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Interview : comprendre «pourquoi» et regarder vers l’avenir, deux choses qui nous inspirent

Le Dr Tommaso Castroflorio cherche continuellement à améliorer les résultats et à les rendre aussi prévisibles que possible. (Photo : Tommaso Castroflorio)
Claudia Duschek & Nathalie Schüller, DTI

Claudia Duschek & Nathalie Schüller, DTI

ven. 17 septembre 2021

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Se demander « pourquoi » est probablement ce qui a conduit le Dr Tommaso Castroflorio à vouloir obtenir davantage que le seul succès en tant qu'orthodontiste pratiquant. Il cherche à trouver des solutions qui comblent de bonheur ses patients et qui permettent d'obtenir des résultats esthétiques optimaux. Il vise à améliorer continuellement les résultats et à les rendre aussi prévisibles que possible. Voilà les raisons qui le motivent à enseigner, à faire de la recherche, à donner régulièrement des conférences et à s'impliquer non seulement comme membre du comité de rédaction du Journal of Aligner Orthodontics, mais aussi comme membre fondateur de l'European Aligner Society. Sa présentation au symposium scientifique Invisalign 2021, qui s'est déroulé les 2 et 3 juillet derniers, portait sur la déformation des alignements et la prévisibilité des mouvements dentaires orthodontiques.

Aujourd'hui, les aligneurs peuvent être utilisés pour traiter un éventail relativement large de cas de malocclusion, y compris des cas complexes. Pourtant, seules quelques études sur l'efficacité des aligneurs pour réaliser des mouvements complexes ont été menées. Quelle est votre expérience clinique à ce propos ?
Oui, c'est vrai, les cas complexes peuvent être traités avec des aligneurs. Mais il y a toujours un malentendu entre le rôle de l'appareil et celui de l'orthodontiste. Les appareils sont des outils qui doivent être utilisés par des têtes pensantes et des mains entraînés ; il est donc préférable d'affirmer que les orthodontistes, bien formés à l'orthodontie par aligneurs, peuvent traiter même les cas complexes.

En ce qui concerne la prévisibilité du mouvement dentaire orthodontique, des articles récents ont mis en évidence des résultats médiocres. Cependant, là encore, l'erreur est toujours la même : celle de confondre l'appareil et l'opérateur. Dans ces études, il n'est pas précisé si des attaches ou des auxiliaires ont été utilisés, si la séquentialisation des mouvements a été appliquée ou, plus important encore, si un diagnostic correct a été posé et un plan de traitement approprié conçu. Tous ces articles affirment que les cas considérés ont été traités par « un orthodontiste expert en traitement par aligneurs». J'ai l'impression que le terme « orthodontiste expert en traitement par aligneurs» désigne un orthodontiste qui traite un grand nombre de patients avec des aligneurs, ce qui ne signifie pas nécessairement qu'il s'agit d'une personne qui excelle dans ce domaine. Il est donc nécessaire de mener des études mieux conçues et contrôlées.

En moyenne, combien de patients ont besoin d’aligneurs supplémentaires ou d'une finition postalignement pour obtenir les résultats escomptés ?
Il y a deux prémisses à prendre en compte : un diagnostic correct doit avoir été posé et un plan de traitement correct doit avoir été conçu. Si ces prémisses sont respectées, nous devons prendre en compte un autre facteur crucial de l'orthodontie par aligneurs : la coopération du patient. Si la coopération du patient n'est pas optimale pendant le traitement, une correction à mi-parcours peut s'avérer nécessaire. Travailler dans une université me permet d'apprécier l'importance de l'expérience de l'orthodontiste dans la motivation du patient. Les étudiants sont toujours moins efficaces que les opérateurs expérimentés, et le nombre de corrections à mi-parcours est directement proportionnel à l'inexpérience de l'opérateur.

En ce qui concerne le besoin de raffinement, si les prémisses ci-dessus ont été respectées, et si la collaboration du patient a été optimale, nous devons nous rappeler que moins il y a eu d'erreurs dans la phase de conception, moins il y aura de travail nécessaire lors de la finition. Le raffinement est nécessaire dans presque tous les cas, si nous le considérons comme étant une phase de finition et de détail. Encore une fois, nous devons nous rappeler que nous sommes des orthodontistes et que l'appareil n'est qu'un outil, pas le but.

Dans une revue systématique, vous et vos co-auteurs avez constaté que les mouvements les plus problématiques pour les aligneurs sont l'extrusion et la rotation. Vous avez mentionné dans votre présentation qu'il est assez difficile de contrôler le mouvement des latéraux. Selon vous, que doivent garder à l'esprit les orthodontistes lorsqu'ils traitent de tels cas ou sélectionnent des patients ?
Les mouvements d'extrusion et de rotation sont, de notoriété publique, les mouvements les plus difficiles à réaliser avec des aligneurs, surtout lorsqu'il s'agit de dents de forme arrondie. Lorsque ces deux types de mouvements concernent une incisive latérale maxillaire, nous atteignons le sommet de la difficulté !

Dans le passé, nous avons toujours mis l'accent sur la nécessité de donner à l’aligneur une surface de taille et de position adéquates sur la couronne de la dent par la construction d'un attachement, afin de pouvoir contrôler ces mouvements complexes. L'expérience clinique nous a toutefois montré que cela n'est pas suffisant. C'est pourquoi j'ai développé, avec mon groupe de recherche (Drs Gabriele Rossini et Simone Parrini) à l'école dentaire de l'université de Turin, des modèles mathématiques pour simuler des mouvements tels que ceux décrits ci-dessus, afin de découvrir si la déformation de l’aligneur joue un rôle fondamental. Chaque fois que nous extrudons les incisives maxillaires, la déformation de l’aligneur pousse les latérales en direction linguale, déterminant la perte de suivi que nous avons l'habitude d'observer dans la pratique quotidienne. Évidemment, les attachements sont essentiels lorsque nous planifions des mouvements d'extrusion, et dans le cas des latéraux maxillaires, nous pourrions envisager de planifier un mouvement buccal pendant tous les mouvements d'extrusion, afin de contrecarrer le sévère mouvement lingual déterminé par la déformation de l’aligneur.

Les modèles mathématiques axés sur le mouvement de rotation des prémolaires mandibulaires ont mis en évidence l'importance de l'ancrage sur les dents adjacentes pour accroître la prévisibilité du mouvement. Ce que nous avons constaté dans ces modèles, c'est que la déformation de l’aligneur produit toujours un basculement buccal des molaires mandibulaires du même côté que la prémolaire en rotation. Par conséquent, il est extrêmement utile de renforcer l'ancrage sur les dents adjacentes lorsque des mouvements de rotation sont prévus, ainsi que de spécifier le basculement lingual des molaires mandibulaires, lors de la rotation des prémolaires mandibulaires. Cependant, nous sommes au tout début d'une nouvelle phase de la biomécanique de l'orthodontie par aligneur : celle où l'on étudie l'effet de déformation de l’aligneur et où l'on définit les moyens d'améliorer l'efficacité de l'orthodontie par aligneurs.1

« Les mouvements d'extrusion et de rotation sont, de notoriété publique, les mouvements les plus difficiles à réaliser avec des aligneurs, surtout lorsqu'il s'agit de dents de forme arrondie »

En ce qui concerne le traitement par aligneurs pour les cas de classe II, vous avez parlé du fait que la distalisation des prémolaires entraîne une perte d'ancrage dans la région molaire. Pouvez-vous nous parler de la solution que vous avez trouvée pour contrôler la perte d’ancrage ?
Dans la mécanique de la correction de la malocclusion de classe II avec distalisation des dents de l'arcade maxillaire à l'aide des aligneurs, la distalisation des prémolaires représente un mouvement crucial. En effet, on observe une perte d'ancrage postérieur avec basculement mésial de la couronne des molaires. Alors que nous savons comment contrôler l'ancrage antérieur, grâce aux élastiques inter-arcades de classe II, nous n'avons pas été formés au contrôle de l'ancrage postérieur. Une solution possible, que j'adopte normalement dans mes prescriptions, est de prévoir une inclinaison distale de la couronne d'au moins 5° pour les molaires tout au long du mouvement de distalisation des prémolaires. Une autre solution possible pourrait être l'utilisation de mini-vis.2

Vous êtes un grand fan du nouvel Invisalign G8 avec la nouvelle fonction SmartForce pour l’activation des alignements. Pouvez-vous dire à nos lecteurs pourquoi cette innovation vous semble si importante pour améliorer la prévisibilité du traitement et dans quels cas il est préférable de l'utiliser ?
Oui, je suis vraiment un grand fan d'Invisalign G8 parce qu'elle représente la première tentative de contrôler la déformation des aligneurs, afin d'augmenter la prévisibilité des résultats cliniques. Et, pour autant que je sache, c'est également la seule tentative. Comme indiqué précédemment, la déformation de l’aligneur est un élément crucial de la biomécanique de l’aligneur et le contrôle de ce facteur est la dernière pièce du puzzle de l'efficacité de l’aligneur. Un changement de paradigme est nécessaire pour améliorer nos connaissances et nos compétences en matière d'orthodontie par aligneurs : passer d'une biomécanique axée sur les attaches à une biomécanique axée sur la déformation des aligneurs. Les attaches seront toujours nécessaires, mais elles seront plus petites et moins nombreuses.

Un exemple pratique est celui des cas où une expansion de l'arcade maxillaire est prévue. La combinaison d'attaches optimisées et de la préactivation des aligneurs semble augmenter le contrôle des dents postérieures, par rapport à ce que nous avions l'habitude de planifier dans le passé avec des attaches rectangulaires encombrantes conventionnelles. J'utilise le terme « semble » car nous ne disposons pas encore d'études comparatives.

La préactivation de l’aligneur peut contrôler la déformation, réduisant ainsi l'importance clinique des forces et des mouvements non désirés. En d'autres termes, la combinaison des attaches et de la préactivation de l’aligneur augmente son efficacité, du moins entre les mains d'orthodontistes qualifiés. Il est bon de le répéter : l'appareil n'est rien s’il n’est pas contrôlé.

Références

1 Rossini G, Modica S, Parrini S, Deregibus A, Castroflorio T. Incisors extrusion with clear aligners technique: A finite element analysis study. Appl. Sci. 2021;11(3):1167. https://doi.org/10.3390/app11031167
2 Rossini G, Schiaffino M, Parrini S, Sedran A, Deregibus A, Castroflorio T. Upper second molar distalization with clear aligners: A finite element study. Appl. Sci. 2020;10(21):7739. https://doi.org/10.3390/app10217739

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