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L’identification des biomarqueurs microbiens de la péri-implantite pour lutter contre la maladie

Le Pr Georgios N. Belibasakis est convaincu que l’identification des caractéristiques microbiennes de la péri-implantite pourrait contribuer à la conception de stratégies antimicrobiennes efficaces pour prévenir la maladie. (Photo : Stefan Zimmerman )
Iveta Ramonaite, Dental Tribune International

Iveta Ramonaite, Dental Tribune International

jeu. 21 octobre 2021

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La parodontite et la péri-implantite sont toutes deux des pathologies inflammatoires qui touchent le tissu gingival. En raison des dissemblances anatomiques existant entre les dents et les implants, les deux maladies requièrent toutefois des traitements différents. Dental Tribune International a abordé ce sujet à l’occasion d’un entretien avec le Dr Georgios N. Belibasakis, professeur de biologie clinique des infections orales et responsable du département des maladies orales à l’université Karolinska Institutet de Stockholm en Suède.

Le Dr Belibasakis a récemment participé à la conduite d’une étude sur la pathogénèse microbienne de la péri-implantite et il est convaincu qu’une compréhension approfondie du problème pourrait contribuer à développer de meilleures stratégies de prévention, de diagnostic et de traitement.

« À ce jour, nos méthodes pour traiter la péri-implantite sont généralement comparables à celles du traitement de la parodontite »

Professeur Belibasakis, quelles raisons vous ont incité à mener l’étude, et pourquoi est-il nécessaire de rechercher la pathogenèse microbienne de la péri-implantite ?
Je conduis des travaux de recherche sur les phénomènes péri-implantaires depuis plus de dix ans maintenant. Pendant tout ce temps, j’ai travaillé avec des groupes spécialisés dans le diagnostic et la planification du traitement de la péri-implantite, et j’ai aussi publié des articles de synthèse scientifique ainsi que des rapports de recherche dans le domaine. L’année passée, l’éditeur de la rubrique Critical Reviews in Oral Biology and Medicine du Journal of Dental Research m’a invité à rédiger une analyse actualisée sur la microbiologie de la péri-implantite. J’ai accepté volontiers d’accomplir cette tâche avec mon collègue et chercheur postdoctoral, le Dr Daniel Manoil, qui est également chirurgien-dentiste et spécialiste de la microbiologie orale.

Malgré les nombreuses recherches accomplies sur la bio pathologie de la péri-implantite, il nous faut reconnaitre que nos connaissances dans ce domaine sont encore trop maigres pour représenter un tournant de la science et être reconnues par la pratique clinique courante. A ce jour, nos méthodes pour traiter la péri-implantite sont généralement comparables à celles du traitement de la parodontite. En conséquence, l’identification des caractéristiques microbiologiques et pathologiques de ce type d’infection orale, ainsi que des éléments qui la différencient de la parodontite, pourrait nous aider par la suite à en établir le diagnostic plus efficacement et à la traiter avec des protocoles plus spécifiques.

Selon vos résultats, quelles modifications de la biodiversité microbienne des implants dentaires peut-on observer lors de la transition d’un état sain à un état pathologique débutant par une mucosité péri-implantaire puis évoluant en péri-implantite ?
D’après les données issues des dernières études sur la technique de séquençage de l’ARN ribosomique 16S, on observe une augmentation progressive de la biodiversité microbienne durant la phase de transition entre un état péri-implantaire sain et un état pathologique.

Plus spécifiquement, il apparait que la biodiversité augmente surtout pendant le développement de la mucosité, qui est un stade précoce ou l’inflammation péri-implantaire est limitée à la soumuqueuse.

Par contre, les changements persistants qui accompagnent la destruction des tissus, caractéristiques de la péri-implantite, se produisent selon un schéma plus subtil.

Pourtant, les modifications cliniques qui surviennent lors du passage d’une mucosité à une péri-implantite sont très marquées. Il est donc surprenant que le changement microbiologique ne soit pas aussi radical.

L’accroissement de la diversité microbienne des biofilms sous-muqueux au cours de la transition d’un état sain à un état pathologique, débutant par une mucosite péri-implantaire puis évoluant en péri-implantite. (Image : Journal of Dental Research. Première parution dans Belibasakis GN and Manoil D, J Dent Res 2021; 100(1): 21-28. Reproduite avec l’autorisation de SAGE conformément à la licence Creative Commons CC-BY).Avez-vous observé une évolution de la composition des communautés bactériennes péri-implantaires ?
Manifestement, oui. Les sites péri-implantaires sains abritent des communautés bactériennes colonisées par de nombreuses espèces commensales orales et parodontales, qui sont comparables aux communautés microbiennes couramment observées dans les sillons gingivaux-dentaires sains, quoique la biodiversité soit beaucoup plus faible. Du point de vue microbiologique, les transitions vers un état péri-implantaire inflammatoire sont caracterisees par une reduction progressive de ces especes commensales et une augmentation des periopathogenes classiques, tels que les bacteries du complexe rouge (Porphyromonas gingivalis, Treponema denticola et Tannerella forsythia), et des pathogènes émergents ou moins connus, tels que Fretibacterium fastidiosum, Anaeroglobus geminatus ou le genre Mogibacterium. Il est également important de noter que quelques taxons bactériens, notamment Staphylococcus, semblent être particuliers à la niche orale péri-implantaire, du moins par comparaison avec le biotope parodontal.

Pour vous personnellement, quel a été le résultat le plus marquant de vos recherches ?
Il y a deux aspects. Le premier est la nature non homogène de la cavité orale et son incidence sur les communautés microbiennes. En effet, malgré les homologies évidentes entre un sulcus péri-implantaire et un sillon gingivaux-dentaire, les variations assez légères de l’anatomie et de l’histologie sont suffisantes pour créer une niche péri-implantaire distincte du point de vue écologique. Il apparait de plus en plus clairement que par rapport aux dents naturelles, cette niche créée autour de l’implant peut dicter la ≪ sélection ≫ d’un microbiote abondant tout à fait différent.

Le second aspect est de nature plus méthodologique. L’un des objectifs de notre travail était de fournir un tableau complet des données de biodiversité microbienne issues des études de séquençage de nouvelle génération. Nous avons été assez étonnes de constater que la grande majorité de ces études reposaient sur des séquençages de l’ARN ribosomique 16S. Ces analyses ont permis d’accomplir un bond prodigieux dans la cartographie des biodiversités des communautés bactériennes péri-implantaires peuplant les sites sains et les sites pathologiques.

Néanmoins, les approches actuelles limitent, au mieux, la résolution taxonomique au niveau du genre et de l’espèce.

Nous pensons malgré tout que, plus tard, les analyses métagénomiques par séquençage Shogun ou des études qui pourront explorer plus profondément la transcription différentielle des gènes permettront de cerner des différences plus significatives entre les pathologies péri-implantaires. Actuellement, elles sont encore limitées au niveau de la souche bactérienne ou de profils fonctionnels fondamentaux.

Comment les données acquises dans votre étude pourraient-elles améliorer la rétention à long terme des implants ?
Nous pensons que l’un des principes fondamentaux de tout professionnel des soins de santé est la compréhension approfondie de l’étiologie de la maladie, et ceci est encore plus valable pour les infections péri-implantaires.

Puisque la progression de la péri-implantite est considérablement plus rapide que celle de la parodontite, une vision précise de ses caractéristiques microbiennes pourrait mettre en évidence certains biomarqueurs et contribuer à prévenir la survenue de l’inflammation péri-implantaire. Au bout du compte, l’identification des caractéristiques microbiennes significatives et uniques de la péri-implantite pourra aider à concevoir et à choisir des stratégies antimicrobiennes efficaces pour cibler la maladie.

Note de la rédaction : L’étude intitulée « Microbial community-driven etiopathogenesis of peri-implantitis », a été publiée dans le numéro de la revue Journal of Dental Research paru en janvier 2021.

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