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Prise en charge des personnes âgées et/ou handicapées

Rééducation d’un patient paraplégique, installé sur un plan de Bobath totalement plat. Cette table de soins étant plus adaptée aux différents handicaps que le fauteuil.
Dr David Blanc

Dr David Blanc

mer. 15 juillet 2015

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Alors que nous sommes en pleine réflexion sur l’accès au cabinet dentaire pour les personnes handicapées, il ne se pose pas la question de l’accès au fauteuil, de l’ergonomie du patient sur notre unit. Or, c’est essentiel, comme nous allons vous le montrer.

Les contraintes s’accumulent en terme d’architecture du cabinet ou du bâtiment, mais personne ne se soucie de la façon dont le patient va pouvoir s’installer sur le fauteuil, et sur la conséquence que cela va avoir sur notre ergonomie. Or, nous sommes tous dépendants de la position du patient, c’est elle qui conditionne la notre.

Nos patients âgés sont souvent très inconfortables dans nos fauteuils dentaires, et n’acceptent pas toujours cette position allongée que l’on aimerait tant obtenir. Cependant on se dit souvent que ces patients s’allongent bien dans leur lit tous les soirs, qu’ils ne dorment pourtant pas assis.

C’est parce que c’est un fauteuil que cela pose problème. Si on analyse les deux situations, dans un cas c’est une machine qui allonge les patients, dans l’autre ce sont eux qui maîtrisent leurs mouvements. Et c’est ce qui fait toute la différence ! Avec le temps, les personnes âgées perdent en qualité de proprioception, ce qui les amène d’ailleurs à perdre l’équilibre. À tel point que certaines s’installent même sur notre fauteuil en venant s’asseoir sur le bout, au niveau du repose pied. Quand on a réussi enfin à les installer au fond du fauteuil et que vient le moment de basculer le dossier en arrière, apparaît une sorte d’angoisse partagée, entre le dentiste qui se demande jusqu’où il va pouvoir aller, et le patient qui se demande jusqu’où ce dentiste va l’emmener. Pour résumer, il est beaucoup plus désagréable de se faire allonger que de s’allonger soi-même, faites le test chez vous.

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C’est justement chez ces personnes âgées et ou handicapées qu’il faut éviter absolument le fauteuil dentaire. L’utilisation d’une table de soins ou d’un fauteuil qui reste toujours en position allongée et qui ne présente pas de creux pour l’assise, permet à ces personnes de s’allonger d’elles-mêmes ou avec aide, de la même façon qu’elles le font tous les matins et tous les soirs. Jacques Charon ou Daryl Beach qui travaillent sur des tables de soins l’ont compris depuis bien longtemps.

En tant qu’ancien Kinésithérapeute, je connais bien la problématique de ces personnes qui venaient s’installer sur ma table, mais existe-t-il un seul kiné qui possède une table motorisée qui allonge et assied ses patients? Aucun ! Ces patients n’ont ni mal au dos ni vertiges quand ils s’allongent sur une table de soins. Je vais même aller plus loin, c’est parce que ces patients ont mal au dos, que les kinésithérapeutes les allongent et nous chirurgiens-dentistes nous ne pourrions pas ? Ce n’est qu’une question de support du patient.

Chez un patient qui présente un handicap de l’appareil locomoteur, le premier élément à considérer est le transfert, c’est à dire le passage de son fauteuil roulant manuel ou motorisé, vers son lit, ses toilettes, sa voiture, la table de rééducation, ou votre table de soins dentaires. Soit il présente une certaine autonomie et a appris ce transfert à l’hôpital ou en centre de rééducation, soit il est accompagné d’une auxiliaire de vie qui le suivra aussi à votre cabinet. Une table de soins leur est tellement familière que les patients paraplégiques ou tétraplégiques ont pris l’habitude depuis leur passage en centre de rééducation, d’utiliser un plan de Bobath (Fig. 1).

Il s’agit d’une table qui fait environ 2 m x 1 m totalement plane, qui leur permet d’apprendre les transferts, de faire des exercices à partir de la position allongée, de se redresser etc. Votre patient en fauteuil saura souvent mieux que vous comment faire son transfert, de son fauteuil vers votre table de soins. Il faudra baisser votre table jusqu’à hauteur de son fauteuil, qu’il aura positionné parallèlement à celle-ci (Figs. 2a-c).

Si le patient n’a pas cette autonomie, son auxiliaire de vie pourra l’aider à s’installer sur votre plan.

Il faut que la table soit la plus plate possible, dégagée de tout accoudoir qui gène le mouvement, suffisamment large pour que le patient puisse se tourner sur le côté avant de se rasseoir. Dans certains cas, le patient présente ce qu’on appelle une hypercyphose dorsale, c’est-à-dire une augmentation de la courbure dorsale. Cela crée, lorsque le patient est allongé, un décalage entre la zone d’appui de son dos et celle de sa tête (Fig. 3). Il faut alors, soit que la têtière puisse compenser cela, soit ajouter par exemple un coussin gel sur la têtière existante (Fig. 4). Le but est de compenser cette différence de hauteur, ce qui évitera de perturber tous vos réglages pour le patient suivant. Dans le cas où le patient présente une hyperlordose lombaire, c’est à dire une augmentation de la courbure lombaire, il existe une solution très simple. Installez un petit coussin cylindrique sous ses genoux, cela va rebasculer le bassin, et replaquer les lombaires sur la table (Fig. 5). Encore une fois, c’est quelque chose de familier pour ces patients et un geste très apprécié.

Je finirai en citant Pierre Fauchard dans le « Traité des dents » : La position assise du patient ne résout pas les problèmes que constituent la situation des dents les plus enfoncées dans la cavité de la bouche, et les cas pathologiques qui auront rendu un malade perclus, à un tel point qu’il ne pourra baisser son dos, lever, baisser ou tourner la tête, ni la coucher sur le côté... (autrement dit les personnes âgées et handicapées). Il ne sera plus question dans un tel cas ou d’autres semblables, de situer le malade sur un fauteuil, il faudra lui substituer le canapé, le sofa ou le lit. Pour lors on opérera à sa bouche commodément et peut-être encore mieux : la situation du sujet ainsi couché à la renverse n’est pas la moins avantageuse. Deux siècles et demi d’avance…

Ne vous laissez pas dominer par vos habitudes et vos préjugés, et remettez en question le support de votre patient. J’espère que les concepteurs d’units dentaires m’auront entendu.

Note de la rédaction : cet article a été publié dans le journal gratuit Dental Tribune France du mois de juin/juillet 2015.

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