plutôt en fin de nuit ; Fig. 5).

On peut avoir des éveils normaux dans la nuit, si on se rendort rapidement ce n’est pas grave. Le bébé aussi se réveille régulièrement dans la nuit, c’est normal. Il ne faut pas systématiquement se lever sinon une habitude s’installe, et ensuite, c’est « un peu galère » pour les parents qui finissent épuisés !

Si on se réveille le matin régulièrement plus fatigué que la veille, voire épuisé et que l’on présente des moments de somnolence diurne excessive, alors on va rechercher une pathologie du sommeil.

Dans l’ordre de fréquence, c’est la dette chronique de sommeil qui est prépondérante ! on estime que 30 % de la population active est en manque de sommeil chronique. C’est donc la première cause de somnolence en journée.

Puis les syndromes anxio dépressifs, même légers à modérés, donnent asthénie et somnolence diurne excessive.

Les problèmes d’insomnie chronique donnent très souvent une asthénie conséquente et pas vraiment de somnolence. Mais, quand même, dans certains cas d’insomnies sévères on peut voir apparaître de la somnolence.

Et puis il y a tous les troubles respiratoires nocturnes. Les syndromes d’apnées du sommeil sont estimés à 8 % de la population adulte et aussi de 2 à 5 % chez les enfants !

C’est une pathologie que tous les dentistes et orthodontistes peuvent suspecter et même prendre en charge. Chez les adultes, le tableau est souvent typique ; ronflement, apnées entendues, surpoids, asthénie matinale, et somnolence diurne excessive. Bruxisme, gingivite et parodontopathie et pertes dentaires sont aussi des signes évocateurs importants.

Alors on déclenche un enregistrement du sommeil en polygraphie ou polysomnographie (Fig. 6) chez un confrère qui connaît ces pathologies et qui sait lire les enregistrements. Le diagnostic de syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) léger, modéré ou sévère est alors fait. Le diagnostic repose sur les résultats de l’enregistrement et de la clinique du patient.

Quand le diagnostic est fait alors on met en place le traitement. Aujourd’hui le traitement le plus rapide et le plus efficace est la pression positive continue (PPC) (Fig. 7).

Le mécanisme est simple, une petite machine envoie de l’air en permanence dans les voies respiratoires du patient, on a un effet d’attelle pneumatique et donc disparition des apnées et du ronflement.

On traite parfaitement le patient mais on ne le guérit pas. Il existe aussi les orthèses d’avancée mandibulaire qui sont d’une utilité incontestable. C’est un peu plus long à mettre en place et un peu moins efficace que la PPC. On les réserve plutôt aux SAOS modérés.

Evidemment il ne faut pas oublier la prise en charge diététique. Dans certains cas on peut avoir recours à la chirurgie bimaxillaire. La perte de poids conséquente et la chirurgie bimaxilaire sont les seules techniques curatives. Donc le plus souvent chez les adultes, le traitement reste palliatif.

D’où l’immense intérêt de dépister les enfants qui présentent des troubles respiratoires nocturnes car la situation est complètement différente. En effet chez les enfants il y a un potentiel de guérison grâce à leur croissance notamment maxillo faciale ! Et le dépistage précoce est tellement simple : c’est un enfant qui présente une respiration buccale, il est cerné, le visage ovoïde (faciès adénoïdien ; Fig. 8).

Quand cet enfant rentre dans le cabinet on le remarque forcément et on va juste poser quelques questions complémentaires :

– Est ce qu’il ronfle ?

– Est-il « hyperactif » en journée ?

(Symptôme fréquent jusqu’à l’âge de 6–7 ans).

– Est-il somnolent ? (Symptôme retrouvé plutôt après 7 ans).

– Y a-t-il des antécédents familiaux de SAOS ? (Tableau 1).

Il faudra impérativement l’orienter maintenant vers un confrère ORL et/ou somnologue, pour évaluer l’obstruction pharyngée due aux amygdales et poser éventuellement l’indication d’un enregistrement du sommeil. Par la suite bien sûr on discute de l’ablation des amygdales et des végétations.

Il est nécessaire aussi d’avoir l’avis d’un orthodontiste qui connaît cette pathologie, pour mettre en place un traitement adéquat quand il existe des anomalies squelettiques (disjonction maxillaire).

On aura aussi recours à la rééducation oromaxillo-faciale (ROMF), à la prise en charge diététique, voire à d’autres spécialistes, si on suspecte d’autres soucis (dys, TDAH, TSA, etc.), mais en général le somnologue gère tout cela.

Par la suite il faut surveiller cet enfant jusqu’à la fin de sa croissance. Et voilà ! Si ces quelques lignes vous permettent de dépister et prendre en charge quelques enfants alors on aura fait un « good job » !

 

« Le sommeil c’est ta crème de beauté, ton partenaire santé, ton élixir de jouvence et ton assurance vie » – Mathieu Vidard, animateur et producteur de radio

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