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Restauration d’une molaire unitaire – Implant de large diamètre versus deux implants conventionnels

Vue occlusale présentant un édentement au niveau de la première molaire. La largeur mésio-distale est importante et la restauration, incapable de la compenser, a laissé un espace en position distale.
Pr Amr Abdel Azim, Dr Amani M. Zaki & Dr Mohamed I. El-Anwar

Pr Amr Abdel Azim, Dr Amani M. Zaki & Dr Mohamed I. El-Anwar

mer. 18 décembre 2013

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La restauration d’une dent unitaire est devenue l’une des interventions les plus couramment pratiquées en implantologie.1 Dans la région postérieure de la cavité buccale, l’intégrité de l’os (volume et densité) est souvent atteinte. Les forces occlusales sont plus importantes dans cette zone et en présence ou non d’habitudes parafonctionnelles, dites vicieuses, elles peuvent facilement compromettre la stabilité des restaurations (Fig. 1).2,3

La restauration d’une molaire unitaire implanto-portée est depuis toujours une sorte de gageure en termes de forme et de fonction. Les dimensions mésio-distales d’une molaire excédant celles de la plupart des implants standard (3,75 à 4,0 mm), la possibilité d’une surcharge fonctionnelle risque en effet d’aboutir à une défaillance des éléments de rétention ou de l’implant (Figs. 2 et 3).4 L’utilisation d’implants de diamètres plus larges se justifie dans les espaces molaires limités (8,0 à 11,0 mm), dont la largeur crestale est supérieure ou égale à 8 mm (Fig. 4 a),5 et les paramètres cliniques sous-tendant la restauration envisagée, doivent être minutieusement évalués, en fonction de la disponibilité des implants et des éléments prothétiques, qui offrent d’innombrables choix de diamètre, morphologie de la plate-forme, et liaisons prothétiques. Un bon nombre des derniers systèmes de restauration, évalués récemment dans les essais cliniques, indiquent des résultats prometteurs.6-8 En outre, différents auteurs, tels que Davarpanah et al.9, Balshi et al.2, English et al.10, et Bahat et Handelsman,11 ont avancé que l’utilisation d’implants multiples peut représenter la solution idéale pour les restaurations de molaires unitaires implanto-portées (Figs. 4b et c).

Lorsqu’ils sont utilisés pour la restauration d’une molaire sur double implant, la plupart des éléments implantaires prothétiques ne s’adaptent pas dans l’espace occupé par la dent, à moins que cet espace n’ait été élargi (12 mm ou plus).4 Selon Moscovitch, l’utilisation de 2 implants ne peut être envisagée que si l’on dispose d’un implant résistant et stable, pourvu d’un diamètre minimal de 3,5 mm. De plus, les éléments prothétiques associés devraient dans l’idéal, ne pas excéder cette dimension.2

L’analyse par la méthode des éléments finis (AEF) est un outil d’ingénierie utilisé par les chercheurs, pour évaluer les contraintes et les déformations dans un corps solide.10-13 Brièvement, un modèle d’éléments finis est construit en décomposant un objet solide en un certain nombre d’éléments discrets, qui sont reliés par des points nodaux communs. L’AEF permet le calcul des contraintes et déformations pour chacun des éléments et pour l’ensemble de ces éléments. Chaque élément est identifié par des propriétés matérielles idoines, correspondant aux propriétés du solide à modéliser. Des conditions aux limites en contrainte et en déplacement sont imposées au modèle, afin de simuler les interactions de l’objet et de son environnement.14

Cette modélisation permet une simulation des points d’application des forces à des emplacements spécifiques du système, et fait apparaître les forces résultantes dans les structures voisines. L’AEF est particulièrement utile pour l’évaluation des prothèses dentaires implanto-portées.13-16 Nous avons étudié deux modèles en les analysant au moyen de la méthode des éléments finis, afin de comparer la restauration d’une première molaire inférieure par un seul implant de large diamètre et par deux implants.

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_Matériel et méthodes

Trois entités différentes ont été modélisées pour simuler les cas étudiés, à savoir l’os de la mâchoire, un ensemble implant/pilier, et une couronne. Deux d’entre elles (os de la mâchoire et ensemble implant/pilier) ont été reproduites en trois dimensions par un logiciel CFAO polyvalent, connu sur le marché sous le nom « Autodesk Inventor » (version 8.0). Ces entités sont régulières, symétriques, et leurs dimensions peuvent être aisément mesurées dans leurs moindres détails.

Par contre, la géométrie de la couronne est trop compliquée, et il n’a pas été possible de la reproduire en trois dimensions avec une précision suffisante. Elle a donc été modélisée au moyen d’un scanner 3D (Roland MDX-15), de façon à produire un nuage de points ou des triangulations qui nécessitent des corrections, avant de les utiliser dans d’autres applications.

Une seconde phase difficile dans l’application de cet outil d’ingénierie est l’importation et la manipulation des trois entités, dont l’une a été scannée et les deux autres modélisées ou conceptualisées par un progiciel AFE commercial. D’une part, la plupart des produits-programmes CFAO et graphiques, permettent le traitement de parties telles que des coques (surface externe des objets uniquement). D’autre part, l’analyse des contraintes qui devait être réalisée dans le cadre de cette étude, est basée sur le volume des différents matériaux.3 Par conséquent, une série d’opérations comprenant la découpe de volumes au moyen de l’ensemble des surfaces importées, ainsi que l’ajout et la soustraction de volumes, peut permettre d’obtenir trois volumes représentant l’os de la mâchoire, l’ensemble implant/pilier, et la couronne.2 L’os a été assimilé à un cylindre composé de deux éléments co-axiaux. L’élément interne représente l’os spongieux   (14 mm de diamètre et 22 mm de haut) et il remplit l’espace intérieur de l’autre élément (la coque, d’une épaisseur de 1 mm) qui représente l’os cortical (16 mm de diamètre et 24 mm de haut). Deux implants ont été modélisés, l’un d’un diamètre de 3,7 mm et l’autre d’un diamètre de 6,0 mm. La conception et la géométrie de l’ensemble implant/pilier proviennent du catalogue de Zimmer Dental (Fig. 5).

Une analyse statique linéaire a été réalisée. La modélisation du corps solide et l’analyse par la méthode des éléments finis, ont été exécutées sur un ordinateur personnel Intel Pentium IV, processeur 2,8 GHz, mémoire vive 1,0 CB. Le logiciel ANSYS, version 9.0, a été choisi comme module de maillage, et l’élément de maillage du modèle tridimensionnel global était un élément brique à 8 nœuds (SOLID45), qui possède trois degrés de liberté (translations dans les orientations générales). La liste des matériaux utilisés pour cette analyse est indiquée dans le Tableau 1. Les deux modèles ont été soumis à une charge verticale de 120 N, distribuée de manière homogène (20 N sur six points simulant l’occlusion ; un sur chaque cuspide et un dans la fosse centrale de la face occlusale). D’autre part, la base du cylindre représentant l’os cortical a été imposée comme condition aux limites dans toutes les directions.17-21

_Résultats et discussion

Les résultats de l’AEF ont produit un nombre important de données, sur les contraintes et les déformations survenant dans tous les éléments des deux modèles de cette étude. Les figures 6a et b présentent une comparaison graphique des couronnes des deux modèles, que l’on peut juger sûre dans cette fourchette de contraintes (le revêtement de porcelaine, la couronne en or, et les implants ont démontré les mêmes plages paramétriques de sécurité). Aucune différence critique ne peut être notée dans ces parties du système. Les écarts susceptibles d’être observés sont dus aux divers points d’appui, et au volume de chaque partie devant absorber l’énergie résultant de la charge (équation 2).**

Globalement, une couronne placée sur deux implants est plus faible que la même couronne placée sur un seul implant. Cette caractéristique se reflète directement sur le revêtement de porcelaine et les deux implants qui présentent davantage de déflections. Si l’on compare le modèle d’implant de large diamètre avec celui de deux implants sur le plan géométrique, on constate simplement que la section transversale a été réduite de 43,3 % alors que la surface latérale a été accrue de 6,5 %. L’utilisation des résultats obtenus avec un seul implant, pris comme référence, pour comparer de manière détaillée les deux modèles au moyen de l’équation (1), a permis d’élaborer le Tableau 2. Celui-ci présente les conclusions concernant le revêtement de porcelaine, la couronne en or, le ou les implants, l’os spongieux et l’os cortical.

Différence % = {résultat pour un implant — résultat pour deux implants}*100/résultat pour un implant (1)

La déformation et les contraintes au niveau de l’os spongieux (Tableau 2) semblent être identiques dans les deux modèles. On peut en conclure facilement et rapidement qu’un seul implant de large diamètre ou deux implants conventionnels produisent un résultat équivalent. Mais il est surtout très important de pouvoir constater que, sous une mise en charge axiale, une augmentation d’environ 10 % de la surfacelatérale de l’implant peut compenser une réduction de 50 % de sa section transversale.

En d’autres termes, l’augmentation de la surface latérale de l’implant peut se révéler cinq fois plus efficace que l’augmentation de la section transversale de l’implant, sur le plan des contraintes exercées sur l’os spongieux en cas de mise en charge axiale. Au vu des Figures 7 a et b, on peut noter de légères différences entre les résultats obtenus pour les deux modèles au niveau de l’os spongieux. Les contraintes sur l’os spongieux sont réduites d’environ 5 % dans le modèle à deux implants par rapport au modèle à un implant de large diamètre. Les exceptions sont une augmentation relative des contraintes et des déformations maximales en compression de l’ordre de 12 % et 0,3 % respectivement.

On sait que l’os répond le mieux aux contraintes de compression et le moins bien aux contraintes de cisaillement22 et par conséquent, vu les contraintes de compression moins importantes dans le cas des deux implants, il s’est avéré que leur utilisation a un meilleur effet sur l’os spongieux. Par contre, les figures 8 a et b indiquent qu’un seul implant de large diamètre fonctionne mieux avec l’os cortical que deux implants, à savoir des diminutions de 20 % dans les déformations et d’environ 40 % dans les contraintes au niveau de l’os cortical. Les contraintes et les déplacements se sont révélés considérablement plus élevés dans le modèle à deux implants en raison des deux puits implantaires proches, qui créent entre eux une zone de faiblesse.

_Conclusions

Cette étude a produit des résultats variables entre l’os cortical et l’os spongieux. On s’attendait à observer des contraintes maximales dans l’os cortical, au niveau de la zone de faiblesse située entre les deux implants, et qu’elles soient en outre plus élevées que dans le modèle à un implant de large diamètre. Bien que la partie médiane de l’os spongieux ait subi des contraintes de même ordre dans les deux cas, l’utilisation de deux implants a permis une absorption de l’énergie due à la charge par un volume plus important d’os spongieux**, ce qui a mené à une diminution de la concentration des contraintes et du taux de détérioration des contraintes avec l’augmentation de la distance par rapport aux implants.

On peut considérer ce résultat comme une meilleure répartition des contraintes sur le plan mécanique, susceptible d’augmenter la durabilité des matériaux. Le revêtement de porcelaine ayant indiqué moins de contraintes en présence de deux implants, on s’attend à une meilleure survie de ce fragile matériau de revêtement. Par contre, on a observé davantage de contraintes pour la couronne en or posée sur deux implants, en raison de la réduction de son volume (moins de matériau soumis à la même charge). Manifestement, en augmentant les contraintes sur les deux implants, l’effet de charge transféré par la faible couronne aux deux implants était accru. Les contraintes maximales se produisaient sur la surface située sous la couronne, alors que l’implant de large diamètre a révélé les contraintes les plus élevées au niveau de sa pointe.

Sur le plan de l’absorption énergétique** et de la concentration des contraintes du système complet, partant du revêtement en direction de l’os cortical et de l’os spongieux, et bien que les niveaux de contrainte observés étaient trop faibles et loin de créer un risque de fracture, il est possible de tirer les conclusions suivantes : les résultats globaux plaident en faveur de deux implants dans l’os spongieux et de l’implant de large diamètre dans la couche corticale. Cependant, l’os alvéolaire est constitué d’os spongieux entouré par une couche d’os cortical. Il est également bien connu que le degré de densité osseuse permet de classer l’os en types D1,2,3,4 23 selon un ordre décroissant. Ainsi, à condition que l’espace édenté après l’extraction d’une molaire le permette, il est recommandé d’utiliser un implant de large diamètre dans un os de qualité plus dure (D1, 2) et deux implants de dimension moyenne dans l’os de qualité plus tendre (D3, 4). Une étude plus approfondie en vue d’établir un compromis entre la dimension/conception des deux implants et l’espace intermédiaire, peut permettre de fixer ces valeurs de contrainte dans une plage sûre, acceptable, et contrôlable sous des niveaux plus élevés de mise en charge.

** L’aire sous la courbe σε-εε jusqu’à une valeur donnée de déformation est l’énergie mécanique totale par unité de volume consumée par le matériau, en le soumettant à une contrainte correspondant à cette valeur (Fig. 9). L’équation 2 ci-dessous permet de le démontrer aisément :

_Synthèse

La restauration d’une molaire unitaire au moyen d’implants pose de nombreux problèmes. Le porte-à-faux mésio-distal dû à la vaste table occlusale en est le plus important. Une force occlusale postérieure accrue aggrave le problème et augmente les échecs. L’utilisation d’implants de large diamètre ou de deux implants de dimensions standard a été évoquée pour compenser cette surcharge. L’objet de cette étude était donc de vérifier la solution qui produisait le meilleur effet sur l’os alvéolaire, sous une distribution de charge verticale.

À cet effet, une expérience virtuelle faisant intervenir une analyse par la méthode des éléments finis, a été réalisée au moyen du logiciel ANSYS (version 9). L’os spongieux et l’os cortical de la mâchoire ont été simulés très simplement par deux cylindres co-axiaux. Une simulation extrêmement détaillée et très précise a été réalisée pour un implant, une couronne, et un revêtement de porcelaine. La comparaison porte sur des types différents de contraintes et de déformations, en présence d’un seul implant de large diamètre et de deux implants standard, sous les mêmes conditions aux limites et application de force.

Les trois contraintes principales (compression, traction, cisaillement), et les contraintes équivalentes, ainsi que les déformations verticales et globales, ont été examinées en comparant les deux modèles. Les résultats ont été obtenus sous forme de pourcentages, en utilisant l’implant de large diamètre comme référence. L’os spongieux a révélé un taux de contraintes inférieur d’environ 5 % dans le modèle à deux implants, par rapport au modèle à un implant de large diamètre. Les exceptions portaient sur une augmentation relative des contraintes de compression et les déformations maximales d’environ 12 % et 0,3 % respectivement.

Les contraintes et les déplacements au niveau de l’os cortical étaient plus élevés dans le modèle à deux implants en raison des deux puits implantaires proches, qui créent entre eux une zone de faiblesse. L’ os spongieux a répondu le mieux aux deux implants en raison de la répartition des contraintes (énergie absorbée par l’os spongieux**). Il a donc été conclu que l’utilisation de l’implant de large diamètre ou de deux implants de dimension moyenne, dépend essentiellement du cas. À condition de disposer d’une largeur d’os suffisante dans le sens mésio-distal et dans le sens vestibulo-lingual, le choix dépendra du type d’os. Les types D1,2 plus denses, qui présentent une qualité d’os plus dure et des couches corticales plus épaisses, se prêtent mieux à l’implant de large diamètre. Les types D3, 4 constitués d’un volume plus important d’os spongieux entouré d’une couche plus mince d’os cortical, sont mieux appropriés aux deux implants._
 

 

Note de la rédaction :

  •  une liste complète des références est disponible auprès de l’auteur.
  • Cet article est paru dans le magazine CAD/CAM France, Vol.3, N° 4/2013.
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