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Congrès ADF : Ergonomie de travail et prévention des troubles musculo-squelettiques

Positionnement du praticien de 12h30 à 10h00. Recommandations FDI. (Photo : Dr David Blanc)
Dr David Blanc

Dr David Blanc

lun. 15 novembre 2021

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Nous savons que la place de l’assistante dentaire est fondamentale dans notre pratique quotidienne, pour des raisons de gestion de tâches chronophages pour le praticien, mais aussi pour d’autres tâches qui sont moins souvent mises en avant. Le rôle de l’assistante dentaire n’est pas uniquement celui de la gestion de la stérilisation, du secrétariat, des commandes, des stocks, du nettoyage, de la préparation de la salle de soin, ou de l’accueil du patient. Elle est un partenaire incontournable pour la réalisation des actes dans la cavité orale.

Son apport pour la prévention des troubles musculo-squeletiques (TMS) du praticien est important, sans pour autant négliger la sienne. Elle permet à la fois d’augmenter la vitesse de travail par la diminution du nombre de gestes, d’améliorer l’accès visuel pour le praticien et donc la qualité du travail effectué, de diminuer le risque de contamination croisée, et de diminuer la propagation des aérosols.

Le travail à quatre mains est trop souvent associé à la position 9h00/15h00, avec les jambes écartées et entrecroisées. Le patient est alors placé trop bas, afin de laisser passer les avants bras, ce qui se répercute sur une flexion cervicale beaucoup trop importante de la part des deux protagonistes. À cela s’associe souvent une inclinaison de la tête ou du tronc, lorsqu’on analyse des positions de travail au bout de quelques heures.

Le choix du travail à midi est beaucoup plus raisonnable, permettant de monter le patient plus près des yeux et de diminuer la flexion cervicale. Cela implique l’utilisation du miroir, et un positionnement différent à 11h00 ou 12h00 est souvent inconnu du binôme praticien-assistante, pourtant très répandu.

L’ergonomie comporte entre autres deux volets que sont l’ergonomie du poste de travail, et l’organisation de la gestuelle.

Nous reverrons rapidement ce positionnement afin que tous les binômes puissent pratiquer dans les meilleures conditions possibles. Le positionnement du praticien à 11h00/12h00 et l’assistante à 15h00/16h00 est bien plus pratique si certaines règles sont respectées (Fig. 1).

L’assistante n’a pas les mêmes contraintes visuelles que le praticien et peut tolérer une distance de travail de 40 à 50 cm, alors que le praticien sera plutôt autour de 25 à 30 cm. Elle peut donc être assise plus haute que ce dernier, et nécessitera une surélévation de ses pieds. L’orientation de ses épaules se fera selon un axe qui lui évitera les rotations du rachis, et permettra un placement de ses jambes qui n’interfèrera pas avec le praticien (Fig. 2).

Puis nous détaillerons plus longuement la tenue des instruments, afin de préserver la position des poignets du praticien, comme de l’assistante. La tenue du miroir (Fig. 3) et des instruments rotatifs, n’est pas forcément la prise stylo. Il existe une multitude de prises, en fonction de la zone à soigner. La tenue de l’aspiration pose souvent problème, car l’assistante peut être tiraillée entre l’écartement de la joue, la protection de la langue, et la gestion de l’aspiration. Souvent elle cherche à voir l’intérieur de la cavité où travaille le praticien, alors qu’un de ses rôles essentiels est surtout de permettre l’accès visuel du praticien, tout en suivant le déroulement de l’acte. Le miroir doit permettre de voir des zones qui sont inaccessibles en vision directe, et peut ne pas être un écarteur. Certaines canules d’aspiration notamment coudées à 80° et avec biseau silicone orientable, peuvent aider à réaliser à la fois la rétraction de la joue et à se placer de façon optimale pour aspirer les projections d’eau.

Concernant la gestuelle de travail, le binôme praticien-assistante doit pratiquer d’abord en l’absence de patient. L’exercice quotidien au cabinet n’est pas propice à cet apprentissage, car l’attention sera focalisée sur l’acte à effectuer et pas suffisamment sur le positionnement des instruments. Le cortex préfrontal ne peut pas gérer à la fois l’acte technique et notre proprioception consciente. Les gestes doivent être répétés de nombreuses fois au préalable, afin d’engager des automatismes.

Lors de ce TP, seront réalisés certains actes, permettant d’optimiser le passage des instruments et la gestion de l’eau, afin de permettre au praticien de travailler sous spray en vision indirecte, tout en gardant un miroir utilisable.

Les gestes de passage des instruments tiennent compte de certaines règles :
– Le passage d’une main à l’autre va permettre d’éviter les rotations du tronc, et les mouvements d’épaule en adduction et rotation interne maximale. Le mouvement de flexion et adduction d’épaule créé une mise en tension ligamentaire qui épuise les possibilités de rotation médiale. La mise en évidence de cette particularité biomécanique sera faite par des mises en situation et des exercices de mobilisation de l’épaule.
– La saisie des instruments par l’assistante ne peut se faire qu’à un emplacement laissé libre par le praticien sur cet instrument. La saisie sera identique lorsque l’instrument est donné et lorsqu’il est récupéré. C’est à dire qu’ils devront être donnés dans la même position, le même axe, que celui dans lequel ils auront été utilisés dans la bouche puis repris. Nous verrons cette manipulation par la méthode du retour inverse des instruments.

La gestion du spray lors du travail en vision indirecte est variable en fonction des secteurs à traiter. Dans un but pédagogique et de temps disponible, nous envisagerons un seul secteur lors de ces travaux pratiques. Nous pratiquerons sur le secteur 2 pour les droitiers et le secteur 1 pour les gauchers.

L’orientation de la tête du patient sera réalisée, afin de dégager un accès visuel optimal. L’objectif est d’orienter la cavité orale vers les yeux du praticien et non l’inverse. Dans le sens sagittal sera réalisée une extension uniquement au niveau de l’articulation occiput/C1. Dans le sens horizontal sera réalisée une rotation homolatérale au coté à traiter, afin de s’affranchir du rideau de la joue, et d’obtenir un alignement vertical de la canine à la 2e molaire.

Le positionnement de la canule est important et l’objectif est double : obtenir un miroir sec, afin de travailler longuement sans être gêné par des gouttelettes, et diminuer la propagation des aérosols contaminants. Le réglage du spray a son rôle, mais entre en jeu le positionnement de la canule d’aspiration, de l’instrument rotatif, et du miroir. Dans cette situation, il existe un cône de 60° à l’arrière de l’instrument rotatif, dans lequel le miroir peut être placé tout en restant sec. La conservation de la surface réfléchissante exempte de projections, permet un contrôle visuel de la propagation des aérosols. En effet nous verrons comment les orientations optimales de cette aspiration et du spray, peuvent contribuer à la diminution de la quantité d’aérosols qui sortent de la cavité orale.

Un autre apport du travail à quatre mains est la diminution du risque de contamination croisée par manipulation d’instruments. Le travail en bacs et cassettes est fortement recommandé, afin d’éviter toute ouverture de tiroirs pendant le soin. Le praticien ne devant pas sortir de sa zone de travail, tout sera anticipé par l’assistante, qui sortira à l’avance les consommables et instruments nécessaires à l’acte prévu, et les disposera dans sa zone de préhension. Les dispositions des instruments sur la tablette pour le praticien, comme sur le plan de travail pour l’assistante, seront étudiés afin de permettre une préhension facilitée.

Afin de mettre en pratique cette situation, il sera réalisé le collage d’un composite de restauration sur une incisive. Une digue sera mise en place de la dent 15 à la dent 25, avec préparation de la feuille de digue et des crampons par l’assistante.

Le passage des crampons et de la pince de Brewer sera réalisé de manière ergonomique, en respectant la règle du retour inverse des instruments.

Puis tout le protocole classique sera réalisé, en s’assurant que l’axe de chaque instrument soit correct, et qu’il soit saisi par une zone libérant l’accès pour le praticien : la seringue d’acide orthophosphorique, la micro brush d’adhésif, le composite, les spatules, et la lampe à polymériser.

L’assistante travaillera sur le passage des éléments de sa main droite à sa main gauche et inversement, afin d’éviter les rotations et les inclinaisons de son tronc.

Nous verrons aussi comment l’assistante peut faire des économies de gestes en donnant et récupérant un instrument de façon simultanée avec la même main. Donner et récupérer avec deux mains différentes oblige à avoir une épaule en adduction maximale, ou à avoir le tronc en rotation. C’est là où l’association du passage d’une main à l’autre et du récupérer/donner à une main, permet une rapidité d’exécution dans une position parfaitement respectueuse de l’anatomie humaine.

Ce travail à quatre mains peut donc être étendu, optimisé, et dépasser l’objectif initial de prévention des TMS. Il permet dans le contexte sanitaire récent d’être aussi une réponse à nos préoccupations. Ce travail à quatre mains signifie une augmentation de l’implication de l’assistante dans l’acte de soin, afin que cela devienne aussi un travail à deux cerveaux.

Conférence :
Responsable scientifique : Rémy Balthazard
Conférencier : David Blanc

Atelier de travaux pratiques :
Responsable scientifique : David Blanc
Conférenciers : Romain Ducassé, Patrick Girsch, Cédric Buoro, Remy Balthazard, Éric Bernadac, Sabine Oliveira

Conférence – Organisation et management du cabinet C59 | Jeudi 25 novembre | 16h00–17h00 Travaux pratiques – Ergonomie de travail et prévention des troubles musculo-squelettiques D81 | Vendredi 26 novembre | 14h00–17h00

Note de la rédaction : Article paru dans le journal Dental Tribune France Vol.13, NO. 11.

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