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Nécessité de lignes directrices éthiques dans le domaine de l’odontologie et de l'IA

Légende de la photo : L'intelligence artificielle révolutionne la dentisterie de manière étonnante, et les chercheurs estiment qu'il est temps de promouvoir des règles éthiques pour aider les chirurgiens-dentistes dans cette transition. (Image : anatoliy_gleb/Shutterstock)
Luke Gribble, Dental Tribune International

Luke Gribble, Dental Tribune International

lun. 21 février 2022

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PARIS, France : Le maintien de normes éthiques élevées au sein de la profession médicale est essentiel pour fournir les meilleurs soins possibles. La relation soignant-patient est sacrée, et les informations échangées entre ces deux parties reposent sur un haut degré de confiance dans le fait que le praticien prescrit le bon traitement pour les bonnes raisons. L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) en odontologie est désormais répandue, et il semble qu’une tierce partie pénètre dans ce sanctuaire de la confiance. Dans une étude récente portant sur l’éthique et l’utilisation de l’IA en odontologie, les chercheurs ont révélé que beaucoup de travail reste à faire pour que les chirurgiens-dentistes comprennent mieux la technologie qu’ils utilisent et que les patients et leurs données soient protégés.

Lors d'une récente discussion avec Dental Tribune International (DTI), les chercheurs principaux, le chercheur Carl-Maria Mörch et Dr Maxime Ducret, ont parlé de leur étude, portant sur un sujet encore peu étudié, à savoir l'IA et l'éthique en odontologie, et les défis auxquels le domaine est confronté. M. Mörch est responsable scientifique de l'institut FARI - Institut de l’IA pour le Bien Commun à Bruxelles en Belgique et chercheur à l'Université Libre de Bruxelles, et le Dr Maxime Ducret, chirurgien-dentiste, est Maitre de conférences à l'Université Claude Bernard Lyon 1 et praticien hospitalier aux Hospices Civils de Lyon.

M. Carl-Maria Mörch (Image: Provided)

« L'un des principaux problèmes concerne la transparence et le manque d'explications sur la technologie utilisée par les chirurgiens-dentistes », a déclaré le Dr Ducret. « De plus en plus, ils adoptent dans leur pratique des technologies utilisant l'IA, mais beaucoup ne sont pas assez informés sur ce qu'ils utilisent », a-t-il poursuivi. Ajoutant à cela, M. Mörch a souligné qu'il existe actuellement une centaine d'ensembles de directives éthiques pour l'utilisation de l'IA dans tous les secteurs. « Elles sont présentes partout. Elles sont mentionnées dans les actualités, et l'UE a ses lignes directrices. Cependant, si l'on s'intéresse spécifiquement à l’odontologie, il n'y a aucune mention d'un code d'éthique lié à l'IA qu'un chirurgien-dentiste peut suivre », a-t-il expliqué.

Cette compréhension limitée crée des risques imprévus. Toutefois, comme l'indique l'étude, ces risques existent depuis un certain temps et peu de mesures ont été prises. Dans l'étude, Dr Ducret et M. Mörch ont noté : « La fréquence des publications mentionnant des questions éthiques liées à l'IA n'a pas augmenté depuis 2015 et reste faible, ce qui souligne un manque d'intérêt potentiel pour ce sujet. » Ils ont ajouté que certaines questions éthiques autour du big data et des technologies numériques ont été abordées, mais que les questions éthiques de l'IA et son introduction dans un contexte de pratique ont été peu examinées.

Une des explications de cette lacune dans la recherche pourrait être dûe à un manque de formation et d'éducation. « En tant que patient, nous attendons d'un praticien qu'il connaisse les limites d'un outil ou d'une certaine technique, et on devrait donc s'attendre à ce qu’ils connaissent également les limites de la technologie qu'ils utilisent », a expliqué M. Mörch à DTI. « Les praticiens bénéficient de formations dans un très grand nombre de domaines, mais n'ont jamais eu d'introduction ou de cours sur les questions éthiques liées à l'IA. » Lorsqu'un algorithme est utilisé, par exemple, pour examiner une radiographie et parfois suggérer des procédures coûteuses, les chirurgiens-dentistes doivent savoir exactement comment l'IA est arrivée à sa conclusion et le communiquer clairement au patient, a expliqué M. Mörch. Pour l'instant, les chercheurs pensent que le manque de compréhension pourrait signifier qu'il existe également un angle mort concernant les risques que l'IA peut poser, l'intérêt pour cette question est donc limité.

« Dans le cas d'une faute professionnelle, la question est de savoir qui sera tenu pour responsable » - Carl-Maria Mörch, chercheur

Ce manque de formation a incité les chercheurs à commencer à élaborer des lignes directrices pour aider les chirurgiens-dentistes à mieux se préparer à l'avenir. « Il n'existe pas d'outil universel qui puisse convenir aux universitaires et aux praticiens. Même dans les universités, vous pouvez avoir plusieurs domaines qui travaillent en odontologie, il n'y a donc pas de solution universelle », a déclaré M. Mörch. Cependant, l'idée derrière ce travail est de voir si les praticiens peuvent reconnaître les risques éthiques qui peuvent survenir lorsqu'ils sont mis dans des scénarios théoriques et à partir de cela établir certaines directives de ces résonances. Lorsqu'on lui demande comment les chirurgiens-dentistes pourraient améliorer dès à présent leurs connaissances en matière d'éthique, M. Mörch a expliqué que les praticiens pourraient commencer par poser davantage de questions sur la façon dont les fabricants de certains types d'équipements sont arrivés à leurs conclusions et sur les implications possibles pour leurs patients. « Soyez attentifs à ce que la technologie prétend pouvoir fournir et à ses résultats, et si elle n'améliore pas clairement les soins, retirez-la », a ajouté le Dr Ducret. « La chaîne de responsabilité est également essentielle. Dans le cas d'une faute professionnelle, la question est de savoir qui sera tenu responsable. Avant de mettre en œuvre ces outils, il faut savoir où se situe la responsabilité », a affirmé M. Mörch.

Dr Maxime Ducret (Image: Provided)

En outre, les chercheurs ont noté dans l'étude que le partage des données pourrait aider à créer une technologie plus transparente et plus compréhensible dont tout le monde, du patient au praticien et au fabricant, pourrait bénéficier. D’après le Dr Ducret « Il y a beaucoup de questions autour de la sécurité des données et de la propriété intellectuelle (PI), mais le point que nous voulions faire est d'essayer de réduire le temps, l'expertise et l'énergie actuellement utilisés pour faire des progrès dans le domaine, car il manque clairement de durabilité. Nous voulons encourager une vision de la dentisterie qui n'essaie pas de promouvoir encore et encore une solution nouvelle en partant de zéro, il existe des moyens de collaborer sans perdre la PI, dans le domaine de la recherche mais aussi pour les groupes industriels ».

Outre la transparence et la formation, le développement de nouvelles technologies soulève d'autres questions éthiques sérieuses qui doivent être prises en compte, selon les chercheurs. L'une d'entre elles concerne la collecte des données des patients qui pourraient ensuite être utilisées pour développer de nouveaux algorithmes et revendues aux patients sous la forme d'une nouvelle procédure ou d'un nouvel élément technologique. « Je pense que les personnes ne sont pas conscientes de la façon dont les solutions d'IA actuelles sont développées, et les chirurgiens-dentistes doivent se sentir responsables de dire aux patients ce qui pourrait être fait avec les données collectées », a noté le Dr Ducret.

L'IA a le potentiel de révolutionner la dentisterie de manière bien plus importante qu'elle ne l'a fait jusqu'à présent. Cependant, selon les chercheurs, la question est de savoir comment cette nouvelle ère technologique doit être optimisée afin de fournir les meilleurs soins bucco-dentaires possibles. « Dans notre article, nous essayons de mettre en lumière certaines questions que les personnes travaillant dans ce domaine devront discuter dans les années à venir. Pour l'instant, nous n'avons pas de solution parfaite, mais des pistes de réflexions », a déclaré le Dr Ducret. M. Mörch a ajouté : « À l'heure actuelle, la technologie exige un niveau élevé de connaissances et si l'on ne fait pas suffisamment d'efforts pour former les praticiens et les chercheurs, nous nous retrouverons avec des personnes analphabètes par rapport aux équipements qu'elles utilisent. Nous devrions connaître et être responsables de toutes les techniques que nous promouvons, utilisons et enseignons dans le domaine des soins de santé. »

Les chercheurs estiment que la question de savoir si l'industrie, les praticiens et les patients peuvent s'unir pour trouver un moyen d'intégrer l'IA de manière sûre et durable, est l'un des défis les plus important auxquels est confrontée la dentisterie aujourd'hui. S'il n'est pas abordé rapidement, ils craignent que la relation sacrée entre le soignant et le patient ne soit un jour endommagée.

L'étude, intitulée « Intelligence artificielle et éthique en dentisterie : A scoping review » a été publiée le 21 juin 2021 dans le Journal of Dental Research.

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