DT News - France - Une nuance de mieux

Search Dental Tribune

Une nuance de mieux

L’échantillon de teintier et la dent sont placés à un angle différent par rapport à la source lumineuse.
Dr Irina K. Lutskaya

Dr Irina K. Lutskaya

lun. 16 décembre 2013

Enregistrer

Un éclairage approprié et le bon décor sont deux facteurs cruciaux pour une parfaite harmonie des nuances.

_La définition de la couleur exacte des dents est une phase importante de l’odontologie restauratrice, et le premier pas pour y parvenir est de comprendre le rôle de la source lumineuse et des couleurs de l’arrière-plan. Les dents naturelles ont des propriétés optiques qui sont déterminées par la structure et la composition particulière de leurs tissus durs. Leur couleur est liée à trois paramètres : tonalité chromatique, luminosité, saturation. Pour choisir les nuances des matériaux de restauration, qu’ils soient utilisés en technique directe ou indirecte, le chirurgien-dentiste se sert généralement d’échantillons de teintier, correspondant aux caractéristiques de couleur des dents. S’il omet de considérer l’éclairage et la couleur de l’arrière-plan de travail, il risque toutefois de choisir une nuance inappropriée du matériau.

Plusieurs variables peuvent influencer la perception de la couleur des dents, notamment l’intensité et la composition spectrale de la lumière, ainsi que l’emplacement de la source lumineuse et la direction du faisceau. Par exemple, les rayons solaires sont par nature pratiquement parallèles et éclairent la face de la dent de manière uniforme. Par contre, les sources lumineuses artificielles peuvent projeter une lumière intense sur les faces vestibulaires, et laisser les faces latérales dans la pénombre. La forme des dents influence donc la définition de la couleur. Des faisceaux lumineux de couleurs touchent les faces dentaires selon différents angles, et peuvent créer une impression de coloration irrégulière.3,4 Les surfaces latérales semblent être plus sombres que les faces vestibulaires. De même, la tonalité chromatique de l’échantillon de teintier peut également changer (Fig. 1), et ce dernier doit être placé selon le même angle que la dent. Une distribution irrégulière de la lumière sur la surface mène à de légères différences de nuance, en raison du macrorelief de la dent. Dans la figure 2, on peut observer les ombres créées au niveau des sillons verticaux de la face vestibulaire des incisives centrales. Les macroreliefs variables de ces dents font percevoir les couleurs et les formes de différentes façons. La surface la plus brillante, qui réfléchit la plus grande quantité de lumière, crée un reflet (zone de couleur blanche). Le relief éclairé par un faisceau lumineux oblique et mobile, génère une zone de pénombre sur la surface, et la zone la plus sombre, non éclairée, possède son ombre propre.

embedImagecenter("Imagecenter_1_1014",1014, "large");

_Illusions d’optique

Si la dent est proche d’objets colorés (digue de caoutchouc, lèvres, etc.), les faisceaux lumineux refléchis par ces éléments créent un reflet qui est « peint » sur la surface de l’émail. Par conséquent, les zones éclairées et les zones obscures de la dent génèrent également des reflets de couleurs différentes.3,4 La couleur des régions cervicales, en particulier, peut être influencée par celle de la gencive. La muqueuse hyperémique imprimera une nuance rose sur l’émail. Un rouge à lèvres est susceptible de produire un effet similaire. Une digue de caoutchouc pourrait être responsable de reflets verts ou bleus.

L’éclairement d’une dent peut en outre être affecté par la position sur l’arcade et de là, la perception optique de cette dent. Une dent placée à l’arrière de la cavité buccale semblera plus sombre, alors qu’une dent en position vestibulaire apparaîtra plus claire. La couleur des ombres dépend aussi de la position des dents, l’une par rapport aux autres. La figure 3 montre l’ombre créée par la dent 11 sur l’incisive latérale.

La position allongée du patient dans un fauteuil dentaire occasionne également des variations de nuance et une réflexion du faisceau lumineux, qui se répercuteront sur l’éclairement de la face dentaire. Ainsi, la région cervicale de la couronne semble être plus sombre, et le bord libre (Fig. 4) est très clair.

La couleur de l’arrière-plan global de la salle de traitement est une combinaison de lumière naturelle, artificielle, et d’ondes réfléchies par les murs, les rideaux, et tout autre objet. Par exemple, la lumière réfléchie par une blouse d’hôpital bleu foncé est composée d’un plus grand nombre d’ondes violettes/indigo, et elle modifiera la perception des paramètres chromatiques des dents (Fig. 5).

Un éclairage de couleur peut imprimer sa propre coloration à une dent. Son influence est suffisamment importante pour mener à des erreurs, lors du choix des échantillons de teintier, non seulement sur le plan de la valeur (ou luminosité) de la couleur, mais aussi de la tonalité chromatique.

_Prise en compte du moment

La lumière naturelle du jour a également une composition spectrale différente selon les heures de la journée : la tonalité chromatique est rose doré le matin ; elle tire sur le rouge le soir et semble grise lors d’une journée nuageuse. Les lampes à incandescence émettent plus d’ondes rouges et moins d’ondes violettes/indigo que la lumière solaire naturelle. L’éclairage des dents avec ce type de lampes peut donc être une source d’erreurs, lors de la détermination de leur tonalité chromatique, en raison de la composition spectrale différente de la lumière artificielle et de la lumière solaire.3,5 La figure 6a représente des dents qui ont été photographiées pendant une journée nuageuse. La figure 6b présente les incisives photographiées sous un scialytique dentaire. La tonalité chromatique et l’intensité de la couleur des dents sont perçues de manière différente.

Le métamérisme influence aussi la perception de la couleur des dents et la modifie selon la nature de la source lumineuse (lumière naturelle ou artificielle) et du colorant présent dans l’objet. En odontologie, ce phénomène est dû aux pigments contenus dans les matériaux d’obturation.3 Le niveau d’éclairage joue également un rôle sur la perception de la couleur des dents. Une lumière trop forte ou trop faible peut mener à la sensation de dents décolorées (Figs. 7a, 7b). Dès lors, l’éclairage des dents ne doit pas excéder 1 600 à 2 400 lux. Des niveaux d’éclairage plus élevés diminuent l’intensité de la couleur et augmentent la luminosité. Un faible éclairage entraîne également une perte de saturation de la couleur des dents.3,4

_Aspects psychologiques

La couleur des dents ne peut être distinguée sous un éclairage blafard, surtout en ce qui concerne les détails (les nuances les plus fines et la gradation de la saturation ou de la valeur, c’est-à-dire de la luminosité, de couleur). La couleur des dents est alors principalement définie dans l’échelle des gris. Mais même un éclairage optimal ne garantit pas la définition appropriée de la couleur des dents, car des mécanismes psychologiques entrent également en jeu, et ceux-ci peuvent influencer la perception visuelle objective du chirurgien-dentiste. Tout en étant proche, les couleurs peuvent varier en luminosité, en saturation, et en ton. L’arrière-plan joue donc un rôle essentiel dans la définition visuelle de la couleur. Comme mentionné précédemment, les couleurs d’arrière-plan peuvent créer un reflet.

L’arrière-plan peut renforcer les tonalités chromatiques des dents. Il est possible d’expliquer ce fait par le phénomène de contraste simultané des couleurs, qui peut créer l’impression d’un contraste plus important entre les couleurs, lorsqu’elles sont proches l’une de l’autre. Une digue de caoutchouc bleu foncé renforce l’intensité d’une nuance jaune de la dent. Même un rouge à lèvres ou un vernis à ongle de couleur rouge portés par une assistante dentaire, peut renforcer le ton bleu-vert de l’émail. La dent apparaîtra plus lumineuse sur un fond sombre et plus sombre sur un fond clair.3,4

Le phénomène du contraste des valeurs de couleurs explique également ces illusions d’optique. La sensation de contraste des valeurs de couleurs est renforcée sur le bord de deux surfaces de couleurs différentes. Les dents semblent être plus blanches sur un fond constitué d’une peau sombre. La figure 8a présente le sourire d’un jeune homme dont la peau du visage est pâle. La figure 8b présente les même dents, que l’on peut qualifier de blanches, sur un fond de peau bronzée par le soleil.

_Choix de l’arrière-plan

Le chirurgien-dentiste doit définir la couleur de l’arrière-plan en fonction de l’objectif de son travail. Par exemple, en présence d’arrière-plans multiples, ce qui sera toujours le cas, il faut choisir la nuance de couleur des dents sur un fond standard : la denture, le teint de la peau du visage du patient, ses vêtements, ou les murs de la salle.

Il est important de travailler rapidement, car il est nécessaire de conserver un éclairage uniforme et des couleurs stables de l’arrière-plan. Si un chirurgien- dentiste détourne son regard des dents — supposons qu’il regarde le mur de couleur — puis regarde de nouveau les dents, la couleur du mur aura un impact sur la perception visuelle des dents. Le contraste de couleurs provoqué par le premier stimulus s’ajoutera à la tonalité chromatique des dents. Par exemple, la vue d’un mur bleu augmentera la sensation visuelle de tons jaunâtres, dans la tonalité chromatique des dents. La vue de vêtements rouges portés par le patient conduira à la perception d’une légère nuance vert bleuté de la couleur de l’émail._

Note de la rédaction :

  • une liste complète des références est disponible auprès de l’éditeur.
  • Cet article est paru dans le DT Study Club, Vol. 1, No. 3, décembre 2013.
To post a reply please login or register
advertisement
advertisement