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La chirurgie guidée pour optimiser l’implantologie

On peut apprécier l’anatomie limitée dans le secteur postérieur maxillaire, ce qui complique extrêmement la pose d’un implant dans cette région sans recours à une greffe osseuse par élévation du plancher sinusien. La chirurgie guidée nous permettrait, dans ce cas, de pouvoir poser l’implant dans la protubérance.
Dr Jose Manuel Reuss

Dr Jose Manuel Reuss

mer. 11 mai 2016

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La réhabilitation des dents manquantes par des implants dentaires est une discipline prothétique assortie d’une composante chirurgicale. L’évolution de la dentisterie implantaire a mis les considérations de restauration comme directeur du traitement, plutôt que de l’anatomie osseuse comme c’était le cas avant.1 En ce sens, le plan prothétique idéal est conçu au début et toutes les étapes du traitement visent à atteindre l’objectif prothétique prévu. Cependant, bien souvent, il arrive que le lien entre la chirurgie et la prothèse ne soit pas aussi clair, et des implants fonctionnellement intégrés peuvent ne pas correspondre aux besoins du patient en termes de fonction, d’esthétique et de prédictibilité à long terme.2 Il est donc essentiel pour le chirurgien de pouvoir concevoir le meilleur scénario pour la réhabilitation du sourire du patient.

Le concept de chirurgie guidée a été introduit pour apporter un gain de précision dans le positionnement de l’implant selon le plan de restauration initial.3–5 Il s’appuie sur les deux grands principes suivants6 :

·  La visualisation de l’anatomie osseuse et du plan prothétique dans un environnement virtuel complet.
·  L’ostéotomie et la mise en place des implants grâce à un modèle rigide selon le plan virtuel précité. 


Le développement de la radiologie dentaire a vu l’introduction de la Tomographie Volumique à Faisceau Conique (TVFC ou Cone Beam Computerized Tomography, CBCT) dans le début des années 1990. Un implant virtuel pouvait être déplacé le long de la crête osseuse afin de déterminer si le volume osseux était suffisant pour placer un implant, ou si une greffe osseuse était nécessaire. D’autres avancées ont permis d’ajouter l’anatomie dentaire et les tissus mous, ainsi que le wax-up de la future restauration, dans la même plateforme numérique. Au début des années 2000, quelques systèmes étaient disponibles. Aujourd’hui, la plupart des principaux systèmes implantaires offrent la possibilité d’élaborer le plan chirurgical et de produire le guide.7

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Planification implantaire virtuelle

Il existe actuellement plusieurs techniques pour intégrer l’anatomie clinique, les structures osseuses et le wax-up dans le logiciel de planification.

·  La technique traditionnelle se limite à l’imagerie radiologique ; tout d’abord, un montage en cire des zones édentées est réalisé sur un modèle. Ce wax-up est dupliqué en résine acrylique et prend le nom de guide radiologique après l’ajout de marqueurs radiographiques spécifiques à la résine. Le guide est placé dans la bouche du patient et une première tomodensitométrie volumique (CBCT) est réalisée. suivie d’une seconde du guide seul. Les fichiers produits par le dispositif de balayage sont appelés fichiers DICOM (Digital Imaging and Communication in Medicine). Les deux analyses sont ensuite jumelées dans le logiciel de planification et à ce stade, la planification de l’implant est effectuée.8

·  La technique DICOM/STL implique une analyse radiologique du patient et une numérisation de ses dents, de l’anatomie des tissus mous, ainsi que du wax-up au moyen d’un lecteur optique. STL, qui signifie Standard Tesselation Language, est un format de fichier commun à la plupart des outils de conception prothétique.9 


Après l’intégration des trois composantes de la phase diagnostique dans le logiciel (anatomie de surface, wax-up et examen radiologique), le logiciel de planification permet le positionnement virtuel des implants selon l’objectif prothétique final et l’anatomie osseuse existante. Il permet souvent de détecter un volume osseux insuffisant ce qui peut aider le clinicien dans sa décision d’utiliser un implant spécifique avant la chirurgie. Des paramètres tels que l’angulation de l’implant, la position, l’espace prothétique et la distance entre les implants, peuvent faciliter la pose adéquate de l’implant. L’identification des structures anatomiques importantes permet en outre d’éviter ces obstacles au cours de la chirurgie.10–13

Positionnement implantaire guidé 


La position idéale de l’implant étant déterminée, le second aspect de la chirurgie guidée entre en jeu. Un modèle en résine solide peut être fabriqué au moyen du plan de traitement virtuel, afin de guider l’ostéotomie et la mise en place des implants. Ce guide chirurgical est généralement constitué de résine et il est fabriqué à l’aide d’une imprimante 3D stéréolithographique. Il peut être à appui dentaire, muqueux ou osseux. 


Considérations sur la précision

Il existe plusieurs systèmes guidés de positionnement de l’implant. La littérature révèle que, d’une façon générale, la précision du positionnement implantaire guidé est relativement élevée, même si des écarts importants peuvent être observés.5, 14, 15 Divers éléments sont analysés afin d’étudier la précision de la planification de l’implant : mesures verticales, horizontales et d’angulations. Dans de nombreuses situations, ces écarts peuvent être considérés comme cliniquement « non significatifs ». Néanmoins, une erreur d’angulation de 5° ou même une différence de 1,5 mm de profondeur de l’implant risque d’entraîner des problèmes importants si par exemple les exigences relatives au positionnement spécifique de l’implant impliquent d’éviter une structure anatomique importante.

Afin de diminuer les erreurs liées à la précision, différents aspects doivent être considérés ; tout d’abord, le positionnement de l’implant nécessite la prise en compte des possibles conséquences dues à la forme du guide chirurgical ; en fonction du système, si, par exemple, un implant est placé profondément, le gabarit de guidage du guide peut s’enfoncer dans l’espace interne, ce qui empêche la mise en place correcte du guide. Si le clinicien ne détecte pas un tel problème, l’assise du guide sur l’anatomie du patient peut être modifiée involontairement et les implants seront donc mal positionnés. D’autre part, le type de modèle influe sur le degré de précision. Une étude menée par Vercruyssen en 2014 a révélé l’importance du matériau du guide. Les guides classiques sont fabriqués par stéréolithographie.16 Après polymérisation du matériau, un technicien de laboratoire ou un robot insère les anneaux métalliques de positionnement et les colle au guide. Ce procédé peut entraîner une erreur de positionnement de l’implant. Les systèmes de chirurgie guidée plus récents permettent de fabriquer simultanément les guides et les gabarits de forage intégrés dans la résine. Cette étude in vitro a démontré la précision nettement plus élevée de certains systèmes, lorsque les gabarits étaient créés pendant l’impression 3D plutôt qu’insérés à la fin du processus.

D’autre part, l’assise du guide doit être totalement fiable. Ceci est relativement simple à réaliser si les dents servent d’appui au guide ; le clinicien doit observer l’assise et ajuster le guide au moyen d’une pièce à main. Cependant, si l’os ou la muqueuse servent d’appui au guide, l’ajustement devient beaucoup plus délicat.4, 17 Dans le premier cas, les limites du lambeau, la consistance de l’os et la présence de sang peuvent influer sur l’ajustement du guide. En outre, la qualité de la numérisation CBCT, ainsi que le traitement des fichiers auront une incidence sur la qualité et la précision de l’assise du guide. Dans le second cas (appui muqueux), il est souvent difficile d’évaluer si le guide a été positionné correctement en raison de la résilience des tissus mous. Le clinicien doit ajuster le guide et réaliser les enregistrements appropriés avant la chirurgie. Les irrégularités de la surface interne et l’excès de matériau doivent être éliminés, afin d’obtenir une assise fiable du guide. Une ischémie homogène doit être observée à travers le modèle, lorsqu’il est pressé contre les tissus mous. Dans la mesure du possible, il est recommandé de placer le guide avant l’anesthésie, afin de pouvoir détecter les points de pression susceptibles d’être insensibilisés par l’anesthésie locale.

Un autre facteur important est le processus de forage lui-même. En raison de la souplesse du guide et, dans le cas de guides à appui muqueux, de la résistance de la muqueuse, la capacité du chirurgien à contrôler le degré de pression sur le guide et sur l’anatomie du patient pendant le forage est cruciale. Malgré l’utilisation de tenons de fixation pour éviter tout déplacement du guide, celui-ci peut se déplacer et plier légèrement lorsqu’il est pressé. Si, par exemple, les implants sont placés à une extrémité édentée, le guide peut fléchir légèrement et par conséquent, la position de l’implant peut être modifiée. Dans le cas de guides à appui muqueux, il est important de respecter une séquence de forage adéquate.17 Les implants postérieurs doivent être placés en premier lieu, afin d’éviter le basculement du guide.

Le forage ne doit pas être effectué en force ou si un frottement notable est détecté. Outre l’élasticité du guide et des tissus mous, les gabarits de forage peuvent être endommagés si l’axe de forage n’est pas parallèle à celui des manches. Les guides en résine sans gabarit métallique sont, pour des raisons évidentes, plus sujets à l’usure. À titre d’exemple, si le positionnement de l’implant dans le manchon n’est pas exempt de tout frottement, des valeurs élevées de couple peuvent être générées uniquement par la friction entre le porte-implant et le manchon, plutôt qu’entre l’implant et l’os.

Avantages de la chirurgie guidée

La virtualisation du plan de traitement complet permet de parvenir à une réhabilitation orale appropriée du patient. La possibilité d’envisager différents scénarios et même d’y apporter de légères variations est la clé pour éviter une improvisation au cours du traitement.4, 18

La précision du positionnement de l’implant est l’un des facteurs les plus importants de la dentisterie implantaire. Dans de nombreux cas, une erreur de seulement 1 mm ou 1° peut avoir des incidences fonctionnelles et/ou esthétiques. La chirurgie guidée vise à réduire l’erreur humaine susceptible de se produire lors de l’ostéotomie et de la pose de l’implant, grâce à un scénario préalablement déterminé.

La chirurgie guidée permet la mise en place des implants avec un niveau de confiance relativement élevé. Si l’anatomie le permet, les implants peuvent donc être posés en toute sécurité, sans lambeau (« flapless »). Si le volume osseux est suffisant, et si aucune autre modification de l’anatomie n’est nécessaire, le chirurgien n’a aucun besoin de décoller le lambeau. Les conséquences d’un décollement de lambeau sont amplement décrites dans la littérature. Le décollement du périoste entraîne un processus inflammatoire qui entraîne une résorption partiale de la surface de l’os, des niveaux plus élevés d’inflammation, des malaises, des douleurs, une cicatrisation plus longue. Souvent, la chirurgie guidée permet la pose des implants en toute sécurité sur des sites où uniquement des chirurgiens hautement qualifiés pourraient effectuer une telle procédure.

En termes de durée de traitement, la littérature décrit que l’utilisation de la chirurgie guidée permet une réduction du temps opératoire. Même si le clinicien doit consacrer plus de temps à la préparation du cas, le temps réel au fauteuil est considérablement réduit. Ceci peut être partiellement dû à l’inutilité du décollement d’un lambeau, et à la préplanification des ostéotomies qui élimine la nécessité de contrôler le geste exact de l’incision.

Outre ces paramètres, la chirurgie guidée offre d’autres avantages liés à l’aspect prothétique de l’implant. La chirurgie peut être effectuée sur un modèle, permettant au prothésiste de connaître la position exacte des implants. Si une mise en fonction immédiate des implants est prévue, le prothésiste peut même créer la restauration provisoire sur la base de ce modèle. En cas de restaurations implantaires plurales, une conception spéciale ainsi que des pièces spéciales doivent être utilisées. Ces composants offrent une certaine « souplesse d’adaptation » et permettent l’assise de la prothèse, même si une anomalie mineure est présente. Le concept de préfabrication de la prothèse présente l’avantage évident de réduire la durée du temps de traitement. Étant donné qu’aucune empreinte n’est nécessaire, et que le besoin d’ajustement est généralement réduit au minimum, le clinicien peut réaliser la restauration temporaire dans un temps beaucoup plus court, par rapport à la méthode classique de prise d’empreinte et de fabrication de prothèse provisoire.

D’autre part, un pilier définitif peut être créé après obtention du « modèle guidé ». Un élément prothétique définitif peut être adapté à l’anatomie du patient. Il est aussi possible de montrer au patient les modifications de l’anatomie que le clinicien a prévues. Après la mise en place, le clinicien aura uniquement besoin d’effectuer les réglages nécessaires. L’avantage de l’utilisation de piliers définitifs au moment de la chirurgie, est défini dans la littérature et se rapporte principalement à deux aspects :

1. La connexion du pilier ne se fait qu’une seule fois. Plus le nombre de connexions et déconnexions est important, plus le risque de perte osseuse périimplantaire marginale existe19, 21


2. Des matériaux tels que le titane ou la zircone sont plus biocompatibles que ceux utilisés dans les restaurations temporaires traditionnelles.22, 23 Cela pourrait être lié à une réponse de cicatrisation plus contrôlée, à une accumulation de plaque minimale et à une meilleure préservation de l’os et du tissu mou.

Frais

L’utilisation de la chirurgie guidée engendre des coûts supplémentaires. Une licence de logiciel annuelle doit être achetée par l’utilisateur, et chaque guide commandé signifie un coût supplémentaire pour la procédure. Cependant, une planification et des gestes précis éviteront au clinicien de commettre des erreurs cruciales. En outre, les procédures peuvent être simplifiées si l’os disponible est limité, et l’anatomie peut être maximisée par une pose de l’implant conservatrice et précise, à travers un guide.

Limitations

La chirurgie guidée est une discipline qui exige une solide expérience.24 Le clinicien doit apprendre à pratiquer la chirurgie guidée en plus de ses connaissances des concepts d’implantologie et ses aptitudes chirurgicales.

Les limitations peuvent venir du système lui-même. Dans certains systèmes, la distance entre la plateforme de l’implant et le gabarit de guidage est fixe. Si l’implant est positionné trop profondément, le gabarit s’enfonce dans l’espace interne, ce qui empêche le guide de prendre appui. La présence de structures métalliques dans la cavité buccale, telles que des couronnes, peut produire des artefacts radiologiques,25 ce qui peut non seulement provoquer une déformation des images, mais aussi entraver la lecture de l’anatomie par le logiciel et le traitement des données Dicom relatives au guide et au wax-up .

Le wax-up doit aussi être précis. Un diagnostic complet, assorti d’un plan prothétique viable, limite le besoin d’improviser ou de corriger les erreurs liées à une mauvaise planification. Une fois le wax-up intégré dans le système, le positionnement de l’implant virtuel doit tenir compte de l’os disponible et/ou des tissus mous, de l’existence ou non d’une modification de l’anatomie clinique. Entre les complications plus fréquentes se trouve la manque de stabilité primaire.26 À titre d'exemple, s’il y a friction pendant le placement de l'implant à travers le manchon, des valeurs élevées de couple peuvent être strictement liées à la friction entre le transporteur de l'implant et le manchon, plutôt qu’entre l'implant et l'os.

Principales complications chirurgicales

Les déviations entre le plan initial virtuel et la position finale des implants ont été évalués dans une revue de la littérature récente.26 Les différences au niveau du point d’entrée de l’implant dans l’os variaient de 0.91 mm à 1.35 mm (moyenne 1.13 mm, DS 0.31), au niveau de l’apex, ces différences variaient de 1.13 mm et 1.79 mm (moyenne 1.46 mm, DS 0.46), et les différences en termes d’angulation de 2.60° à 6.53° (moyenne 4.56°, DS 2.77).

Principales complications postopératoires

Les taux de survie des implants posés par chirurgie guidée sont comparables à ceux des implants posés par méthode traditionnelle (taux d’échec de 2.53 pour cent) après un minimum d’un an. L’inflammation des tissus mous (mucosite péri-implantaire) est la complication biologique principale. Une péri-implantite était présente dans 13.7 pour cent des cas.27, 28

Complications prothétiques

Le taux de survie prothétique était de 83.9 à 100 pour cent après un minimum d’un an.26 La complication la plus fréquente était la fracture de la prothèse.28, 29

Conclusions

Les avances en médecine dentaire visent à augmenter la prédictibilité des traitements et servent aussi à améliorer la qualité de vie des patients. L’avénement des nouvelles technologies nous permet d’optimiser les données du patient ayant pour objectif de trouver le plan initial idéal pour les meilleurs résultats. Les systèmes de chirurgie guidée nous permettent de faire une planification compréhensive du traitement implantaire en intégrant restauration et chirurgie. Malgré une courbe d’apprentissage importante, ces systèmes nous permettent d’augmenter la précision du placement des implants, de réduire le temps opératoire, et de diminuer l’incomfort pour le patient. Cependant, nous devons bien connaître les détails de cette philosophie de traitement, pour pouvoir donner les meilleurs résultats possibles aux patients. _

Note de la rédaction : Cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol. 4, Numéro 1/2016.
Une liste complète des références est disponible auprès de l'éditeur. 

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