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Retrouver l’accès aux canaux lors d’un retraitement

Reconstitution corono-radiculaire isolée après le retrait de la restauration prothétique. (Image : Dr Alessandro Fava)

jeu. 30 octobre 2025

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La réussite en endodontie commence par un diagnostic précis de la dent (dont des évaluations de la situation endodontique et parodontale, ainsi que du traitement restaurateur) et se termine par une restauration adaptée qui garantit un résultat clinique positif à long terme.1–3

Un diagnostic exact permet aux praticiens d’établir le pronostic d’une dent dans le cadre d’un plan thérapeutique global et potentiellement complexe, parfois même avant de commencer le traitement. Une cavité d’accès adéquate permet d’évaluer la macroanatomie endodontique de la dent et de procéder à une première exploration du système canalaire, d’abord avec des instruments manuels, qui restent indispensables, puis avec des limes mécaniques. La préparation reproductible du glide path, qui donne au praticien la sensation de « glisser » jusqu’à la longueur de travail, permet la mise en forme et la création de la conicité nécessaire, pour faciliter l’irrigation et le scellement efficace des canaux.4

Parmi toutes les étapes, l’une des plus importantes et considérées comme stratégiques, est la réalisation d’une cavité d’accès adéquate, car une erreur à ce stade risque souvent de compromettre ou de compliquer la suite du traitement.5 Dans le cadre d’une dent qui nécessite un retraitement, la préparation de la cavité pourrait paraître une étape secondaire de moindre importance puisque, par définition, l’accès au système canalaire a déjà été réalisé. Toutefois, chacune des étapes d’un retraitement endodontique qui vise à prolonger la survie des dents naturelles et, dans la mesure du possible, à retarder le moment d’un traitement implantaire, relèvent d’un défi auquel sont de plus en plus souvent confrontés les chirurgiens-dentistes, y compris généralistes, car l’élément à retraiter est généralement au centre d’un plan de traitement complexe multidisciplinaire.6

Il est important d’informer les patients de cette possibilité de sauver leurs dents même gravement endommagées et du pronostic du traitement par rapport à un implant. Bien que les implants soient très fiables, ils ne sont pas sans risque de complications. Lorsqu’ils sont bien informés, les patients choisissent souvent de conserver leurs dents naturelles.7 Aujourd’hui, les meilleures connaissances cliniques, la disponibilité de matériaux biocéramiques pour la réparation des lésions d’origine iatrogène et des défauts anatomiques, ainsi que l’utilisation généralisée du microscope opératoire, ont considérablement amélioré la prédictibilité de ces traitements.8, 9 Dès que la décision a été prise d’entreprendre le retraitement orthograde d’une dent et que toute restauration directe ou indirecte existante a été éliminée, la repréparation de la cavité d’accès est donc l’étape critique suivante. Il ne s’agit pas de créer un nouvel accès, mais plutôt de mieux délimiter l’accès existant afin d’optimiser l’entrée dans le système canalaire. Le champ opératoire doit être isolé à l’aide d’une digue en caoutchouc le plus tôt possible, de préférence immédiatement après le retrait de l’ancienne restauration. Notamment, toutes les procédures réalisées sous l’isolation d’une digue en caoutchouc sont associées à une production minimale de microgouttelettes salivaires.

Les restaurations directes ou indirectes (telles que les obturations, les couronnes, les bridges) doivent toujours être éliminées avant les procédures endodontiques, de façon à permettre une évaluation biomécanique de la structure dentaire encore présente et la pose d’un diagnostic précis pour la restauration. Leur retrait améliore également la visibilité et l’isolation et facilite le repérage des orifices canalaires. D’anciennes restaurations laissées en place augmentent notablement la probabilité d’échec en raison des difficultés qu’elles créent pour accéder au système canalaire et du risque de micro et macropercolations secondaires. La réalisation d’un retraitement à travers une restauration existante doit être limitée à des cas bien spécifiques, et toujours avec l’accord du patient.

Fig. 1 : Radiographie préopératoire montrant la présence d’une reconstitution corono-radiculaire coulée, ancrée dans les trois canaux.

Fig. 2 : Contrôle radiographique en vue d’évaluer l’axe de délogement de la reconstitution corono-radiculaire, ce qui a permis de corriger l’angle de coupe.

Fig. 3 : Contrôle radiographique après la finition de la prothèse.

Une intervention chirurgicale parodontale est parfois nécessaire pour rétablir la relation appropriée entre la structure dentaire restante, l’attache épithéliale et conjonctive, afin de reconstituer l’espace biologique. D’autres cas nécessitent une restauration préalable au traitement endodontique pour garantir une isolation adéquate des dents et une irrigation suffisante pendant l’intervention. Dans la mesure du possible, cette restauration doit être définitive et réalisée à l’aide de techniques adhésives appropriées, qui permettront l’obtention d’une base fiable pour la phase prothétique finale. Cette approche représente un gain de temps clinique et facilite un flux de travail plus ergonomique.

L’objectif de cet article est de définir les principaux protocoles cliniques indiqués pour le retrait des restaurations et la préparation de l’accès nécessaire au retraitement endodontique, ainsi que pour la prise en charge des complications d’origine iatrogène susceptibles de se produire dans les cavités d’accès préexistantes.

Retrait des restaurations coronaires

Il a été démontré que la prévention de la parodontite périapicale dépend davantage de la qualité du scellement endodontique que du scellement coronaire.2 Toutefois, la qualité de la restauration coronaire n’en demeure pas moins importante : lorsque l’obturation canalaire est satisfaisante, le taux de réussite peut varier de 71 % (avec un scellement coronaire défectueux) à 81 % (avec un scellement coronaire adéquat).10, 11 Par conséquent, lorsque l’intégrité du scellement coronaire est incertaine, il est conseillé d’éliminer la restauration et de planifier son remplacement. Le scellement doit être efficace avant, pendant et après le traitement endodontique.

Une autre raison impérieuse d’éliminer les restaurations existantes avant d’entreprendre un retraitement endodontique est la possibilité d’évaluer la structure dentaire résiduelle. Le pronostic de restauration d’une dent est beaucoup plus fiable lorsqu’il repose sur une évaluation précise des tissus dentaires sains encore présents, qui soutiendront la future restauration prothétique ou la restauration conservatrice.

Les restaurations susceptibles de nécessiter un retrait sont les obturations, les couronnes partielles ou complètes et les bridges. L’élimination des obturations directes requiert généralement l’utilisation de fraises adaptées au matériau utilisé pour la restauration. Cette étape est similaire au remplacement d’une restauration sur une dent vitale et doit de préférence être réalisée sous l’isolation d’une digue en caoutchouc. Après le retrait, tout tissu carieux sous-jacent doit être éliminé. Si aucune reconstruction n’est nécessaire pour isoler le champ ou créer un réservoir pour les solutions d’irrigation avant le traitement endodontique, celui-ci peut être entrepris immédiatement. Le retrait d’une couronne ou d’un bridge offre non seulement les avantages susmentionnés, mais permet également une évaluation précise de l’axe réel du canal radiculaire, qui peut avoir été masqué par la position de la prothèse.12

L’une des techniques les plus courantes pour éliminer une couronne unitaire consiste à créer une entaille dans le matériau (au moyen de fraises adaptées au matériau) et à s’arrêter juste avant la couche dentinaire sous-jacente. Un arrache-couronne est ensuite inséré dans l’entaille, pour induire une force de flexion qui affaiblit l’interface du ciment de scellement jusqu’au délogement de l’élément prothétique. Bien qu’il existe des dispositifs spécialisés à cet effet, l’utilisation de simples élévateurs droits ou d’instruments similaires, peut suffire à créer la force de flexion nécessaire. L’utilisation d’un arrache-couronne (familièrement appelé marteau) ou d’une pince est généralement déconseillée. Ces outils exercent une force incontrôlée non seulement sur la prothèse, mais aussi sur la structure dentaire sous-jacente et augmentent considérablement le risque d’affaiblissement, voire de fracture de la dent. D’autres dispositifs permettant le retrait atraumatique de couronnes et de bridges sont conçus pour préserver autant que possible la prothèse et la structure de la dent, tels que des systèmes vissables ou des dispositifs pneumatiques, dont le fonctionnement mécanique ne cause que des dommages minimes aux tissus dentaires résiduels.12

Retrait des ancrages radiculaires

La technique de retrait de dispositifs d’ancrage radiculaire (reconstitutions corono-radiculaires coulées, tenons métalliques préfabriqués, tenons fibrés, vis endodontiques) doit être la moins traumatique et invasive possible, afin de minimiser le risque de lésions d’origine iatrogène. L’utilisation de dispositifs soniques ou ultrasoniques permet d’induire une vibration ou d’affaiblir progressivement l’ancrage, en fonction de la composition du matériau.

De nombreux praticiens pensent encore que le retrait d’un ancrage est associé à un risque élevé de fracture radiculaire, ce qui semble être la principale raison pour laquelle ils évitent souvent cette procédure. Selon un sondage mené auprès d’endodontistes américains,13 un grand nombre de praticiens considèrent encore que les extracteurs de tenons métalliques ne sont ni sûrs ni efficaces. De même, une proportion considérable des personnes interrogées considère la présence d’un tenon comme une indication suffisante pour un traitement endodontique chirurgical. Par contre, les résultats d’un sondage mené plus récemment auprès d’endodontistes australiens et néo-zélandais14 sont plus favorables et montrent qu’ils tentent plus facilement le retrait d’un tenon sans percevoir la fracture radiculaire comme un risque majeur.

D’après le même auteur15, 16 36,6 % des patients d’une cohorte de 2 000 personnes ayant fait l’objet d’un traitement endodontique ont nécessité un retraitement, et dans 25,7% des cas, le retrait du tenon s’est avéré nécessaire. Cette proportion, qui représentait 9,4 % de l’échantillon total, souligne que le retrait d’un tenon est loin d’être une procédure rare, et devrait pouvoir être effectué avec efficacité, prédictibilité et sans risque par tout endodontiste. Pour y parvenir, il est essentiel d’être équipé des dispositifs appropriés et de maîtriser les techniques indiquées pour les différents types de tenons. Les tenons métalliques préfabriqués et les reconstitutions corono-radiculaires coulées demeurent les systèmes de rétention radiculaire les plus courants, et plusieurs études ont évalué divers dispositifs et méthodes permettant leur retrait.17–21

Dans le cas de tenons préfabriqués ou de vis endodontiques, une vibration ultrasonique est généralement suffisante pour déloger le tenon. Lorsqu’un tenon a fait l’objet d’une insertion passive, la couche de ciment de scellement résiduelle plus épaisse facilite généralement son retrait qui ne prend souvent que quelques minutes. Le scénario est différent lorsque le tenon a été ancré par une technique active ou un système adhésif : dans ce cas, une vibration prolongée peut s’avérer inefficace, et il devient nécessaire de recourir à un extracteur de tenon conçu spécialement à cet effet. Dès qu’un point de prise a été créé sur la partie coronaire du tenon, le tournevis de l’extracteur peut y être inséré et l’application d’une force dans les sens antihoraires permet souvent de dévisser le tenon et de le déloger.

Le retrait d’une reconstitution corono-radiculaire coulée pose plus de difficultés et représente souvent une source de frustration pour le praticien qui n’est pas familiarisé avec le protocole étape par étape, ou qui ne dispose pas de l’équipement approprié. L’objectif principal reste le traitement minimalement invasif, c’est-à-dire le retrait du tenon sans sacrifier la structure dentaire résiduelle, qui est généralement déjà compromise.

Abbott22 a souligné l’importance d’un sondage parodontal minutieux avant et après le traitement, afin de détecter rapidement tout signe de fracture radiculaire. Dans la première partie de son étude portant sur 1 600 dents, une seule fracture radiculaire (0,06 %) a été observée lors du retrait de tenons. La seconde partie de l’étude portant sur 234 dents suivies pendant deux ans a analysé le type d’ancrage (reconstitution corono-radiculaire coulée, tenons préfabriqués cylindriques, vis endodontiques, tenons Flexi-Post) et la technique ou le dispositif de retrait. Dans 50 % des cas, il a été nécessaire d’utiliser un extracteur spécial, dans 24 % des cas, le tenon a été éliminé en même temps que la couronne, dans 20 % des cas, une vibration ultrasonique s’est avérée suffisante, et dans les autres cas, des pinces orthodontiques ont été utilisées pour dévisser le tenon. Le temps moyen de retrait était de 6,5 minutes, bien que ce résultat ait été influencé par la prise en compte des tenons éliminés en même temps que la couronne pour estimer la durée.

Dans la pratique clinique quotidienne, le praticien doit toutefois être prêt à consacrer une séance entière au retrait d’un tenon, afin de garantir un résultat sûr et conservateur. Selon Abbott, un tenon peut être extrait sans aucun risque et de façon prédictible et relativement rapide, car les fractures radiculaires sont extrêmement rares. Là encore, la sélection judicieuse des cas, l’expertise technique et la disponibilité des dispositifs appropriés sont des facteurs décisifs.

Au cours d’une étude clinique randomisée avec suivi de 10 ans, Riis23 a rapporté que la présence d’une reconstitution corono-radiculaire coulée n’a pas d’influence négative sur la survie à long terme d’une dent retraitée. Il a également proposé un flux de travail clinique pour le retrait de tenons métalliques : dans son étude, une seule fracture radiculaire est survenue parmi les 37 tenons récupérés.

D’un point de vue pratique, la première étape consiste à réduire les dimensions du tenon s’il occupe une grande partie de la structure coronaire, de préférence en lui donnant une forme cylindrique similaire à celle d’un tenon préfabriqué. De même, une reconstitution corono-radiculaire coulée ancrée dans plusieurs canaux doit d’abord être sectionnée jusqu’au niveau du plancher de la cavité pulpaire, afin de la traiter comme un ensemble de tenons unitaires, ce qui diminue le degré de rétention global du système. La réduction du tenon doit être effectuée avec des fraises en carbure spécialement conçues pour découper le métal, sous une irrigation abondante. Les évaluations cliniques et radiographies préliminaires sont essentielles pour planifier l’angle de coupe. La procédure doit être fréquemment vérifiée et, si nécessaire, il convient d’effectuer des contrôles radiographiques avant qu’une quantité excessive de dentine ne soit sacrifiée (Figs. 1–3).

Fig. 4 : Trépan et rondelles.

Après la réduction du tenon à une forme à peu près cylindrique, il peut être traité comme un tenon préfabriqué : vibration à la puissance ultrasonique maximale pendant une durée maximale de 30 secondes par cycle de vibration, sous irrigation abondante, pour éviter une surchauffe des tissus parodontaux et de l’os alvéolaire. Les études suggèrent que le point d’application idéal de la vibration se situe à la base cervicale du tenon, l’embout ultrasonique étant en contact avec la plus grande surface possible.17, 18, 21 Le point d’application de la force doit être changé fréquemment (mésial, distal, vestibulaire, palatin/lingual). Si aucun relâchement n’est obtenu après une durée de vibration d’environ 10 minutes, l’étape suivante consiste à utiliser un système spécialement conçu pour l’extraction. Néanmoins, la réduction du tenon et l’application d’une vibration avant l’utilisation d’un extracteur ne sont pas des efforts inutiles, car elles permettent de réduire jusqu’à 26 % la force requise pour le retrait.24

Les kits commerciaux destinés au retrait de tenons comprennent généralement un extracteur qui déloge le tenon sur la longueur de l’axe du canal, ainsi que des accessoires tels que des fraises trépans et des filières de divers diamètres. Ils contiennent également des rondelles métalliques et en silicone pour améliorer l’adaptation et la surface d’appui (Fig. 4). Le trépan est utilisé pour réduire davantage la partie coronaire du tenon, tout en conservant l’axe d’insertion initial. Dès qu’une prise adéquate est assurée, la filière est vissée sur le tenon et, après la mise en place des rondelles, l’extracteur est activé en tournant doucement le bouton moleté jusqu’au soulèvement du tenon le long de son grand axe (Figs. 5–9). L’utilisation de dispositifs non spécifiques tels que les arrache-couronnes (marteaux) est fortement déconseillée, car la force incontrôlée exercée peut entraîner des fêlures dentinaires ou des fractures radiculaires.

Cette procédure peut ne prendre que quelques minutes ou être beaucoup plus longue. Les complications possibles sont notamment le détachement de l’extracteur (s’il est mal stabilisé ou si la partie coronaire du tenon est trop courte) ou la fracture du tenon au niveau de l’orifice du canal (probable si l’axe du tenon est différent de celui du canal). Dans ce dernier cas, la seule solution est un meulage progressif du tenon sous grossissement à l’aide de fraises à long manche et d’embouts soniques/ultrasoniques, qui est une technique sophistiquée et chronophage préférablement réalisée sous microscope opératoire. Après le retrait du tenon, il est essentiel de nettoyer les parois du canal de tout résidu de ciment de scellement afin d’obtenir une visibilité parfaite de l’anatomie initiale, et de prévenir la migration de débris au cours des procédures endodontiques ultérieures.

La stratégie est différente pour un tenon fibré, car la liaison adhésive avec la dentine radiculaire empêche tout retrait. Il est donc nécessaire de procéder à un perçage sélectif du tenon et de limiter le retrait au tenon et au ciment de scellement tout en préservant le tissu dentinaire environnant.25 Cette technique doit être réalisée sous grossissement et un bon éclairage et, dans les cas difficiles (par exemple, un tenon ancré profondément), l’utilisation d’un microscope opératoire est fortement recommandée, quelle que soit l’expérience du praticien. Plus l’intervention est profonde, plus le risque de créer de mauvais trajets ou des perforations est élevé.

Les embouts ultrasoniques ou soniques sont très efficaces pour le retrait d’un tenon fibré, car ils offrent une excellente visibilité tout au long de la procédure. Durant le retrait du tenon, il est nécessaire d’utiliser des embouts de plus en plus fins afin de respecter la conicité du canal tout en réduisant les réglages d’énergie pour maintenir le contrôle. L’objectif principal est de rester centré sur le tenon. Des cycles d’irrigation et de séchage fréquents sont essentiels pour nettoyer les débris, rétablir la visibilité de la structure du tenon et poursuivre le retrait au niveau de la région apicale tout en préservant la dentine. Dès que le matériau sous-jacent qui scelle le canal radiculaire (généralement de la gutta-percha) est atteint, les parois de la partie coronaire doiventêtre soigneusement examinées et nettoyées, afin d’éliminer tous les résidus de ciment de scellement ou les fragments de tenons. Cette précaution garantit une désinfection optimale et empêche la migration indésirable des débris dans la région apicale (Figs. 10–12).

Fig. 10 : Radiographie initiale de la dent 26 nécessitant un retraitement ; un tenon fibré est visible dans le canal palatin.

Fig. 10 : Radiographie initiale de la dent 26 nécessitant un retraitement ; un tenon fibré est visible dans le canal palatin.

Fig. 11 : Tenon fibré progressivement éliminé dans la partie apicale à l’aide d’embouts ultrasoniques spéciaux.

Fig. 11 : Tenon fibré progressivement éliminé dans la partie apicale à l’aide d’embouts ultrasoniques spéciaux.

Fig. 12 : Radiographie de suivi après trois ans.

Fig. 12 : Radiographie de suivi après trois ans.

Repréparation de la cavité d’accès

En l’absence de système de rétention intracanalaire, la cavité d’accès doit faire l’objet d’une repréparation commençant par l’élimination de résidus possibles de matériaux de restauration présents, à savoir de l’amalgame et des résines composites (ces dernières étant plus difficiles à identifier). La suppression de tous les facteurs de confusion potentiels au niveau coronaire ou intracanalaire permet d’obtenir un champ opératoire plus propre et une meilleure visibilité. Aucun instrument manuel ou mécanique ne doit être introduit, même à des fins exploratoires, avant d’avoir terminé cette phase de nettoyage et de repréparation de la cavité d’accès.

L’exécution correcte de cette phase nécessite le respect des règles générales proposées par Krasner et Rankow26 : la loi de centralité (la cavité pulpaire est toujours située au centre de la dent au niveau de la jonction amélo-cémentaire), la loi de concentricité (les parois de la cavité pulpaire sont concentriques à la surface externe de la couronne au niveau de la jonction amélo-cémentaire), et la loi de la jonction amélo-cémentaire (la distance entre la surface externe de la couronne clinique et la paroi de la cavité pulpaire est constante). Les mêmes auteurs ont également décrit la première et la seconde loi de symétrie, la première, la deuxième et la troisième loi de localisation des orifices, ainsi que la loi du changement de couleur.

Contrairement au traitement endodontique initial, où la plupart des points de référence sont préservés, le retraitement présente souvent des difficultés supplémentaires. L’inclinaison originale de l’élément dentaire modifiée par des restaurations, ou des modifications d’origine iatrogène découlant d’erreurs survenues au cours d’interventions antérieures, font partie des observations les plus courantes. Une évaluation radiographique et clinique préliminaire, comprenant un sondage parodontal circonférentiel (également pour exclure la présence de lésions parodontales et/ou endo-parodontales), peut déjà mettre en évidence des problèmes potentiels et contribuer à éviter de nouvelles erreurs. Dans certains cas particuliers, un examen plus détaillé tel qu’une imagerie CBCT peut être indiqué, bien que son utilisation doive être limitée à des cas bien précis et idéalement après le retrait des matériaux métalliques (obturations, couronnes, tenons), afin d’obtenir des images plus nettes et plus fiables, mais toujours après une évaluation des risques et des bénéfices pour le patient.27

Fig. 13 : Radiographie préopératoire montrant la racine mésio-vestibulaire (MV) non traitée.

Après la préparation de l’accès à la cavité pulpaire et la suppression des facteurs de confusion, il convient d’évaluer les éventuelles erreurs d’origine iatrogène résultant du traitement précédent. Elles peuvent être divisées en deux catégories : sous-préparation et surpréparation.

Une sous-préparation fait référence à une cavité d’accès réduite et inadéquate. La correction consiste à élargir la cavité pour obtenir une dimension appropriée, tout en préservant les tissus dentaires sains. Cet ajustement permet d’examiner efficacement la macroanatomie et la microanatomie du système des canaux radiculaires. L’une des principales causes de l’échec des traitements endodontiques est la présence de canaux non traités.28 Par conséquent, un repérage des orifices canalaires, comme la détection d’un second canal mésio-vestibulaire dans les molaires supérieures, est essentiel pour améliorer la prédictibilité et la réussite du traitement (Figs. 13–16).29, 30 Selon la technique d’exploration et la méthode de diagnostic utilisées, la littérature mentionne la présence d’un second canal mésio-vestibulaire dans les premières molaires supérieures dans 52 % à 97 % des cas,31–32 ce qui suggère que sa présence doit toujours être suspectée.

Fig. 14 : Vue sous microscope peropératoire montrant des débris organiques au niveau des orifices du canal MV.

Fig. 14 : Vue sous microscope peropératoire montrant des débris organiques au niveau des orifices du canal MV.

Fig. 15 : Canal MV et second canal MV mis en forme et nettoyés, prêts pour le scellement endodontique.

Fig. 15 : Canal MV et second canal MV mis en forme et nettoyés, prêts pour le scellement endodontique.

Fig. 16 : Contrôle radiographique après le scellement de l’overlay.

Fig. 16 : Contrôle radiographique après le scellement de l’overlay.

Fig. 17 : Radiographie préopératoire montrant une importante lésion périapicale associée à la dent 46.

D’un point de vue opératoire, après l’élimination de tout tissu carieux à l’aide de fraises multicouches, l’utilisation combinée d’embouts soniques ou ultrasoniques et d’instruments rotatifs à long manche permet un examen détaillé du plancher de la cavité afin de rechercher les orifices canalaires. Ces instruments permettent également un nettoyage efficace, car ils éliminent les résidus de ciment de scellement, de matériaux d’obturation et les débris organiques, tout en maintenant une excellente visibilité (Figs. 17–20).

Si la cavité d’accès préexistante est excessivement réduite et empêche l’accès à certaines zones du système canalaire, il peut être nécessaire d’éliminer une plus grande quantité de dentine coronaire. Dans ce cas, les instruments soniques et rotatifs sont utiles, selon la quantité de tissus à éliminer. Après avoir soigneusement nettoyé le plancher de la cavité, il convient de procéder à une exploration manuelle pour localiser les orifices cachés ou encore non traités. L’utilisation de limes de Kerr de petit diamètre (06, 08, 10, 12) ou d’instruments comparables montés sur des manches qui améliorent la visibilité, est indispensable à ce stade. L’orifice ayant été localisé, il est nécessaire d’effectuer un sondage apical prudent, tout en effectuant des cycles d’irrigations fréquents pour éliminer les débris et, dans certains cas, en injectant un gel chélateur qui permet de lubrifier et de faciliterla progression des limes.

  • Les erreurs de surpréparation sont statistiquement plus fréquentes et découlent d’une élimination excessive des tissus dentaires lors du traitement précédent, ce qui peut créer une cavité d’accès excessivement large, qui s’étend parfois en direction vestibulo-linguale, apicale ou dans plusieurs directions. Les principaux facteurs contributifs sont une connaissance insuffisante de l’anatomie, une planification radiographique et clinique préopératoire inadéquate, une technique opératoire superficielle, et l’omission probable d’une isolation par une digue en caoutchouc ou d’un grossissement.
Fig. 18 : Le retrait de la restauration coronaire fait apparaître des résidus sur le plafond de la cavité pulpaire ainsi que des matériaux de scellement du canal radiculaire.

Fig. 18 : Le retrait de la restauration coronaire fait apparaître des résidus sur le plafond de la cavité pulpaire ainsi que des matériaux de scellement du canal radiculaire.

Fig. 19 : Repréparation adéquate de la cavité d’accès après une reconstruction préendodontique appropriée.

Fig. 19 : Repréparation adéquate de la cavité d’accès après une reconstruction préendodontique appropriée.

Fig. 20 : Radiographie de suivi à douze mois montrant la cicatrisation complète de la lésion périapicale.

Fig. 20 : Radiographie de suivi à douze mois montrant la cicatrisation complète de la lésion périapicale.

 

Une fois encore, un nettoyage minutieux des résidus de matériaux de restauration, de ciment de scellement ou de gutta-percha est indispensable pour reconnaître ces zones de surpréparation. Les lois de Krasner et Rankow33 restent très utiles, car elles procurent des repères clés tels que les lignes de développement des racines, les lignes de transition entre les parois et le plancher de la cavité, et les différences subtiles de couleur. Malheureusement, une surpréparation peut modifier ou même supprimer ces points de référence.

Fig. 21 : Radiographie préopératoire suggérant une extension excessive de la cavité d’accès en direction apicale et une importante lésion périapicale sur la dent 46.

Une erreur fréquente consiste à suivre des trajets créés au cours de traitements précédents. L’élargissement plus important d’un trajet sans issue diminue les chances de réussite et augmente le risque d’un affaiblissement structural et de perforation potentielle de la cavité.

Une surpréparation s’étendant uniquement dans la direction vestibulo-linguale est difficile à détecter sur les radiographies, alors qu’une surpréparation en direction apicale peut être perçue même sur des radiographies périapicales classiques en 2D. Par conséquent, un résultat négatif à la radiographie n’exclut pas toujours une surpréparation. Une élimination vestibulo-linguale excessive ne peut être confirmée qu’après l’ouverture de l’accès.

D’autres signes cliniques d’alerte sont notamment un traitement endodontique ou une restauration de mauvaise qualité (obturation tridimensionnelle inadéquate, longueur de travail inappropriée, caries résiduelles, limites marginales défectueuses). Inversement, une préparation verticale (corono-apicale) excessive peut également être visible sur une radiographie et donner lieu à une suspicion de perforation de la cavité. Dans ces situations, il est conseillé d’informer préalablement le patient de la possibilité de complications d’origine iatrogène qui ne peuvent être confirmées que pendant le traitement.

En cas de suspicion d’extension excessive de la cavité, une extrême prudence s’impose lors de l’élimination de la restauration et des matériaux de scellement intracanalaires, car l’épaisseur souvent minime de dentine résiduelle entraîne un risque élevé de perforation (Figs. 21–24). Il est alors recommandé de recourir à des techniques contrôlées et à des instruments offrant un retour tactile fiable, tels que des fraises multicouches en acier inoxydable ou pour zircone, ou des excavateurs manuels en vanadium.

Fig. 22 : Après le retrait de la restauration coronaire, l’extension excessive est visible au niveau apical, mésial et lingual, ainsi que l’absence d’instrumentation des canaux vestibulaires.

Fig. 22 : Après le retrait de la restauration coronaire, l’extension excessive est visible au niveau apical, mésial et lingual, ainsi que l’absence d’instrumentation des canaux vestibulaires.

Fig. 23 : Cavité d’accès correctement restaurée et canaux mis en forme.

Fig. 23 : Cavité d’accès correctement restaurée et canaux mis en forme.

Fig. 24 : Radiographie de suivi après cinq ans.

Fig. 24 : Radiographie de suivi après cinq ans.

Perforations de la cavité pulpaire

Certaines surpréparations peuvent entraîner des perforations du plancher de la cavité. Après la reconnaissance et l’isolation de la zone, il est essentiel de comprendre les options de réparation et le pronostic associé.

Malgré l’absence d’études cliniques randomisées menées sur un long terme, les données disponibles et l’expérience clinique croissante sont en faveur de l’utilisation de matériaux biocéramiques pour réparer les perforations d’origine iatrogène.34

La possibilité de sauver une dent gravement compromise est souvent sous-estimée, et l’extraction est considérée comme la solution la plus simple et la plus immédiate. Selon Spångberg,35 cette attitude peut résulter d’une connaissance ou d’une formation insuffisante ou, dans certains cas, de motivations économiques contestables. L’extraction d’une dent potentiellement restaurable représente une décision irréversible qui n’est pas sans risques de complications à long terme. À l’inverse, la restauration d’une dent gravement compromise, telle qu’une dent affectée par une perforation de la cavité pulpaire, peut devenir un traitement prédictible entre les mains de nombreux praticiens, notamment grâce à la disponibilité généralisée de matériaux adaptés à la prise en charge de ces situations cliniques. Là encore, une isolation adéquate par une digue en caoutchouc, le travail sous grossissement et la connaissance du pronostic, des protocoles et des matériaux sont la clé de la réussite.

La première étape, déterminante et pourtant souvent sous-estimée, est un diagnostic précis (clinique, radiographique et instrumental) qui n’est parfois possible que dans la phase peropératoire. Un élément étroitement lié à cette étape est la compréhension des facteurs pronostiques négatifs, notamment le type et la taille de la lésion, le temps écoulé entre la perforation et le traitement, et la présence ou l’absence de contamination microbienne. L’évaluation de la structure dentaire et son rôle stratégique dans le plan global du traitement prothétique sont également décisifs pour la réussite à long terme. Fuss et Trope36 ont défini trois des principaux facteurs pronostiques:

  • Temps : plus le délai entre la perforation et le traitement est long, plus le pronostic est mauvais.
  • Taille : les perforations plus importantes sont associées à de moins bons résultats.
  • Emplacement : la probabilité de cicatrisation des perforations survenues au niveau crestal est plus faible que dans les autres sites.

Parallèlement, Fornara et al.37 ont souligné le lien entre la perforation, l’attache épithéliale et la crête alvéolaire. Une zone perforée située en coronaire ou en apical par rapport à l’attache épithéliale et à la crête est associée à un pronostic généralement favorable, en raison du risque réduit de contamination bactérienne. La tentative de conservation de la dent doit être décidée de commun accord avec le patient après examen des risques et des avantages sur le plan biologique et financier.

L’arrivée de l’agrégat de trioxyde minéral (MTA)38, 39 et, plus récemment, des ciments de scellement biocéramiques, a permis le développement de techniques éprouvées offrant des résultats cliniques favorables.40 Le MTA se distingue par son excellente aptitude au scellement,41–44 sa biocompatibilité, ses propriétés ostéo-conductrices et ostéo-inductrices45, 46 et sa capacité à se fixer dans des environnements humides, sa tolérance au sang et aux liquides tissulaires.47

Sur le plan clinique, l’isolation de la perforation doit être suivie de la désinfection et du nettoyage de toute la zone (Figs. 25 et 26), notamment par l’élimination complète des résidus de matériaux (gutta-percha, ciments de scellement, amalgames, composites, etc.) et des irrégularités des bords. Les embouts soniques ou ultrasoniques et les excavateurs sont particulièrement utiles à ce stade. Une irrigation à l’hypochlorite de sodium peut être envisagée, mais il est nécessaire d’utiliser une faible concentration afin de minimiser le risque d’extrusion et de vérifier attentivement l’aspiration. Il est aussi possible d’utiliser une solution saline dans les cas ne présentant pas de contamination microbienne importante. Une fois l’hémostase obtenue, le défaut peut être scellé. Certains auteurs48, 49 recommandent la pose d’une matrice de collagène résorbable dans le tissu parodontal pour prévenir une extrusion excessive, et faciliter la mise en place des matériaux. Il existe divers dispositifs permettant l’injection du matériau de restauration par petits volumes cylindriques. Ceux-ci peuvent ensuite être condensés à l’aide de pointes de papier stériles ou de microbrosses permettant l’obtention d’un scellement homogène parfaitement adapté aux bords.

Fig. 25 : Isolation d’une perforation du plancher de la cavité sous microscope.

Fig. 25 : Isolation d’une perforation du plancher de la cavité sous microscope.

Fig. 26 : Matériau biocéramique scellant la zone perforée avant la reconstruction préprothétique de la dent.

Fig. 26 : Matériau biocéramique scellant la zone perforée avant la reconstruction préprothétique de la dent.

L’utilisation de MTA classique requiert un temps d’attente d’au moins 24 heures pour que la prise soit complète avant de procéder au traitement endodontique. Les matériaux biocéramiques proposés plus récemment offrent l’avantage d’un mélange mécanique par vibration et d’un temps de prise beaucoup plus rapide grâce à des charges accélérant les réactions d’hydratation et de précipitation. Ces caractéristiques facilitent leur utilisation pour les praticiens et permettent de poursuivre le traitement au cours d’une même séance.9

Conclusion

Les retraitements endodontiques jouent souvent un rôle stratégique dans la planification des interventions multidisciplinaires. La possibilité de préserver une dent peut influer notablement sur l’approche thérapeutique globale. Dès le retrait des anciens matériaux de restauration, l’objectif clinique principal reste la préservation des tissus dentaires sains encore présents.

Le même principe s’applique à la repréparation d’une cavité d’accès adéquate et au retrait des rétentions intracanalaires telles que les tenons coulés ou fibrés. Une gestion rigoureuse de ces phases de traitement est à la base d’une approche d’exploration, de mise en forme, de nettoyage et d’obturation du système de canaux radiculaires ne comportant aucun risque. De plus, l’arrivée des biocéramiques et les améliorations apportées à ces matériaux ont offert des solutions efficaces à l’une des complications d’origine iatrogène les plus fréquentes : les perforations de la cavité pulpaire.

L’endodontie reste une discipline fascinante, mais complexe, composée de multiples étapes qui mettent souvent à rude épreuve la patience du praticien. Toutefois, une connaissance approfondie des techniques, le respect des protocoles et une évaluation minutieuse du pronostic adaptée à chaque patient permettent une approche prédictible du traitement qui mènera à la satisfaction tant du praticien que du patient.

Note éditoriale:

Cet article a été initialement publié dans Dental Tribune France, N°5/2025. Une liste complète des références est disponible ici.

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