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Traitement de dents compromises: les suspects habituels

Selon une étude menée par Guarnieri et al., un traitement parodontal actif chez des patients atteints de parodontite chronique, suivi d’une maintenance régulière sur le long terme, permettait de conserver la majorité des dents compromises en raison d’une atteinte du parodonte. (Photo : Shutterstock/Antonio Diaz)

Les innovations et itérations constantes dans les technologies et les matériaux dentaires ont élevé la sophistication des modalités de traitement à un niveau historique. Pourtant, lorsque nous nous concentrons sur la nouveauté, l’exaltation que nous procurent les résultats nous fait oublier le but de l’activité. Les implants dentaires en sont un bon exemple. Lorsqu’ils sont apparus, ils ont été considérés comme la nouvelle norme absolue pour le remplacement de dents compromises, malgré les études indiquant que les traitements endodontiques garantissent une fonction dans le temps de l’ordre de 91 à 97 %.1 Cette nouveauté a été entachée par des rapports indiquant que les taux de prévalence moyens pondérés de la péri-implantite et la mucosite péri-implantaire étaient de 43 % en Europe, et de 22 % en Amérique du Sud et du Nord. 2 La survenue et la progression de la maladie péri-implantaire sont sous l’influence de multiples facteurs ; malheureusement, son traitement n’est que favorable à court terme, car la maladie est associée à un taux élevé d’inflammation persistante et de récidive. 3

Selon une étude menée par Guarnieri et al., un traitement parodontal actif chez des patients atteints de parodontite chronique, suivi d’une maintenance régulière sur le long terme, permettait de conserver la majorité des dents compromises en raison d’une atteinte du parodonte. 4 Chez ces mêmes patients, on observait une tendance plus élevée à perdre les implants qu’à perdre les dents. La série d’études de cas présentée dans cet article fournit des orientations décisionnelles quant aux meilleures pratiques qui favorisent la rétention des dents compromises à l’aide de traitements endodontiques.

Étude de cas 1 : la CBCT en endodontie

L’avantage le plus important de la CBCT en endodontie est la visualisation en 3D des caractéristiques anatomiques, ce que les clichés intra-oraux, panoramiques et céphalométriques ne permettent pas. De plus, comme la reconstruction des données CBCT est initialement effectuée à l’aide d’un ordinateur personnel, les données peuvent être réorientées selon les relations spatiales réelles.

En octobre 2015, un homme de 55 ans, qui avait déjà été traité au cabinet, s’est représenté spontanément pour une seconde opinion concernant l’extraction recommandée d’une dent suspectée de fracture dans le quadrant maxillaire droit.

Il a indiqué qu’un léger gonflement était apparu au cours de la dernière semaine. L’examen clinique a révélé une enflure entre les dents 15 et 14, et le sondage a montré un défaut de 12 mm le long de la ligne de transition mésio-buccale de la dent 15.

Le patient disposait d’une radiographie périapicale montrant une radio- clarté périradiculaire mésio- proximale associée à cette dent 15 (Fig. A). La coupe sagittale de l’imagerie CBCT (Carestream CS 9000, Carestream Dental) a révélé l’étendue de la lésion (Fig. B). Seul le canal de la racine vestibulaire avait été détecté et traité lors du traitement endodontique précédent. La coupe axiale a montré l’absence de traitement du canal de la racine palatine (Fig. C). Un tenon fibré avait été utilisé pour assurer la rétention de la reconstitution corono-radiculaire. Le patient a été informé de la mauvaise orientation du tenon qui s’étendait dans le ligament parodontal. Le patient a donné son accord pour le traitement endodontique sélectif de la racine palatine.

Après une période de six semaines de traitement à l’hydroxyde de calcium (UltraCal XS, Ultradent Products ; Figs. D et E),  l’espace canalaire a été obturé à l’aide d’une technique de condensation verticale à chaud.6Le matériau d’obturation s’était introduit dans l’orifice d’un canal latéral (Fig. F). Le suivi à quatre ans a montré la cicatrisation de la lésion latérale (Figs. G–I).7

La suspicion initiale de fracture radiculaire était donc infondée, ce qui suggère que le diagnostic de pathologies reposant sur une acquisition de données insuffisante n’est pas fiable.

L’utilisation de la CBCT est essentielle dans tout traitement endodontique, à condition que les règles connues sous le nom de « principe ALARA » (aussi faible que raisonnablement possible) concernant la dose de rayonnement soient respectées.

Cas 1 – Fig. A : Une zone de raréfaction de tissu périradiculaire était visible le long de la face mésio-proximale de la dent 15. On notait un traitement endodontique ainsi qu’une reconstitution corono-radiculaire stabilisée par un tenon et surmontée d’une couronne en zircone. Fig. B : La coupe sagittale de l’imagerie CBCT a montré la lésion latérale s’étendant jusqu’à la crête alvéolaire. Fig. C : La coupe axiale de l’imagerie CBCT a montré l’étendue de la raréfaction du tissu adjacent à la paroi mésiale de la racine, et la présence d’un canal palatin resté sans traitement. Fig. D : Un traitement sélectif du canal palatin a été effectué. L’espace canalaire a été obturé au moyen d’hydroxyde de calcium. Fig. E : L’extrusion de l’hydroxyde de calcium provisoire à travers la zone sulculaire de la dent 15 était visible. Fig. F : Un canal latéral de l’espace canalaire contenant le matériau d’obturation débouchait au niveau de l’interface des tiers médian et apical de la racine. Fig. G : Une radiographie périapicale prise quatre ans après le traitement a montré une régénération osseuse et la reformation du desmodonte. Fig. H : La coupe coronale de l’imagerie CBCT a montré la radioclarté périradiculaire préopératoire. Fig. I : La coupe coronale de l’imagerie CBCT prise quatre ans après le traitement a confirmé la disparition de la radioclarté périradiculaire.

Étude de cas 2 : résection radiculaire (lésion parodontale et endodontique)

La résection d’une racine est une option de traitement pour les molaires présentant une atteinte avancée de la furcation. Une étude de Derks et al. a montré une probabilité de survie des molaires inférieures de près de 80 % après une résection radiculaire, même deux ans après le traitement.

En octobre 1998, un homme de 39 ans s’est présenté au cabinet en raison d’une sensibilité gingivale dans le quadrant mandibulaire droit. Une perte osseuse importante a été notée au niveau de la région interproximale des dents 47 et 46 ; toutefois, l’état parodontal général se situait dans les limites de la normale.

Le test de sensibilité pulpaire des dents du quadrant mandibulaire droit a révélé une nécrose pulpaire de la dent 46 (Fig. A). Il a été expliqué au patient que l’issue du traitement des lésions parodontales et endodontiques était en général défavorable et que la réussite dépendait de l’ampleur de la perte osseuse, de la longueur du tronc radiculaire, du degré de séparation des racines, de la courbure de la racine à réséquer, de la capacité à éliminer le défaut osseux, de l’état pulpaire, du traitement requis pour la restauration et des mesures adoptées pour l’hygiène bucco-dentaire.

Avec l’accord du patient, la racine distale de la dent 46 a été réséquée tout en préservant la partie de la couronne sus-jacente (Fig. B). Quelque temps après la résection, le chirurgien-dentiste qui nous avait adressé le patient a complété le traitement des dents 47 et 46 par la pose d’une contention constituée de composite et de fibres renforcées Ribbond.

Vingt-deux ans après le traitement initial, la régénération osseuse et la reconstitution de l’os cortical dans la région de la furcation étaient visibles entre les dents 47 et 46 (Fig. C).

Les progrès réalisés dans les stratégies de rétention des dents compromises, associés à une meilleure compréhension des facteurs de risque liés aux implants dentaires, encouragent à une réévaluation des avantages offerts par l’extraction d’une dent en cas de pronostic incertain ou de valeur stratégique limitée.9 Avec les traitements d’augmentation des tissus durs et mous, les techniques par fibrine riche en plaquettes, ou par lambeaux et sutures minimalement invasives effectuées sous microscope opératoire dont nous disposons, il est insensé de sacrifier une dent pour un implant alors que cette respectable option de traitement que représente la résection radiculaire offre un pronostic et des taux de réussite favorables.10

Cas 2 – Fig. A : Une perte osseuse entre les dents 47 et 46 ainsi qu’une perte des desmodontes autour de la région apicale des racines mésiales et distales étaient toutes deux visibles. Fig. B : Après la résection de la racine distale, le degré de perte osseuse semblait avoir augmenté. Fig. C : Un suivi à 22 ans a montré une régénération de l’os interproximal perdu et la reconstitution de l’os cortical de la crête alvéolaire.

Étude de cas 3 : cavité de résorption

Les cas de résorption interne progressive ou de perforation radiculaire peuvent être distingués de la résorption externe par diverses techniques radiologiques. Si plusieurs radiographies sont prises sous des angles différents, la lésion radioclaire observée reste statique par rapport au canal en cas de résorption interne. Par contre, la position de la lésion change autour du canal dans le cas d’une résorption externe.11, 12

En mars 1999, une femme de 47 ans s’est présentée au cabinet avec une enflure du visage et une sensibilité de la dent n 11 à la percussion. Une radiographie périapicale du sextant maxillaire antérieur a révélé d’importantes restaurations de classe III et IV. La dent 11 présentait une raréfaction du tissu périapical. La dent 21 présentait une résorption interne à mi-hauteur de la racine (Fig. 1999 A). La patiente a indiqué que la dent 21 avait été traumatisée quelque 35 ans auparavant.

En l’absence d’imagerie CBCT, il a été supposé que la résorption avait causé une perforation de la paroi vestibulaire de la racine et atteint l’os cortical sus-jacent.

Selon le test de sensibilité pulpaire des dents antérieures, la dent 11 était dépulpée. Un traitement endodontique a été réalisé, puis cette dent a été obturée par une technique de condensation verticale à chaud. En ce qui concerne la dent 21, le traitement a consisté à instrumenter cette dent jusqu’au niveau coronaire de la cavité de résorption et le canal a été obturé avec un agrégat minéral de trioxyde blanc (Fig. 1999 B).13 Si cette dent devait être traitée aujourd’hui, le matériau d’obturation choisi serait le ciment EndoSequence BC (Brasseler). Actuellement, la tendance est à l’utilisation d’une approche régénératrice par injection de fibrine riche en plaquettes pour traiter les résorptions internes, car cette approche présente un grand potentiel de cicatrisation à long terme.14

Le suivi réalisé après 21 ans a montré l’absence totale de radioclarté périradiculaire associée à la dent 11 et une réduction de la taille de la cavité de résorption (Figs. 2020 C et D).

Cas 3 – Fig. 1999 A : La radiographie périapicale intraorale a révélé une radioclarté périradiculaire au niveau de l’apex radiculaire de la dent 11. Une zone étendue de résorption interne était visible à mi-hauteur de la racine de la dent 21. La résorption avait entraîné une perforation de la paroi latérale de la racine et atteint l’os interproximal. Fig. 1999 B : Une radiographie postopératoire a montré le traitement endodontique de la dent 11. La dent 21 a été scellée avec un agrégat minéral de trioxyde blanc jusqu’au niveau coronaire de la cavité de résorption, car elle présentait une très légère coloration radiculaire. Fig. 2020 C : La radioclarté périradiculaire de la dent 11 a disparu. Le degré de résorption a diminué et des dépôts radioclaires étaient visibles dans la cavité de résorption. Fig. 2020 D : La coupe sagittale de l’imagerie CBCT a montré une plaque osseuse corticale intacte. La présence de dépôts calcifiés était visible dans la cavité de résorption résiduelle dont la taille avait considérablement diminué.

Étude de cas 4 : dent fêlée

Dans une étude de 2 086 dents fêlées menée par Krell et Caplan,15 les dents les plus fréquemment atteintes étaient les deuxièmes molaires inférieures (36 %), suivies des premières molaires inférieures (27 %) et des premières molaires supérieures (18 %).

Le diagnostic pulpaire (pulpite irréversible, 85 % ; nécrose, 80 % ; traitement préalable, 74 %), l’âge ou le sexe des patients, l’année du traitement, le type de dent, le matériau de restauration ou le nombre de surfaces restaurées au moment de l’examen n’avaient pas donné lieu à des différences statistiquement significatives en termes de réussite du traitement.

En juillet 2014, une femme de 45 ans s’est présentée au cabinet pour une enflure de la papille distale de la dent 14 présente depuis dix jours. L’examen clinique a permis d’observer une restauration occlusale en amalgame dont le joint était sondable au niveau de la crête marginale distale.

Les profondeurs de sondage le long des lignes de transition disto-buccales et linguales indiquaient un défaut infra- osseux de 8 mm. La radiographie périapicale a montré une restauration en amalgame de petite taille et une radioclarté verticale et oblique dans la région interproximale des dents 14 et 15.Une ligne de fracture était présente et s’étendant dans la limite marginale mésiale (Figs. A et B). La vitalité de la dent a été évaluée à l’aide de tests pulpaires thermiques et électriques et ceux-ci n’ont donné lieu à aucune réaction.

Les options de traitement ont été expliquées à la patiente : (1) extraction et restauration par un bridge fixe à trois unités ; (2) extraction, augmentation des tissus mous et durs et restauration sur implants ; ou (3) traitement endodontique et restauration avec protection cuspidienne.

La patiente a été informée de l’issue incertaine du pronostic associé à la troisième option ; toutefois, des raisons financières l’ont menée à choisir cette option. Il convient de noter que la prise en charge du syndrome de la dent fêlée varie en fonction de la gravité des symptômes et de la profondeur de la structure dentaire atteinte. Le traitement endodontique a été réalisé par une technique de condensation verticale à chaud (Fig. C).

L’orifice d’accès a été scellé par un composite hybride fluide au moyen du système de matrice Bioclear conçu par le Dr David Clark. La radiographie prise lors du suivi à six ans (2020) a montré une régénération osseuse dans la région interproximale et la disparition du défaut parodontal (Figs. D et E).

 

Conclusion

Le processus de planification du traitement requiert la prise en compte d’une multitude de données relatives à l’état de la dent et de la structure radiculaire. Le guide décisionnel de l’AAE (American Association of Endodontists) encourage le clinicien à considérer les problèmes localisés et systémiques spécifiques au cas, la situation financière, les souhaits et les besoins du patient, l’esthétique, les résultats indésirables potentiels et les facteurs éthiques. Le traitementeffectué doit refléter les pratiques les mieux adaptées aux besoins du patient (www.aae.org/treatmentoptions).

Références :
1 Friedman S, Mor. C. The success of endodontic therapy – healing and functionality. J Calif Dent Assoc. 2004 Jun;32(6):493–503.
2 Dadresanfar B, Rotstein I. Outcome of endodontic treatment: The most cited publications. J Endod. 2021 Dec; 47(12):1865–74.
3 Bhide V. Regenerative surgical therapy for the treatment of peri-implantitis: A case report. Oral Health, 2021.
4 Guarnieri R, Di Nardo D, Di Giorgio G, Miccoli G, Testarelli L. Longevity of teeth and dental implants in patients treated for chronic periodontitis following periodontal maintenance therapy in a private specialist practice: A retrospective study with a 10-eyar follow-up. Int J Perio Rest Dent. 2021 Jan-Feb; 41(1):89–98.
5 Scarfe WC, Levin MD, Gane D, Farman AG. Use of cone beam computed tomography in endodontics. Int J Dent. 2009;2009:634567.
6 Schilder H. Filling root canals in three dimensions. J Endod. 2006 Apr;32(4):281–90.
7 Kim D, Kim E. Antimicrobial effect of calcium hydroxide as an intracanal medicament in root canal treatment: a literature review – Part I. In vitro studies. Restor Dent Endod. 2014 Nov;36(4):241–52.
8 Derks H, Westheide D, Pfefferle T, Eichkholz P, Dannewitz B. Retention of molars after root resective therapy: A retrospective evaluation of up to 30 years. Clin Oral Investing. 2018 Apr;22(3):1327–35.

Note éditoriale:

Note de la rédaction : Cet article a été initialement publié dans le magazine roots – international magazine of endodontics, Vol. 18, numéro 2/2022 et dans le journal Dental Tribune France Vol. 15, No. 2

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