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Le traitement d’une molaire mandibulaire calcifiée : un protocole des temps modernes

Dr Rafaël Michiels

Dr Rafaël Michiels

jeu. 12 juin 2014

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L’endodontie a énormément évolué au cours des dernières décennies. Toutefois, les principes fondamentaux du passé sont toujours d’actualité. L’étude de cas présentée dans cet article décrit comment les postulats d’antan s’appliquent encore aux techniques, dispositifs et matériaux de notre époque.

Antécédents et diagnostic

Une patiente âgée de 37 ans s’est présentée à notre cabinet dentaire pour le traitement de sa deuxième molaire mandibulaire droite (dent 47). Elle n’avait aucun problème de santé, et son bilan préopératoire déterminé selon les critères de l’American Society of Anesthesiologists, plus connu sous le vocable de score ASA, avait été évalué à 1. Le chirurgien-dentiste qui nous l’avait adressée avait ouvert la dent en raison d’une pulpite aigüe causée par une importante lésion carieuse disto-linguale. Elle n’était pas parvenue à situer les canaux mésiaux car la chambre pulpaire était fortement calcifiée. Elle avait utilisé de l’hydroxyde de calcium pour obturer les entrées des canaux et avait scellé la dent au moyen d’une boulette de coton et d’une restauration provisoire. La patiente ne présentait aucun symptôme clinique lorsqu’elle s’est présentée à notre cabinet pour y être traitée.

Traitement et exposé

Une radiographie diagnostique (Fig. 1), indispensable pour déterminer quelle stratégie thérapeutique adopter, a été prise afin de visualiser l’étendue de la lésion et l’anatomie des racines. Le nerf alvéolaire inférieur de la patiente a ensuite été anesthésié localement par une solution d’articaïne à 4 % et d’épinéphrine (0,01 mg/ml) (Septanest Special, Septodont). Le retrait de l’obturation provisoire et de la boulette de coton a révélé une importante carie. Une bande matrice Automatrix (DENTSPLY Caulk) a été placée, afin de faciliter la restauration provisoire après le traitement. La pose de cette bande permettait également un meilleur isolement de la dent, qui a été parachevé au moyen d’une digue de caoutchouc (Coltène/Whaledent ; Fig. 2). L’isolement, l’un des principes fondamentaux de l’endodontie, remonte à plus de 100 ans. C’est en 1864 que Sanford C. Barnum a inventé la digue de caoutchouc et elle a été reconnue à l’unanimité comme une nécessité, pour parvenir à l’isolement efficace d’une dent et à l’établissement d’un meilleur pronostic.1

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La première étape du traitement dentaire [...] est l’ajustement d’une digue de caoutchouc autour de la dent atteinte, afin d’exclure l’envahissement possible de la chambre pulpaire par des germes présents dans les sécrétions buccales. Ce devrait être un principe inaltérable.2 Pourtant, selon une étude récente, seuls 3,4 % des praticiens dentaires généralistes ont recours à la digue de caoutchouc pour effectuer leur traitement endodontique de routine.3

La visualisation et le grossissement peuvent aider grandement les cliniciens dans des cas similaires a celui de cet article. Sans l’utilisation d’un microscope chirurgical dentaire, il est très difficile de localiser les canaux en présence d’une calcification importante. « On ne peut pas traiter ce que l’on ne voit pas » entend_on bien souvent, et cette citation n’est que trop vraie. Dans ce cas, le microscope chirurgical dentaire OPMI pico (Carl Zeiss) a permis de visualiser la dent à un grossissement approprié, et des photographies ont été prises avec un appareil Canon Powershot A650 (Canon), monté sur l’adaptateur FlexioStill (Carl Zeiss).

J’ai éliminé la dentine carieuse au moyen de fraises LN (DENTSPLY Maillefer). La chambre pulpaire présentait une grande quantité de tissu calcifié (Fig. 3), que j’ai également éliminé avec des fraises LN. Il a été aisé de retirer l’hydroxyde de calcium à l’aide d’acide citrique à 10 %. Après la création d’un orifice d’accès propre et net, le traitement réel du canal radiculaire a pu être entrepris. Deux canaux mésiaux ont été localisés et préalablement évasés au niveau coronaire avec une lime ProTaper SX (DENTSPLY Maillefer ; Fig. 4). Une lime K ISO 10 (DENTSPLY Maillefer ; Tableau I) et le localisateur d’apex Root ZX mini (J. Morita Europe) ont servi à déterminer la longueur de travail. Des limes K Flexofiles n° 15 et 20 ont ensuite été utilisées pour établir la perméabilité canalaire (ce que l’on appelle communément le « glide path »).

Le nettoyage a été réalisé avec de l’hypochlorite de sodium (NaOCl) à 3 %, soumis plusieurs fois à une activation ultrasonique au moyen d’un embout IrrisafeTM (Satelec) pendant la procédure. L’activation ultra-sonique de la solution d’irrigation permet d’éliminer plus efficacement le tissu organique, les débris et les bactéries planctoniques.4 C’est une technique très simple et bon marché, et elle devrait être intégrée dans chaque traitement endodontique de routine.

La mise en forme des canaux mésiaux a été effectuée avec des limes ProTaper S1, S2 et F1, alors que celle du canal distal l’a été avec une lime ProTaper F2. Le canal a ainsi une conicité suffisante mais un petit diamètre apical. La mise en forme du diamètre apical est au centre de nombreuses controverses. En ce qui me concerne, je préfère un diamètre apical d’au moins 30 car je réalise le rinçage avec une aiguille d’irrigation de calibre 30. De cette manière, le NaOCl entre en contact direct avec la dentine apicale5 et permet une élimination nettement meilleure des débris de la partie apicale de la racine.6 Un diamètre apical plus important des canaux mésiaux a été réalisé en amenant une lime ProFile de diamètre et conicité 30.06 (DENTSPLY Maillefer) à la longueur de travail. Une lime de diamètre et conicité 35.06 a été utilisée pour le canal distal. Le maintien de la perméabilité des trois canaux durant tout le traitement a été assuré par une lime K ISO 10.

Après leur mise en forme, les canaux ont été rincés à l’acide citrique à 10 %, soumis à trois activations ultrasoniques de 20 secondes au moyen d’un embout Irrisafe. Lors de la troisième activation, l’embout s’est brisé et est resté bloqué dans l’isthme séparant les canaux mésiaux. Des boulettes de coton ont été placées dans le canal mésio-lingual et le canal distal, afin d’empêcher le fragment d’instrument d’y pénétrer pendant sa récupération (Fig. 5), qui a été effectuée à l’aide d’un autre embout Irrisafe (Fig. 6). Un rinçage final a été réalisé à l’hypochlorite de sodium (NaOCl) à 3 %, chauffé par une exposition répétée au système B (SybronEndo). Finalement, des cônes de gutta-percha de conicité 06 ont été insérés par des mouvements de pompage. Selon les données de la littérature, l’effet de pompage est une méthode d’irrigation manuelle dynamique beaucoup plus efficace que l’irrigation ordinaire.7

Une radiographie confirmative des maîtres cônes de gutta-percha (DENTSPLY Maillefer) mis en place a été prise (Fig. 7), puis les canaux ont été séchés avec des pointes en papier (Roeko).

L’obturation a été réalisée par une technique hybride faisant intervenir une condensation latérale à froid, pour combler les 4 mm de la partie apicale. Ensuite, l’embout du système B a été inséré dans le canal sur une distance mesurant 4 mm de moins que la longueur de travail. L’obturation rétrograde a été réalisée au moyen d’une pièce à main Extruder du système d’obturation Elements. Le ciment de scellement TopSeal (DENTSPLY Maillefer), utilisé comme matériau d’obturation, a été mis en place par petits ajouts individuels de 2 mm, afin de réduire la contraction du produit. Pendant l’obturation rétrograde, je pouvais observer le comblement de l’isthme avec la gutta-percha (Fig. 8), ce qui est le résultat attendu. Des restes de tissu laissés dans l’isthme auraient pu mener à un échec. Après l’obturation, l’excès de matériau de scellement a été éliminé de la chambre pulpaire avec de l’alcool à 96 % (Fig. 9). Le ciment Fuji IX GP Fast A2 (GC Europe) a ensuite été utilisé, pour élaborer une restauration provisoire.

Les dernières radiographies (Fig. 10) ont été prises et, après avoir été informée d’une possible gêne postopératoire, la patiente est retournée chez elle, munie d’une prescription d’ibuprofène 400 mg.

Conclusion

L’endodontie a connu plusieurs révolutions technologiques par le passé, notamment l’isolement par une digue de caoutchouc, le nettoyage à l’hypochlorite de sodium (NaOCl) et la mise en forme par les instruments rotatifs. Aujourd’hui, nous nous appuyons encore sur ces principes et nous les développons davantage, afin de faciliter le traitement, le rendre plus sûr et parvenir à des résultats beaucoup plus favorables.

Note de la rédaction : une liste des références est disponible auprès de l’auteur.
Cet article est paru dans le magazine DT Study Club, Vol.2, numéro 2, juin 2014.

 

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