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Retraitement endodontique et restauration collée d’une seconde prémolaire structuralement compromise

Fig. 13. Toutes les photos ont été fournies par le Dr Stela Nicheva.
Drs Stela Nicheva, Lyubomir St. Vangelov & Ivan Filipov

Drs Stela Nicheva, Lyubomir St. Vangelov & Ivan Filipov

jeu. 4 décembre 2014

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_À la lumière de la littérature scientifique sur les résultats du traitement endodontique, il ne semble pas superflu que la restauration du complexe corono-radiculaire soit réalisée par l’endodontiste.1 Dans ce contexte, l’étude de cas présentée ci-après, décrit une procédure restauratrice complète d’une seconde prémolaire par un retraitement, suivi de la restauration définitive.

Les dents nécessitant un retraitement sont le plus souvent largement délabrées par une carie, une fracture et/ou une restauration antérieure. Le retraitement endodontique relève dans ce cas, du défi à maîtriser l’isolement, les diverses obstructions, les perforations (le cas échéant) et la restauration définitive. Lorsque les dents présentent un ou plusieurs problèmes techniques, tels qu’un transport canalaire, une abrasion iatrogénique de la paroi radiculaire (stripping), une perforation ou une résorption interne, le taux de réussite est estimé à 47 pour cent,2 les perforations ayant l’incidence la plus négative.3

L’un des facteurs qui influencent le résultat après un retraitement non chirurgical, est la restauration définitive. Quoique l’importance de la reconstitution coronaire, quant à la longévité des dents traitées par un acte endodontique soit mise en question par quelques auteurs,4, 5 il est généralement admis que la restauration définitive est aussi cruciale pour l’issue du traitement endodontique, que la qualité du traitement lui-même.6 Malgré tout, la restauration de dents traitées par un acte endodontique demeure un sujet controversé. Avec l’intérêt croissant de la biomimétique,7, 8 les restaurations partielles couleur dent, scellées en technique indirecte, captent de plus en plus l’attention. La restauration ou la reproduction de l’intégrité esthétique, structurale et biomécanique des dents selon un mode conservateur, est un atout qui doit être exploité et privilégié dans la mesure du possible. Pourtant, ces types de restaurations représentent une modalité thérapeutique sous-utilisée par rapport aux couronnes, particulièrement dans le cas des dents ayant fait l’objet d’un traitement endodontique.9 Ceci est peut-être dû au fait que les cliniciens et les prothésistes dentaires sont plus expérimentés dans les restaurations par des couronnes, dont les résultats sont prévisibles, alors que les restaurations partielles collées nécessitant des protocoles adhésifs, sont associées à un certain degré d’imprévu.

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Une fois la restauration partielle couleur dent décidée, le praticien doit choisir entre deux matériaux, composite ou céramique. Les avantages du premier (abrasion et fragilité moindres, coûts moins élevés, facilité de polissage, de réparation et d’utilisation) s’opposent à la résistance, l’inertie et la biocompatibilité du second. Bien que selon certaines études, les inlays en céramique et en composite confèrent la même résistance à la fracture à des prémolaires dont l’endodonte a été traité,10 d’autres recherches semblent indiquer un avantage supérieur des résines composites par rapport à la céramique dans les dents postérieures, qui nécessite un recouvrement cuspidien après un traitement endodontique, ceci en termes de taux de survie plus élevé, de résistance à la fatigue et d’échecs moins négatifs.11 L’explication repose sur la répartition plus favorable des efforts dans les onlays en résine composite, limités au-dessus de la jonction amélo-cémentaire.12

La présente étude de cas décrit le retraitement microscopique et la restauration définitive d’une prémolaire supérieure très délabrée et perforée, ainsi que les raisons du traitement utilisé.

_Étude de cas

Lorsque le patient, âgé de 34 ans, s’est présenté au service d’endodontie et de chirurgie dentaire, il se plaignait de symptômes au niveau d’une autre dent. L’examen radiographique (Fig. 1) a révélé les séquelles d’un traitement endodontique inadéquat, et une perforation associée à une zone radio-claire à hauteur de l’apex de la dent 15. Le traitement canalaire avait été effectué quatre ans auparavant.

Les antécédents médicaux ne constituaient pas un facteur de risque. Le sondage était dans les limites normales. De l’Ubistesine DS a été utilisée pour anesthésier localement la zone. La dépose de l’ancienne restauration (Fig. 2) et l’élimination des parties compromises ont été suivies d’une reconstitution coronaire préendodontique. Les sous-contours n’ont pas été éliminés mais comblés avec une résine composite. Le champ opératoire a été isolé au moyen d’un cordon rétracteur imbibé d’AlCl3 et d’une bande-matrice (Fig. 3). Le maintien de l’accès au canal et à la perforation étant assuré avec des pointes de gutta-percha et du CavitTM, l’émail et la dentine ont été mordancés simultanément, puis ont été recouverts d’un adhésif (Prime & Bond NT, DENTSPLY) qui a été polymérisé pendant 10 secondes. Un composite fluide d’obturation en masse a été mis en place (SDR, DENTSPLY) et polymérisé pendant 40 secondes, afin de créer un réservoir pour les solutions d’irrigation durant le retraitement endodontique (Fig. 4). Après le retrait des cônes de gutta-percha et du Cavit, le canal naturel (flèches bleues) et la perforation (flèche rouge) étaient facilement accessibles (Fig. 5).

Vu que le canal artificiel avait été obturé préalablement avec une pâte, le nettoyage a été effectué par une combinaison de limes manuelles, de limes ultrasoniques (Pro Ultra 5 et 6) et d’une irrigation à l’acide citrique. Une radiographie peropératoire a permis de confirmer l’efficacité de la procédure de nettoyage (Fig. 6). En raison de l’angulation différente du faisceau, la perforation semblait se situer au niveau de l’os crestal, ce qui n’était en réalité pas le cas.

Le nettoyage et la mise en forme du canal radiculaire naturel ont été réalisés à l’aide du protocole décrit ci-dessous :

1. Préparation d’un passage libre sans contraintes (le glide path) dans le canal, au moyen de limes K SS 08 et 10 et PathFile (DENTSPLY Maillefer).
2. Préparation des deux tiers supérieurs avec des limes S1 et S2 du système Pro Taper (DENTSPLY Maillefer).
3. Préparation du tiers apical avec une lime 20/0,04 GTX (DENTSPLY Maillefer).

Toute la procédure a été réalisée sous irrigation à l’acide citrique (40 %, Cerkamed, Pologne) et à l’hypochlorite de sodium (NaOCl) (2 %, Cerkamed, Pologne).

Notre choix s’est porté sur les limes S1 et S2, en raison de leur effet de brossage de la paroi des canaux, qui est très utile en présence de sections transversales ovales, où il est essentiel de nettoyer toutes les surfaces des espaces canalaires. Pour le tiers apical, nous avons choisi la lime GTX, qui est pourvue de listels, car le canal était très étroit et nous voulions éviter le risque d’un transport du foramen apical. Les deux canaux, artificiel et naturel, ont été obturés par compactage vertical à chaud de gutta-percha et un ciment de scellement à base de MTA (FillApex, Angelus, Brésil). Sur la radiographie postopératoire, la longueur de la préparation et de l’obturation apparaît courte, mais elle correspond à la lecture que nous avons effectuée à plusieurs reprises, avec notre localisateur d’apex (RayPex 5, VDW, Allemagne) (Fig. 7).

À la fin du retraitement du canal, la reconstitution coronaire préendodontique a été laissée en place, et l’accès radiculaire a été restauré une nouvelle fois avec le composite SDR. Cette reconstitution coronaire a été recouverte d’un onlay après préparation, avec des fraises diamantées (Mani Inc.) (Figs. 8 et 9). Les limites marginales de l’émail ont été exposées et les prismes d’émail non soutenus, ont été éliminés à l’aide de pointes diamantées à grains fins. La structure dentaire encore présente a été préparée, afin de créer un joint, bout à bout avec les limites marginales de la restauration. Les angles des bords internes ont été arrondis et les parois préparées avec une divergence de 5 à 15 degrés. Les préparations des boîtes proximales s’étendaient jusqu’au composite existant, vu qu’elles pénétraient dans la dentine.

Les dimensions de la préparation assuraient un espace d’au moins 2 mm, espace d’inocclusion au repos, ce qu’une empreinte permettait de vérifier. Une empreinte en silicone condensable a été prise (Fig. 10), suivie de la fabrication d’une restauration provisoire sur mesure, en technique directe, qui a été temporairement scellée avec un ciment sans eugénol (Temp-Bond NE) (Fig. 11). Le sablage de l’intrados de la restauration a été réalisé par le prothésiste dentaire.

Lors du deuxième rendez-vous, après examen de la restauration, dépose de l’élément provisoire et nettoyage de la préparation. L’ajustage et l’esthétique de l’onlay ont été évalués. Une digue en caoutchouc a été mise en place et la préparation a été nettoyée avec de l’acétone, mordancée à l’acide phosphorique à 37 pour cent pendant 15 secondes, rincée et séchée. L’intrados de la restauration a également été nettoyé avec de l’acétone avant le scellement. Une résine de scellement autoadhésive à double mode de polymérisation (SmartCem2, DENTSPLY) a été appliquée sur les parois de la préparation et la restauration a été placée, en exerçant une forte pression jusqu’à son insertion complète. Une sonde exploratrice, une lame de scalpel no 12 et un fil dentaire dans la région interproximale, ont permis d’éliminer l’excès de ciment, après avoir amené celui-ci à un état « caoutchouteux », par une polymérisation de cinq secondes (Figs. 12 et 13). La restauration a été recouverte de glycérine et finalement durcie pendant 60 secondes sur chaque face (Figs. 14 et 15). Des corrections minimes de la surface occlusale ont été effectuées avec des fraises diamantées à grains fins, sous refroidissement à l’eau. La finition et le polissage ont été réalisés à l’aide du système Enhance (DENTSPLY) (Fig. 16).

Ces deux procédures terminées, un gel d’acide phosphorique à 37 pour cent a été appliqué pendant 15 secondes, afin de nettoyer la surface de la restauration et d’effectuer un mordançage à l’acide de la limite marginale de l’émail. Après un lavage et un séchage, un adhésif nanochargé (Prime & Bond NT, DENTSPLY) a été appliqué et laissé au repos pendant 10 secondes, de façon à ce qu’il pénètre dans la surface et les fissures marginales, créées par la phase de finition. L’adhésif a ensuite été dilué à l’air et polymérisé pendant 40 secondes (Fig. 17). Lors de la visite de contrôle à six mois, la dent était asymptomatique et le patient était entièrement satisfait (Figs. 18 et 19).

_Discussion

Cette étude de cas décrit un retraitement endodontique et la restauration définitive d’une dent, compromise par une structure coronaire minimale, au moyen d’un onlay en composite.

Les deux facteurs principaux intervenant dans le pronostic du traitement d’une perforation, sont l’âge de la lésion et le degré de contamination bactérienne.13 Dans notre cas, le traitement endodontique précédent avait été réalisé quatre ans auparavant. Un délai important n’est pas favorable au pronostic, mais lorsque la perforation est située dans le tiers apical, la probabilité d’une contamination bactérienne est faible. Après avoir été informé, le patient a porté son choix sur un retraitement canalaire orthograde.

Le matériau privilégié pour la réparation d’une perforation est l’agrégat minéral de trioxyde (MTA). En raison de la petite taille et de la position apicale de la lésion, nous avons décidé de la traiter comme un canal secondaire et de l’obturer avec de la gutta-percha et un ciment de scellement à base de MTA. L’absence d’aggravation des conditions périapicales démontrée par la radiographie postopératoire prise après six mois (Fig. 19), est à l’appui de cette approche et le patient fait encore l’objet d’un suivi.

Quoique ceci reste sujet à discussion, une méta-analyse détaillée, réalisée récemment par Gillen et al.6, démontre qu’une restauration définitive bien ajustée et étanche aux bactéries, est tout aussi importante pour le pronostic à long terme d’une dent dont l’endodonte a été traité, que la qualité du traitement endodontique lui-même. Outre la prévention de micropercolations au niveau de la couronne, un facteur clé de la survie prolongée d’une dent ayant fait l’objet d’un retraitement endodontique, semble être le volume de tissu dentaire résiduel,14 qui est déterminé par les dimensions de la restauration définitive. Une option idéale dans le cas d’une dent retraitée endodontiquement semble donc être une restauration collée, qui conserve autant de structure dentaire que possible.

Une dent postérieure largement délabrée, traitée préalablement par un acte endodontique, est le plus souvent restaurée par une couronne à tenon. C’est compréhensible dans la mesure où les couronnes sont une modalité de restauration bien connue et cliniquement prouvée, bien qu’un volume considérable de recherche soit toujours effectué dans ce domaine.15 Malgré tout, il est admis que des restaurations partielles, de couleur de dent naturelle, sont des solutions de remplacement très satisfaisantes aux couronnes de recouvrement total, et on est donc en droit de se demander si des tenons intracanalaires sont absolument indispensables, dans le cas d’une dent ayant fait l’objet d’un acte endodontique.

Depuis leur apparition en 1980,16 les propriétés physiques et mécaniques des composites traités en technique indirecte au laboratoire, sont sans cesse améliorées. Aujourd’hui, cette option de restauration représente une approche adhésive et bio-mimétique nettement moins agressive, que les couronnes et techniquement beaucoup moins délicate que la céramique.

Lorsque les bords gingivaux d’une préparation atteignent la dentine, l’obtention d’une qualité parfaite des limites marginales des onlays en composite demeure critique, même avec l’utilisation des techniques et systèmes adhésifs les plus récents.17 L’application d’une base composite sous les restaurations composites indirectes, représente une possibilité non invasive qui peut être envisagée, en remplacement de l’élongation coronaire chirurgicale, pour transférer les limites cavitaires d’une position intra-sulculaire à une position supra-gingivale. Ceci permet également la mise en place d’une digue en caoutchouc aux fins d’un isolement total. L’élongation coronaire chirurgicale peut également compromettre le tissu parodontal de soutien des dents voisines.18 Nous avons réalisé cette délocalisation en même temps que la reconstitution coronaire préendodontique, au moyen du composite d’obturation SDR. Ce matériau possède tout à la fois une capacité de mouillage en profondeur d’un composite à faible viscosité, et une contrainte de rétraction due à la polymérisation, similaire à celle d’un composite de viscosité normale.

Récemment, des ciments résines annoncés comme autoadhésifs – c.-à-d., qu’ils ne nécessitent aucune application particulière d’un adhésif, ont été introduits sur le marché, afin de simplifier les procédures de collage des restaurations en technique indirecte. Selon les fabricants, ces ciments sont hydrophiles lors de l’application (pH acide), mais deviennent hydrophobes (pH neutre) lors de la réaction avec la structure dentaire.Les forces de liaison avec la structure dentaire sont cependant mises en doute. Dans notre cas, nous avons décidé de mordancer davantage les limites amélaires marginales de la préparation, bien que le fabricant ne le recommande pas, car la procédure est simple et accroît la force de liaison de la restauration, ainsi que Duarte et al.19 et Andrade et al.20 l’ont démontré.

Nous avons préféré un matériau à empreinte en silicone réticulant par condensation, pour sa meilleure aptitude à reproduire les caractéristiques de surface d’une résine à faible viscosité, comme indiqué par Takano et al.21

La surface et les limites marginales de la restauration ont été scellées avec un adhésif chargé. Ce traitement améliore l’adaptation marginale,22 et il a pu être démontré que ces adhésifs sont supérieurs aux matériaux de revêtement en résine spécialement conçus à cet effet._

Note de la rédaction : une liste complète des références est disponible auprès de l’éditeur.
Cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol.2, numéro 4, décembre 2014.

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