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L’harmonisation du plan de traitement prothétique

Radio panoramique initiale.
Dr Guillaume Gardon-Mollard

Dr Guillaume Gardon-Mollard

mar. 10 mai 2016

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Il arrive qu’un plan de traitement fasse intervenir différents types de prothèses dentaires nécessitant des étapes de réalisation spécifiques. Pourtant, les prothèses odontologiques, aussi variées soient-elles, possèdent des dénominateurs communs permettant d’espérer une bonne intégration fonctionnelle et esthétique. Comment organiser le traitement prothétique pour obtenir le résultat le plus harmonieux et le plus cohérent possible ? Le cas clinique présenté est celui d’une patiente de 40 ans, adressée en consultation de parodontologie par son praticien traitant (Fig. 1). La patiente a été motivée à consulter en raison d’une mobilité accrue de ses dents, et une vestibulo-version récente et rapide de ses incisives maxillaires, ce qui lui procure un inconfort esthétique (Fig. 2). Elle rapporte également des épisodes douloureux de plus en plus fréquents du côté gauche. La patiente ne présente pas de problème de santé particulier. Elle est cependant fumeuse modérée (5 cigarettes par jour) et exprime une certaine anxiété vis-à-vis des soins dentaires. Les dents 27 et 37 sont extraites en urgence puis la patiente est prise en charge pour une réhabilitation globale. Enfin, un bilan radiographique rétro-alvéolaire (Fig. 3) permet de préciser le diagnostic dento-parodontal.  

Diagnostic, facteurs de risque et pronostic

L’établissement d’un diagnostic précis est indispensable à l’élaboration du plan de traitement cohérent. Ce diagnostic concerne quatre grands domaines interdépendants :

·  Parodontal : renseigne sur l’état des tissus de soutien des dents.
·  Biomécanique : renseigne sur l’état des tissus dentaires.
·  Fonctionnel
: renseigne sur le fonctionnement neuro-musculo-articulaire de l’appareil masticatoire.
·  Esthétique : renseigne sur l’aspect et la position des dents au sein du visage. 


La recherche des facteurs de risques propres à chacune des catégories diagnostiques, permet d’évaluer le pronostic des structures et des fonctions bucco-dentaires si aucun traitement n’est mis en œuvre, puis, de choisir quelles seraient les options thérapeutiques capables de faire diminuer ces risques, et donc d’améliorer le pronostic.

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Pour cette patiente :

·  Parodontal : les symptômes de mobilité, le niveau radiologique de l’os alvéolaire et l’âge de la patiente orientent le diagnostic vers une parodontite agressive à progression rapide, aggravée par le tabac. Le pronostic est sans espoir pour les dents 14, 24, 27, 37. Il est réservé pour les autres dents maxillaires : 18, 17, 16, 13, 11, 21, 22, 23. Il est acceptable pour les dents mandibulaires de 35 à 45. 

·  Biomécanique : aucune lésion carieuse ou érosive n’est à déplorer. Seule la dent 18 porte un amalgame occluso-mésial. Le pronostic au niveau des tissus dentaires restants est bon. 

·  Fonctionnel : l’examen clinique n’a révélé aucune anomalie de fonctionnement des structures neuro-musculo-articulaires. Le pronostic du fonctionnement de l’appareil manducateur semble cependant réservé, car les édentements ont entrainé des migrations dentaires secondaires sous l’effet de l’adaptation fonctionnelle. 

·  Esthétique : La patiente est relativement jeune et sa préoccupation esthétique s’inscrit dans sa démarche de recherche de traitement. Sa ligne du sourire est moyennement haute. Le pronostic est réservé. 


Plan de traitement

Le plan de traitement qui a été retenu en accord avec la patiente est le suivant :

1. Extraction des dents 37 et 27 en urgence.

2. Traitement parodontal initial : enseignement des techniques d’élimination de la plaque dentaire, surfaçages-curetages sous couverture antibiotique. 

3. Mise en place de quatre implants dans les secteurs molaires mandibulaires.

4. Extraction des dents 18, 4, 11, 21, 22, 24 et mise en place d’une prothèse amovible partielle provisoire maxillaire.

5. Réalisation de couronnes jumelées fraisées sur les dents 17 et 16 (dents conservées vivantes).

6. Réalisation au maxillaire d’une prothèse amovible partielle à châssis métallique de dix dents.

7. Réalisation de quatre CCM implanto-portées sur les implants mandibulaires postérieurs.

8. Traitement parodontal de soutien tous les 4 mois.

À l’aide de nos explications et de nos conseils, la patiente a choisi d’orienter sa stratégie de traitement de sorte que l’arcade mandibulaire, dont les dents ont un meilleur pronostic qu’au maxillaire, puisse être réhabilitée de manière stable grâce à 4 implants ostéo-intégrés. La patiente a très bien compris l’incertitude qui plane sur les dents maxillaires résiduelles et a accepté une conception combinée amovible/fixée. Le délai offert par cette solution lui permet ainsi de prévoir un budget pour une réhabilitation implantaire maxillaire dans un futur à moyen ou long terme.

Réalisation prothétique

Une fois le traitement parodontal terminé, la réalisation prothétique démarre par la mise en place de quatre implants mandibulaires (sites 36, 37, 46, 47) puis par la réalisation de modèles d’étude sur lesquels les extractions et les préparations des dents maxillaires sont simulées. Une prothèse amovible partielle transitoire ainsi que des prothèses transitoires fixes (17 et 16) sont réalisées. Ces prothèses transitoires sont mises en place le jour des extractions des dents maxillaires et vont servir de tests esthétiques, fonctionnels et phonétiques pour les restaurations d’usage (Figs. 3a–d).

Une fois l’ostéo-intégration des implants mandibulaires obtenue, les empreintes pour la réalisation des restaurations fixes sont réalisées : une empreinte à ciel ouvert des implants mandibulaires et une empreinte des préparations sur 16 et 17 (Fig. 4).

Les deux modèles de travail ainsi obtenus permettent de réaliser des bases d’occlusion qui serviront au montage sur articulateur. Les armatures métalliques des prothèses dento-portées sont réalisées et des wax-up permettent de matérialiser le projet prothétique (Figs. 5a–d).

Les armatures des deux couronnes maxillaires sont essayées en bouche, et un porte-empreinte individuel va les emporter, lors de l’empreinte de la surface d’appui de la future prothèse amovible à châssis métallique (Fig. 6a). Le dessin du châssis métallique est indiqué pour prendre appui sur les faces palatines des canines maxillaires, et sur les fraisages ménagés sur les prothèses conjointes (Figs. 6b, c). À ce stade, les armatures des prothèses implantaires peuvent être élaborées (Figs. 6d) selon une conception scellée.

Un nouvel enregistrement du rapport inter-maxillaire est alors nécessaire (Figs. 7a–d).

Il va permettre le montage des dents prothétiques et de la céramique sur les prothèses implanto-portées (Figs. 8–d).

La pose des restaurations d’usage (Figs. 9a-d) est suivie d’une équilibration occlusale rigoureuse visant à obtenir des contacts postérieurs bilatéraux, simultanés et d’égale intensité de deuxième molaire à canine, ainsi que le minimum de friction entre les pans cuspidiens postérieurs antagonistes, et entre les dents antérieures antagonistes lors de la mastication.

La patiente est programmée pour une maintenance parodontale tous les 4 mois. Lors de ces visites, nous avons constaté une excellente hygiène bucco-dentaire ainsi que la réduction de sa consommation tabagique. La patiente ressent un meilleur confort masticatoire et affirme être satisfaite du résultat esthétique. À plus de trois ans, le support parodontal des dents restantes et l’équilibre dento-prothétique sont préservés.

Conclusion

Le succès clinique ne réside pas uniquement en la réalisation parfaite d’étapes techniques successives. L’analyse des données cliniques réparties dans les quatre grands domaines de diagnostic, permet de choisir les meilleures options prothétiques pour un résultat pérenne et d’anticiper une probable évolution de la situation.

Dans ce cas qui intègre différentes prothèses odontologiques, seules les techniques d’empreintes ont différé pour enregistrer les différents types de support. Quatre types d’empreintes globales ont été nécessaires selon l’objectif :

9. Alginate et porte-empreinte du commerce pour les prothèses transitoires fixes et amovibles.
10. Silicones et porte-empreinte individuel en double mélange pour les prothèses fixes dento-portées.
11. Polyethers et porte-empreinte individuel pour le châssis métallique de la PAP.
12. Polyethers et porte-empreinte individuel pour les prothèses implantaires. 


Mais pour que ces empreintes soient exploitées de manière cohérente, certains paramètres sont immuables et doivent être impérativement respectés :

·  Des tissus biologiques sains ou assainis.
·  Un rapport inter-maxillaire (RIM) stable et reproductible.
·  Une dimension verticale stable (DV).
·  Des contacts occlusaux postérieurs bilatéraux et simultanés (OIM).
·  Un positionnement des dents antérieures à la fois fonctionnel, phonétique et 
esthétique (surplomb et recouvrement).
·  Une communication précise et fiable avec le laboratoire de prothèse : maquettes d’occlusion, montage en articulateur, wax-up/montage directeur, photographies. 


Enfin, la motivation, la compliance et la participation active de la patiente dans les choix thérapeutiques ainsi que dans sa maintenance à domicile, ont été de la plus haute importance pour la réussite du plan de traitement._

Note de la rédaction: Cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol. 4, Numéro 1/2016.

 

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