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Le dr Jean-Pierre Eudier a oeuvrer pour l'amélioration du soin dentaire en Afrique pendant plus de 40 ans. (Photo : Marc Chalupsky, DTI)
Dr. Jean-Pierre Eudier / Marc Chalupsky, DTI

Dr. Jean-Pierre Eudier / Marc Chalupsky, DTI

mar. 3 janvier 2017

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PARIS, France : Jean-Pierre Eudier a consacré sa vie à organiser des soins dentaires économiques mais de qualité à l’échelle du continent africain. Après 40 années de dur labeur, après avoir visité 38 pays africains et tissé un réseau de partenaires dans plus de 40 états, l’offre de soins bucco-dentaires devient une réalité. L'Afrique est le continent de perceptions économiques erronées et beaucoup reste toujours à faire. Il s’est passionné pour le développement de protocoles de soins dentaires à minima et il a participé à la création de nombreuses écoles et cliniques dentaires sur le continent. Lors du congrès de l’ADF, il a partagé son histoire personnelle avec dental Tribune online.

Jean-Pierre Eudier : Mon coeur bat toujours pour l’Afrique et j’ai réalisé beaucoup de rêves, mais entretenir ces améliorations impose que l’on regarde l’Afrique avec réalisme sans se voiler la face et sans mentir aux Africains. Je pourrai parler des jours entiers de la situation du continent. Corriger les idées fausses colportées sur chacun des 54 pays africains, témoigner de la souffrance réelle des populations, de l’exode rural chaotique vers les mégalopoles surpeuplées et insalubres alimentant une situation sanitaire déjà alarmante. De l’explosion des nouvelles pathologies non conventionnelles : obésité, diabètes et maladies cardiovasculaires engendrées par un changement radical des modes de vie et d’alimentation. De l’incapacité d’offrir à la profession dentaire le rang qu’elle mérite comme spécialité médicale. En dehors des grandes villes et des capitales, Il existe très peu de cabinets dentaires dignes de ce nom. Certains sont gérés par des dentistes privés, d’autre par des ONG et autres sociétés caritatives. Puisse cet article sensibiliser aux défis à relever et aider à mettre en place de nouvelles stratégies pour préserver le sourire africain.

La plupart des dentistes affectés dans les services publics se débattent avec de faibles moyens pour survivre. Nombre de ces services publics sont localisés dans des quartiers où l’eau et l’électricité ne sont distribuées que quelques heures par semaine. Les maladies bucco-dentaires deviennent un problème de santé public majeur et, si les soins dentaires sont fort coûteux dans les pays industrialisés, ces soins sont le plus souvent inaccessibles ou inexistants dans la majorité des pays africains à revenu faible ou moyen. Par ailleurs, les soins bucco-dentaires ne sont pas inscrits aux maigres budgets de santé des états.

En l'absence d'état structuré, l'économie du monde dentaire africain doit trouver sa place dans un système économique partagé entre une économie de comptoir et une assistance humanitaire grandissante et inefficace. L'organisation d’un système de santé performant fait l’objet d’un défi permanent qui oblige à beaucoup de flexibilité, d'imagination et de pragmatisme à toutes les étapes d’une longue chaine d’intervenants de fonctions diverses et pourtant indispensables pour assurer la continuité de soins de la meilleure qualité possible aux populations les plus isolées.

Les modèles économiques qui ont fait leurs preuves en Europe de l'Est et en Asie ces dernières décennies, basés sur des business plan structurés, des objectifs à atteindre pour réaliser des économies d'échelle ne sont plus adaptés à l'heure de la nouvelle économie virtuelle qui se met en place en ce 21ème siècle. La dématérialisation a toutefois des limites et dans le cas du dentaire, seule la formation (de base et continue) peuvent en tirer un bénéfice immédiat. Pour l’essentiel des activités dentaires, tributaires de l’acheminement et de l’utilisation de matériels et produits indisponibles sur le continent, leur importation reste incontournable. Comment limiter les coûts ?

Compte tenu d’une démographie professionnelle très dispersée, la limitation des coûts, irréalisable par des économies d’échelle, devra s’opérer autrement, en repérant les postes couteux le long de la chaîne d’approvisionnement et agir sur ces postes.

Pour ce faire, des cadres hautement qualifiés et visionnaires doivent être formés à gérer la complexité. Ils agiront efficacement en aidant à réformer des règlements rigides et abroger des lois obsolètes qui encouragent la corruption et les circuits informels. Ils rédigeront des directives applicables aux défis générés par un plateau technique aussi pléthorique qu'inutile et souvent surdimensionné et en demandant des plateaux techniques robustes, simples et standardisés. En hiérarchisant les offres de soins et en adaptant les structures en conséquence, en mutualisant les achats. Ceci inclut une politique d’importation d’équipements économiques, robustes et fiables. Les décisionnaires doivent hiérarchiser les capacités de soin de chaque structure et proposer les équipements adaptés sans sophistication inutile. Ceci inclut aussi la mise en place d’un contrôle des donations provenant souvent de matériels réformés dans le pays du généreux donateur. L’évaluation des services énergétiques et sanitaires plutôt déficients sinon inexistants, et la création de services de maintenance dignes de ce nom.

La logistique devra alors être adaptée en fonction de la destination et de la valeur ajoutée des produits à acheminer. Ceci pour le bénéfice de tous : patients et praticiens. En Afrique, les problèmes ne s'additionnent pas, ils se multiplient.

A ce jour, les modèles économiques copiés essentiellement sur les modèles occidentaux ont montré leurs limites et ont abouti le plus souvent à des échecs désastreux.

A ce titre, les directives pour offrir un système de santé performant sont parfaitement
répertoriés dans un document intitulé « Delivering high quality, low cost care at
scale » rédigé par KPMG ZA suite à un meeting tenu à Johannesbourg en 2013. Ces directives proposées pour la médecine en général devront toutefois être adaptées au monde dentaire.

La lecture de ce document conforte les choix qui ont été les nôtres depuis 20 ans. Notre succès est le résultat de la mise en oeuvre intuitive de ces orientations et la prise en compte systématique des multiples paramètres décrits dans ce document fort pertinent et qui doit devenir la base de travail pour la mise en place des futures stratégies.

Dans de nombreux pays d’Afrique, la mise en place d’un réseau de compétences proposant des services de qualité à bas coût est parfaitement compris et admis. Nos partenaires Africains qui nous ont fait confiance dans cette approche structurée sont chaque jour plus nombreux.

Toutefois, les formations de base et continue reste des défis à relever. La manière dont les programmes de formations continue ont été organisés récemment se révèle lourde, coûteuse, chronophage et difficile à mettre en oeuvre sans offrir de résultats mesurables. Il devient urgent d’imaginer de nouvelles stratégies pour partager l’information et la connaissance. D’abord, serait-il plus sage de former davantage d’infirmiers-dentistes affectés à des soins de santé de base plutôt que davantage de dentistes démunis du minimum essentiel à l’exercice de leur profession. Ces
infirmiers-dentistes pouvant accéder à une formation complète grâce à une formation continue plus efficace. La formation à la gestion à la maintenance de cliniques dentaires doit aussi être intégrée sans délai.

Nous maintenons nos efforts dans le soutien aux formations de base et continue en intégrant davantage les nouvelles technologies virtuelles au service de cette formation. Nous comptons sur le soutien de nos partenaires industriels et académiques pour proposer des formations enregistrées qui seront mises en ligne sur notre page facebook « save the African smile » A la différence des partages de biens et de marchandises qui appauvrissent, le partage de la connaissance enrichit.

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